M. Philippe Bas, rapporteur. Exactement !
M. Stéphane Artano. … certes, mais j’aimerais ajouter une autre préconisation, qui concerne le texte même de la question posée. Je me suis personnellement confronté pendant deux ans à certains élus de mon territoire,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Lesquels ?
M. Stéphane Artano. … dont la volonté, relayée par le Gouvernement, était de vouloir introduire par voie référendaire une modification du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Gouvernement a finalement fait le choix de reculer, mais la question posée était, de mon point de vue, extrêmement ambiguë.
Loin de vouloir ouvrir une polémique avec le Gouvernement, j’insiste néanmoins sur l’impérieuse nécessité de faire en sorte que la question posée pour la Nouvelle-Calédonie soit claire et sans aucune ambiguïté. La réponse doit être oui ou non.
La formulation de la question ne doit pas être l’occasion d’ouvrir un nouveau débat sur l’avenir institutionnel, sinon les efforts déployés pour rendre incontestable cette consultation voleraient en éclats, et nous risquerions d’ouvrir une crise politique majeure que ce territoire n’a pas le luxe de s’offrir aujourd’hui.
Je sais combien le congrès de la Nouvelle-Calédonie et l’ensemble des forces politiques seront vigilants sur ce point.
Mais, ne nous y trompons pas, cette consultation ne réglera pas le sujet de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Celui-ci ne se résume pas à savoir si la Nouvelle-Calédonie doit ou non devenir un État souverain ; la réalité est beaucoup plus complexe.
En fait, ce qui se joue depuis quelques décennies en Nouvelle-Calédonie, c’est le vivre ensemble, que j’associe au troisième pilier de notre devise républicaine : la fraternité. Dans un contexte que nos collègues calédoniens pourraient mieux décrire que moi, cette consultation risque de créer une nouvelle fracture entre des populations qui cherchent une nouvelle voie pour mieux vivre ensemble. J’y insiste, indépendamment de l’aspect strictement législatif et institutionnel, tout doit être fait pour que cela n’arrive pas.
Au-delà de la loi se joue là le destin de populations qui souhaitent, avant tout, trouver un juste équilibre dans le respect de leurs réalités respectives. Nous ne prétendons pas avoir la solution, et je crois que, sur ce sujet, il appartient aux Calédoniens eux-mêmes de construire cette troisième voie du vivre ensemble. Or celle-ci ne passe pas seulement par la loi ; elle passe par l’intelligence collective, qui irrigue la Nouvelle-Calédonie, et qui s’est traduite voilà quelques minutes dans les propos de notre collègue Gérard Poadja, Kanak, Calédonien et Français. Faisons en sorte que cette triple appartenance perdure en toute sérénité dans notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Frogier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, la France ou l’indépendance ? L’indépendance ou la France ? Tel est le choix que les Calédoniens auront à faire avant la fin de cette année.
C’est dans ce contexte que nous sommes appelés aujourd’hui, une nouvelle fois, à modifier la loi organique de 1999. Il s’agit de traduire juridiquement le compromis politique sur le corps électoral qui a été trouvé, sous l’autorité du Premier ministre, lors du comité des signataires du mois de novembre dernier.
On ne peut que se réjouir, bien sûr, qu’un accord ait été trouvé sur la question délicate de la composition de la liste référendaire. Cela devrait contribuer à rendre ce scrutin incontestable.
Je me félicite par ailleurs, madame la ministre, que le Gouvernement présente un amendement visant à mieux encadrer l’usage des procurations. Je vous remercie de nous avoir entendus, ce qui n’était pas évident au départ, car le caractère de cette consultation exige que chacune et chacun d’entre nous s’expriment personnellement. Le vote par procuration doit rester l’exception. Il y va de la sincérité de ce scrutin d’autodétermination.
Je voterai donc en faveur de ce texte.
Voilà pour ce qui est de la préparation technique de cette consultation, mais l’essentiel n’est pas là.
Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre, que vous accompagniez au congrès, madame la ministre, a affirmé devant la représentation territoriale – vous l’avez entendu comme moi – que le peuple calédonien serait amené à s’exprimer souverainement – j’insiste bien, car les mots ont un sens –, lors de la consultation d’autodétermination.
Que le Premier ministre de la France fasse référence dans son discours à un peuple distinct du peuple français qui, de surcroît, serait souverain, et ce à quelques mois du scrutin d’autodétermination, ne peut pas être une maladresse.
Une telle expression marque une orientation : inscrire d’ores et déjà la Nouvelle-Calédonie en marge de l’ensemble français ; donner des gages aux indépendantistes, que l’on sait pourtant minoritaires parmi les citoyens calédoniens.
C’est la poursuite de l’ambiguïté à laquelle nous ont déjà habitués les gouvernements de François Hollande pendant cinq ans. Signe des temps, d’ailleurs, comme sous la majorité précédente, c’est toujours l’ancien directeur de cabinet de François Hollande, haut fonctionnaire d’une grande respectabilité par ailleurs, qui représente l’État en Nouvelle-Calédonie et qui préside à nos échanges, dans une continuité tranquille, par-delà les alternances.
Cette ambiguïté, elle est partout dans la manière dont l’État aborde cette consultation.
Ne nous y trompons pas, dans cette affaire, les positions respectives des partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France et des indépendantistes sont parfaitement connues. Le seul acteur dont l’avis n’est pas connu, le seul qui refuse de s’engager dans ce débat, le seul qui ne veut pas dire ce qu’il veut, c’est l’État ! Comme s’il avait peur de dire que le fait que des centaines de milliers de Français pourraient quitter l’ensemble national ne lui est pas indifférent. Est-ce si difficile pour l’État de dire son attachement à une Nouvelle-Calédonie dans la France ?
Au lieu de prononcer ces mots simples, madame la ministre, vous nous demandez de nous réunir à Nouméa – j’ai bien entendu vos propos lors des vœux que vous avez prononcés en votre ministère – pour poursuivre le dialogue politique.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Pour ne contrarier personne, vous nous demandez de nous réunir en groupes de travail, afin de préparer, du moins est-ce ainsi que je l’interprète, l’hypothèse d’une Nouvelle-Calédonie dans la France, mais aussi celle d’une Nouvelle-Calédonie indépendante. Mais je ne tomberai pas dans ce piège !
Je n’ai certainement pas reçu mandat de préparer, même sous forme d’hypothèse de travail, le scénario d’une Nouvelle-Calédonie indépendante ou associée à la France. Toute l’histoire du parti politique que je préside, toute mon histoire personnelle tendent à permettre à la Nouvelle-Calédonie de rester française.
Et l’État, à quelques mois d’un référendum politiquement mal préparé – je le dis et le répète depuis tant d’années –, voudrait que je donne ma caution à cette démarche …
Mes chers collègues, je vous le dis très clairement : l’État n’a, par définition, aucune légitimité pour préparer l’indépendance, tout simplement parce que l’indépendance serait la fin du lien politique et juridique avec la France.
Dans ces conditions, madame la ministre, je vous demande solennellement, devant la représentation nationale, de préciser le cadre politique des groupes de travail animés par le représentant de l’État en Nouvelle-Calédonie. Préparons-nous aussi l’indépendance, ou une solution qui s’y apparenterait ?
J’attends de votre part une réponse claire, pour permettre à chacun de se positionner en conscience : oui, l’État vous demande d’évoquer aussi l’hypothèse de l’indépendance ; ou non, l’État prépare la seule situation qui relève de sa compétence, le maintien dans la France. Il ne devrait pas être difficile pour un responsable national de répondre à cette question aussi clairement que je la formule.
S’il s’agit de préparer notre avenir dans la France, comme c’est la responsabilité première de l’État, dites-le, et je m’y engagerai de toutes mes forces. Mais s’il s’agit aussi de préparer l’hypothèse d’une indépendance, ou d’une indépendance-association, je vous combattrai résolument.
Madame la ministre, la première qualité d’un responsable politique est la lucidité. Or la lucidité, c’est de constater, comme je l’ai fait, que le temps de la recherche d’un nouvel accord politique est derrière nous.
Signataire des accords de Matignon, signataire de l’accord de Nouméa, j’ai tenté pendant près de dix ans – oui, dix ans – d’emprunter tous les chemins possibles, sans exception, pour empêcher qu’un référendum brutal et mal préparé ne vienne anéantir tout ce que nous avions patiemment construit.
Depuis six ans, au lieu de m’accompagner sur ce chemin et malgré les gestes que j’ai faits pour l’y encourager, l’État a choisi de gagner du temps, parfois même de me combattre. C’est sa responsabilité, mais qu’il assume désormais ses ambiguïtés successives.
Ce que je demande à l’État, tout simplement, car il le doit à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, c’est de la clarté à la veille de ce référendum.
Cela m’amène à ma seconde question. Il existe une grande crainte parmi nous, déjà évoquée par nombre d’orateurs : celle que l’État ne propose aux suffrages des Calédoniens une question alambiquée, une question ambiguë.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que votre intention est bien de demander aux Calédoniens s’ils souhaitent, ou non, le maintien dans la France, sans aller à la recherche de formulations susceptibles de biaiser l’expression de leur volonté ?
Je vous remercie des réponses que vous pourrez nous apporter, car, si le temps de la recherche d’un nouvel accord est passé, la période qui nous sépare de la consultation ne peut pas être celle de l’ambiguïté ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Jean-Louis Lagourgue l’a rappelé avec des mots pleins de sens : la Nouvelle-Calédonie s’apprête à tourner une page décisive de son histoire.
En novembre prochain, trente ans après les accords de Matignon, vingt ans après celui de Nouméa, le référendum devra bien ouvrir une nouvelle étape pour construire l’avenir de ce territoire. La page, aujourd’hui encore blanche, devra alors s’écrire avec l’aide et la participation de tous.
Quelle sera-t-elle ? Nul à cet instant ne le sait, mais, en raison des accords intervenus, le référendum est inéluctable.
On peut comprendre – je l’avais écrit avant de l’entendre – que Pierre Frogier et d’autres auraient préféré l’éviter, en raison de son caractère binaire.
Trouver une solution consensuelle, sans gagnant ni perdant, avant le référendum, en profitant des traditions encore vivaces, de la palabre, de la coutume pour y parvenir, était une option raisonnable, certainement très sage. Mais cela ne s’est pas fait. L’esprit qui avait inspiré Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou n’était pas au rendez-vous. On peut le regretter, mais il faut le constater. Dès lors, il fallait commencer par réussir cette consultation pour passer à l’étape suivante.
Je connais et salue l’esprit de responsabilité des deux sénateurs calédoniens, Pierre Frogier et Gérard Poadja ; nous avons besoin d’eux pour avancer dans la direction dans laquelle nous voulons tous aller ensemble.
Pour coconstruire et préserver l’équilibre fragile de ce référendum, un comité dit des signataires de l’accord de Nouméa s’est réuni régulièrement pendant deux décennies. Il a assuré, parfois difficilement, un dialogue continu entre l’ensemble des parties prenantes.
Il faudra, demain, avoir soin de consolider, sous une forme ou sous une autre, cette instance de dialogue, pour que les résultats de la consultation sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, quelle qu’en soit l’issue, ne lèsent, ni ne blessent, ni n’écartent aucune des parties. Elle devra offrir à chacune une place autour de la table de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, pour construire la suite.
Pour ma part, j’aime l’idée, à laquelle Mme la ministre aussi a fait référence, de la grande palabre à l’océanienne, souvent évoquée par mon collègue Pierre Frogier, acteur essentiel et historique, au côté de Jacques Lafleur, de la vie calédonienne de ces dernières années.
Pour que cette consultation ne soit sujette à aucune remise en cause ni contestation, le projet de loi organique assure la mise en place de règles nouvelles ; je n’y reviens pas, tous les orateurs en ayant déjà parlé abondamment et méticuleusement.
Je salue le travail efficace du Premier ministre, Édouard Philippe, qui joue dans ce processus un rôle essentiel, loué par Philippe Gomès, député de la Nouvelle-Calédonie, en ces termes : « C’était important d’avoir la bonne personne à ce moment de notre histoire, et je crois qu’Édouard Philippe est la bonne personne. » Cela suffit à résumer la responsabilité entière que le Premier ministre assume. Je ne doute pas, monsieur Frogier, que vous trouviez dans l’esprit de responsabilité qui l’anime sur ce sujet les réponses que vous attendez.
Ce qu’il faut désormais, c’est prévoir la suite. En effet, le référendum, quel que doive en être le résultat, ne permet pas de faire l’impasse sur les grands sujets d’avenir.
C’est la raison pour laquelle le comité des signataires de novembre 2017 – je l’ai constaté en lisant le compte rendu – a dressé une feuille de route préparant l’étape d’après. Des thématiques essentielles y sont abordées, comme l’économie liée au nickel ou la jeunesse calédonienne et les enjeux qu’elle représente.
Le Sénat est très sensible à cette approche. Le président Larcher avait mis en place, dès novembre 2015, un groupe de contact, qui existe toujours, chargé de réfléchir de façon large à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Mme la présidente. Mon cher collègue, votre temps de parole est nettement dépassé…
M. Jérôme Bignon. Alors, je termine, madame la présidente, en disant que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera le projet de loi organique sans en toucher une ligne, comme nous y a invités notre rapporteur, avec la rigueur juridique qui le caractérise ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour discuter d’un projet de loi sur la Nouvelle-Calédonie. C’est dire la place spéciale, unique et primordiale qu’occupe ce territoire.
Nous tous, responsables politiques, sommes tendus vers l’objectif fixé : organiser dans l’harmonie et la concorde le référendum inscrit dans la loi organique de 1999.
Les dirigeants calédoniens ont assumé avec conscience leur devoir, et la consultation se fera dans la transparence et la confiance.
Je veux m’associer aux salutations adressées à cette haute conscience des responsabilités dont font preuve les Calédoniens aux moments cruciaux de leur histoire : ils font le pari de l’intelligence, avec leur grande capacité à se rassembler lorsque les circonstances l’exigent et à se projeter ensemble dans l’avenir.
Je tiens à saluer aussi l’engagement de l’État, qui s’est mobilisé pour dégager, conjointement avec les responsables calédoniens, la route quelque peu chaotique du référendum.
Le Premier ministre, en présidant le dernier comité des signataires et lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie l’an passé, s’est inscrit dans la lignée politique des visionnaires éclairés et vigilants du dossier calédonien.
Notre rôle, en tant que parlementaires, est d’accompagner la volonté des Calédoniens de tenir le référendum dans les termes du consensus qu’ils ont encadré. Avec le souci d’améliorer, peut-être, mais toujours, en tout cas, dans le respect fidèle de leurs décisions.
Les résultats de la consultation sont, de l’avis d’un grand nombre d’observateurs, connus d’avance et très certainement en défaveur de l’indépendance. Dès lors, était-il nécessaire d’en passer par cette étape, qui risque de raviver de mauvais souvenirs, de créer un sentiment d’humiliation chez certains, d’en tenter d’autres de retourner à la violence ?
Le questionnement sur un autre accord ou sur la déclaration commune pour le patrimoine commun était tout à fait légitime. Ce sont des questions qui me viennent à l’esprit, à moi qui ai connu, vécu les moments difficiles traversés par la Nouvelle-Calédonie durant la décennie quatre-vingt. Mais le choix des Calédoniens est d’aller aux urnes, et, encore une fois, nous avons grande confiance.
L’essentiel, désormais, sera la nécessaire poursuite de la route commune, après le référendum. Les trente années qu’on a voulu être celles du rééquilibrage et de la construction d’un destin commun n’ont pas donné satisfaction à tous. Les jugements reflètent les clivages traditionnels : les uns en font trop, les autres, pas assez.
Trente années suffisent-elles pour atteindre de telles ambitions, de telles aspirations ? Ce sont des modes de vie, des cultures qui se sont engagés à dialoguer et à partager afin de se construire un destin commun. C’est un pari difficile, pour lequel il faut des acteurs humbles, respectueux de l’autre, honnêtes dans le constat et dans la poursuite des nouveaux objectifs à fixer.
Je salue mes concitoyens originaires de Wallis-et-Futuna qui habitent en Nouvelle-Calédonie, où ils sont nombreux – près de 10 % de la population vivant sur ce territoire. Je les encourage à participer toujours avec ardeur, et dans le respect des autres, à la construction de leur terre d’accueil.
À travers Pierre Frogier et Gérard Poadja, je souhaite à tous les responsables politiques, coutumiers, religieux, administratifs et associatifs de cette belle contrée du Pacifique, à laquelle je suis si attaché, courage et succès dans la préparation du référendum.
À tous les habitants de la Nouvelle-Calédonie, quelle que soit leur origine, je veux redire la fidélité d’un homme qui a vécu sur cette terre qu’ils aiment pendant plus de trente années. J’ai toujours en tête l’appel du vieux Kanak qui vantait ses îles en affirmant : « Le paradis n’est pas loin, ne passez pas à côté ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Avant que nous n’entrions dans la partie technique du débat, je veux réaffirmer que le Gouvernement a conscience de son obligation d’être à la hauteur de ce scrutin historique. Nous le serons techniquement. Nous le serons aussi politiquement.
Je dois vous dire, monsieur Frogier, sans esprit de polémique, que j’ai du mal à accepter vos remarques sur le Haut-commissaire. Elles sont injustes, vis-à-vis d’un homme qui a voué une grande partie de sa vie à la Nouvelle-Calédonie, qu’il aime – vous le savez – et qui est à vos côtés tous les jours pour construire la Calédonie d’aujourd’hui et celle de demain. Il effectue le travail qu’on lui demande d’accomplir.
Pour répondre à votre question sur le dialogue politique, le climat doit être apaisé dès aujourd’hui. Les débats qui se déroulent sur le terrain, animés par le Haut-commissaire et à notre demande, ont pour objet de partager tout ce qui rassemble les Calédoniens, tout ce qui fait la force du dispositif qui se développe depuis trente ans. Ni plus, ni moins.
Il en va de même pour la notion de peuple. Je puis, moi aussi, l’utiliser, parce que, en fin de compte, elle est le corollaire de la citoyenneté calédonienne évoquée dans l’accord de Nouméa. Je dis donc aussi : « le peuple calédonien ».
Nous avons quelquefois, monsieur le sénateur, de grands débats sur ces sujets, et vous savez le plaisir que j’ai toujours à échanger avec vous. Au-delà de ce projet de loi organique, nous aurons de nombreuses occasions de le faire, et vous savez également que vous pouvez venir débattre avec moi de toutes ces questions – nous avons un différend ou deux sur la manière de présenter les choses…
Ne doutez pas que je suis totalement impliquée dans ma mission, sur un sujet qui est la priorité de mon ministère, comme l’a souhaité le Premier ministre, et qui le restera jusqu’au mois de novembre – peut-être un peu plus tôt… –, pour accompagner ce territoire dans l’organisation d’un moment qui, je le répète, sera historique.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie
Article 1er
Après le II bis de l’article 219 de loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. – L’année du scrutin, sans préjudice du droit pour les intéressés de demander volontairement leur inscription et sous réserve des vérifications nécessaires, la commission administrative mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 17 du code électoral et chargée, pour chaque bureau de vote de la Nouvelle-Calédonie, de dresser la liste électorale mentionnée au même alinéa inscrit d’office sur cette liste tout électeur qui, n’étant pas déjà inscrit sur une telle liste électorale, a son domicile réel dans la commune ou y habite depuis six mois au moins. La condition de résidence ou de domicile s’apprécie à la date de clôture définitive de ladite liste électorale.
« Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne portent aucune atteinte aux règles ci-dessus édictées pour l’inscription sur les listes électorales.
« Les conditions d’application du présent II ter sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ayant, voilà quelques années, mené, longtemps, une délégation en Nouvelle-Calédonie, je puis témoigner, à la suite de M. le rapporteur, Philippe Bas, et partageant pleinement ce qu’a dit, tout particulièrement, Jacques Bigot, que s’est opérée pendant ces trente années toute une maturation, à la faveur de nombreux dialogues et efforts de compréhension.
Vous me permettrez de citer, après Jacques Bigot, mon ami Michel Rocard. Mes chers collègues, il y avait tellement de violence, tellement d’incompréhensions, tellement de refus de se parler qu’il a fallu que quelqu’un adoptât dans la sphère politique une démarche inédite – beaucoup pensaient qu’elle ne réussirait jamais… –, de manière que, peu à peu, les esprits se rapprochent. Ainsi Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur ont-ils pu accomplir ce qui, de part et d’autre, paraissait absolument impossible.
Cher Pierre Frogier, vous savez le grand respect que je vous porte, mais je crois que les choses doivent être claires : les accords de Matignon, en 1988, puis l’accord de Nouméa, en 1998, ont prévu qu’il y aurait un vrai choix. La République, l’État, se doit de proposer ce vrai choix. Ensuite, que votre oui soit oui et votre non soit non…
En tout état de cause, madame la ministre, il est absolument nécessaire – M. Frogier a tout à fait raison – que la question soit infiniment claire. Par respect pour tous ceux qui, ensemble, ont créé, déjà, quelle que soit l’issue de la consultation, une Calédonie nouvelle.
Ce qui est très émouvant, lorsqu’on va en Nouvelle-Calédonie, c’est d’aller à l’île des Pins et de penser aux Communards qui y sont enterrés, eux qu’on avait envoyés à 18 000 kilomètres de Paris pour qu’ils fussent le plus loin possible. Pendant ce temps, madame la présidente, Victor Hugo à cette tribune parlait pour l’amnistie, et Le Figaro écrivait : « M. Victor Hugo a enterré l’amnistie sous des flots d’éloquence extraordinaire »…Victor Hugo a obtenu sept voix, sept malheureuses voix, mais il a montré le chemin de la paix.
Ce que Michel Rocard et de nombreux autres, des Calédoniens de part et d’autre, construisent depuis trente ans – on a, oui, donné du temps au temps, comme disait un Président de la République auquel Michel Rocard s’est parfois opposé… –, nous devons le considérer, de même que le référendum ainsi aménagé grâce à l’accord de tous, comme une œuvre de paix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Après l’article 218-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, il est inséré un article 218-3 ainsi rédigé :
« Art. 218-3. – À titre exceptionnel, l’année de la consultation qui sera organisée au cours du quatrième mandat du congrès et sans préjudice du droit, pour les intéressés, de demander volontairement leur inscription, la commission administrative spéciale procède à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation des électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux mentionnés au d de l’article 218, dès lors qu’ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans, appréciés à la date de la clôture définitive de la liste électorale spéciale et dans les conditions définies au dernier alinéa du même article 218.
« Cette durée de domiciliation, associée au fait d’être né en Nouvelle-Calédonie, constitue une présomption simple du fait qu’un électeur y détient le centre de ses intérêts matériels et moraux.
« L’inscription d’office n’a pas de caractère automatique et fait l’objet d’un examen par la commission administrative sur le fondement des éléments fournis par l’État.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. »