M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je souhaite rappeler que l’article liminaire est une disposition obligatoire, prévue par la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Si nous ne le votions pas, c’est l’ensemble du texte qui serait censuré – certes, j’imagine bien que cela ne chagrinerait pas forcément tout le monde… (Sourires.)
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article liminaire, dont je rappelle – c’est important – qu’il s’agit d’un article prévisionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Sur la forme, la présence d’un tel article est en effet une obligation constitutionnelle. Je crois sincèrement que le Parlement a tout intérêt à s’en saisir. C’est un article qui permet d’informer les membres de la représentation nationale, afin de leur permettre de mieux faire leur travail d’évaluation des politiques publiques liées à la loi de financement de la sécurité sociale. C’est donc bien pour protéger les prérogatives de contrôle et d’évaluation du Parlement que je m’oppose à la suppression de l’article liminaire.
Sur le fond, j’aimerais répondre à deux interpellations.
Monsieur le sénateur Durox, si un tel article figure dans le PLFSS, c’est non pas pour « rassurer les investisseurs », mais pour donner la vérité des chiffres, afin de résorber le déficit social. Il ne s’agit pas de faire plaisir à qui que ce soit à l’extérieur de notre pays. Nous voulons tout simplement pouvoir continuer de mener une politique de protection sociale en France.
Vous le savez, la protection sociale est ainsi conçue qu’elle se finance elle-même. La dette sociale, quant à elle, se rembourse. Si nous ne sommes pas capables d’indiquer un horizon d’équilibre des comptes sociaux, c’est la politique de protection sociale de notre pays que nous ne savons pas tenir.
Madame la sénatrice Apourceau-Poly, vous avez l’air de considérer les recettes affectées au remboursement de la dette sociale comme des recettes disponibles. Il s’agit d’une lecture erronée : nous ne pouvons pas faire comme si les 16 milliards d’euros consacrés au remboursement de la dette sociale pouvaient être utilisés au financement des besoins sociaux de notre pays. Ou alors, il ne fallait pas s’endetter socialement, comme cela a été le cas depuis plusieurs décennies maintenant. Rembourser la dette est une nécessité.
Nous avons besoin d’avoir des comptes sociaux qui s’équilibrent dans le temps. Je le rappelle, dans ce PLFSS, nous passons de –18 milliards à –16 milliards d’euros. Ce n’est pas une cure d’austérité ; c’est une trajectoire pour résorber un déficit qui, sans ces mesures, deviendrait insoutenable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, il faut effectivement rembourser la dette sociale.
Toutefois, vous souhaitez le faire avec les recettes courantes, ce qui serait tout à fait normal si la dette elle-même était due à des déficits courants. Or la dette effectivement due aux déficits courants sera totalement remboursée à la fin de cette année. Il restera donc, au 31 décembre 2024, les 138 milliards d’euros, dont 2 milliards d’euros d’intérêts, de la dette covid transférée à la Cades.
En d’autres termes, ce que vous nous demandez, c’est de rembourser à partir du 1er janvier 2025 sur les recettes courantes une dette exceptionnelle, qui justifierait des recettes exceptionnelles. Je suis d’accord avec ma collègue : c’est illégitime !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 196, 923 et 1111.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 1342, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, deuxième ligne, troisième colonne
Remplacer le nombre :
26,7
par le nombre :
26,6
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet amendement a pour objet de traduire dans le tableau des prévisions de dépenses, de recettes et de solde l’incidence des informations nouvelles et des mesures retenues depuis le dépôt du PLFSS, le 10 octobre dernier.
Ainsi que plusieurs membres du Gouvernement l’ont précisé à la tribune, certaines recettes et, surtout, certaines dépenses sont modifiées. Je pense, par exemple, à l’augmentation de l’Ondam à hauteur de 1,2 milliard d’euros, dont nous avons expliqué les raisons, liées aux moindres remises sur le prix du médicament.
Pour autant, les recettes, les dépenses et le solde des administrations publiques exprimés en pourcentage de PIB sont inchangés en 2024. En effet, la dégradation est compensée par des mesures d’économies dans le champ de la santé.
En revanche, nous proposons de remplacer le nombre 26,7 par le nombre 26,6, en raison de la compensation à l’État du retour sur l’impôt sur les sociétés de la simplification du dispositif des allégements généraux, qui n’avait pas pu être mis en œuvre au moment du dépôt du texte.
Il s’agit donc d’un amendement de remise à niveau de la vérité des chiffres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à ramener les recettes des administrations de sécurité sociale prévues pour 2025 de 26,7 points de PIB, dans le texte transmis au Sénat, à 26,6 points de PIB.
La réduction proposée n’est pas liée au dérapage des dépenses de santé récemment constaté. Il s’agit essentiellement de prendre en compte la réduction de 1 milliard d’euros de la part de TVA affectée à la sécurité sociale destinée à compenser, pour l’État, les moindres recettes de l’impôt sur les sociétés résultant de la réforme des allégements généraux.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article liminaire, modifié.
(L’article liminaire est adopté.)
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2024
Article 1er
I. – Au titre de l’année 2024, sont rectifiés :
1° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
239,0 |
253,6 |
-14,6 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
16,7 |
16,0 |
0,7 |
|
Vieillesse |
287,4 |
293,7 |
-6,3 |
|
Famille |
58,3 |
57,9 |
0,4 |
|
Autonomie |
40,9 |
40,0 |
0,9 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
624,2 |
643,0 |
-18,9 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris Fonds de solidarité vieillesse |
625,3 |
643,4 |
-18,0 |
; |
2° Les prévisions de recettes, les prévisions de dépenses et le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
21,4 |
20,6 |
0,8 |
; |
3° Les prévisions des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles demeurent nulles ;
4° L’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui est fixé à 15,99 milliards d’euros.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 924 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1112 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 924.
Mme Silvana Silvani. La dégradation comptable des soldes par rapport aux prévisions votées en LFSS pour 2024 et à celles qui avaient été publiées par la commission des comptes de la sécurité sociale au mois de mai dernier confirme notre analyse : le problème provient non pas des dépenses de la sécurité sociale, qui seraient « incontrôlées », mais des recettes.
Il est lié à la politique économique du Gouvernement et aux exonérations de cotisations sociales. Pour la première fois depuis 2021, les recettes de la sécurité sociale connaissent une progression plus faible que les dépenses.
Ainsi, l’article 1er rectifie le solde de la branche maladie en 2024 à –14,6 milliards d’euros, soit une dégradation de 3,2 milliards d’euros par rapport aux prévisions du mois de mai dernier, alors que l’Ondam 2024 est seulement abondé de 1,2 milliard d’euros. Ce sont donc bien 2 milliards de recettes qui manquent à la branche maladie.
Le Gouvernement a surévalué les recettes pour nous faire croire que les renoncements exigés, année après année, des professionnels de santé comme des patients seraient moins grands qu’il n’y paraît et, surtout, inévitables.
Selon l’exposé des motifs de l’article 1er, il manque 18 milliards d’euros, en raison de moindres recettes en lien avec la dégradation des perspectives macroéconomiques. Le ministre chargé du budget et des comptes publics a expliqué que cette dégradation était la conséquence d’une croissance davantage tirée par les exportations que par la consommation en 2024. Les recettes de TVA ont diminué et, avec elles, les montants affectés au financement de la protection sociale.
L’article 1er reflète donc les conséquences désastreuses des politiques menées depuis vingt ans pour réduire, voire supprimer les cotisations des entreprises en les compensant partiellement par les recettes de la TVA. Il reflète également les conséquences néfastes des niches sociales pour les compléments de salaires, qui ont entraîné un ralentissement des augmentations de salaires, donc des cotisations sociales.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1112.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise également à supprimer l’article 1er.
Il existe des richesses dans ce pays, mais elles ne contribuent pas de manière juste à la sécurité sociale. Malgré la croissance, +1,1 % selon l’Insee, les salaires n’ont pas augmenté et, par conséquent, les cotisations non plus.
Résultat : si l’on compare les recettes qui étaient prévues à la fin de l’année 2023 à ce qui figure dans le PLFSS, on s’aperçoit que 6,1 milliards d’euros ne sont pas rentrés dans les caisses de la sécurité sociale.
Le Gouvernement justifie ces moindres recettes par la « dégradation des perspectives macroéconomiques ». Traduisons : la sécurité sociale n’a pas bénéficié de l’augmentation des richesses de notre pays. L’article 1er montre l’absence de sérieux du « socle commun » dans la gestion des comptes sociaux.
La rectification des comptes de la sécurité sociale proposée par le Gouvernement met en évidence un écart de 7,6 milliards d’euros entre la prévision en LFSS 2024 et les chiffres qui sont désormais annoncés. L’écart tient essentiellement à la mauvaise prévision des recettes. Notre commission avait pourtant indiqué au Gouvernement combien elle était sceptique quant aux montants de ces prévisions, mais elle n’avait pas été entendue.
Pour ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’article 1er.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. On peut en effet commenter les prévisions, mais l’article 1er, à l’instar de l’article liminaire, est une disposition obligatoire au titre de la loi organique. Et, là encore, il s’agit d’un article prévisionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, dans vos prévisions, de rectification en rectification, avez-vous pris en compte l’effet récessif de votre plan sur la sécurité sociale ?
Les ménages vont subir un report de charges. L’Observatoire français des conjonctures économiques évalue à 0,8 point l’effet récessif de vos mesures. En avez-vous tenu compte ou préférez-vous attendre l’année prochaine pour nous dire que vous aviez surestimé la croissance ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Madame la sénatrice, nous sommes bien conscients que certaines de nos mesures budgétaires – en l’occurrence, elles figurent plus dans le projet de loi de finances que dans le PLFSS – peuvent avoir pour effet de ralentir l’activité économique. Notre objectif est précisément de faire en sorte que le ralentissement soit le plus limité possible. Le taux de croissance que nous avons retenu, 1,1 %, prend en compte ce que vous évoquez.
Il faut aussi faire preuve de cohérence. Nous avons décidé de réduire les allégements de cotisations sociales prévus à l’article 6. J’imagine qu’avec les membres de votre groupe et, plus généralement, avec l’ensemble des parlementaires de la gauche, vous devez approuver ce choix. Or, voyez-vous, ce sont plutôt ce type de mesures qui peuvent entraîner un effet récessif sur l’activité. Nous verrons bien les amendements que vous proposerez à cet égard.
Pour notre part, nous veillons à avoir un texte équilibré : d’un côté, nous freinons les dépenses ; de l’autre, nous prévoyons des prélèvements obligatoires exceptionnels qui ne doivent pas – c’est la raison pour laquelle nous tenons à ce qu’ils soient bien exceptionnels et temporaires – avoir un effet nocif sur l’activité, la croissance et, surtout, l’emploi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 924 et 1112.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 1353, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
1° Deuxième ligne
a) Deuxième colonne
Remplacer le nombre :
239,0
par le nombre :
238,6
b) Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
-14,6
par le nombre :
-15,1
2° Avant-dernière ligne
a) Deuxième colonne
Remplacer le nombre :
624,2
par le nombre :
623,7
b) Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
-18,9
par le nombre :
-19,4
3° Dernière ligne
a) Deuxième colonne
Remplacer le nombre :
625,3
par le nombre :
624,8
b) Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
-18,0
par le nombre :
-18,5
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet amendement vise à réviser l’article 1er, comme nous l’avons fait à l’article liminaire.
Il s’agit de prendre en compte les conséquences financières des perspectives moins dynamiques qu’anticipé pour les recettes de remise sur les médicaments. Nous estimons la dégradation du solde de la branche maladie à 0,8 milliard d’euros.
Nous souhaitons également tenir compte des perspectives actualisées des recettes fiscales sur la TVA retenues en fin de gestion pour 2024 avec, cette fois-ci, à l’inverse, une estimation de révision à +0,3 milliard d’euros pour la branche maladie, compte tenu de l’affectation de plus d’un quart de la TVA à la sécurité sociale.
En définitive, le solde sur l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale est prévu à –18,5 milliards d’euros, contre –18 milliards d’euros dans le texte que nous avions présenté, le 10 octobre dernier.
Les recettes de la branche maladie sont revues à la baisse de 0,5 milliard d’euros, pour un montant exact de 224,7 milliards d’euros, contre 225,3 milliards dans le texte initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à intégrer dans le texte une réduction d’environ 0,5 milliard d’euros des recettes de la branche maladie en 2024, dont le déficit serait donc accru d’autant.
Idem pour la sécurité sociale dans son ensemble, avec une réduction des recettes de 0,5 milliard d’euros et une augmentation équivalente du déficit pour 2024, qui passerait à 18,5 milliards d’euros, contre 18 milliards d’euros dans le texte initial.
Selon l’exposé des motifs de l’amendement, il s’agit de « tenir compte de l’impact financier de perspectives moins dynamiques qu’anticipé s’agissant des recettes de remise sur les médicaments » et « de rentrées fiscales supplémentaires au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ».
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Ainsi que Mme la rapporteure générale vient de le souligner, cet amendement met en lumière l’augmentation du déficit pour 2024, qui serait de 18,5 milliards d’euros. Or nous savions depuis l’été dernier que le problème se poserait. Quelles mesures avez-vous prises, monsieur le ministre, pour réduire ce déficit en 2024 ? La réponse est simple : aucune !
Le débat public se polarise sur le déficit de l’État et le projet de loi de finances pour 2025, mais l’on scotomise un peu la dérive des finances sociales et la responsabilité d’un gouvernement qui laisse filer les comptes.
D’ailleurs, si l’on met cela en parallèle avec les projections que vous faites pour les années suivantes, c’est assez inquiétant. Tout se passe comme si vous aviez l’intention de laisser dériver les finances sociales, moyennant quoi il faudra ensuite – il n’y a pas trente-six solutions – soit remettre le déficit dans la Cades, soit réduire le périmètre de la sécurité sociale.
Ainsi, cet amendement, d’apparence anodine, est le parfait témoin de l’inaction du Gouvernement. À moins que vous ne puissiez nous détailler les mesures que vous avez prises depuis l’été dernier pour enrayer le déficit pour 2024 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur le sénateur Jomier, vos propos pourraient laisser à penser qu’aucune action n’a été menée pour ralentir le dérapage social en 2024. Or ce n’est pas vrai.
Comme je l’ai indiqué, d’un côté, l’activation de la clause de sauvegarde permet de contenir le dépassement à 800 millions d’euros ; de l’autre, bonne nouvelle, nous enregistrons 300 millions d’euros supplémentaires de rentrées de TVA.
Certes, au total, le déficit augmente, mais la hausse aurait pu être plus forte sans les actions que nous avons entreprises. Il est donc faux de dire que rien n’a été fait pour freiner le déficit.
M. Bernard Jomier. Les rentrées de TVA, ce ne sont pas des « actions » !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Au titre de l’année 2024, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs sont rectifiés ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
|
Sous-objectif |
Objectif de dépenses |
Dépenses de soins de ville |
109,5 |
Dépenses relatives aux établissements de santé |
105,5 |
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées |
16,1 |
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées |
15,2 |
Dépenses relatives au fonds d’intervention régional et soutien à l’investissement |
6,7 |
Autres prises en charge |
3,2 |
Total |
256,1 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 926 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1113 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 926.
Mme Céline Brulin. L’article 2 rectifie le montant de l’Ondam pour 2024.
Après le débat que nous venons d’avoir sur l’insuffisance des recettes, nous voyons que, année après année, l’Ondam est sous-dimensionné, sous-évalué. Je ne connais pas un seul acteur du système de santé et de protection sociale qui le juge à la hauteur des besoins de notre pays.
Vous ne serez sans doute pas surpris de nous l’entendre dire, dans la mesure où nous le répétons chaque année. Et, en effet, chaque année, il faut apporter des correctifs à l’Ondam, ce qui prouve bien qu’il est sous-évalué. De surcroît, les rectificatifs que vous apportez ne permettront pas de remédier complètement à la situation.
Cette année, j’aimerais plus particulièrement pointer le fait que les cliniques privées ont obtenu 600 millions d’euros supplémentaires, en réponse au mouvement de grève qu’elles avaient voulu engager, de bonne mémoire, au mois de mai dernier. Il s’agit, par exemple, de revaloriser, à hauteur de 80 millions d’euros, les gardes de nuit ou – j’insiste sur cet aspect – de supprimer un coefficient de minoration, qui devait neutraliser l’avantage fiscal dont bénéficient ces cliniques avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
Comme l’ont souligné un certain nombre d’acteurs de l’hospitalisation publique, ces 600 millions d’euros vont manquer à nos hôpitaux publics, notamment dans le contexte de déficit de 2 milliards d’euros qu’ils connaissent depuis plusieurs années.
Je pourrais également évoquer la situation des Ehpad, qui n’est pas forcément plus brillante aujourd’hui…
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1113.
Mme Anne Souyris. L’Ondam 2024 est, encore une fois, le symptôme d’une gestion insincère.
Ce soir, il sera modifié par le Gouvernement pour la deuxième fois depuis l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. De 254,9 milliards d’euros en LFSS 2024 à 256,1 milliards d’euros dans le PLFSS initial pour 2025, il serait à présent porté à 256,9 milliards d’euros par un amendement du Gouvernement.
L’Ondam n’est toujours pas à la hauteur des besoins de financement, que la Fédération hospitalière de France (FHF) estime à 260,7 milliards d’euros. Il est le reflet d’une politique insincère, alors que nous n’avons eu de cesse d’alerter le Gouvernement pour en revaloriser le montant.
Oui, l’Ondam est un outil absolument inadapté : il est limitant, restrictif et ne répond pas aux besoins des acteurs et des actrices de terrain. Il suffira d’une crise supplémentaire – ma collègue a évoqué tout à l’heure la crise de la covid-19, qui a été absolument dramatique sur les plans sanitaire, environnemental et économique – pour abattre une bonne fois pour toutes notre système de santé, fragilisé par l’Ondam lui-même.
Mes chers collègues, si nous ne voulons pas entériner la paupérisation de notre système de santé, supprimons l’Ondam et repartons des besoins des populations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je souhaite tout d’abord rappeler que la rectification du montant de l’Ondam et du montant de ses sous-objectifs est, là aussi, une disposition obligatoire en loi de financement de la sécurité sociale. Les lois de financement rectificatives sont rares ; jusqu’à présent, elles n’ont été qu’au nombre de deux. C’est en fin d’année, à l’occasion de l’examen du PLFSS pour l’année suivante, que le montant de l’Ondam peut être rectifié.
Surtout, j’aimerais revenir sur les éléments que vous avez exposés, l’une et l’autre.
Première observation, il est vrai que l’année 2024 enregistre un dépassement très préoccupant de l’Ondam, compte tenu de la situation très dégradée de nos finances publiques. Ce dépassement, qui était annoncé à 1,2 milliard d’euros, sera finalement de 1,9 milliard d’euros, puisque le Gouvernement entend porter l’Ondam 2024 à 256,9 milliards d’euros, soit 800 millions d’euros de plus que ce qui était prévu dans le texte initial.
Deuxième observation, le dépassement ne s’inscrit de surcroît plus dans un contexte de crise, comme cela vient d’être rappelé. D’une part, les dépenses de gestion de la crise de la covid-19 sont devenues résiduelles ; d’autre part, l’inflation a nettement ralenti.
Pour autant, la rectification du montant de l’Ondam souhaitée par le Gouvernement reflète un état des lieux que nous ne pouvons pas feindre d’ignorer, même s’il y a des désaccords de fond sur les choix opérés.
Cet article de rectification étant un article obligatoire de la LFSS, j’émets un avis défavorable sur les amendements visant à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous en conviendrez, nous avons besoin de cet article en LFSS. Je prends donc ces amendements plutôt comme des amendements d’appel et j’en sollicite le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
Sur le fond, comme l’a très bien expliqué Mme la rapporteure générale, je ne peux pas être d’accord lorsque vous voyez dans les écarts constatés la preuve d’une « insincérité ».
Il faut faire attention aux termes qui sont utilisés. La plupart du temps, il s’agit de dépenses de guichet. Si vous comparez les estimations, c’est-à-dire l’objectif – car l’Ondam, par définition, est un objectif –, et les résultats, vous voyez bien qu’il ne s’agit pas d’insincérité. S’il est des réalités – nous l’avons malheureusement encore constaté dans le cadre des remises sur les médicaments – qui nous obligent à modifier l’article 2, vous ne pouvez, au regard des chiffres, parler d’insincérité. Les résultats observés restent dans les mêmes ordres de grandeur que les prévisions, même s’il faut procéder à des ajustements fondés sur le constat de l’existant sur l’année.
Il s’agit, au contraire, de sincérité dans la communication vis-à-vis du Parlement.