M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Aujourd’hui, en l’état du droit, les concessionnaires d’aménagements ne figurent pas dans la liste limitative des bénéficiaires de la DETR, c’est exact.
Toutefois, les entreprises publiques locales auxquelles vous faites référence – je me souviens avoir été, dans cette assemblée, le rapporteur de la loi pour le développement des sociétés publiques locales – sont des sociétés commerciales de droit privé. Elles n’ont pas vocation à être éligibles aux dotations budgétaires qui sont réservées aux collectivités locales et aux EPCI.
L’attribution directe d’une part de DETR à une entreprise pourrait d’ailleurs être qualifiée d’aide d’État au sens du droit européen, ce qui supposerait une analyse spécifique, tout nouveau régime d’aide devant être notifié à la Commission européenne. De surcroît, ces dispositions relèvent plutôt de la loi de finances.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° 74 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Antoine Lefèvre. Je remercie Mme la rapporteur et M. le ministre de leurs explications et je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 75 rectifié ter, présenté par MM. Lefèvre, Brisson, Vogel, Paccaud et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, M. Longuet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Rapin et Meurant, Mmes Lavarde, Lherbier et Bories, MM. Milon et Pemezec et Mmes Malet et Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 5 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, le mot : « livre » est remplacé par le mot : « code ».
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Il s’agit d’un amendement de coordination.
La rédaction du second alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme introduit une incertitude sur le champ de définition des opérations d’aménagement.
D’une part, l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme définit tant la notion d’aménagement que celle d’opération d’aménagement. Or ces définitions dépassent par leurs implications et leurs applications le seul livre III du code de l’urbanisme dédié à l’aménagement foncier, ou « aménagement en procédures » selon les praticiens de l’aménagement.
D’autre part, la référence à ce seul livre à l’article L. 300-1 n’apparaît pas totalement compatible avec le premier alinéa de l’article L. 300-4 du même code, qui fait clairement référence aux « opérations d’aménagement prévues par le présent code ».
La notion d’aménagement excède donc manifestement la notion de procédure de ZAC. Cette référence n’est pas sans impact sur le champ d’activité des sociétés publiques locales, outil de coopération publique-privée né d’une proposition de loi d’initiative sénatoriale adoptée à l’unanimité des deux assemblées parlementaires en 2010.
Cette rédaction est plus limitative que celle qui est prévue pour les sociétés publiques d’aménagement, les SPLA. En effet, les opérations d’aménagement accessibles aux SPL sont les opérations visées à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors que les SPLA « sont compétentes pour réaliser toute opération d’aménagement au sens du présent code », en application de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme.
Par suite, et afin de ne pas entraver les actions des collectivités locales en matière d’aménagement, il apparaît nécessaire de lever toute ambiguïté entre ces deux dispositions, en harmonisant la rédaction des dispositions conférant tant aux SPL qu’aux SPLA la faculté de réaliser des opérations d’aménagement.
Cette modification équivaudra ainsi à restaurer, dans sa rédaction applicable jusqu’au 1er octobre 2007, le second alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cette mesure pourrait effectivement avoir un impact juridique très important, la notion d’opérations d’aménagement figurant à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme servant de référence dans de très nombreux textes. Il convient d’être vigilant sur cette mesure qui entend revenir sur une disposition de l’ordonnance du 8 décembre 2005.
En ce qui concerne cet amendement de précision juridique, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Les sociétés publiques locales sont différentes des SPLA, comme vous l’avez d’ailleurs relevé dans votre intervention, monsieur Lefèvre. La mesure que vous proposez a des incidences juridiques qui dépassent largement la question de la définition des compétences des SPL, et qui n’ont manifestement pas été évaluées.
Si l’objectif premier de cet amendement est d’élargir les compétences des SPL, sur le modèle de ce qui est prévu pour les SPLA, il serait alors préférable de cibler la mesure sur ce point précis. Mais je ne suis pas certain que telle soit précisément votre intention.
En l’état, et même si je n’exclus pas d’approfondir le sujet à l’occasion d’un autre texte, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Si nous trouvons un véhicule législatif adapté, monsieur le ministre, nous verrons ultérieurement s’il est possible de reprendre la réflexion.
Quoi qu’il en soit, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° 75 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Antoine Lefèvre. Compte tenu des interventions de Mme la rapporteur et de M. le ministre, qui a lui-même reconnu l’intérêt de soulever ce point, je souhaite que l’on puisse trouver le véhicule législatif pertinent et précise ces dispositions.
Tout en prenant date, je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié ter est retiré.
Chapitre II
Favoriser la libération du foncier
Articles additionnels avant l’article 6 A
M. le président. L’amendement n° 307 rectifié bis, présenté par MM. Genest, Darnaud, Mandelli, Gremillet et Savary, Mmes Bruguière et Di Folco, MM. B. Fournier, D. Laurent et Grosdidier, Mme Morhet-Richaud, MM. Perrin, Raison et Revet, Mmes Troendlé, Deromedi, Delmont-Koropoulis et Deroche, MM. Savin et Charon, Mme Garriaud-Maylam et M. Danesi, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au b du 1° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, après les mots : « développement urbain », sont insérés les mots : « et rural ».
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. On pourrait penser que c’est par parallélisme des formes que nous voulons insérer les termes « développement rural », après les mots « développement urbain ». Oui, nous considérons que les territoires ruraux ont aussi le droit de se développer !
Au-delà de l’affichage, il est extrêmement important que les acteurs et les élus locaux puissent démontrer à l’administration, souvent encline à freiner les projets dans les départements ruraux, que le développement rural est inscrit dans la loi et qu’il n’y a pas de raison de s’y opposer systématiquement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. J’entends la remarque tout à fait légitime de notre collègue Jacques Genest, mais je considère que les objectifs d’urbanisme déjà énumérés prennent largement en compte les enjeux ruraux, en citant notamment l’équilibre entre populations résidant dans les zones rurales et urbaines, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, ou encore la diversité des fonctions rurales et urbaines.
Je ne suis pas sûre non plus du caractère normatif d’une telle mesure…
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je ne reprendrai pas l’excellent argumentaire de Mme la rapporteur – je trouve dans le mien des mots à peu près similaires…
Certes, il est toujours bon d’attirer l’attention sur les problèmes des territoires ruraux ! (Sourires.) Je vous demande toutefois de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur Genest, car il me semble d’ores et déjà satisfait.
M. le président. Monsieur Genest, l’amendement n° 307 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jacques Genest. On voit que vous avez été avocat, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.) J’espère que vous ferez passer le message aux administrations : dans le milieu rural, on a aussi le droit de se développer !
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 307 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 280 rectifié, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La fin de l’artificialisation nette du territoire d’ici 2025. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Par cet amendement, nous souhaitons aider le Gouvernement à atteindre ses objectifs en matière écologique. Ainsi, le plan Biodiversité, présenté au début du mois par le ministre de la transition écologique et solidaire, affiche un objectif de « zéro artificialisation nette des sols ».
Malheureusement, il ne précise ni l’échéance ni le véhicule législatif. Celui-ci est pourtant tout trouvé, puisque le projet de loi que nous examinons en ce moment prévoit un certain nombre de mesures pour lutter contre l’étalement urbain. Il serait fort dommage de laisser passer cette occasion.
Aussi, nous proposons de mettre en cohérence les objectifs du Gouvernement en inscrivant dans cette loi cette volonté d’arrêter l’artificialisation des sols, avec une échéance fixée à 2025. En effet, nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre. L’artificialisation du territoire est responsable de la perte de 236 hectares d’espaces naturels par jour, soit un département tous les sept ans !
Votre collègue Nicolas Hulot l’a parfaitement démontré, monsieur le ministre : l’urbanisation continue menace notre biodiversité. Toutes les espèces sauvages voient leurs habitats, quadrillés par nos routes et nos constructions, se réduire comme peau de chagrin.
Au-delà des conséquences pour notre environnement, dont j’ai peur qu’elles ne suffisent pas, à elles seules, à vous convaincre, monsieur le ministre, arrêtons-nous un instant sur les conséquences sociales.
L’étalement urbain entraîne une dégradation de la qualité de vie et de la santé des Français – allongement des temps de transport, pollution, etc. Ces phénomènes touchent, en premier lieu, nos concitoyens les plus démunis et entraînent un accroissement des coûts pour les collectivités territoriales. En effet, la diminution de la densité entraîne un renchérissement du coût des services publics – collecte des ordures, distribution d’eau potable, etc.
Par ailleurs, l’urbanisation massive entraîne une aggravation des catastrophes naturelles, particulièrement les inondations. Le bétonnage massif réduit d’autant la capacité d’absorption de nos sols, aggrave les ruissellements et les conséquences des intempéries, qui seront d’ailleurs amenées à se multiplier du fait du réchauffement climatique.
Nous ne pouvons plus nous permettre de dégrader petit à petit notre environnement. Nous en sommes les principales victimes.
Mes chers collègues, nous avons ici la possibilité d’agir et de respecter les engagements du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 281 rectifié, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La fin de l’artificialisation des surfaces agricoles utiles d’ici 2025. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à mettre fin à l’artificialisation des surfaces agricoles utiles d’ici à 2025.
Au sortir du débat sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, nous pouvons nous mettre d’accord sur cet objectif demandé par tous les syndicats agricoles. En effet, pour conserver la capacité de nourrir, demain, dix milliards d’êtres humains et pour préserver notre autonomie alimentaire, nous ne pouvons plus nous permettre de voir disparaître nos terres agricoles.
Ce sont ainsi deux millions d’hectares qui ont disparu depuis trente ans, soit l’équivalent de la Gironde et des Landes cumulées, les deux plus grands départements français.
Cette préservation des terres arables est d’autant plus indispensable que la détérioration de nos sols oblige à faire évoluer nos pratiques agricoles – alternance des cultures, développement du bio, etc. –, ce qui nécessitera davantage de surfaces agricoles utiles que notre actuel modèle intensif. Il est donc plus que temps de protéger les surfaces agricoles.
M. le président. L’amendement n° 1000 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif de zéro artificialisation nette du territoire d’ici 2025. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. À chaque nouveau texte sur le sujet – loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, etc. –, nous avons conscience de la situation d’urgence, puis nous passons à d’autres préoccupations, et nous avons parfois tendance à oublier.
En complément des propos de notre collègue Guillaume Gontard, je précise que 58 % des constructions se font encore par artificialisation, laquelle est plus rapide que l’augmentation de la population. L’étalement urbain se poursuit, avec des conséquences non seulement sur les sols agricoles et la biodiversité, mais aussi sur les émissions de gaz à effet de serre, ce phénomène s’accompagnant d’une augmentation du temps de trajet pour les ménages.
Le Gouvernement a mis en place une feuille de route conséquente en la matière, avec le volet consacré à l’artificialisation des sols du plan Biodiversité, qui fixe un objectif de zéro artificialisation nette du territoire. Cet objectif est à la fois ambitieux et nécessaire. Pour le respecter, il faudra fortement améliorer la mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser », qu’il ne faut jamais oublier dans le cadre du développement des territoires.
Toutefois, le plan Biodiversité ne prévoit pas d’échéance, et je crois que 2025 est un horizon temporel nécessaire au regard de l’urgence de la situation. Le plan ne prévoit pas d’inscrire cet objectif dans la loi, mais il me semble essentiel de le faire. En effet, la loi se doit de donner des signaux forts, afin de garantir l’efficacité du plan.
Cet amendement vise donc à préciser, dans les règles générales d’urbanisme, que les actions des collectivités territoriales doivent contribuer à atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette des sols d’ici à 2025.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ces trois amendements, quasi identiques, n’ont pas de portée opérationnelle réelle.
Les principes du code de l’urbanisme sont des orientations fondamentales et durables de l’action des collectivités territoriales et de l’État. Ils n’ont pas vocation à refléter des objectifs chiffrés relevant de politiques particulières.
De deux choses l’une : si les auteurs des amendements souhaitent que cette mesure soit normative, elle est alors problématique, car on ne peut pas légitimement interdire toute artificialisation, sous peine de porter un coup d’arrêt à la construction en zone rurale, et on voit mal comment la non-atteinte de l’objectif en 2025 serait sanctionnée. Et si cette mesure doit être considérée comme non normative, il n’y a pas lieu de l’inscrire dans la loi…
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Ces trois amendements visent à insérer l’objectif de zéro artificialisation nette dans les principes généraux de l’urbanisme. Si le projet de loi qui est soumis à la Haute Assemblée n’a pas intégré cet objectif, c’est parce que tel n’est son objet.
Certes, le renforcement de la maîtrise de l’étalement urbain et de la densification avait été introduit dans le texte, à l’Assemblée nationale, à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par le député Jean-Marc Zulesi, mais cette mesure, inscrite à l’article 12 bis, a été supprimée en commission, au Sénat, à l’initiative de M. Grand et du rapporteur pour avis de la commission des lois.
Je le répète, fixer un objectif de zéro artificialisation net d’ici à 2025 n’est pas l’objet de la loi ÉLAN ; cela relève du plan national de biodiversité, dans lequel le ministre d’État, Nicolas Hulot, a souhaité qu’un groupe de travail soit mis en place, pour définir, en concertation avec les parties prenantes, l’horizon temporel à retenir pour atteindre cet objectif.
J’en ai débattu avec Nicolas Hulot, et nous souhaitons avancer dans ce sens, sans mettre en place une date butoir qui poserait un certain nombre de problèmes. Nous avons ainsi trouvé un accord qui me paraît tout à fait judicieux. On ne peut pas fixer un objectif temporel sur ce sujet, qui reste fondamentalement de la responsabilité des élus locaux.
Nous ne souhaitons pas que le présent véhicule législatif revienne sur le travail de concertation, que nous avons mis en place et qui vient d’être lancé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le groupe socialiste et républicain votera ces amendements, en particulier celui de M. Labbé. Depuis des années, tout le monde dit qu’il faut lutter contre l’artificialisation des sols et plusieurs textes ont abordé le sujet, du Grenelle à la loi ALUR, mais, finalement, le rythme de réduction de l’artificialisation est infime, ce qui ne répond pas aux exigences actuelles.
L’amendement de M. Labbé tend à fixer, non pas une date butoir impérative, mais un objectif de relatif court terme, soit 2025, qui permet de modifier les pratiques. Il me semble vraiment souhaitable de poser, dans ce texte, un cadre indicatif, une ligne de mire, afin que les élus locaux et l’État puissent agir, dans l’ensemble des politiques publiques qu’ils mènent.
Quand on évoque ce type de sujets, on nous rétorque souvent que telle ou telle mesure n’a pas de portée normative et qu’il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Et quelques années après, quand les choses n’ont toujours pas progressé, on nous dit qu’il faut se donner des délais et prendre le temps…
Je me félicite que le ministre d’État Nicolas Hulot ait fixé cet objectif, et il nous revient, aujourd’hui, d’accomplir un acte politique fort, en allant dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il ne revient pas à ce projet de loi de fixer l’objectif de zéro artificialisation nette. Or, chacun doit bien le comprendre, cet objectif doit être présent dans tous les textes que nous votons désormais !
Le ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé, avec une grande lucidité, un plan doté de très fortes ambitions. Voter ces amendements revient à soutenir le ministre et le Gouvernement dans la mise en œuvre de ce plan.
Il s’agit, madame la rapporteur, non pas de stopper le développement, mais d’appliquer effectivement le principe sur lequel nous nous sommes tous engagés : éviter, réduire, compenser. Limiter le plus possible l’artificialisation et fixer une échéance permet de se donner un cap et d’émettre un signal en direction de tous les acteurs concernés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. J’aimerais avoir des précisions sur des chiffres qui nous sont parfois donnés. Selon certains, l’équivalent d’un département disparaîtrait tous les cinq ans. Selon d’autres, ce serait tous les huit ou douze ans… Quelles sont les sources et sur quels éléments s’appuie-t-on pour établir un tel constat ?
Par ailleurs, ces sujets méritent tout de même un certain nombre de précautions. Dans mon département, le SCOT, ou schéma de cohérence territoriale, prévoit que la population de la grande agglomération doit progresser de 50 000 habitants d’ici à 2030. Dans le même temps, des quotas de permis de construire sont fixés aux communes environnantes, qui doivent parfois – c’est le cas de petites communes rurales – réduire leur surface constructible de 50 %, voire de 60 % ou de 70 %, lorsqu’elles révisent leur plan d’occupation des sols. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)
Nous sommes devant un choix de société fondamental : voulons-nous vraiment continuer à attirer de la population dans les grandes métropoles, quitte à ce que certaines villes atteignent 2 500 habitants au kilomètre carré, tout en limitant la croissance des villages alentour, en les empêchant d’avoir plus de vingt-cinq ou trente habitants au kilomètre carré ? Que voulons-nous exactement ?
Si nous continuons de bloquer le développement des zones qui sont pourtant constructibles, nous ne nous dirigerons pas vers l’avenir que vous prédisez, mon cher collègue, mais vers son opposé ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je voudrais apporter deux précisions.
Tout d’abord, la première raison de la perte de terres agricoles n’est pas l’artificialisation. Chacun sait que nous perdons en terres agricoles l’équivalent d’un département tous les sept ans.
M. Charles Revet. C’est invérifiable !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers qui le dit !
En réalité, ce phénomène provient davantage de l’accroissement des forêts que du développement urbain. On oublie trop souvent de le dire.
M. Michel Savin. Oui, et il y a les friches !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Par ailleurs, il faut rappeler que tous les documents d’urbanisme, que ce soit les SCOT, les PLU ou les PLUI, demandent aux élus locaux de lutter contre l’artificialisation des terres et l’étalement urbain. On ne peut donc pas dire que rien n’existe ! (Marques d’approbation sur des travées du groupe Union Centriste.)
J’ajouterai un point, peut-être un peu provocant… J’imagine que les collègues – je pense par exemple à M. Iacovelli – qui sont tant opposés à l’artificialisation des terres ne manqueront pas d’aller dans notre sens, quand nous proposerons de remonter le seuil de la loi SRU de 1 500 à 3 500 habitants dans la région parisienne… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Xavier Iacovelli. Sûrement pas !
Mme Cécile Cukierman. Très drôle !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. En effet, en grande couronne, nous sommes obligés d’urbaniser dans des communes de petite taille, et je ne vous parle pas de Marnes-la-Coquette, qui se trouve en zone urbaine…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les centres-bourgs resteront vides !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il est vrai que certaines choses peuvent paraître contradictoires, mais seulement si elles sont sorties de leur contexte.
J’ai entendu ce qui vient d’être dit sur les SCOT, mais nous devons être conscients qu’ils sont très différents entre eux, notamment en termes d’obligations ou de mise en œuvre, et y compris au sein d’un même département…
Monsieur le ministre, j’en profite pour vous faire part d’une interrogation : il semble que les fonctionnaires de l’État appliquent les règles d’élaboration et de validation des SCOT de manière très diverse, ce qui pose tout de même quelques soucis.
Sur le fond, certains SCOT visent, comme cela a été dit, à concentrer fortement la population dans les zones métropolitaines, voire dans les villes-centres de la métropole, au détriment des autres communes. D’autres SCOT prévoient une répartition beaucoup plus intelligente, selon la taille des communes. Il est important d’apporter cette nuance.
Je suis convaincue que le SCOT doit rester, comme son nom l’indique, un schéma de cohérence, ce qui nous ramène à la question du pouvoir des maires et à celle de la place des PLU et des PLUI. De fait, ce n’est pas le SCOT qui, aujourd’hui, rend compliquées l’installation et la construction en milieu rural, parce qu’il est toujours possible de requalifier le bâti existant.
Ces amendements visent à arrêter l’étalement urbain, qui a été assez anarchique dans les années 1980, il faut bien le dire, et qui a entraîné des coûts importants en termes d’infrastructures. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un enjeu collectif : sécuriser les terres agricoles et les constructions, afin de ne pas nous apercevoir, dans quelques décennies, qu’il est trop tard pour agir.
C’est pour ces raisons que je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les contraintes qui pèsent sur la ruralité sont extrêmement fortes. Je suis d’accord avec Mme Cukierman pour dire qu’il faut prendre garde à l’artificialisation des terres dans les grandes villes, mais, en l’état du droit, les conditions de révision des PLU en milieu rural sont très restrictives et limitent sensiblement la surface qui peut être affectée aux constructions.
Or, dans certains hameaux, les familles souhaiteraient que leurs enfants puissent construire, mais ils ne peuvent pas le faire en raison des règles d’urbanisme.