M. Guillaume Gontard. L’article 16 touche à des problématiques auxquelles les élus de la montagne sont continuellement confrontés, notamment celle de la cohabitation entre les chiens de troupeau et les humains.

Les chiens de troupeau constituent l’un des moyens de protection les plus efficaces contre la prédation du loup et assurent une autre cohabitation indispensable, celle du pastoralisme et du loup.

La multiplication des chiens dans les villages entraîne des conflits avec les populations hors période d’estive, mais aussi avec les touristes qui visitent les alpages lors de cette période.

Une éleveuse du Vercors m’a raconté que, dans les territoires où les collectivités locales n’assuraient pas suffisamment la médiation de son activité, sa vie personnelle devenait très complexe. Elle m’a dit recevoir des dépôts de plainte pour des peurs, des pincements, des chiens qui se baladent dans les jardins. Elle a perdu 10 % de ses 60 hectares de surface de pâturages et a dû changer d’assurance. En outre, elle passe sa vie chez le vétérinaire. Enfin, les chasseurs la harcèlent au téléphone pour savoir où sont les chiens.

Bref, la question du statut de chien de protection devient évidente. Il y a beaucoup de choses à faire en matière d’accompagnement et de formation des éleveurs. Les élus locaux, notamment les maires, sont en première ligne.

Même si la question est extrêmement sensible sur le plan juridique, nous regardons d’un bon œil l’article 16, car il exonère les éleveurs de leur responsabilité, par présomption, lorsqu’ils manquent à leur obligation de vigilance. Au demeurant, cette mesure est importante pour leur permettre de s’assurer correctement.

Par cet amendement, nous souhaitons élargir ce principe aux maires qui ont rempli toutes leurs obligations pour protéger leurs administrés contre les chiens aux comportements suspects. Sa rédaction n’est sans doute pas tout à fait aboutie, mais il est essentiel que nous gardions à l’esprit la nécessité d’épargner aux maires des contentieux inutiles.

L’attention portée au rôle des maires n’a pas qu’une dimension juridique. Leur rôle doit être davantage considéré, de façon générale, et accompagné par les dispositions du plan national d’actions sur le loup.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 549 rectifié bis, car elle souhaite conserver le régime de responsabilité inscrit dans le texte, ainsi que sur l’amendement n° 696, qui détricote davantage ces dispositions.

M. Guillaume Gontard. Pas du tout !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. L’amendement n° 242 rectifié vise à supprimer l’évaluation comportementale et le suivi d’une formation spécifique. L’amendement n° 863, défendu par le Gouvernement, va plus loin puisque, en plus de supprimer ces obligations, il tend à supprimer du régime de responsabilité la circonstance aggravante.

Sur ces amendements, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 549 rectifié bis, 242 rectifié et 696 ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 549 rectifié bis, car il ne souhaite pas supprimer les dispositions qui allègent la responsabilité pénale des éleveurs.

Par ailleurs, il sollicite le retrait de l’amendement n° 242 rectifié, au profit de l’amendement n° 863 du Gouvernement.

Enfin, sur l’amendement n° 696, qui a pour objet d’exonérer les maires de leur responsabilité pénale pour les incidents causés par les chiens de troupeau en l’absence de négligence, j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Exonérer les propriétaires de chiens de troupeau de leur responsabilité pénale est une décision très lourde !

Comme beaucoup, je pratique la montagne plusieurs semaines par an. J’entretiens des liens forts avec les populations, parce que je me rends toujours au même endroit. On me dit régulièrement que telle vallée est sûre, car le berger est sérieux et tient ses chiens sans aucun problème. En revanche, on me dissuade franchement d’aller me balader dans d’autres endroits, parce que l’éleveur fait n’importe quoi avec ses chiens et que plusieurs accidents se sont produits.

De nombreux accidents surviennent en montagne. Des randonneurs sont souvent attaqués, mais aussi des locaux et parfois même d’autres agriculteurs. Quelquefois, les blessures sont tellement graves qu’elles nécessitent une évacuation d’urgence par hélicoptère. Je l’ai constaté de visu à plusieurs reprises : les chiens ne restent pas nécessairement dans leur troupeau ou aux abords. Il leur arrive de s’aventurer bien au-delà et d’attaquer les gens.

En votant le texte en l’état, vous envoyez aux éleveurs peu diligents le message qu’ils peuvent continuer à mal travailler, en toute sécurité, puisque jamais leur responsabilité pénale ne sera invoquée. Vous leur rendez un fier service !

En revanche, vous dites aux éleveurs qui travaillent bien, qui possèdent des animaux éduqués et qui sont présents pour les surveiller que tout cela n’a aucune importance.

Je ne comprends absolument pas comment une telle mesure a pu être envisagée. C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Guidez. Mme Housseau m’a chargée de retirer l’amendement n° 242 rectifié au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 242 rectifié est retiré.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je souhaite répondre à M. Bazin. En effet, l’article 16 soulève beaucoup de questions, mais c’est parce que le statut du chien de protection de troupeau est problématique. Nous avons pris du retard en matière de formation et d’encadrement et il est vrai que la responsabilité des éleveurs pour les accidents causés par ces chiens, alors même qu’ils ont pris toutes les précautions qui s’imposent, est difficile à admettre.

Même les écologistes rencontrent des éleveurs, même les écologistes vivent dans des territoires ruraux, même les écologistes s’occupent de pastoralisme ! (Mme la présidente de la commission sexclame.) Les éleveurs nous expliquent, à nous aussi, que leur vie n’est pas facile.

Face aux loups, il est nécessaire de protéger les troupeaux et d’aider les éleveurs, donc d’encadrer leur responsabilité. Il s’agit non pas de les exonérer de toute responsabilité, mais de réduire celle-ci lorsqu’une attaque s’est produite en dépit des mesures qui ont été prises pour l’éviter. Tout cela a des conséquences en matière d’assurance.

La question du statut du chien de protection de troupeau est importante ; j’espère que la ministre pourra s’engager à avancer sur ce sujet.

Du reste, je ne comprends absolument pas la position du rapporteur sur mon amendement. Celui-ci devra sans doute être retravaillé, mais il n’enlève rien aux dispositions en cause. Au contraire, il vise à ajouter l’exonération de responsabilité des maires dans les communes où des activités de pastoralisme nécessitent de recourir à des chiens de protection – cela devrait vous parler.

Il est difficile pour les maires d’être tenus responsables de ces attaques, alors qu’ils ont tout fait pour les prévenir en installant des panneaux d’information. Ils travaillent souvent avec les éleveurs, parfois au sein des parcs naturels régionaux, pour renforcer la pédagogie.

C’est une situation complexe et la responsabilité des maires est souvent engagée : voilà pourquoi j’ai déposé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je n’aurais pas dû émettre un avis défavorable sur votre amendement, monsieur Gontard : je voulais dire qu’il était satisfait – mea culpa.

Votre amendement a pour objet de protéger le maire. Or celui-ci n’est pas responsable, de fait, puisque nous parlons de chiens de protection qui ne divaguent pas.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. J’appelle l’attention de M. Bazin sur le fait que nous n’exonérons pas pénalement les éleveurs de leur responsabilité lorsqu’il y a des faits répréhensibles, parce que nous n’en avons pas le pouvoir. Nous nous contentons de poser des présomptions en matière pénale pour éviter des recours abusifs et nous n’enlevons rien à la responsabilité civile, bien évidemment.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 549 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 863.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 696.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 522, présenté par MM. Buis, Buval et Patriat, Mmes Havet, Phinera-Horth, Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Après le mot :

équins

insérer le mot :

caprins,

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement vise à élargir aux troupeaux caprins la reconnaissance du caractère de non-protégeabilité des troupeaux face aux attaques de prédateurs, notamment les loups et les jaguars.

Les troupeaux de chèvres des agriculteurs guyanais subissent en effet des attaques de jaguar de plus en plus nombreuses. Ces agriculteurs déplorent de substantielles pertes de bétail et de volailles qui mettent en péril leurs exploitations, et partant, l’autosuffisance alimentaire locale.

Il est en conséquence essentiel d’étendre le caractère général de non-protégeabilité aux troupeaux caprins. Compte tenu de la réalité à laquelle sont confrontés les éleveurs, il est en effet nécessaire d’harmoniser cette disposition sur le territoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il me semble que les caprins peuvent être protégés au même titre que les moutons. Je sollicite toutefois l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 522.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 864, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 21

Remplacer les mots et la phrase :

être reconnus comme ne pouvant être protégés de la prédation

par les mots :

faire l’objet de tirs pour leur défense vis-à-vis de la prédation par le loup sous réserve de démarches engagées en matière de réduction de vulnérabilité.

II. – alinéa 22

Rédiger ainsi cet alinéa :

Un arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de l’écologie définit les conditions dans lesquelles les élevages concernés peuvent bénéficier de tels tirs.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Avec cet amendement de première importance, nous abordons le sujet des tirs de défense contre les loups.

Cette espèce étant strictement protégée, il est interdit d’abattre le loup, sauf dans le cadre de tirs dérogatoires.

Dans le cas des troupeaux de bovins, d’équins ou d’asiniens, il n’existe pas de référentiel facilement mobilisable, comme c’est le cas pour les ovins et les caprins. Autrement dit, il est bien plus compliqué de protéger les troupeaux de bovins, d’équins ou d’asiniens que les troupeaux d’ovins ou de caprins.

Protéger ces troupeaux contre la prédation du loup est pourtant une nécessité. Nous sommes nombreux à connaître la détresse d’éleveurs de bovins face aux conditions terribles dans lesquelles leurs bêtes sont attaquées par les loups. En effet, si le loup tue rapidement une brebis, il n’en va pas de même lorsqu’il s’attaque à un bovin. Le degré de souffrance de l’animal n’a d’égal que celui de l’éleveur qui découvre au matin son animal moribond dans la pâture.

Il faudrait être en mesure de reconnaître que les troupeaux de bovins ne sont pas protégeables, et qu’en conséquence, les éleveurs ont le droit d’opérer des tirs de défense contre les loups.

C’est ce que font les préfets, qui, lorsque les loups s’attaquent aux bovins, prennent des arrêtés autorisant les tirs de défense et le prélèvement. Ces arrêtés préfectoraux sont systématiquement déférés au tribunal, et systématiquement, celui-ci donne tort au préfet.

Afin de trouver une issue juridique, nous avons donc travaillé avec les deux préfets coordonnateurs du plan national d’actions sur le loup à une solution qui, tout en étant respectueuse de la réglementation européenne, permette aux éleveurs de tirer sur les loups quand ces derniers s’attaquent aux troupeaux. Au terme d’un travail juridique précis mené avec mes équipes, j’estime que pour résoudre cette difficulté, il faut s’y prendre en deux temps.

Le point de départ est que les troupeaux de bovins ne sont pas non protégeables par nature, car la réglementation européenne ne nous permet pas de dire l’inverse. Les éleveurs dont les troupeaux sont attaqués devront donc adopter des mesures territorialisées de réduction de la vulnérabilité.

Si l’éleveur peut montrer que de telles mesures ont été mises en œuvre, conformément à l’arrêté que je viens de signer avec ma collègue ministre de la transition écologique, avec laquelle je partage la compétence en matière de loup, alors il pourra effectuer des tirs de défense contre les loups qui s’attaquent à son troupeau de bovins, d’équins ou d’asiniens.

Parmi les mesures de réduction de la vulnérabilité – celles-ci pourront être adaptées aux territoires – figurent la conduite des animaux en lots différents, le regroupement nocturne ou le vêlage en intérieur, cette liste n’étant ni exhaustive ni cumulative. Sous réserve qu’ils démontrent qu’ils ont tenté de protéger leur troupeau sans y parvenir, les éleveurs pourront effectuer des tirs de prélèvement dérogatoires.

En caractérisant les troupeaux comme non protégeables, nous prendrions le risque de voir les dispositions prises sur ce fondement déclarées irrecevables et nous priverions les arrêtés pris par les préfets de toute sécurité juridique.

Aujourd’hui – je le répète –, les arrêtés autorisant les tirs de défense pris par les préfets sont systématiquement attaqués, et les tribunaux donnent systématiquement tort aux préfets. La disposition proposée permettra de sécuriser les arrêtés autorisant les tirs de défense pris par les préfets, puisque l’éleveur aura prouvé que les efforts consentis pour protéger son troupeau, par exemple l’allotement, ont été vains.

Deux textes encadrent la protection stricte du loup à l’échelon européen : la convention du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, dite convention de Berne, et sa déclinaison opérationnelle en droit européen qu’est est la directive de l’Union européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que des espèces de la faune et de la flore sauvages, dite directive Habitats.

Le statut d’espèce « strictement protégée » emporte un encadrement très rigoureux, qui confine parfois à l’interdiction, des tirs d’effarouchement, de défense et de prélèvement. Le comité permanent de la convention de Berne s’est récemment prononcé en faveur de la suppression de l’adverbe « strictement ». Si le loup devient une espèce non plus strictement protégée, mais seulement protégée, le degré de protection dont il bénéficie s’en trouvera naturellement amoindri.

Il reste toutefois à transcrire cette disposition dans la directive Habitats, ce qui suppose l’unanimité des États membres. Or trois pays européens – l’Espagne, le Portugal et l’Irlande – s’opposent à l’affaiblissement de la protection du loup. Nous « travaillons » ces pays, si je puis dire, afin de les convaincre de rejoindre l’avis de tous les autres États membres.

Certaines voix s’élèvent par ailleurs au niveau européen pour demander la suppression de la règle de l’unanimité. Nous pourrions alors réformer la protection du loup.

En tout état de cause, ces questions sont terriblement complexes, mesdames, messieurs les sénateurs.

Nous connaissons tous des élevages qui ont subi la prédation des loups une fois, deux fois, trois fois et même davantage. Or si le loup n’est pas passé à proximité du troupeau ou de l’exploitation agricole et s’il ne se trouvait pas un agent dûment assermenté pour le prélever, l’éleveur ou le chasseur qui s’en sont chargé risquent gros. Le prélèvement indu d’une espèce strictement protégée est en effet passible de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, et nulle dépénalisation n’est envisageable.

Il nous faut donc absolument sécuriser les éleveurs qui sont contraints d’effectuer des tirs de défense ou de prélèvement. Or la seule procédure qui permettra de protéger le préfet des recours, qui sont invariablement gagnés, est celle que je vous propose, en deux temps : l’arrêté qu’avec ma collègue, nous venons de signer, et le présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La conclusion que je tire des propos de Mme la ministre est que si nul n’est tenu à l’impossible, on a tendance à le demander aux éleveurs.

Nous nous accordons sur le fait que les bovins sont non protégeables, mais nous ne pouvons pas l’inscrire dans la loi, car alors les pertes de bovin ne pourraient plus faire l’objet d’indemnisations.

Vous avez cité, madame la ministre, trois mesures de réduction de la vulnérabilité, qui, si elles échouent à assurer la protection des troupeaux, pourront être prises en compte par les préfets, madame la ministre : l’allotement, le regroupement nocturne et le vêlage intérieur.

Pour des troupeaux de vaches allaitantes qui sortent au printemps et ne rentrent qu’à l’automne, le vêlage intérieur est totalement impossible.

En ce qui concerne le regroupement nocturne, je ne m’imagine pas, pour ma part, rassembler ma douzaine de troupeaux de génisses tous les soirs et les conduire tous les matins dans douze prés différents…

En revanche, si l’allotement est une option, nous pourrions rectifier cet amendement en séparant les bovins des équins et des asiniens. Un éleveur sort en effet rarement une vache dans un pré. Cela n’existe quasiment plus. Quand il sort des animaux, un éleveur sort un lot, et partant, il allote un troupeau de génisses, de vaches allaitantes ou de vaches de réforme qu’il souhaite faire engraisser.

Les troupeaux d’équins et d’asiniens ne pouvant être caractérisés comme non protégeables, le préfet devrait s’assurer, avant de prendre un arrêté autorisant des tirs de défense, que l’éleveur ou le propriétaire d’un cheval qui serait seul dans un pré a pris des mesures de réduction de la vulnérabilité sans que ces dernières aient suffi à protéger son cheval – le rentrer la nuit, l’alloter avec un autre cheval, etc. Rien ne changerait donc pour les équins et les asiniens.

Considérant que la « pratique usuelle » des éleveurs de bovins est d’alloter leurs bêtes, nous pourrions par ailleurs modifier la rédaction que vous proposez, de manière à dispenser les éleveurs de justifier de mesures de réduction de la vulnérabilité auprès du préfet. La non-protégeabilité des troupeaux de bovins serait préservée, et nous pourrions tomber d’accord.

Accepteriez-vous de rectifier votre amendement dans ce sens, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Il est demandé à l’éleveur de montrer qu’il a tenté de prendre des mesures de réduction de la vulnérabilité de ses troupeaux et que celles-ci ont échoué. Cela peut simplement consister à prendre un chien de troupeau, étant entendu que le préfet de département, qui est décisionnaire, appréciera les mesures en fonction du territoire.

Une fois que l’éleveur a montré qu’il a essayé de réduire la vulnérabilité sans y parvenir, par exemple parce que dans le cadre d’un élevage extensif, il ne lui est pas possible d’enclore des bovins comme on le fait avec les brebis, les tirs de défense sont autorisés.

En tant qu’éleveur, monsieur le rapporteur, vous savez bien mieux que moi ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. En tout état de cause, pour démontrer qu’il a tenté de réduire la vulnérabilité de ses troupeaux, l’éleveur n’aura qu’un argumentaire à rédiger. Il ne sera pas exigé de lui qu’il enclose son troupeau ou qu’il rentre systématiquement les bêtes qui sont sur le point de mettre bas.

Les préfets sont très attentifs aux éleveurs. Ils s’efforcent véritablement de prendre en compte les prédations que ces derniers subissent, avec les risques et le sentiment de détresse qu’elles emportent.

Je connais bien les éleveurs de mon territoire. Quand les phénomènes de prédation ont commencé, j’ai vu ces gaillards courageux, qui ne s’émouvaient jamais de rien, profondément déstabilisés. Si l’on ne peut être indifférent à cette détresse, nous sommes soumis à un cadre réglementaire européen extrêmement contraignant et aux recours, que je n’hésite pas à qualifier d’abusifs, d’associations environnementales qui font du loup un totem absolu.

Or nos éleveurs n’ont nulle volonté d’éradiquer le loup – pas plus que moi, du reste. Il nous faut simplement leur permettre d’élever leurs troupeaux et les protéger d’une prédation qui devient insupportable.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est assez complexe de donner un avis après tout ce qui vient d’être dit, et je suis tenté de m’en remettre à la sagesse du Sénat, afin de laisser chacun voter en son âme et conscience.

L’amendement du Gouvernement tend à revenir sur le texte de la commission, qui ouvre la possibilité d’indemnisations et de tirs de défense pour les espèces non protégeables. La ministre estime qu’une telle rédaction nous place en situation d’insécurité juridique. J’avoue que je ne sais que penser…

Il me semble que les éleveurs qui allotent leurs animaux prennent déjà des mesures de réduction de la vulnérabilité. Le système actuel est comme un chien qui se mord la queue, si bien qu’on ne sait plus par quel bout le prendre.

J’estime que nous pouvons maintenir la position du Sénat, selon laquelle les espèces visées étant non protégeables, les éleveurs peuvent recourir à des tirs de défense et voir leurs pertes indemnisées. Nous serions donc défavorables à l’amendement du Gouvernement, charge à nous de trouver une manière de sécuriser ce dispositif d’ici à la commission mixte paritaire. Je m’y engage devant vous, madame la ministre.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Fabien Genet, sénateur de Saône-et-Loire, élu du Charolais. (Sourires.)

J’ai l’impression que vous nous jouez, non pas Ubu roi, mais Ubu à la ferme, madame la ministre ! Lors du débat sur les chiens de protection que nous venons d’avoir, j’ai bien cru qu’on allait nous proposer de recruter des loups pour protéger la population de chiens… Et maintenant, j’entends que les ovins sont protégeables et qu’en ce qui les concerne, tout est réglé. Avec tout le respect que j’ai pour votre action, ce n’est pas vrai.

Lorsque le loup attaque les brebis, c’est loin d’être une partie de plaisir. Il les attaque parfois sans vouloir les manger ou les tuer ; lorsqu’elles sont blessées, leur agonie est alors terrible et le traumatisme provoqué chez l’éleveur d’ovins est durable. La situation n’est donc pas aussi simple que ce que vous laissez entendre.

J’en viens à la protection des bovins. Il me paraît que nous perdons quelque peu la ligne directrice qui était la nôtre lors de l’examen, il y a quelques jours, de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Il n’est pas acceptable d’imposer aux éleveurs de bovins une contrainte supplémentaire, en leur demandant de prouver qu’ils ont pris des mesures pour réduire la vulnérabilité de leurs troupeaux. Si l’on voulait allumer le feu dans les campagnes, on ne s’y prendrait pas autrement !

Vous avez tout à l’heure parlé de présomption, madame la ministre. Je ne comprends pas pourquoi l’élevage extensif ne pourrait pas bénéficier d’une présomption de réduction de la vulnérabilité.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Fabien Genet. Je ne méconnais pas la règle européenne, mais peut-être faut-il la changer plutôt que d’imposer de nouvelles contraintes aux éleveurs.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Il s’agit d’un sujet éminemment complexe. Pour avoir recousu des dizaines d’animaux, je puis témoigner que c’est une expérience paranormale, qui a de lourdes conséquences psychologiques pour les éleveurs.

Vous proposez de conditionner l’indemnisation et les tirs de défense à une nouvelle obligation pour les éleveurs, madame la ministre. Mais notre rôle est-il de protéger les préfets des recours, ou les élevages de la prédation ? Débrouillez-vous donc avec des juristes !

En tant qu’élus de terrain, nous sommes confrontés à la conditionnalité de certaines aides européennes à notre accueil des gens du voyage, notamment à la mise à jour du schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage. Par cet amendement, vous entendez soumettre les éleveurs au même type de contrainte, sachant qu’ils ne parviendront pas à s’y plier.

Je comprends donc que cet amendement a été rédigé par le ministère de l’environnement, ce qui, en règle générale, est le signe qu’il y a un loup ! (Sourires.)

MM. Laurent Burgoa et Rémy Pointereau. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. La situation que décrit Mme la ministre correspond tout à fait à ce que j’observe dans le département où je suis élu, la Corrèze, où 250 animaux ont été tués ou blessés de 2021 à 2023, et plus de 250 pour la seule année 2024. La situation est donc très grave.

Même lorsqu’ils sont dressés, les patous peuvent être très agressifs et attaquer les randonneurs qui passent près des troupeaux. Quant aux attaques de loups, elles stressent les bêtes et désorganisent les cheptels. À titre personnel, j’estime donc que le loup n’a pas sa place aux alentours des élevages et qu’il conviendrait de l’éradiquer.

Je remercie le préfet de la Corrèze, qui a fait son maximum pour protéger les troupeaux et dont l’action a permis des améliorations. La situation reste toutefois complexe, c’est pourquoi je répète qu’il faudrait sans doute éradiquer le loup.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Permettez-moi de vous livrer une petite leçon de choses, mesdames, messieurs les sénateurs.

En décembre 2022, trois associations de défense du prédateur, Ferus, One Voice et le Pôle Grand Prédateur, ont déposé deux recours demandant l’annulation de deux arrêtés préfectoraux datant d’octobre 2022 et autorisant des tirs de défense contre le loup dans le département du Doubs. Le mardi 18 juin 2024, la justice leur a donné raison.

Pour prendre ces arrêtés, le préfet du Doubs s’était fondé sur la non-protégeabilité du territoire. Le premier arrêté préfectoral contesté a été pris pour un troupeau reconnu par le préfet comme non protégeable.