En 2025, les efforts d'économies doivent se prolonger, puisqu'en première partie du projet de loi de finances nous avons adopté une baisse de 810 millions d'euros des moyens de l'Afit France par rapport aux moyens alloués dans la loi de finances initiale pour 2024. Il faut cependant rappeler que les moyens de l'Afit France avaient été nettement augmentés en 2024. Ainsi, après ces efforts d'économies, les investissements de l'État dans les infrastructures de transport reviendraient en 2025 à leur niveau de 2023, soit environ 3,7 milliards d'euros.
Le présent budget a été calibré pour permettre d'honorer les restes à payer 2025 de l'Agence, c'est-à-dire les programmes déjà engagés pour lesquels des appels de fonds sont prévus cette année. En revanche, aucun nouveau projet non engagé ne pourra être financé en 2025. (M. Olivier Jacquin s'exclame.) Cette situation entraînera notamment un décalage dans le temps de certaines opérations des contrats de plan État-région (CPER). Ce « coup de frein » sera vraisemblablement amplifié par la situation financière des collectivités locales, notamment des régions elles-mêmes.
Cela faisait trois ans que les sociétés d'autoroutes, en conflit avec l'État au sujet de l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT), retenaient en otage l'Afit France et le financement des infrastructures de transport en refusant de payer une contribution annuelle de 60 millions d'euros. Après avoir été déboutées en première instance, les sociétés d'autoroutes ont dû verser à l'Afit France les sommes qu'elles lui devaient au titre des exercices 2021, 2022 et 2023, soit 188 millions d'euros. Toutefois, elles ont fait appel de la décision et ont de nouveau refusé de payer l'échéance 2024. Le sujet est donc malheureusement loin d'être clos.
J'en viens aux crédits prévus sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports ». Le principe général qui a prévalu a été celui d'une reconduction des crédits 2024 sans prise en compte de l'inflation, c'est-à-dire un principe de « continuité des services publics » sans « mesures nouvelles ».
Cependant, une exception notable à ce principe concerne les crédits destinés à la régénération dans les infrastructures existantes. Compte tenu de l'état calamiteux de nos infrastructures, qu'il s'agisse d'infrastructures de transport ferroviaire, routier ou fluvial, ces investissements ont été sanctuarisés, et ils vont même progresser en 2025 à un rythme supérieur à l'inflation. Dans le contexte budgétaire très contraint qui est le nôtre, un tel effort de priorisation est une très bonne chose.
Dans cette logique, d'après les informations dont nous disposons, les crédits alloués à l'entretien des ponts devraient être augmentés non pas en valeur absolue, mais tout de même augmentés, car une partie du périmètre des ponts qui étaient gérés par l'État va se réduire, ce qui devrait permettre d'avoir des crédits supérieurs pour les ponts restant de la compétence de l'État. Cette priorisation est donc, encore une fois, extrêmement positive.
J'espère que l'amendement qui a été déposé ce matin pour réduire les crédits du programme 203 de 47 millions d'euros et ceux du programme 205 de 4 millions d'euros ne tend pas à remettre une telle priorisation en cause. Je le rappelle, nous en avons été saisis vingt minutes avant la réunion de la commission, c'est-à-dire quelques heures avant l'examen en séance. Nous n'avons donc pas pu l'examiner de manière approfondie. Voilà qui est franchement regrettable et qui témoigne d'un certain mépris du Parlement. J'espère que le Gouvernement pourra nous rassurer, non pas sur le respect qu'il porte au Parlement, mais, du moins, sur le fait qu'une adoption de l'amendement n'aboutirait pas à une réduction des crédits consacrés à la régénération.
Je laisse la parole à ma collègue Marie-Claire Carrère-Gée, qui va vous présenter les autres aspects de notre mission. (M. Marc Laménie applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je partage les analyses de mon collègue Hervé Maurey, s'agissant en particulier des « amendements de rabot » : comme les économies ne sont pas documentées, ces amendements n'ont pas dû être bien difficiles à rédiger ; le Gouvernement aurait donc même pu se payer le luxe de les déposer dans des délais respectueux de la commission des finances et du Parlement…
Je centrerai mon propos sur les questions ferroviaires, fluviales et maritimes.
Concernant le domaine ferroviaire, je voudrais signaler deux évolutions positives et notables dans ce projet de loi de finances : d'une part, l'ouverture de 796 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour renouveler les rames de trains de nuit ; d'autre part, l'augmentation de 30 millions d'euros des soutiens au fret ferroviaire.
Je souhaite également évoquer la modernisation et la régénération du réseau ferré. Au mois de mars 2022, dans le cadre d'un rapport d'information, MM. Maurey et Sautarel avaient tiré la sonnette d'alarme face au manque d'investissements. Les constats et recommandations de nos collègues ont été confirmés dans un rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, puis repris à son compte un an plus tard par la Première ministre de l'époque. L'État a ainsi pris l'engagement de revaloriser les investissements de régénération et de modernisation du réseau. À l'horizon 2027, cette revalorisation doit atteindre 1,5 milliard d'euros annuels.
Il y a cependant un hic, et, si vous me le permettez, c'est un gros hic ! En effet, depuis l'entrée en vigueur de ces engagements, c'est la SNCF qui finance seule une telle montée en puissance. Cette modalité de financement présente, certes, l'avantage de ne pas peser sur les finances publiques, mais quatre arguments au moins doivent nous conduire à refuser la pérennisation d'une telle solution.
D'abord, ce n'est pas viable.
Ensuite, au moment même où le ferroviaire devient de plus en plus concurrentiel, cela conduirait à accroître dans des proportions tout à fait déraisonnables la dépendance financière de SNCF Réseau par rapport à SNCF Voyageurs. Vous en conviendrez, il y a bien un problème de principe à voir SNCF Voyageurs financer à titre principal la modernisation d'un réseau aussi utilisé par ses concurrents.
En outre, cela aboutirait à l'augmentation du prix des billets de la seule SNCF.
Enfin, un tel mode de financement pourrait, à terme, contraindre les capacités d'investissement de SNCF Voyageurs. Là aussi, c'est tout à fait déraisonnable, non seulement face à la concurrence, mais également au regard de l'objectif de décarbonation des transports du quotidien et des loisirs, qui suppose, à l'évidence, une offre de trains attractive.
J'en viens aux questions fluviales et maritimes. Il faut le savoir, Voies navigables de France a actualisé son contrat de performance à la fin de l'année dernière. Sa trajectoire pluriannuelle d'investissement a été revalorisée, afin d'accélérer la régénération et la modernisation du réseau fluvial existant.
J'attire votre attention sur deux problématiques qui vont nécessiter des réflexions et, très probablement, des évolutions dans les années à venir. Il s'agit, d'une part, des règles relatives à la redevance hydraulique, qui est la principale ressource propre de l'établissement public, et, d'autre part, des modalités de financement de nouvelles demandes adressées à l'opérateur en matière de prévention des inondations.
Les crédits du programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » baissent sensiblement en 2025, et ce pour deux raisons principales : la suppression de dispositifs de soutien aux entreprises de transport maritime, au travers notamment d'un ciblage des exonérations de charges sur le transport de passagers ; la disparition du fonds d'intervention maritime. Ces mesures d'économies s'expliquent évidemment par la situation de nos finances publiques. Néanmoins, leurs effets devront être surveillés dans la durée, notamment au regard de l'objectif de la nécessaire compétitivité du pavillon maritime français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par évoquer la situation du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.
Des épisodes récents et, malheureusement, de plus en plus récurrents nous montrent à quel point nous avons besoin que Météo-France soit à la pointe de la prévision ; je devrais dire « toujours à la pointe », car Météo-France est l'un des plus beaux établissements mondiaux en la matière. C'est pour cette raison que, malgré le contexte, il était nécessaire de ne pas aller trop loin dans les économies demandées à cet organisme en 2025. C'est presque le cas. Tant mieux !
Cela dit, le débat de fond perdure. Les apports de l'intelligence artificielle peuvent être utiles, mais – nous le mesurons – ils supposent de la prudence, des délais et n'épuisent pas l'intelligence de nos météorologues, qui sont particulièrement nécessaires à la prévision.
Dans ce contexte, des interrogations quant au modèle économique de Météo-France à moyen terme demeurent.
En revanche, un effort substantiel est requis pour le Cerema. Il s'élève à près de 10 millions d'euros, mais cela représente en réalité un petit peu plus si l'on tient compte de la baisse prévue de la subvention de l'organisme et de la hausse de ses charges résultant d'obligations décidées par l'État.
Je voudrais le rappeler ici, le Cerema a réalisé au cours de ces dernières années ce que l'État n'a pas fait : une réforme structurelle de ses missions. Dans ces conditions, quand je vois que l'administration centrale s'accorde une augmentation pour prendre en compte les mesures salariales, mais ne l'applique pas au Cerema, je me demande si l'on n'est pas en train de toujours pénaliser les mêmes, qui, en l'occurrence, sont plutôt les bons élèves.
J'ai évidemment conscience de la gravité de la situation financière de notre pays et je sais que la pérennité financière du Cerema n'est pas menacée de manière immédiate. Cela dit, c'est peut-être reculer pour mieux sauter : la trésorerie de cette instance peut lui permettre de passer l'année, mais guère plus, et encore, en différant certains programmes et certaines missions !
L'IGN, quant à lui, se trouve d'ores et déjà dans une situation d'impasse budgétaire. Financièrement, il ne pourra pas boucler l'année 2025. Madame la ministre, un rapport de vos services a conclu, du fait de la baisse des ressources induites par l'open data, à un nécessaire rebasage de sa subvention, rebasage – excusez du peu ! – à hauteur de 15 millions d'euros.
Je rappelle que cet opérateur est stratégique, notamment, mais pas seulement, par les services qu'il rend à nos armées. Je déplore que l'alerte que j'ai lancée lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative n'ait pas forcément été suivie de la part de vos services. J'avais déposé un amendement d'appel sur le sujet.
Afin d'assurer à court terme sa viabilité, Christine Lavarde, que je remercie, et moi-même avons recherché une solution équilibrée. Nous proposons un amendement financé, dont l'adoption permettra d'allouer 5 millions d'euros à l'IGN, via le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ». J'ajoute que l'établissement devra évidemment rapidement travailler en parallèle à des gains d'efficience.
J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea).
Si le trafic aérien a globalement retrouvé ses niveaux d'avant la crise, cette évolution doit être nuancée, tant les difficultés se font sentir sur les vols intérieurs. La situation sera d'ailleurs aggravée par le projet du précédent gouvernement visant à augmenter d'un milliard d'euros la fiscalité sur le transport aérien.
Dans sa très grande sagesse, le Sénat a voté une solution plus équilibrée et beaucoup moins pénalisante pour les vols intérieurs, mais qui se traduirait malgré tout par une hausse de la taxe, sensible, de 600 millions à 700 millions d'euros.
Aujourd'hui, je demande au ministre chargé des transports, dont je salue la présence et l'engagement, de nous confirmer, s'il le peut, que c'est bien la version du Sénat qui sera soutenue par l'exécutif dans la suite du parcours parlementaire de la taxe en question.
Je rappelle que le barème ainsi révisé permet de sauvegarder des petites lignes et des lignes desservant des territoires excentrés et, bien entendu, de préserver l'emploi et les bases en province. C'est d'autant plus essentiel que le secteur est, on le sait, aussi confronté à une hausse sensible des redevances aériennes, en raison, notamment, du report d'une partie des redevances de la période covid. En 2025, ces redevances devraient atteindre un niveau record de 2,1 milliards d'euros.
Cette année, les charges de personnel du Bacea sont affectées par des mesures catégorielles issues du nouveau protocole social de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), que j'ai eu l'occasion de présenter à la commission des finances à l'automne dernier dans un rapport d'information présenté et chiffré. À court terme, ce protocole m'est évidemment apparu comme la moins mauvaise des solutions pour poursuivre les réformes du contrôle aérien, qui sont nécessaires au vu de notre décrochage en matière technologique. Cela dit, son coût sera élevé.
Depuis 2024, la trajectoire pluriannuelle d'investissement du Bacea a été réévaluée à la hausse, notamment pour que la focalisation sur la modernisation des outils du contrôle aérien ne conduise plus à une dégradation en parallèle des infrastructures de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA). Cette réévaluation explique l'augmentation des dépenses d'investissement observée en 2025.
Je termine en évoquant la dette du Bacea. Après avoir culminé à 2,7 milliards d'euros en 2022, celle-ci a amorcé son repli depuis 2023. Elle pourrait passer sous la barre des 2 milliards d'euros en 2025, et l'objectif de la DGAC est qu'elle soit inférieure à 1,5 milliard d'euros à l'horizon 2027. Je rappelle qu'avant la crise elle représentait moins de 700 millions d'euros.
J'aurai l'occasion tout à l'heure de m'exprimer sur « l'amendement rabot » du Bacea qui nous a été transmis un peu tardivement hier soir. J'ai l'occasion d'échanger avec le ministre des transports sur beaucoup de sujets ; j'aimerais que Bercy en fasse autant et sache décrocher son téléphone pour expliquer aux rapporteurs pourquoi il y a un rabot, à quelle hauteur et comment les choix sont faits. Ce serait tout de même plus agréable pour le Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 intervient dans un contexte d'accalmie des prix qui autorise un recalibrage des crédits.
La commission des affaires économiques constate que les crédits liés à la transition énergétique dont elle est saisie s'élèvent à plus de 10 milliards d'euros. C'est méritoire au regard de l'effort général et nécessaire de modération budgétaire.
Elle relève également que le volet fiscal du PLF réforme sur plusieurs points le marché de l'électricité. Je pense en particulier au dispositif de reversement des revenus issus de l'électricité nucléaire historique devant succéder à l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique). C'est problématique, car certaines de ces dispositions relèvent non pas d'une loi de finances, mais d'une loi ordinaire. Pour autant, il faut bien avancer sur des réformes très attendues.
Par ailleurs, au mois de novembre dernier, j'ai fait adopter six amendements de première partie, que j'avais déposés à titre personnel. J'ai ainsi appuyé la proposition du rapporteur général de la commission des finances d'abandonner la modélisation réglementaire de l'accise sur l'électricité.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. De plus, j'ai consolidé le dispositif de reversement des revenus issus de l'électricité nucléaire historique en inscrivant son prix dans la loi et en renforçant l'information des consommateurs. Enfin, j'ai obtenu gain de cause sur la compensation intégrale des charges liées aux opérations d'électrification conduite dans nos territoires ruraux et ultramarins. C'est une satisfaction !
Notre commission observe que le volet budgétaire du PLF procède à un recalibrage des crédits liés à la transition énergétique. Elle appuie le retour des crédits en faveur de la protection des consommateurs à leur niveau d'avant la crise des prix. Elle prend aussi acte du retour des crédits destinés à la rénovation énergétique et à la mobilité propre à leur niveau d'avant le plan de relance. Elle constate que le recalibrage est sans incidence sur l'exécution du plan d'investissement, aujourd'hui engagé à plus de 60 %.
En revanche, notre commission relaie trois inquiétudes légitimes : la première concerne le chèque énergie, dont l'attribution ne serait plus automatique ; la deuxième porte sur le fonds Chaleur, dont le niveau serait diminué ; la troisième est liée au fonds de revitalisation, dont le niveau serait insuffisant.
Pour les dissiper, j'ai déposé, au mois de décembre dernier, trois amendements de seconde partie au nom de la commission des affaires économiques. Ils visent à conserver l'automaticité du chèque énergie pour lutter contre la précarité énergétique, à relever de 30 millions d'euros le fonds de revitalisation des territoires concernés par la fermeture de centrales et, enfin, à rehausser de 20 millions d'euros le fonds Chaleur pour décarboner les entreprises et les collectivités.
Je forme le vœu que ce budget ainsi complété contribue à conforter notre souveraineté et notre transition énergétiques.
Au nom de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, je vous invite donc à adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption desdits amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances ainsi que MM. Fabien Genet, rapporteur pour avis, et Marc Laménie applaudissent également.)
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon avis budgétaire sur le transport aérien pourrait se résumer en une phrase : « La hausse inédite de la fiscalité, souhaitée par le Gouvernement, ne doit pas se faire au détriment des investissements en faveur de la décarbonation du secteur aérien. »
Il semblerait que beaucoup l'oublient : le transport aérien n'est pas une poule aux œufs d'or, tant s'en faut, quand on analyse précisément ce secteur qui se relève de la crise du covid.
Un petit bénéfice annuel ne doit pas occulter des taux d'endettement très élevés !
Je me réjouis donc que, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, le Sénat ait corrigé la copie initiale du Gouvernement, qui proposait une hausse bien trop brutale de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA).
Une telle augmentation mènerait, à l'évidence, à une baisse importante du trafic, et donc à une baisse des recettes.
Il suffit de relire les travaux d'Arthur Laffer, modélisés au travers de sa célèbre courbe, pour comprendre l'idée simple selon laquelle un taux de fiscalité prohibitif produit l'inverse de l'effet initialement escompté.
Augmenter les prélèvements sur le secteur obérerait de facto la capacité de ce dernier à financer sa nécessaire décarbonation, qui repose sur deux leviers : d'une part, l'usage de carburants d'aviation durable (CAD) ; d'autre part, l'utilisation d'aéronefs plus économes.
Les compagnies aériennes mènent des efforts très importants et très coûteux pour renouveler leur flotte et pour acheter des carburants durables, qui sont – est-il nécessaire de le rappeler ? – trois à cinq fois plus onéreux que le kérosène classique.
C'est pourquoi le Sénat a adopté un amendement tendant à créer un crédit d'impôt incitatif à l'achat de carburants d'aviation durable. Cette modeste contrepartie à la hausse de la TSBA a au moins le mérite d'envoyer un signal positif aux industriels pour les inviter à constituer une filière française de CAD.
Par ailleurs, il faut également soutenir l'innovation pour faire voler, d'ici à 2035, un avion ultrafrugal.
Le Président de la République s'était engagé à ce que la filière aéronautique soit soutenue, via le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac), à hauteur de 300 millions d'euros par an d'ici à 2027. Or 230 millions d'euros seulement sont prévus à cet effet dans le projet de budget actuel.
Il me paraît primordial de respecter l'accord conclu avec la filière, afin de faire de notre industrie, qui produit la moitié de la flotte mondiale, un acteur clé de la décarbonation de l'ensemble du secteur aérien.
Je regrette donc que mon amendement tendant à rehausser le soutien de l'État au Corac ait été repoussé à une voix près tout à l'heure.
Mes chers collègues, l'aéronautique française, secteur économique puissant de notre pays et de notre continent, ne doit pas être clouée au sol par le fait de décisions doctrinaires.
Le secteur aérien, dont nous pouvons tous être fiers, n'est pas, je le répète, une poule aux œufs d'or.
Ne cédons pas à la facilité et n'oublions pas la morale du fabuliste picard La Fontaine sur la cupidité irréfléchie ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers, sous réserve de l'adoption de huit amendements.
Trois de ces amendements ont d'ores et déjà été adoptés en première partie, ce dont je me félicite.
Le premier visait à maintenir l'affectation au bloc communal et aux départements d'une fraction du produit de la taxe sur l'exploitation d'infrastructures de longue distance.
Le deuxième tendait à rehausser le taux plafond du versement mobilité (VM) de 0,2 point pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ayant obtenu la labellisation d'un projet de service express régional métropolitain (Serm).
Enfin et surtout, le troisième amendement avait pour objectif d'instaurer un versement mobilité régional, afin que les régions disposent de ressources propres et dynamiques pour développer leur offre de mobilité, y compris dans les espaces peu denses pour lesquels nous cherchons en vain une véritable solution depuis la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM).
Une part de ce VM régional, 10 %, leur sera dédiée lorsqu'elles ne disposent pas des bases fiscales nécessaires.
Il est crucial que ces trois amendements, que j'ai soutenus avec Philippe Tabarot, désormais ministre des transports, passent le cap de la navette parlementaire ! (M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, s'exclame. – M. le ministre chargé des transports sourit.)
La conférence nationale sur le financement des mobilités, annoncée pour 2025, devra en outre permettre de remettre à plat le modèle de financement des transports, en portant une attention particulière aux AOM des zones peu denses, auxquelles j'ai consacré un rapport de prospective en 2020.
Il s'agit d'une priorité pour enfin apporter des solutions à des millions de personnes.
Je vous présenterai tout à l'heure au nom de la commission trois autres amendements de crédits, mais permettez-moi d'aborder à présent deux points mis en avant dans mon rapport pour avis.
Le premier concerne le plan Vélo et marche 2023-2027, qui ne bénéficiera d'aucune autorisation d'engagement cette année.
Si le Premier ministre a fait un pas, lors de sa déclaration de politique générale, en annonçant une enveloppe supplémentaire de 50 millions d'euros – bien inférieure aux 250 millions d'euros annuels promis en 2023 lors du lancement du dispositif –, les dégâts provoqués par l'annonce de l'abandon d'un tel programme par le gouvernement précédent sont considérables, en premier lieu pour les collectivités.
Mes chers collègues, c'est la sécurité de nos concitoyens, piétons et cyclistes, qui est en jeu !
Le deuxième point concerne la baisse brutale de 530 millions d'euros de l'enveloppe dédiée aux aides à l'acquisition de véhicules propres.
Elle fragilise considérablement l'atteinte des objectifs de verdissement du parc automobile, alors même que l'interdiction de la vente des véhicules thermiques est confirmée pour 2035, tout comme l'accès à des véhicules électriques encore trop coûteux pour de nombreux ménages.
Il est donc indispensable de maintenir ces aides à un niveau ambitieux pour accompagner la transition du secteur, tout en les ciblant plus efficacement vers les personnes qui n'ont aucun substitut à la voiture. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K. – Mme Ghislaine Senée applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons l'impérieuse nécessité d'investir dans les infrastructures nécessaires pour assurer le report modal et la décarbonation des mobilités.
Cependant, les transports sont pris dans le ciseau de la hausse des prélèvements et de la baisse d'affectation des recettes.
L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) voit en effet ses moyens diminuer de 900 millions d'euros par rapport aux prévisions inscrites dans la dernière loi de finances.
Si l'on peut admettre que l'année 2025 fasse figure d'année blanche compte tenu du contexte budgétaire contraint, cela doit toutefois rester une exception.
J'espère donc que la conférence sur le financement des infrastructures annoncée par le ministre chargé des transports, Philippe Tabarot, permettra de dégager de nouvelles sources de financement pérennes.
En effet, si nous ne réagissons pas, le sous-investissement qui fragilise la régénération et la modernisation des infrastructures ferroviaires enclenchera inéluctablement une spirale de paupérisation du réseau.
Je me réjouis de l'adoption de deux amendements de la commission visant à développer les transports collectifs, d'une part, en rehaussant le taux plafond de versement mobilité fixé par les autorités organisatrices de la mobilité pour financer les services express régionaux métropolitains, et, d'autre part, en créant un versement mobilité régional.
Or j'ai cru comprendre que le Gouvernement envisageait de revenir sur ces deux apports au cours de la navette parlementaire… (M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, s'exclame.)
Monsieur le ministre, il est important de maintenir ces deux amendements. Pour que les collectivités puissent garantir une offre de transports publics décarbonés et performants, il faut leur en donner les moyens. Il n'y a pas de recette magique !
C'est aussi un enjeu d'équité territoriale : les AOM d'Île-de-France ont pu augmenter le taux de VM pour financer le Grand Paris Express.
Enfin, j'espère que la proposition tendant à prolonger la possibilité, pour les employeurs, de financer non pas à 50 %, mais jusqu'à 75 % les abonnements de transport de leurs salariés trouvera une issue favorable au terme de la navette parlementaire.
En matière de transport fluvial, le vieillissement du réseau de Voies navigables de France (VNF) est également un point d'alerte, même si la révision, en 2023, du contrat d'objectifs et de performance (COP) de VNF a permis d'envisager de véritables progrès.
La trajectoire d'investissement dans le réseau demeure en deçà des besoins, et cette question devra figurer à l'ordre du jour de la future conférence nationale de financement.
Il importe en outre, comme l'État s'y était engagé, de ne pas remettre en cause la stabilité du plafond d'emplois de VNF inscrite dans le COP jusqu'en 2026, car elle est indispensable à l'accomplissement des missions et au climat social de l'établissement.
Enfin, en ce qui concerne le transport maritime, la contribution au redressement des comptes publics demandée à la CMA CGM au travers de l'article 12 du projet de loi de finances pour 2025 n'est pas discutable.
Elle ne doit toutefois pas servir de prétexte à une remise en cause de la taxe au tonnage, qui est un outil indispensable pour préserver la compétitivité de nos armateurs sur le marché mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis, et M. Marc Laménie applaudissent également).
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Écologie, développement et mobilité durables », que nous examinons, illustre de façon exemplaire le dilemme budgétaire inédit auquel nous sommes confrontés.
Redessiner une trajectoire soutenable pour nos comptes publics constitue une impérieuse nécessité.
Il nous faut en effet regagner d'indispensables marges de manœuvre budgétaires, notamment pour faire face aux risques accrus induits par le changement climatique.
Pour ce faire, l'ensemble des politiques publiques et des opérateurs doivent participer à l'effort collectif en dégageant des pistes d'économies et en renforçant l'efficience de la dépense publique.
C'est d'ailleurs le sens des évolutions envisagées, qui prévoient une baisse globale de 15 % des crédits consacrés aux paysages, à l'eau et à la biodiversité, ainsi qu'une réduction de moitié des moyens dédiés à la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB).
Prenons garde néanmoins à ce que cette phase de sobriété budgétaire ne remette pas en cause notre capacité à atteindre nos objectifs climatiques et environnementaux ni n'efface les résultats obtenus jusqu'alors en faveur de la préservation de la biodiversité et de la reconquête de la qualité de l'eau.
Mes auditions des opérateurs de l'eau, de la biodiversité, de l'information géographique et de la météorologie ont mis en évidence cette tension constante entre, d'une part, la nécessité de réduire nos déficits publics pour préserver notre capacité à piloter les dépenses publiques, et, d'autre part, le souci de maintenir notre expertise et notre réactivité afin d'anticiper les effets du changement climatique.