M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 141 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 278
Pour l’adoption 244
Contre 34

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens moi aussi à vous remercier de la qualité des débats, car ce n’est pas parce que cela arrive fréquemment qu’il faut s’y habituer !

Monsieur Allizard, vous qui êtes l’auteur de la proposition de loi, vous avez bien fait de le rappeler, dès lors qu’on sollicite un prêt, il est de bon aloi de recevoir une réponse écrite.

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis. Et motivée !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Trop nombreuses sont les PME qui, pour formuler leur demande de prêt, passent par la voie d’un rendez-vous téléphonique ou physique. Je les invite à solliciter le plus souvent possible leur banque par écrit, car, quand on envoie un écrit, on vous répond par écrit. C’est un préalable indispensable, y compris pour nous, pour mesurer l’ampleur des taux de refus, que je ne remets absolument pas en question. Ce phénomène s’étend d’ailleurs bien au-delà du seul domaine de la défense.

Le Gouvernement en prend l’engagement, la direction générale du Trésor et la direction générale de l’armement se tiennent à vos côtés d’ici à l’été pour favoriser les temps d’échanges, y compris avec les ministres Le Maire et Lecornu, pour avancer ensemble sur ce sujet important que vous avez soulevé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense française
 

6

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 13 mars, l’après-midi, d’une déclaration, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative au débat sur l’accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine.

Acte est donné de cette demande.

Cette déclaration interviendrait après le débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Nous pourrions prévoir que les orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, interviennent, selon l’ordre décroissant de leur effectif, avec les temps de parole suivants : quatorze minutes pour le groupe Les Républicains ; douze minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ; dix minutes pour le groupe Union Centriste ; huit minutes pour les autres groupes ; trois minutes pour un sénateur non inscrit.

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat serait fixé au mardi 12 mars, à quinze heures.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, le temps de parole des orateurs pour le débat sur le rapport de la Cour des comptes serait fixé à quarante-cinq minutes.

En outre, nous pourrions prévoir la suite de l’examen de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative le jeudi 14 mars, en premier point de l’ordre du jour.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local
Discussion générale (suite)

Statut de l’élu local

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 37 rectifié bis

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 263, texte de la commission n° 367, rapport n° 366).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, RDSE et SER.)

Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parce qu’ils ne savent pas que ce sera si ardu, si risqué, parce qu’ils font leur la déclaration de l’ancien président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy – « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays » –, parce qu’ils veulent agir pour servir leurs concitoyens, rendre possible ce qui est souhaitable, près d’un million de candidats, telle une magnifique armée de volontaires, se présentent au suffrage de leurs concitoyens lors des élections locales.

Magnifique France, où ce concept révolutionnaire de la commune, première forme de la démocratie participative, espace de proximité au sein duquel, en responsabilité, les citoyens gèrent leur destinée collective, est plus moderne que jamais. Dans ces 35 000 communes, par temps calme comme par gros temps, les élus veillent, telles des vigies.

Aujourd’hui, madame la ministre, la vigie vacille.

En 2020, 106 communes n’avaient pas de candidats, 345 conseils municipaux étaient incomplets et un nombre important de communes n’avaient qu’une seule liste.

Qu’arrive-t-il à cette formidable France de l’engagement ? Empêchés d’agir, empêtrés dans des normes débridées, malmenés par des citoyens très exigeants, victimes d’une société violente et explosée en une addition d’individualités, ces centaines de milliers d’hommes et de femmes de devoir plus que de pouvoir, plus souvent à la manœuvre qu’à l’honneur, sont fatigués.

Près de 13 000 élus, parmi lesquels on dénombre 1 300 maires, ont jeté l’éponge depuis 2020, parce que leur engagement a parfois douloureusement et violemment percuté leur vie personnelle, familiale ou professionnelle.

Madame la ministre, mes chers collègues, si les élus locaux lâchent la rampe, la démocratie est menacée, parce que notre République est une pyramide qui ne tient que par la solidité de sa base.

Ceux qui doutaient de la force des élus locaux n’ont pu que constater la vaillance de leur engagement et leur solidité lors de la crise sanitaire, de la crise des « gilets jaunes », des incendies, des inondations ou des émeutes urbaines.

Attentifs à tout et à chacun, ils veillent comme des sentinelles vigilantes et bienveillantes. Ils ne renoncent pas et savent que, pour eux, élus locaux, gémir n’est pas de mise.

Inventeurs de possibles, condamnés à trouver des solutions, ils sont assez fascinants d’inventivité et d’ingéniosité. Aujourd’hui, pourtant, la lassitude les gagne : chaque jour, un maire démissionne.

Au Sénat, chambre des territoires, la voix de ces élus qui incarnent la France du quotidien, cette France des faiseurs, résonne avec force.

Depuis 2018, pressentant l’érosion de l’engagement, le Sénat a formulé de nombreuses propositions. Certaines ont déjà été adoptées : protection fonctionnelle, frais de garde, revalorisation des indemnités des élus des petites communes.

Des propositions de loi sénatoriales ont conforté les conditions d’exercice de leurs mandats. Je pense à la loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, ainsi qu’à la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, déposée par François-Noël Buffet. Je pense aussi au rapport de la mission d’information menée par Maryse Carrère et Mathieu Darnaud, intitulé Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires.

À l’automne dernier, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a lancé une réflexion constructive et transpartisane sous la forme de trois missions flash réalisées par neuf sénateurs de cinq groupes politiques différents, Nadine Bellurot, François Bonhomme, Agnès Canayer, Thierry Cozic, Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Pascal Martin et Guylène Pantel, que je remercie chaleureusement. Ensemble, nous avons formulé vingt-trois propositions à l’issue d’une large consultation des élus locaux et d’une importante concertation avec toutes les associations d’élus.

Madame la ministre, vous connaissez depuis fort longtemps ces propositions, puisque le président du Sénat a lui-même annoncé lors du dernier congrès des maires que le Sénat présenterait une proposition de loi en début d’année. Nous y sommes, c’est maintenant.

En cet instant où nous sommes attendus et entendus par les élus locaux, je veux adresser une pensée très fraternelle à tous ceux qui bien souvent sont allés au plus loin de leurs forces. Je pense au maire de Signes, mort en 2019 dans l’exercice de son mandat, ainsi qu’aux emblématiques maires de Saint-Brevin-les-Pins et de L’Haÿ-les-Roses. Je salue aussi tous les élus victimes d’agressions et d’insultes, dont les visages nous accompagnent ce soir.

Je salue également les 309 sénateurs, notamment les nombreux présidents de groupes politiques, le président de la commission des lois François-Noël Buffet ainsi que le premier vice-président du Sénat chargé des relations avec les collectivités, Mathieu Darnaud, qui, dans la diversité de leurs territoires et de leurs convictions, ont cosigné cette proposition de loi.

Mes collègues rapporteurs Jacqueline Eustache-Brinio et Éric Kerrouche, que je remercie du travail harmonieux que nous avons conduit, et moi-même, nous défendons ce texte d’une même voix, celle d’une exigence constructive pour que vive la démocratie et que dans l’avenir perdurent nos communes, cœur de la République.

Madame la ministre, notre proposition de loi vise à donner au plus grand nombre de nos concitoyens, quelle que soit leur situation personnelle, familiale ou professionnelle et quel que soit leur âge, « l’envie d’avoir envie », non de chanter comme Johnny Hallyday (Sourires.), mais de s’engager.

M. Roger Karoutchi. C’est vrai !

Mme Françoise Gatel. Cela suppose de faciliter et de sécuriser l’exercice du mandat, de revaloriser les indemnités, de développer la formation, de reconnaître l’engagement des entreprises qui emploient des élus salariés et, surtout – c’est un point particulièrement novateur –, de sécuriser la fin du mandat, afin d’éviter que des élus ne se retrouvent dans le dénuement et l’angoisse, en difficulté de reconversion professionnelle.

Madame la ministre, la Nation a su à raison reconnaître l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Il doit en aller de même pour nos élus locaux : elle ne peut se contenter de s’émouvoir et de compatir quand ceux-ci sont agressés ou démissionnent.

Les maires sont les élus préférés des Français, parce qu’ils incarnent la République dans sa proximité et sa permanence. Ils ne peuvent rester en situation d’insécurité et de fragilité. La Nation doit reconnaître celles et ceux qui exercent jour après jour des missions essentielles, souvent au nom de l’État et pour son compte, car ils sont eux-mêmes les essentiels de la République.

Lors de la crise sanitaire, quand le Président de la République a annoncé un dimanche soir sa volonté que les établissements scolaires rouvrent, les élus ont répondu présent. (Mme la ministre acquiesce.) Quand les catastrophes naturelles surviennent, ils sont là, rassurants, actifs, efficaces. Ils sont là pour relever les défis du logement, de la précarité et même du zéro artificialisation nette (ZAN) – comment ne pas en parler, mes chers collègues ? (Sourires.)

Au cœur de la société, les élus locaux sont les amortisseurs des crises. Ils sont aussi des entrepreneurs de leurs territoires, des bâtisseurs d’avenir.

Madame la ministre, mes chers collègues, la commune n’est pas ce dernier kilomètre dont on entend souvent parler, elle est le premier kilomètre de la République, celui où se joue l’égalité des droits, la cohésion sociale et l’éveil citoyen. L’avenir de notre pays dépend de la vitalité des territoires, de l’énergie de leurs élus et de leurs capacités à agir et à rassembler.

Madame la ministre, je ne doute pas de la volonté d’agir du Gouvernement. J’ai lu Le Figaro de ce matin, j’ai donc l’impression que notre affaire sera rapidement conclue. (Nouveaux sourires.) Avec cette proposition de loi, le Sénat, de nouveau au rendez-vous, accomplit sa mission de chambre des territoires. Je ne doute pas que vous apprécierez à la hauteur de leurs qualités nos propositions sérieuses, concertées, concrètes et constructives.

L’heure de ce rendez-vous est venue : la démocratie n’a pas de prix, mais elle a un coût. Comme le dit notre collègue Nathalie Delattre dont j’emprunte les mots très justes, parlons-en sans tabou. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)

M. Éric Kerrouche, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le statut de l’élu local recouvre trois périodes : avant, pendant et après l’exercice du mandat. Si l’on peut toujours réfléchir à un autre système, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui se fixe une ambition partagée par chacun d’entre nous, celle de remédier à l’absence d’un véritable statut de l’élu local et d’améliorer les garanties concrètes accordées aux élus.

Au titre de l’article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Il ne fait alors nul doute, madame la ministre, que nous souhaitons que cette proposition de loi suive son parcours législatif jusqu’à la promulgation.

Commençons par les dispositions relatives au régime indemnitaire des élus locaux.

Nous proposons d’abord un rehaussement des indemnités de fonction des maires. Mes chers collègues, nous vous proposerons tout à l’heure d’étendre cette mesure aux adjoints, si le Gouvernement daigne rendre notre amendement recevable. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement, madame la ministre ? (Sourires.)

Nous proposons également de modifier le mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire globale, pour augmenter son montant. Cette mesure donnera davantage de marges de manœuvre aux conseils municipaux, notamment en ce qui concerne l’indemnisation des conseillers délégués.

Nous prévoyons en outre un principe de fixation au maximum légal des indemnités de fonction des exécutifs locaux. Cette mesure a été étendue à tous les exécutifs locaux lors de l’examen du texte en commission.

Il importe par ailleurs d’améliorer le régime de retraite de l’ensemble des élus locaux afin de prendre en compte leur engagement permanent au service de la collectivité. Nous proposons d’accorder aux exécutifs locaux une bonification d’un trimestre par mandat complet.

Enfin, parce que c’est essentiel, nous avons souhaité que l’État renforce son soutien auprès des communes rurales, notamment au travers de l’élargissement du bénéfice de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL), à l’ensemble de celles de moins de 3 500 habitants.

L’amélioration réelle des conditions d’exercice du mandat constitue un autre axe de cette proposition de loi, dans le but de favoriser l’engagement local.

La question des difficultés matérielles auxquelles nombre d’élus sont confrontés peut bien entendu sembler triviale, elle mérite pourtant notre considération. Notre réponse : rendre obligatoire le remboursement des frais de transport et de séjour ou encore améliorer la capacité des communes à prendre en charge les frais de garde. Bref, notre but, c’est de nous occuper du quotidien des élus.

Cette proposition de loi vise également à faciliter un aspect sans doute cardinal de la vie élective, à savoir la conciliation entre l’exercice du mandat local et la vie professionnelle. Notre texte comporte de véritables avancées, tant pour les candidats, avec par exemple l’allongement du congé électif, que pour les élus, qui pourront bénéficier d’un régime d’autorisations d’absence plus protecteur.

Dans la même optique, nous considérons que l’engagement pour la démocratie d’une entreprise qui emploie des élus locaux doit être reconnu. C’est l’objet du label « employeur partenaire de la démocratie locale » que nous proposons de créer.

Par ailleurs – c’est un point central pour la vitalité de notre démocratie locale –, cette proposition de loi doit permettre d’améliorer la diversité sociologique des élus, afin que de nouvelles catégories sociales s’impliquent dans les fonctions électives. Nous proposons ainsi la création d’un statut d’élu étudiant, les étudiants étant l’une des ressources des conseils municipaux. De manière analogue, des mesures doivent encourager les vocations des citoyens en situation de handicap.

Par ailleurs, la formation offre une réponse au sentiment de complexification de l’action locale dont font part les élus. Le texte prévoit ainsi la mise en place de formations spécifiques.

Cette proposition de loi comporte également des mesures concrètes pour favoriser la conciliation de l’exercice du mandat et de la vie personnelle. Nous proposons d’assouplir les conditions dans lesquelles les élus locaux peuvent poursuivre l’exercice de leur mandat en cas de maladie, de congé de maternité ou de paternité, tout en percevant des indemnités journalières. Grâce aux améliorations apportées en commission, nous répondons également aux difficultés particulières qui se sont fait jour, celles que la maire de Poitiers a par exemple eu à connaître. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les deux derniers axes de cette proposition de loi, qui tendent à sécuriser l’exercice du mandat local, notamment d’un point de vue tant pénal que déontologique, ainsi qu’à accompagner les élus lors de la phase de transition qui succède au mandat.

L’article 18 de la proposition de loi aborde un sujet sensible, l’infraction de prise illégale d’intérêt. Certains l’estiment inadaptée au point de vouloir la supprimer. D’autres considèrent qu’il s’agit d’une pièce essentielle de notre arsenal contre la corruption. Pour notre part, nous avons souhaité préciser sa définition de manière que cette infraction s’applique sans pour autant paralyser l’action des élus.

Ces évolutions s’inscrivent dans la continuité de celles que nous avons votées dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), comme de celles que nos collègues Philippe Bonnecarrère et Agnès Canayer ont défendues dans la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

La commission des lois a approuvé la volonté des auteurs de la proposition de loi d’exclure les intérêts publics du champ de l’infraction. En effet, il nous paraît évident que la responsabilité pénale d’un élu ne peut pas être engagée du fait de la défense d’un collectif.

En reprenant des éléments de notre dialogue avec la Cour de cassation, la commission des lois a complété l’article 18 en prévoyant que le juge pénal devra procéder à une appréciation concrète de chaque cas. Il faudra désormais que l’intérêt soit « suffisant » pour peser ou paraître peser sur l’impartialité ou la prise de décision.

Il nous a semblé également pertinent de définir les intérêts familiaux et affectifs susceptibles d’entrer dans le champ de l’infraction. Nous vous proposerons sur ce point un amendement de simplification.

Par ailleurs, devant l’augmentation des actes de violence verbale et physique à l’encontre de l’ensemble des élus locaux, nous proposons une double modification du régime de la protection fonctionnelle.

D’une part, l’octroi de la protection fonctionnelle aux élus locaux victimes de violences, de menaces ou d’outrages deviendrait automatique, conformément à la disposition adoptée par le Sénat le 10 octobre 2023 dans le cadre de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.

D’autre part, cette automaticité bénéficierait à l’ensemble des conseillers municipaux, départementaux et régionaux, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition.

L’article 22 tend à mieux encadrer les demandes susceptibles d’être adressées par les établissements bancaires aux personnes politiquement exposées. Le Gouvernement a déposé un amendement qui, même s’il ne va pas aussi loin que nous le souhaiterions, paraît tout à fait pertinent.

Afin de mieux accompagner les élus dans le respect de leurs devoirs et en vue d’apporter de la lisibilité aux obligations déontologiques qui leur incombent, ce texte prévoit également un système de déclaration de certains dons, avantages et invitations d’une valeur supérieure à 150 euros dans un registre tenu par la collectivité. Cette pratique est déjà en vigueur dans de nombreuses collectivités et groupements. Cette obligation de déclaration n’est assortie d’aucune sanction, puisqu’il s’agit d’un mécanisme à visée purement pédagogique et déontologique.

Enfin, s’il ne constitue parfois qu’une parenthèse dans le parcours d’un citoyen, l’engagement local ne devrait jamais se muer en rupture. En plus de la conciliation du mandat avec la vie professionnelle, l’accompagnement des élus durant la phase de transition qui succède au mandat a irrigué l’ensemble de nos travaux.

Au cours de leur mandat, les élus locaux acquièrent de nombreuses compétences et connaissances, qui devraient constituer autant d’atouts au service de leur reconversion professionnelle. Afin de mieux valoriser ces compétences, l’article 25 vise à encourager le recours à la validation des acquis de l’expérience (VAE) et à renforcer l’accompagnement des élus s’engageant dans cette démarche, en créant notamment une certification professionnelle adaptée à leur parcours.

Dans l’objectif de répondre à l’impératif de sécurisation de la trajectoire professionnelle des élus, nous proposons également d’élargir le bénéfice de l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) à l’ensemble des maires et adjoints au maire. Nous proposons également d’instaurer un « contrat de sécurisation de l’engagement » pour accompagner les élus à leur sortie de mandat afin qu’ils puissent retrouver un emploi.

Enfin, l’article 27 permet de mieux prendre en compte la situation des élus privés d’activité professionnelle à l’issue de leur mandat.

Chers collègues, nous vous invitons à adopter cette proposition de loi ambitieuse, modifiée par les amendements que nous vous présenterons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI INDEP et SER, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons pour examiner la proposition de loi sénatoriale portant création d’un statut de l’élu local.

Nous avons déjà longuement débattu de ce sujet au cours des derniers mois. Vous connaissez mon attachement en la matière, il fait écho à l’importance que lui prêtent nos élus locaux, notamment nos maires. Nous sommes nombreux à penser que ces derniers ont besoin de notre reconnaissance et de l’encouragement de la République.

Nous n’avons jamais autant parlé du statut de l’élu que depuis que la place des élus et des maires dans notre démocratie a perdu de son évidence. Ce n’est pas à la commission des lois du Sénat que je ferai remarquer que le rythme auquel nous légiférons à ce sujet s’est sensiblement accéléré depuis quinze ans.

Entre la loi de 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité, seules deux lois ont été promulguées. Depuis, le Sénat a examiné la loi de 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, puis la loi de 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite Engagement et proximité. Nous nous apprêtons désormais à examiner deux propositions de loi déposées au Sénat et à l’Assemblée nationale sur ce même sujet.

Nos élus, qui ont le sentiment que nous n’avons pas complètement traité la question, nous appellent à les doter d’un véritable statut de l’élu local.

De loi en loi, nous voulons plus de reconnaissance pour nos élus, plus de proximité et plus de vitalité pour notre démocratie locale.

S’il est un lieu institutionnel où, depuis un siècle et demi, nous avons collectivement choisi de construire la liberté et la vitalité démocratique, c’est bien la commune. Tocqueville l’indiquait déjà : « C’est pourtant dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple. »

En 1875, Gambetta louait également dans son fameux discours de Belleville « ce qu’il y a de plus démocratique en France, ce qui constitue les entrailles mêmes de la démocratie : l’esprit communal, c’est-à-dire les trente-six mille communes de France ».

Ce constat historique dressé, comment expliquer que nous devions remettre notre ouvrage sur le métier à d’aussi nombreuses reprises ? Au fil des échanges que j’ai eus lors des derniers mois avec vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis sincèrement posé cette question.

Incontestablement, le contexte social a changé. Nous le savons tous, l’autorité n’a plus la même valeur incontestée, en raison d’évolutions profondes de l’état d’esprit des individus. Il y a quelques mois, j’avais appelé à un choc civique pour lutter contre les violences faites aux élus. Seul un tel sursaut peut nous sortir de cette impasse où il est devenu possible et banal de s’en prendre aux représentants du peuple que sont les élus locaux.

Le sujet est donc non plus seulement de renforcer le pouvoir et la liberté des élus locaux, mais aussi de conforter les maires dans leurs compétences. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet enjeu ; cependant, à mon sens, le statut de l’élu renvoie à une réalité plus dure, celle du quotidien des maires et des élus locaux.

Loin de ne devoir uniquement faciliter l’action publique locale, il nous faut traiter la question institutionnelle suivante : quels sont les leviers de nature à garantir dans le temps l’investissement de nos concitoyens dans les institutions locales ?

Il faut bien sûr garantir que la sécurité personnelle des élus locaux ne sera jamais menacée du fait de l’exercice de leur mandat. C’est ce que la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, récemment adoptée en commission mixte paritaire, permet de faire. Je n’ignore pas le défi quotidien qui consiste à traduire ses dispositions par une réduction drastique du nombre des violences et des agressions faites aux élus.

Il faut toutefois faire plus. Nous devons donner à nos concitoyens de tous âges et de toutes conditions l’envie de se présenter devant le suffrage. Étudiants, jeunes parents, salariés, personnes en situation de handicap, tous ont le droit de se présenter aux élections ; pour autant, peuvent-ils véritablement exercer ce droit ?

Plusieurs éléments sont pour cela nécessaires. Nos institutions locales doivent être vivaces et fortes. Il faut qu’elles continuent de contribuer à l’équilibre de notre démocratie. Être élu local doit demeurer le meilleur moyen de construire le destin d’un territoire, d’un pays ou d’une région, de nos petites patries.

Il faut également que nos élus locaux soient soutenus dans leur mission républicaine et sociale. Rendre tout cela visible ne sera pas simple : du chemin reste à parcourir pour réconcilier l’esprit du temps avec ces notions parfois jugées vieillottes, mais en lesquelles nous croyons profondément. Il est nécessaire de réaffirmer les principes de la loi de 1884 sur l’organisation municipale et de les adapter à la réalité de la société actuelle.

Nous devons rebâtir un esprit civique et politique, fait de responsabilité, de sens de l’engagement et d’attachement au collectif. L’urgence de remobiliser notre jeunesse dans la vie locale, la nécessité de mieux concilier vie professionnelle et mandat, l’impératif de mieux reconnaître et valoriser l’engagement des élus locaux : voilà les objectifs concrets que nous devons nous fixer pour répondre de manière structurelle et durable à la problématique de l’engagement dans la vie démocratique locale.

À ce titre, je salue la proposition de loi déposée par la sénatrice Françoise Gatel. Je le sais, ce texte constitue l’aboutissement de longs mois de travail. Il a été nourri par les trois missions flash de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qu’elle préside. Le Gouvernement y a lui-même contribué, en tenant notamment au mois de novembre dernier une Convention nationale de la démocratie locale, qui, je le crois, a permis de faire mûrir certaines propositions et de faire converger les parties prenantes que sont le Gouvernement et le Parlement.

Il me semble que les auteurs cette proposition de loi se sont fixé les objectifs concrets que je viens d’identifier.

Ce texte contribue en effet d’abord à sécuriser le cadre d’action des élus : ce sont les articles 18 à 21. Il leur donne les moyens concrets d’exercer leur mandat, d’assurer les mille réunions nécessaires à chaque projet de la commune ou de la collectivité sans devoir en pâtir d’un point de vue personnel ou professionnel : ce sont les articles 5, 6, 9 et 16. Il leur donne des perspectives quant à l’après-mandat, ce qui est indispensable pour permettre à nos concitoyens de se projeter sereinement dans un mandat local : ce sont les articles 14, 15, 25 et 26.

Ce texte valorise également leur engagement quotidien : ce sont les articles 1er, 2, 10, 11 et 28. Il crée les conditions pour mobiliser la jeunesse, en prenant par exemple en compte la situation particulière des étudiants : c’est l’article 12. Il permet aux élus communaux, départementaux et régionaux en situation de handicap d’exercer leur mandat en bénéficiant d’une prise en charge adaptée : c’est l’article 13.

Les auteurs de cette proposition de loi répondent à de nombreuses difficultés identifiées lors de la Convention nationale de la démocratie locale, au sujet desquelles nous discutons lors de nos rencontres avec les élus locaux. En cela, elle est complémentaire de la proposition de loi portant réforme du statut de l’élu local déposée par Violette Spillebout et Sébastien Jumel sur le bureau de l’Assemblée nationale. Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient l’initiative sénatoriale, non sans proposer quelques moyens nouveaux d’atteindre les objectifs qui la sous-tendent légitimement.

Permettez-moi toutefois d’insister sur quelques points qui me semblent mériter attention. Le Président de la République l’a indiqué, nous sommes favorables à ce qu’un travail soit conduit pour revaloriser les indemnités de fonction des élus communaux.