M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avant de conclure, je dirai un mot des services votés, c’est-à-dire sur les crédits que, en application des règles organiques, le Gouvernement pourra ouvrir par décret, sans autorisation parlementaire formelle. Il s’agira d’un enjeu essentiel durant les semaines à venir.
Ces crédits correspondent au minimum indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics. Avant la Lolf, le montant des services votés figurait dans le projet de loi de finances ; ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous devrons donc être particulièrement attentifs aux choix que fera le Gouvernement sur leur montant et leur répartition.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur les défauts majeurs du régime des services votés. D’une part, ces crédits ne permettront pas de tenir en gestion pendant toute l’année. D’autre part, ils ne pourront pas tout financer. Pour ne parler que des collectivités territoriales, je le rappelle, tant qu’il n’y a pas de budget 2025, il n’y a pas de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), pas de dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et pas de fonds vert.
Enfin, les services votés seront ouverts sans autorisation parlementaire, puisque nous n’avons pas voté de loi de finances initiale.
Toutes ces raisons doivent nous pousser à poursuivre et à achever rapidement le projet de loi de finances pour 2025 en cours de discussion.
Mes chers collègues, vous le voyez bien, nous explorons un chemin nouveau et totalement inédit, sans précédent sous la Ve République. Je le dis avec clarté, mais avec force, cette loi spéciale donnera tout ce qu’il faut à l’État pour assurer ses fonctions essentielles au début de 2025, mais rien de plus.
Il nous faut le plus rapidement possible achever l’examen du projet de loi de finances en cours de discussion, afin de donner un budget à notre pays et de rassurer les Français.
Enfin, notre responsabilité est aujourd’hui de nous unir, en mettant de côté nos divergences et en gardant à l’esprit l’intérêt supérieur de notre pays et des Français.
Cet intérêt supérieur, nous le servirons ensemble, en rassemblant nos forces, pour participer au redressement de nos comptes publics et retrouver la confiance en l’avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Emmanuel Capus et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, rapporteure pour avis. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de m’associer aux propos tenus sur Mayotte.
Il y a déjà deux ans, la présidente de la commission des affaires sociales Catherine Deroche s’était rendue à Mayotte en compagnie de plusieurs de nos collègues. Elle avait remis un rapport d’information décrivant le dénuement dans lequel vivent les habitants de l’île, en matière d’eau, d’accès aux soins et de logement, notamment, ainsi que le climat d’insécurité qui y régnait. Aujourd’hui, ces habitants vivent l’horreur. Même s’ils sont loin géographiquement, ils sont proches dans nos pensées et dans nos cœurs.
Nous voilà donc réunis, en ce début d’après-midi, pour examiner un nouveau type de loi : la loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances.
Je ne suis pas la seule à le faire remarquer, le fait que nous soyons réunis à la mi-décembre pour examiner un tel texte montre la gravité de la situation.
La loi spéciale a, comme vous le savez, le statut de loi de finances. La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de l’article 3, qui autorise la sécurité sociale à emprunter.
En réalité, cet article 3 n’appelle pas de longs commentaires. Comme l’article 2 relatif à l’autorisation d’emprunter de l’État, il est très succinct, notamment parce qu’il ne comprend pas de plafond par organisme.
La disposition des lois de financement de la sécurité sociale autorisant la sécurité sociale à emprunter comprend des plafonds pour les différents organismes concernés. Par exemple, dans le cas du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le plafond d’emprunt de l’Acoss était fixé à 65 milliards d’euros. L’année précédente, il était à 45 milliards d’euros. La détermination de ces plafonds est rendue obligatoire par la loi organique.
Toutefois, l’article 3 du présent projet de loi spéciale n’établit pas de plafond. Lors de l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur un amendement du rapporteur général tendant à rétablir ces plafonds. Le ministre chargé du budget et des comptes publics a justifié cet avis en arguant que, selon lui, de tels plafonds politiques n’auraient pas relevé du champ de la loi spéciale et n’auraient donc pas été constitutionnels.
Que l’on partage ou non cette analyse, il serait paradoxal d’introduire des plafonds d’emprunt, par nature politiques, dans un texte censé être purement technique.
Cette absence de plafonds s’explique aussi probablement par des raisons pratiques. En tout premier lieu, la détermination de plafonds aurait impliqué d’en fixer le niveau, on ne sait trop selon quelles hypothèses, dès lors qu’on ne sait pas où l’on va. Par ailleurs, il pourrait être juridiquement délicat d’augmenter ces plafonds en cours d’année, le code de la sécurité sociale prévoyant que des décrets de relèvement ne puissent être pris que pour les plafonds fixés par une loi de financement de la sécurité sociale.
Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle émis un avis favorable à l’adoption conforme de l’article 3.
Il me paraît toutefois nécessaire de se projeter au-delà de la loi spéciale, qui ne fera pas miraculeusement disparaître le déficit de la sécurité sociale. Sans aucune mesure législative ou réglementaire d’amélioration du solde, ce déficit serait d’environ 30 milliards d’euros en 2025 et pourrait encore augmenter d’ici à 2028.
Rappelons-nous que, en 2020, au début de la crise sanitaire, l’Acoss s’était temporairement trouvé dans l’impossibilité d’emprunter. Pour payer les prestations, il avait fallu mettre en place un financement d’urgence impliquant la Caisse des dépôts. Comme la Cour des comptes l’a récemment rappelé, le financement des déficits par l’Acoss se fait « dans des conditions qui pourraient mettre en risque le versement des prestations ».
Nous ne pouvons pas laisser la dette sociale augmenter de 30 milliards d’euros par an et s’accumuler à l’Acoss. Il faut réaliser rapidement de nouveaux transferts de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), ce qui n’aura de sens et ne sera possible que si on sait où l’on va et donc si l’on dispose d’une loi de financement de la sécurité sociale, avec une programmation crédible.
C’est la pérennité de notre protection sociale qui est en jeu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi spéciale, conçue pour assurer la continuité de la vie nationale, que nous examinons cet après-midi doit pallier l’absence de budget, à quelques jours de l’année 2025, afin de permettre au Gouvernement d’ouvrir par décret les crédits se rapportant aux services votés.
Cette loi est indispensable pour assurer le financement nécessaire au fonctionnement des institutions et des services publics. Je me réjouis que l’Assemblée nationale l’ait adoptée à l’unanimité, ce que s’apprête probablement à faire le Sénat si les votes constatés en commission des finances se confirment.
D’application rare, le quatrième alinéa de l’article 47 de la Constitution et l’article 45 de la Lolf, qui limite le champ de la loi spéciale à la perception des impôts existants, sont entendus de façon stricte. Cela conduit à ce que ne soient permises que des mesures d’ordre financier « nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale », comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel.
Si j’entends cette interprétation et si je l’ai moi-même appliquée, j’estime qu’une appréciation un peu plus souple aurait sans doute pu être tentée, comme la commission des finances de l’Assemblée nationale l’a suggéré. Il eût fallu pour ce faire que cette vision fût partagée par l’ensemble du Parlement.
Quoi qu’il en soit, du fait de son champ très limité, la présente loi spéciale ne suffira pas, et nous ne pourrons laisser la France sans budget bien longtemps.
Nos concitoyens et nos collectivités attendent de nombreuses décisions. Si les mesures fiscales peuvent être adoptées dans tout texte législatif, tel n’est pas le cas des dépenses budgétaires. Une loi de finances est par exemple exigée pour garantir plus de moyens à notre armée ou à notre justice, soutenir nos agriculteurs ou encore accorder les dotations soutenant l’investissement de nos collectivités territoriales.
Aussi, face aux choix qui s’offrent à nous, j’estime, comme le rapporteur général, que la poursuite de la discussion du projet de loi de finances que nous étions en train d’examiner constitue la meilleure solution, parce que c’est la plus rapide et la plus efficace.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Évidemment, la copie initiale du gouvernement démissionnaire doit être revue pour mieux traduire les aspirations profondes des Français, qui se sont notamment manifestées lors des dernières élections législatives.
Toutefois, la procédure parlementaire permet de modifier et d’adapter le texte dès lors que, messieurs les ministres, l’on n’abuse pas de secondes délibérations visant à détourner le sens des votes effectués…
Laissons donc le Sénat finir l’examen du texte en première lecture, puis l’Assemblée nationale en débattre dans le cadre d’une deuxième ou d’une nouvelle lecture.
Durant ce travail parlementaire, rien n’empêchera le gouvernement nouvellement installé de proposer lui-même des modifications, y compris significatives, sur les dispositions discutées. Certes, la règle dite de l’entonnoir empêchera de proposer des mesures nouvelles, mais celles-ci pourraient être valablement insérées dans un projet de loi de finances rectificative.
Ainsi, plutôt que de nous embarquer dans l’élaboration d’un nouveau texte, qui, en raison de la préparation technique et du travail parlementaire qu’elle impose, exigerait un délai de plusieurs mois, nous devons choisir, ensemble, le pragmatisme et l’efficacité.
Si, malgré nos efforts, cela ne fonctionnait pas en raison de l’absence de compromis entre les forces politiques – à mes yeux, ce serait d’ailleurs profondément regrettable et même dommageable pour notre pays –, il nous resterait toujours la possibilité d’adopter, au travers d’un texte législatif autonome, les mesures fiscales les plus attendues par nos concitoyens et apportant les correctifs les plus importants.
Une proposition de loi portant indexation du barème de l’impôt sur le revenu est déjà prête et pourrait être rapidement déposée par le rapporteur général et moi-même ; d’autres mesures pourraient éventuellement y être associées.
Toutefois, soyons clairs, cela constituerait un pis-aller, et j’ose croire que, avec un gouvernement à l’écoute de tous – de tous, j’y insiste ! – et avec un parlement ouvert à des accords, une voie est possible pour doter la France d’un véritable budget.
En attendant, garantissons la continuité de la vie nationale et votons donc pour le projet de loi spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, avant toute chose, je tiens à m’associer à votre hommage, en ayant une pensée fraternelle pour nos concitoyens mahorais. Le 101e département français a été très durement touché par le cyclone Chido et je tiens à exprimer tout le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain aux victimes et à leurs familles, ainsi qu’aux forces de secours et aux services de l’État qui œuvrent actuellement auprès des Mahorais.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner un projet de loi quasi historique, puisqu’il est inédit depuis 1979. Ce projet de loi n’appelle, sur le fond, que peu de commentaires, mais, formellement, il dit tout de la séquence politique que traverse notre pays.
En effet, si nous examinons ce texte aujourd’hui, c’est précisément parce que le précédent gouvernement, auquel vous apparteniez, messieurs les ministres, a refusé de voir les réalités politiques du pays. Depuis deux ans, Emmanuel Macron se comporte comme un mauvais perdant, qui veut sans cesse rejouer le match qu’il a pourtant perdu, et par trois fois !
Il sera le président qui n’aura jamais été capable de tirer les leçons de ses défaites : tel un joueur de poker compulsif, il pense perpétuellement pouvoir « se refaire » au prochain coup, dans l’unique dessein de récupérer sa mise et même, si possible, de gagner un peu plus ; mais on ne peut jouer le destin de la France à la roulette russe.
Dans quelle démocratie saine le Premier ministre est-il issu de l’un des plus petits groupes de l’Assemblée nationale ?
Dans quelle démocratie saine le Président de la République utilise-t-il son pouvoir de nomination comme un pouvoir de décision, faisant fi de tous les enseignements des différents scrutins ?
Ce piétinement des résultats n’est pas sans conséquence pour le pays. Les études sur le sujet mettent en relief des chiffres désastreux, qui témoignent à eux seuls du climat de défiance qui règne dans le pays.
En deux décennies de règne, après huit guerres de religion, Henri IV changea de religion à six reprises et réconcilia entre eux les Français, tout en redressant le pays. (Sourires. – Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Loïc Hervé. C’est une belle référence !
M. Thierry Cozic. Le nouveau Premier ministre, François Bayrou, qui se voit volontiers comme un Henri IV moderne, a la lourde tâche de réconcilier entre eux les Français, mais, attention, n’est pas le Vert-Galant qui veut !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il cherche la poule au pot…
M. Olivier Paccaud. Attention à Ravaillac ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Thierry Cozic. Au pays des Lumières, où la laïcité est seule reine, changer de religion à de multiples reprises ne changera rien…
Pour réussir à réconcilier le pays, il va falloir l’écouter et entendre ce qu’il nous a dit lorsque le Président de la République a mis en œuvre sa « dissolution d’amertume » en juin dernier. Quel est l’intérêt de redonner la parole au peuple si c’est pour ne tirer aucune conséquence politique quand ce dernier s’est massivement exprimé ?
Il est clair que, par cette nomination, le Président de la République préfère la coalition à la cohabitation. À tous ceux qui nous disent que la personnalité du nouveau Premier ministre, conjuguée aux conditions pour le moins baroques de sa nomination, garantira une cohabitation, je tiens à rappeler un principe simple : la cohabitation, c’est lorsque le parti du Président de la République est dans l’opposition. Tout le reste n’est que littérature…
En dépit de ce nouveau coup de force d’un macronisme finissant, le gouvernement sur le point d’être nommé sera presque celui de la dernière chance pour Emmanuel Macron. Le président qui se voyait en maître des horloges devrait entendre le compte à rebours qui est désormais lancé, car, au-delà des dégâts inhérents de la politique promue par Emmanuel Macron, ce qui est désormais en cause, ce sont les dégâts que sa conduite entraîne.
Nous arrivons à un moment où sa manière d’exercer le pouvoir représente un coût astronomique pour les Français. Depuis plusieurs mois, nous vivons sur la scène politique nationale dans un état de sidération, mais nous ressentons en outre un sentiment d’humiliation et de colère profonde lorsque nous voyons notre pays s’effacer sur la scène internationale.
Nous sommes peut-être encore en assez bonne forme pour faire des photos en marge de l’inauguration de Notre-Dame de Paris, mais nous n’avons plus la capacité de peser sur les décisions du monde : en Ukraine, au Moyen-Orient ou encore en Indo-Pacifique, sur tous ces théâtres internationaux, c’est sans nous que se nouent les accords et les désaccords.
À cet égard, il est éclairant de se pencher sur la validation par Mme von der Leyen du traité avec le Mercosur, car je tiens à souligner certaines évidences qui semblent échapper à tous ceux qui imputent ce passage en force à la chute du gouvernement Barnier.
Je rappelle en effet qu’Emmanuel Macron avait publiquement soutenu le renouvellement du mandat de la présidente de la Commission européenne et que le groupe macroniste Renew Europe, présidé par Valérie Hayer, avait voté à l’unanimité dans le même sens, de même d’ailleurs le parti populaire européen (PPE), auquel appartiennent les députés européens Les Républicains, menés par François-Xavier Bellamy !
Le discrédit qui en découle est aussi important pour la France que pour ces groupes politiques, qui se sont révélés incapables d’infléchir la décision forcenée de leur propre présidente…
Je le dis donc avec gravité et solennité, le prochain gouvernement devra changer de méthode de travail par rapport au gouvernement censuré, sans quoi les mêmes causes produiront les mêmes effets.
À ce titre, je tiens à dire publiquement que le groupe socialiste n’a pas goûté la salve d’amendements visant à supprimer plusieurs mesures emblématiques adoptées par la Haute Assemblée durant l’examen du budget.
M. Hervé Gillé. Absolument !
M. Thierry Cozic. En moins de deux heures, vous avez, messieurs les ministres, rayé d’un trait de plume des mesures pourtant adoptées par le Sénat, telles que la hausse de la flat tax, de l’exit tax ou de la taxe dite Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). En tout, ce ne sont pas moins de 27 secondes délibérations qui ont été votées un dimanche après-midi,…
M. Hervé Gillé. Honteux !
M. Thierry Cozic. … à la suite d’un conclave de la commission des finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous y étiez !
M. Thierry Cozic. Notre collègue Pascal Savoldelli l’a très justement souligné : nous avons assisté à un véritable 49.3 sénatorial.
Le changement de méthode doit donc avoir lieu, et très vite, car sept ans de macronisme ont mis les finances publiques dans un état de délabrement qui ne nous permet plus d’attendre.
À ce sujet, la dégradation d’un cran de la note souveraine de la France par l’agence Moody’s, dans la nuit de vendredi dernier, constitue une première alerte qu’il ne faut ni négliger ni dramatiser.
Nous sommes en effet loin des prédictions ridicules auxquelles se sont livrés certains membres du gouvernement, affirmant que, en cas de censure, l’absence de budget nous condamnerait à un shutdown à l’américaine, qui menacerait le versement des salaires des fonctionnaires, des retraites et des aides sociales, certains allant jusqu’à dire que les cartes Vitale seraient bloquées…
Toutefois, il semble désormais capital de mettre un terme à l’instabilité politique qu’a lui-même créée le président Macron, tout en gardant la mesure nécessaire qui incombe aux fonctions respectives des uns et des autres.
Les tentatives de dramatisation, frôlant parfois la malhonnêteté intellectuelle, n’ont pas eu prise sur un pays ayant besoin de sérénité. Je le rappelle, les marchés, tout comme nos concitoyens, veulent de la stabilité. Ils ne cherchent pas un champion de saut en hauteur… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Le groupe socialiste pense qu’un autre chemin budgétaire existe, un chemin qui ne sacrifie ni notre modèle social ni nos services publics et qui permettrait de garantir les grands investissements de demain en matière de santé, d’éducation, de recherche ou encore d’écologie, mais également pour faire face aux nouvelles tensions géopolitiques.
Lors de son allocution télévisée, le chef de l’État a indiqué qu’il ne croyait pas que l’avenir de la France puisse se faire avec plus d’impôts. Pourtant, c’est bien avec moins de réductions des dépenses et plus de recettes fiscales que nous entendons engager le rétablissement de nos comptes publics.
Les baisses d’impôts successives des sept dernières années nous ont coûté 62 milliards d’euros par an. Pilier fondamental du macronisme économique, le principe de ces suppressions de prélèvements obligatoires a donné les résultats que l’on sait : des dérapages budgétaires, une économie en panne de productivité, une compétitivité accrue.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et le CICE ?
M. Thierry Cozic. Pour bâtir un consensus parlementaire, les soutiens du Président doivent s’affranchir des dogmes du patron : la France se porte plus mal depuis les baisses d’impôts massives ; il vous faudra tôt ou tard le reconnaître, messieurs les ministres.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, mon propos est résolument tourné vers les échéances budgétaires à venir, tant ce projet de loi spéciale n’appelle aucune réflexion particulière. En effet, ce texte de loi tampon se contente d’autoriser le Gouvernement à continuer de percevoir les impôts existants et à reconduire les dépenses de l’État au niveau de celles de 2024.
Le groupe socialiste regrette vivement que l’amendement visant à indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu pour les tranches les plus basses ne satisfasse pas les règles de recevabilité financière.
Néanmoins, mû par le sens des responsabilités et la conviction qu’il est nécessaire de garantir la continuité de l’État en dépit des circonstances politiques particulières, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Thomas Dossus et Guy Benarroche applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, on retiendra que la dernière chose que sait faire l’État quand tout va mal, c’est de percevoir l’impôt avec précision et efficacité, quitte à rendre imposables 380 000 foyers supplémentaires. C’est une allégorie qui en dit long sur l’état de l’État ! (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Loïc Hervé. La faute à qui ?
M. Laurent Burgoa. Qui a censuré ?
M. Stéphane Ravier. Calmez-vous, mes chers collègues, je viens à peine de commencer…
Les décisionnaires qui gouvernent et les fonctionnaires qui administrent auront réussi à étouffer tout dynamisme à l’intérieur du pays, tout en dispensant les bienfaits de l’État providence au monde entier, sans vouloir se rendre compte qu’ils pompaient un marais déjà asséché. Résultat, de déficits en dettes et de dettes en déficits, nous parvenons, après soixante-six ans de Ve République et cinquante ans de budgets déficitaires, à une situation inédite : le blocage politique sur notre budget national en fin d’année civile.
M. Rémy Pointereau. À cause de qui ?
M. Stéphane Ravier. Ne prenez pas ce projet de loi spéciale pour un texte banal ou une formalité de gestion ; c’est un terrible avertissement.
Le niveau de ras-le-bol des Français augmente aussi vite que leur niveau de vie diminue et aussi systématiquement que vous refusez de remettre en cause les dogmes ruineux des dernières décennies : toujours plus pour la Commission européenne, toujours plus pour l’assistanat, toujours plus pour l’immigration, toujours plus pour les administrations d’État… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)
En 2019, les « gilets jaunes » avaient demandé simplement deux choses : qu’on leur donne la parole et qu’on leur permette de vivre dignement de leur travail. Au lieu d’un renouveau démocratique, vous leur avez imposé vingt-cinq 49.3, un « front antirépublicain », des combines contre nature pour empêcher que le Gouvernement ne soit renversé et aucune évolution du référendum d’initiative partagée.
Pour ce qui est de la juste rémunération du travail, vous n’avez su proposer qu’inflation, impositions et cotisations supplémentaires, pour pallier le « n’importe quoi qu’il en coûte ». Aucune remise en question, et une véritable autoroute de l’injustice qui mène nécessairement à un avenir bien sombre.
Alors que Mayotte est entièrement détruite et que l’argent et les moyens manquent, vous confirmez cette provocation qui consiste à accorder, dans le cadre de l’aide publique au développement, 120 millions d’euros à la Chine, 171 millions d’euros à la Turquie et 800 millions d’euros à l’Algérie ! Mais que vous ont fait les Français pour que vous les méprisiez autant ? (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Oh là…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. Et nous, qu’est-ce que nous vous avons fait ?
M. Stéphane Ravier. Monsieur le ministre, vous pourriez certes dire que vous n’avez eu que peu de temps pour réformer l’État et réduire les dépenses publiques et que vous avez récupéré les comptes désastreux de M. Le Maire. Mais, non content d’avoir salué le bilan de ce dernier, vous avez réussi à faire pire !
M. Rémy Pointereau. Oh !
M. Stéphane Ravier. En effet, alors que, voilà une vingtaine d’années, un député européen devenu Premier ministre giflait un gamin qui tentait de lui faire les poches, vous avez, quant à vous, voulu faire les poches des collectivités locales et des Français ! Vous avez donc reçu la raclée que vous méritiez, via la censure. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour éviter cela, vous auriez pu – vous auriez dû –, fort des cinquante et une années d’expérience politique de M. Barnier, arriver avec un programme de réforme de l’État clefs en main. Cela n’a pas été le cas.
Vous vous êtes réduits à la caricature de don Salluste percevant l’impôt : « Cette année la récolte a été très mauvaise, alors il faut payer le double ! », soit 40 milliards d’euros ! (Marques d’impatience sur les travées des groupes SER, UC et Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Votre temps de parole est épuisé !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. Dès lors, ne vous attendez pas, monsieur le ministre, à être accueilli ici au cri de « Vive notre bienfaiteur ! » (Brouhaha.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Stéphane Ravier. Et joyeux Noël à vous tous, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)