M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous présenter mon analyse du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) qui doit être transmis d’ici à demain à la Commission européenne.
Le PSMT constitue l’engagement de la France auprès de nos partenaires européens, un engagement non pas abstrait comme l’est la loi de programmation des finances publiques (LPFP), mais très concret, car encadré par un certain nombre de sanctions.
Dans la mesure où la France est soumise à une procédure pour déficit excessif depuis le mois de juillet dernier, le fait de ne pas mettre en œuvre de trajectoire de correction des dépenses nettes, qui garantit que le déficit public soit ramené sous les 3 % du PIB dans le délai prévu, pourrait se solder par une mise en demeure. Et, à défaut d’une action suffisante pour répondre à celle-ci, notre pays ferait l’objet de sanctions, à hauteur de 1,5 milliard d’euros tous les six mois. Cette trajectoire de correction des dépenses nettes, censée garantir le rétablissement du solde public, figure précisément dans le PSMT.
Ce plan est une sorte de fusion du programme de stabilité (PStab) et du programme national de réformes, dans lequel la France définit ses objectifs budgétaires, ses réformes et ses investissements prioritaires pour une période de quatre à cinq ans. Il est donc composé d’un scénario macroéconomique sous-jacent à la trajectoire de finances publiques.
Issu de la réforme des règles budgétaires européennes combinée dans une directive et deux règlements du 29 avril dernier, le PSMT qui nous est présenté constitue le premier document de ce genre. Les anciennes règles sont donc désormais caduques.
L’indicateur central n’est plus le solde structurel, mais un indicateur qui est réellement à la main des gouvernements, ce qui constitue un progrès : l’indicateur de dépenses primaires nettes. Ces dernières correspondent aux dépenses publiques diminuées des dépenses d’indemnisation du chômage, des mesures nouvelles en recettes, des dépenses cofinançant des programmes de l’Union européenne et de la charge de la dette.
La trajectoire de dépenses nettes doit être telle que le ratio de la dette par rapport au PIB prévu soit bien orienté à la baisse à la fin de la période d’ajustement et que le déficit prévu soit ramené sous les 3 %.
Du fait, en particulier, de la demande de nos partenaires allemands ont été ajoutés des garde-fous supplémentaires qui s’appliqueront aux pays faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif et, donc, à la France. Il s’agit, d’une part, de la réduction du ratio de la dette par rapport au PIB à hauteur d’un point par an, en moyenne, en sortie de procédure pour déficit excessif et, d’autre part, d’un minimum d’ajustement budgétaire, tant que le déficit structurel n’atteint pas 1,5 % du PIB.
J’en viens au PSMT 2025-2029 proprement dit. Son objectif est de ramener la dette publique sur une trajectoire descendante et le déficit public sous les 3 %, à l’issue d’une période d’ajustement dont on espère qu’elle pourra être allongée de quatre ans à sept ans.
La liste des réformes et investissements que présente le Gouvernement dans ce document, nécessaire pour appuyer sa demande de prolongation de la période d’ajustement, correspond pour l’essentiel aux récentes réformes engagées par les précédents gouvernements et à celles qu’il a lui-même reprises : la réforme des retraites, la réforme de l’assurance chômage, le verdissement de l’économie via les lois relatives à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et à l’industrie verte, la simplification de la vie économique par la loi du même nom, ou encore la refonte des allégements généraux de cotisations sociales.
On y trouve au total peu d’informations sur les actions qui restent à entreprendre. Espérons toutefois que l’effort sera suffisant pour justifier une prolongation de la période d’ajustement, autour de laquelle est fixée la trajectoire.
Cette trajectoire de dépenses nettes, sous-jacente au PSMT, est différente de la trajectoire de référence de la Commission européenne communiquée en juin dernier, notamment parce que, à ce moment-là, la prévision de déficit public pour 2024 était bien inférieure à celle qui prévaut aujourd’hui. Ainsi, le niveau minimal d’ajustement structurel primaire requis selon les hypothèses de la Commission européenne s’élevait, pour une période d’ajustement de sept ans, à 0,6 point de PIB potentiel par an. Il devra, en réalité, compte tenu de la dégradation de notre situation budgétaire, être au minimum de 0,76 point de PIB par an entre 2025 et 2031, soit environ 23 milliards d’euros.
La trajectoire de dépenses nettes finalement retenue dans le PSMT suppose une stabilité des dépenses primaires nettes en 2025, puis une augmentation annuelle de 1,4 % de celles-ci entre 2026 et 2028, avant une hausse de 1,9 % en 2029. Elle correspond à un ajustement structurel primaire moyen de 0,78 point de PIB sur la période, ce qui est significatif.
Cet ajustement est concentré sur l’année 2025, à hauteur de 1,4 point de PIB, puis diminuera en 2026 avant d’augmenter légèrement les années suivantes. Le PSMT ne prévoit donc pas autre chose qu’un ajustement continu, année après année, pour enfin rééquilibrer nos comptes publics. Si l’allongement de la période d’ajustement de quatre ans à sept ans est accepté, il n’y a, selon nous, pas de raison que le PSMT soit rejeté par les autorités européennes et que celles-ci nous demandent un plan révisé.
Comme je le disais en introduction, le PSMT s’accompagne d’un scénario macroéconomique sous-jacent.
Tout d’abord, j’observe que la prévision de croissance potentielle du Gouvernement, qui s’élève à 1,2 % pour la période 2024-2028, puis à 1 % ensuite, est plus prudente que celle qui avait été mise en avant dans le cadre du programme de stabilité pour 2024-2027. Le chiffre désormais retenu est en accord avec le scénario des conjoncturistes, puisque la croissance à long terme de la France serait de 1,2 % par an selon le consensus des économistes et le Fonds monétaire international (FMI). Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans l’avis qu’il a rendu le 9 octobre dernier sur le PSMT, estime ainsi que ce nouveau scénario de PIB potentiel, quoique encore un peu optimiste, est désormais « raisonnable ».
Plus conservatrice que les précédentes, cette prévision débouche toutefois sur un scénario de croissance effective qui peut paraître optimiste, avec certes une croissance de 1,1 % en 2025, mais une augmentation par la suite à 1,4 % en 2026 et à 1,5 % en 2027 et 2028. L’assouplissement de la politique monétaire engagé cette année, qui devrait se poursuivre l’an prochain, peut bien sûr y contribuer, mais la réduction continue du déficit public sur cette période devrait à l’inverse modérer les perspectives de croissance.
Toutefois, les prévisions de croissance nominale du Gouvernement, qui prennent en compte l’inflation et qui sont celles qui comptent le plus pour déterminer le solde public, paraissent raisonnables.
Si l’indicateur de dépenses primaires nettes est central dans le PSMT pour apprécier l’effort réalisé par un État membre, il ne faut pas perdre de vue que l’objectif de ce plan est de placer chaque pays sur une trajectoire viable de finances publiques. Le PSMT 2025-2029 s’accompagne donc d’une trajectoire de déficit public et d’une trajectoire d’endettement.
Je me félicite du regain de rigueur qui a présidé, en la matière, à l’exercice. À la différence du PStab présenté en avril, les hypothèses présentées ici me semblent cohérentes et crédibles. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne traduisent pas une situation quelque peu alarmante, mais elles constituent autant d’arguments pour engager un redressement rapide de nos finances publiques.
Le PSMT prévoit une trajectoire de réduction du déficit public sur la période 2025-2029 : après un effort franc en 2025, puisque le déficit public passerait de 6,1 % du PIB à 5 % du PIB, celui-ci se poursuivrait les années suivantes, avec une petite respiration en 2026, année lors de laquelle le déficit passerait à 4,6 %, puis une réaccélération en 2027 et 2028 avant d’atteindre 2,8 % en 2029.
Je regrette que nous ne puissions pas respecter nos engagements dès 2027, comme le prévoyait initialement la LPFP, dont l’examen nous avait donné l’occasion de chercher à établir une trajectoire plus exigeante. Mais dans les conditions budgétaires actuelles, et n’en déplaise à l’ancien ministre de l’économie et des finances qui se plaisait à répéter, encore début septembre, que l’objectif des 3 % était atteignable dès 2027, ce ne sera pas le cas.
La dérive des années 2023 et 2024 a fait dérailler la trajectoire de la dette publique française : même avec les efforts importants qui nous sont présentés, celle-ci augmenterait progressivement jusqu’en 2027 pour atteindre 116,5 % du PIB, soit un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ! Cela doit tous nous alerter.
Par ailleurs, étant donné le poids désormais plus que significatif de notre dette – vous l’avez qualifiée il y a quelques instants de « colossale », monsieur le ministre – et le risque qu’elle fait courir à notre souveraineté du fait de son accroissement et du signal négatif que cela donne à nos prêteurs, je pense qu’il est temps d’engager une réflexion sur le financement hors marché d’une part de notre dette publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons ce soir du plan budgétaire et structurel à moyen terme de la France pour les années 2025 à 2029. Si la commission des finances a demandé la tenue d’un tel débat, c’est qu’il s’agit d’un document essentiel et stratégique.
Je veux tout d’abord souligner que, compte tenu de l’importance du document, les conditions dans lesquelles le Parlement en est saisi sont problématiques. Si je salue le fait que le Haut Conseil des finances publiques a pu donner son avis sur le PSMT, alors que les textes n’étaient pas mis à jour pour le rendre obligatoire, je déplore en revanche que, en dépit de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), qui prévoit la transmission du document au Parlement quinze jours avant sa présentation aux institutions européennes, celui-ci n’ait fait l’objet que d’une transmission à titre provisoire le 20 octobre dernier, avant la présentation du document en conseil des ministres le 23 octobre.
Certes, monsieur le ministre, vous n’êtes qu’en partie responsable de cette dérive du calendrier. Selon les règles européennes, il aurait même fallu présenter le PSMT aux institutions européennes avant le 20 septembre ! Il n’en demeure pas moins que la loi organique n’a, une fois de plus, pas été respectée, et que c’est le Parlement qui en fait les frais une fois encore.
Mais le plus grave, au fond, c’est que, d’un côté, le Parlement examine des lois de programmation des finances publiques avec attention, en menant un travail minutieux, alors même que la trajectoire des finances publiques qui y figure n’a manifestement d’autre valeur que déclaratoire, et que, de l’autre, il reçoit à la hâte, de sorte qu’il doit l’examiner rapidement, un document qui, pour le coup, nous engage réellement, et qui va contraindre fortement la trajectoire des finances publiques pour les années à venir. Un débat, c’est mieux que rien, mais convenez que ce n’est tout de même pas grand-chose…
Ce document est particulièrement engageant, car la France fait l’objet, depuis le mois de juillet dernier, d’une procédure pour déficit excessif, ce qui signifie que le Conseil de l’Union européenne lui adressera prochainement une recommandation visant à mettre en œuvre une trajectoire de correction de ses dépenses nettes qui garantisse que le déficit public soit rapidement ramené sous les 3 % du PIB. Ou bien le PSMT satisfait les exigences de Bruxelles, ou bien il faudra prendre des mesures de redressement supplémentaires.
Par ailleurs, le PSMT est contraignant, car le non-respect des engagements qu’il comporte placerait la France sous la menace de sanctions financières, lesquelles s’élèvent à 0,05 % du PIB par semestre – le rapporteur général vient de l’indiquer.
Enfin, je rappelle que le PSMT devrait contenir une liste d’investissements et de réformes destinés à justifier un allongement de la période d’ajustement de quatre ans à sept ans. Cette période est celle au terme de laquelle le déficit public doit être ramené sous les 3 % du PIB, et au terme de laquelle le ratio d’endettement doit être placé sur une trajectoire descendante d’un point de PIB en moyenne chaque année, garde-fou supplémentaire que l’on doit à nos partenaires allemands.
Chaque année, un rapport annuel d’avancement doit être adressé à la Commission européenne pour faire le point sur la liste de ces investissements et réformes et vérifier qu’elles sont mises en œuvre. Autant dire que cette liste est d’une importance déterminante. Pourtant, à ce stade, le document présenté nous paraît bien pauvre…
En ce qui concerne la trajectoire des finances publiques qui nous est soumise, il y a peut-être un mieux par rapport au programme de stabilité, mais prévoir à partir de 2026 un taux de croissance entre 1,4 % et 1,5 %, tout en maintenant un ajustement de 0,6 point à 0,7 point de PIB par an, me paraît bien optimiste.
Je veux bien admettre que l’assouplissement de la politique monétaire engagé en juin dernier, et qui devrait se poursuivre encore quelque temps, permettra de relancer l’investissement, et que la baisse de l’inflation relancera la consommation. Tout cela est plausible, mais c’est faire un peu rapidement l’impasse sur les effets récessifs du redressement budgétaire qui nous attend.
Ne nous y trompons pas : la situation de nos finances publiques est critique – nous y reviendrons lors de l’examen du prochain projet de loi de finances –, de sorte que la contrainte européenne et la procédure pour déficit excessif ne suffisent pas, à elles seules, à démontrer la nécessité d’un redressement. Faut-il moins de dépenses, plus de recettes, et quel niveau fixer ? C’est un choix politique qui reste à définir et dont nous débattrons prochainement.
Quoi qu’il en soit, pour redonner à l’action politique ses lettres de noblesse et pour engager de nouvelles et nécessaires politiques publiques, il nous faut des comptes publics en équilibre. C’est un fait indiscutable.
Durant les trente dernières années, les seules fois où un redressement a été opéré, c’était sous Lionel Jospin, entre 1997 et 2002,…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela ne nous rajeunit pas !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. … et au début du quinquennat de François Hollande, grâce à l’action déterminée de son gouvernement. Je vous laisse méditer ce point d’histoire… (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Grégory Blanc et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre du projet de plan budgétaire et structurel national à moyen terme, le fameux PSMT – nouveau sigle, auquel nous devrons nous habituer –, tant attendu.
En avril dernier, lors de l’examen du programme de stabilité, j’avais exprimé ma perplexité, alors que le Gouvernement n’indiquait pas ce qu’il prévoyait de faire concrètement pour respecter sa trajectoire.
S’agissant du PSMT, nous sommes dans une situation analogue, en particulier pour ce qui est des finances sociales.
Il était sans doute difficilement évitable qu’il en aille autrement, dans la mesure où nous avons déjà du mal à nous mettre d’accord sur les mesures à prendre dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. On conçoit aisément qu’un document programmatique ne puisse, aujourd’hui, documenter précisément les mesures à prendre d’ici à 2031.
Je remarque toutefois que, même dans les grandes lignes, le projet de PSMT aborde très peu le sujet des finances sociales. Quand l’expression « administrations de sécurité sociale » apparaît, ce n’est que pour les années 2024 et 2025, pas au-delà. En particulier, ce projet ne précise pas comment l’effort sera réparti entre les différentes catégories d’administrations publiques.
C’est un recul par rapport au contenu actuel des programmes de stabilité, qui détaillent les prévisions en matière de besoins de financement pour chaque catégorie d’administrations publiques, et ce pour chaque année de la programmation.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est lui aussi très vague sur ce qui doit se passer après 2025, pour ce qui est de la sécurité sociale. Il comporte bien, conformément aux dispositions organiques, une programmation à moyen terme, laquelle est d’ailleurs très préoccupante – nous aurons l’occasion d’en reparler dans les prochaines semaines –, puisqu’elle prévoit une augmentation continue du déficit de la sécurité sociale, qui atteindrait 20 milliards d’euros en 2028.
Toutefois, comme chaque année, cette programmation n’en est pas vraiment une. Il s’agit plutôt d’une sorte de projection à politiques inchangées, qui ne prend en compte que les mesures déjà prévues et qui témoigne d’un certain volontarisme concernant l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) et la croissance du PIB.
Le projet de PSMT prévoit, pour l’ensemble des administrations publiques que, après un ajustement structurel primaire de 1,6 point de PIB – soit près de 50 milliards d’euros – en 2025, cet effort serait de 0,7 point ou 0,8 point de PIB – soit environ 25 milliards d’euros – chaque année jusqu’en 2029. Je vois mal comment cet effort supplémentaire pourrait ne pas concerner en partie la sécurité sociale.
Dans ces conditions, ne faudrait-il pas modifier l’annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, en intégrant un certain quantum de mesures de redressement chaque année ? Je ne fais que poser la question, monsieur le ministre. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen de ce texte.
Il deviendrait possible, dès lors qu’il y aurait de nouveau des perspectives de retour à l’équilibre de notre régime de sécurité sociale, de réaliser de nouveaux transferts de dette sociale à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Ces nouveaux transferts devront être réalisés tôt ou tard, me semble-t-il, alors que la sécurité sociale ne peut s’endetter qu’à court terme.
Nous ne pouvons pas jouer avec la pérennité de notre système de protection sociale. Nous ne pouvons pas nous contenter de la trajectoire financière inquiétante annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce débat aura au moins eu le mérite de le rappeler.
La Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne doivent prochainement se prononcer sur le PSMT. Nous sommes, en réalité, sous la surveillance de l’Union européenne. Nous sommes aussi sous la surveillance des marchés financiers. Mais nous sommes, avant tout, sous la surveillance des Françaises et des Français, à qui nous devons d’être à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger, M. Marc Laménie et M. le rapporteur général de la commission des finances applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant le dire tout de suite, je doute quelque peu que ce plan budgétaire rassure vraiment nos partenaires européens et les agences de notation sur l’évolution de la situation financière de notre pays.
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas en cause, mais les ministres passent, Bercy reste. (M. le ministre sourit.) Si vos intentions sont bonnes et si nous souscrivons aux mêmes objectifs que vous, la méthode proposée par votre ministère pour équilibrer les comptes publics de notre pays n’est, en revanche, pas la bonne.
En effet, vous êtes dans le virtuel : vous fondez toute votre communication sur l’effort colossal que nous aurions à accomplir pour faire passer notre déficit de 7 % à 5 % du PIB. Or je n’ai rien trouvé dans tout ce que j’ai pu lire qui permettrait de valider un tel déficit tendanciel. Le Haut Conseil des finances publiques, dont j’apprécie les travaux et la méthodologie, s’est lui-même dit incapable de juger de la pertinence de ce taux de 7 %. Comment le serions-nous davantage ?
Il faut savoir regarder la réalité en face. Voilà des années que je demande que l’on distingue, dans le budget de l’État, les dépenses exceptionnelles et les dépenses courantes, car sans cela il est difficile de se prononcer sur l’évolution de nos finances publiques. De ce point de vue, vous nous avez fourni un document intéressant, qui permet de comparer les budgets des missions de l’État, c’est-à-dire les budgets des ministères, entre 2019 et 2025.
Monsieur le ministre, savez-vous de combien ces budgets ont augmenté ? De 100 milliards d’euros en six ans ! Si l’évolution des dépenses des ministères n’avait fait que suivre l’inflation – ce qui est déjà bien, car, dans les collectivités territoriales, la hausse des dépenses reste inférieure à l’inflation –, nous aurions fait 33 milliards d’euros d’économies. Vous rendez-vous compte, monsieur le ministre ?
Par conséquent, pour trouver des économies, il suffirait de n’augmenter le budget des missions que de la moitié du taux d’inflation, par exemple. M. Savoldelli ne pourrait pas parler d’« austérité », comme il le fait souvent, car les dépenses continueraient d’augmenter, mais dans une proportion inférieure à ce qui a été décidé dans le passé.
J’en viens à présent aux retraites – c’est un peu devenu mon dada… Celles-ci représentent un quart des dépenses publiques de notre pays, soit la moitié de notre déficit et la moitié de notre dette. Or, dans le document que vous nous avez transmis, monsieur le ministre, savez-vous combien de pages sont consacrées à ce sujet ? Trois pages sur deux cent dix-huit pages !
J’ai voté la réforme des retraites d’avril 2023 et je considère qu’elle va dans la bonne direction, mais soyons honnêtes : elle ne règle que 10 % à 20 % du problème. Il faut avoir le courage de le dire, ceux qui veulent la remettre en question sont des irresponsables et nous devons au contraire amplifier cette réforme, en revoyant notamment le système de retraite de la fonction publique. En effet, le déficit des retraites, c’est avant tout celui des régimes publics, qui représentent 80 % à 90 % du problème. Il faudra donc avoir le courage politique – rien n’est moins sûr – de rouvrir ce chantier de la réforme des retraites.
Quant au nucléaire, un sujet qui vous tient à cœur, monsieur le ministre, le projet de PSMT ne lui accorde que quatorze lignes sur deux cent dix-huit pages.
Le Gouvernement prétend qu’il veut relancer le nucléaire en favorisant la création de nouveaux EPR2 (Evolutionary Power Reactor 2). En réalité, il prévoit certes d’investir un milliard d’euros dans les petits réacteurs modulaires (PRM), c’est-à-dire dans le nouveau nucléaire, mais pas un centime dans l’ancien.
Pour rappel, le rachat par l’État des parts détenues par les actionnaires minoritaires au capital d’EDF a coûté 10 milliards d’euros. Voilà une entreprise très endettée, qui affiche des résultats en dents de scie, et à qui l’État demande aujourd’hui d’investir des dizaines de milliards d’euros – sans doute entre 70 milliards et 80 milliards d’euros – dans les EPR2, alors que, dans le même temps, celui-ci lui annonce que sa contribution sera nulle dans les cinq prochaines années…
J’espère me tromper, monsieur le ministre, mais une telle situation ne me semble pas raisonnable : sur un sujet aussi majeur que l’énergie décarbonée et le nucléaire, un actionnaire unique doit investir bien davantage !
Pour expliquer l’envolée de nos dépenses publiques, il faut, selon moi, incriminer les lois de programmation que nous avons adoptées – même si, à titre personnel, je ne les ai pas votées – sans prévoir aucun financement.
Madame la rapporteure générale, dans le cadre du Ségur de la santé, nous avons augmenté de 13 milliards d’euros les rémunérations des professionnels du secteur. En vérité, ce sont 13 milliards des 16 milliards d’euros du déficit actuel de la sécurité sociale qui n’ont pas été financés. Cela n’est pas responsable ! Quand on décide d’augmenter le salaire de certains personnels, il faut soit disposer des financements idoines, soit trouver des sources d’économies. En l’espèce, l’État s’est mis lui-même en difficulté.
D’un côté, les dépenses continuent d’augmenter – le Gouvernement prévoit 6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en 2025 par rapport à ce que prévoyait la loi de finances rectificative pour 2024 ; de l’autre, les recettes risquent d’être inférieures aux prévisions.
À cet égard, vous me semblez bien optimiste, monsieur le ministre : l’exécutif table, par exemple, sur une augmentation de 6 milliards d’euros du produit de l’impôt sur le revenu en 2025. Or je ne suis pas convaincu que les rémunérations de nos compatriotes aient augmenté dans ces proportions.
Au total, d’après vos hypothèses, les recettes fiscales devraient progresser de 37 milliards d’euros. Alors que nous souhaitions tous n’augmenter les impôts qu’à la marge, tout en réduisant significativement les dépenses, c’est en réalité l’inverse qui se profile. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le souligne fort justement : 70 % des recettes résulteront d’augmentations d’impôts quand 30 % seulement de celles-ci découleront de réductions de dépenses. Il nous faut absolument inverser cette répartition.
À cet égard, j’espère que le prochain débat budgétaire nous permettra d’identifier des pistes d’économies. Sachez, monsieur le ministre, que vous nous trouverez toujours à vos côtés pour explorer ce type de solution. Il a été question récemment de la lutte contre l’absentéisme dans le secteur public : je suis évidemment favorable à l’extension du délai de carence à trois jours dans la fonction publique.
Nous devons poursuivre dans cette voie : ayons le courage de diminuer la dépense publique sans céder, chaque fois que la situation nécessite un redressement des finances publiques, à la tentation d’une hausse de la fiscalité, fût-elle exceptionnelle !
Comme chacun le sait, augmenter les impôts peut avoir des effets récessifs. Nombre d’entreprises, notamment dans le secteur des services à la personne, craignent déjà de devoir procéder à des licenciements ou liquider leur société.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous en conjure, faisons porter nos efforts davantage sur la dépense et un peu moins sur les impôts ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)