M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À la deuxième phrase de l’alinéa 7, substituer aux mots :
« cinquième alinéa »,
les mots :
« quatrième alinéa ».
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Cet amendement rédactionnel vise à substituer, à la deuxième phrase de l’alinéa 7, aux mots « cinquième alinéa », les mots « quatrième alinéa ».
Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions. – M. Saïd Omar Oili applaudit également.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a de cela un peu plus d’une semaine, le Sénat adoptait à l’unanimité le projet de loi d’urgence pour Mayotte.
Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions prévues dans le texte. Celui-ci prévoit un certain nombre d’assouplissements et de dérogations, en matière, par exemple, de commande publique, avec un unique objectif : accélérer la reconstruction de Mayotte et soutenir, dans l’attente, la population, alors que l’archipel a été détruit, il y a deux mois, par le passage du cyclone Chido.
Ce texte, nous le savons tous, ne permettra pas de résoudre l’ensemble des problématiques de l’archipel. Son ambition est plus modeste : il s’agit uniquement de répondre aux dégâts immédiats provoqués par le passage du cyclone.
Je forme donc le vœu que le projet de loi de refondation de Mayotte, annoncé par le Premier ministre François Bayrou et, à l’instant, par le ministre délégué, soit présenté au plus vite au Parlement, tant les enjeux sont grands et tant l’attente de la population se fait vive.
Nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner le texte de compromis résultant des travaux de la commission mixte paritaire. Je considère qu’il est satisfaisant et qu’il conserve une grande partie des apports du Sénat, plus particulièrement en ce qui concerne les articles délégués à la commission des lois.
En ce qui concerne ainsi l’article 2, je me réjouis du maintien du dispositif introduit par le Sénat, qui prévoit que l’État ne pourra procéder à la reconstruction des écoles publiques de l’archipel qu’à la demande des communes. Cet apport de la Haute Assemblée garantira sans aucun doute le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Ce dispositif a été complété en commission mixte paritaire, toujours dans l’optique de mieux assurer le respect des libertés locales, afin d’imposer le recueil de l’avis conforme des communes avant la construction de nouvelles écoles ou l’ouverture de nouvelles classes, ce dont je me satisfais également.
Sur les articles relatifs à la commande publique, je tiens d’abord à souligner le maintien dans un article unique, introduit sur l’initiative du Sénat, de l’ensemble des dispositions visant à favoriser les petites entreprises mahoraises lors de l’attribution des marchés publics destinés à reconstruire Mayotte. Ces dispositions seront sans aucun doute source de clarté pour les acteurs locaux.
Je me réjouis par ailleurs du non-rétablissement des mesures visant à limiter le recours à la sous-traitance dans le cadre des marchés publics conclus pour reconstruire l’archipel, qui avaient été supprimées par le Sénat. Ces dispositions auraient en effet eu pour effet de pénaliser les petites entreprises mahoraises, voire de les évincer des marchés publics. Ces sociétés ont en effet souvent accès à la commande publique par le biais de la sous-traitance.
J’en viens enfin à la réécriture des dispositions tendant à favoriser les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) mahoraises dans l’attribution des marchés publics. Je me félicite du maintien de la rédaction du Sénat, à une modification près, qui vise à éviter le recours au règlement et donc à gagner du temps, pour permettre une mise en œuvre plus rapide du dispositif.
Les mesures portées par ce projet de loi sont indispensables pour enclencher rapidement la reconstruction de Mayotte, dont la population est encore aujourd’hui confrontée à une situation difficile. Le texte qui nous est proposé est un bon compromis. Les membres du groupe Union Centriste le voteront.
Enfin, je remercie Mme le rapporteur Micheline Jacques, ainsi que l’ensemble des services de nos commissions, dont le travail intense, ces derniers jours, a permis de parvenir à un accord sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions. – M. Saïd Omar Oili applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mai 2018, à Nouméa, le président Macron déclarait : « La France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie » – « sans les outre-mer », dirais-je plutôt ! En effet, les territoires ultramarins font la grandeur, la fierté et la puissance de la France.
Malheureusement, deux mois après le cyclone Chido, à Mayotte, et dix mois après les émeutes en Nouvelle-Calédonie, la solidarité peine à se manifester et l’urgence est toujours d’actualité.
Ce sont ainsi 90 % des Mahorais qui se retrouvent sans toiture en pleine saison cyclonique. La population manque de tout. Les besoins primaires et vitaux ne sont pas satisfaits. Après avoir assisté à la destruction de leurs logements, les Mahorais font aussi face à des difficultés d’accès à l’eau, à la nourriture, à l’énergie et aux soins.
Nous ne pouvons abandonner ce territoire. Il faut agir vite et de façon durable.
Au nom de tout mon groupe, je rends hommage à toutes les personnes ayant fait preuve de solidarité envers les Mahorais sinistrés. Nous exprimons toutes nos condoléances aux proches des victimes et notre soutien aux personnes touchées, ainsi qu’à tous ceux qui leur portent secours.
Mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à voter un projet de loi pour la reconstruction de Mayotte, nous le savons, il faudra faire beaucoup mieux qu’avant Chido.
Il ne suffira pas de mener des opérations de destruction et d’expulsion massive des bidonvilles, comme a pu le faire l’ancien ministre de l’intérieur ou encore – c’est malheureusement ce qui est proposé dans ce texte – de conditionner l’achat de tôles à la présentation d’une carte d’identité française.
Pour reconstruire Mayotte de façon durable, il sera indispensable non seulement de reconstruire les habitats détruits, mais également de construire plusieurs centaines de milliers de logements pour les Mahorais qui peuplent ces bidonvilles. Il y va de la dignité et de la vie de ces personnes, qu’elles possèdent ou non des papiers. Ou la dignité humaine vaut pour tout le monde, ou elle ne vaut pour personne.
Rappelons-le, à Mayotte, avant le cyclone, plus du tiers des logements étaient des habitats de fortune, majoritairement en tôle. Mayotte est le département le plus pauvre de France. Quelque 84 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté, tandis que le taux de chômage atteignait 37 % en 2023, soit un taux cinq fois plus élevé qu’à l’échelle nationale.
L’île est considérée comme un territoire de seconde zone. Le Smic horaire brut n’y atteint que 8,98 euros, contre 11,88 euros dans le reste de la France. Les prestations sociales sont bien en deçà de celles qui sont versées dans l’Hexagone : le montant du RSA et celui de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) y sont ainsi deux fois moins élevés que dans le reste du pays.
Les établissements scolaires n’étant pas adaptés aux besoins de la population, nombreux sont les élèves qui ont cours uniquement sur des demi-journées, par rotation. Les conséquences sur l’éducation d’une population, dont plus de 55 % est âgée de moins de 20 ans, sont graves. C’est pourtant là que se prépare le futur de l’île.
Aussi, mes chers collègues, il revient au Sénat de ne pas tomber dans le piège de la division et de garantir à chacun la dignité. En tant que Kanak, je connais trop bien cette facilité que sont le mépris et l’ignorance depuis l’Hexagone. Mon peuple en a payé un lourd tribut.
Ce drame horrible nous permet de reconstruire Mayotte sur des bases solides et plus égalitaires. Ne souillons pas cet espoir par de la xénophobie stérile. Soyons à la hauteur des enjeux de l’Histoire. Réparons le passé et préparons l’avenir.
Mes chers collègues, malgré ces réserves, ces mises en garde et l’insuffisance de ce projet de loi, nous voterons ce texte. Oléti ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Vous êtes chez vous, la nuit, à la campagne. À quelques kilomètres de là éclate un cataclysme naturel, une catastrophe naturelle, soit l’incendie, soit l’inondation.
« Des hommes sont là, des femmes sont là, des enfants sont là qui fuient à travers champs, demi-nus, tremblant déjà de froid, menacés par la faim.
« Votre maison est peut-être déjà pleine, c’est possible, mais quand ils frappent à votre porte, vous la leur ouvrez et vous ne leur demandez pour cela ni leurs pièces d’état civil, ni leur casier judiciaire, ni leur certificat de vaccins.
« Il y a là un devoir d’humanité élémentaire, je dirais presque, si les mots n’avaient pas l’air de jurer ensemble, d’humanité animale.
« Naturellement, ces malheureux ne pourront pas rester toujours là, c’est entendu.
« Naturellement, il faudra trouver des solutions ayant un caractère de stabilité et de durée, mais enfin pour l’instant, en attendant qu’eux-mêmes ailleurs trouvent un gîte plus sûr et plus durable, comment allez-vous leur refuser l’asile d’une nuit ? »
Ces mots ne sont pas de moi. Ils ont été prononcés par Léon Blum, le 26 novembre 1938, lors du banquet du congrès national de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.
Quel humanisme ! Monsieur le ministre, vous qui avez une haute opinion de la chose publique, de la République et de l’humanisme, pourquoi nous soumettez-vous un projet de loi qui en est dépourvu ?
Notre humanisme s’exprime au travers de notre manière de traiter l’autre. Je veux insister sur l’article 4 bis. Nous en avons longuement parlé dans cet hémicycle. Comment accepter de voter un texte qui conditionne l’achat de matériaux de construction, même s’il s’agit de tôles, à la présentation d’une pièce d’identité et d’un justificatif de domicile ?
Les registres d’identité et d’adresse ne font pas partie de notre identité écologiste. L’obligation de justifier d’une adresse pour construire ou reconstruire son habitat après un cyclone ne correspond ni à notre vision de l’égalité ni à notre conception de l’humanisme.
Notre humanisme s’exprime également par la manière dont nous traitons nos enfants.
À Mayotte, plus de la moitié des élèves suivent un enseignement en rotation et seulement deux jours par semaine. Quelle réponse apporte ce projet de loi ? Il ne prévoit rien pour garantir aux enfants un repas le midi, rien pour les plus de 6 000 enfants non scolarisés. Dans quelle ville, dans quel village de l’Hexagone une telle situation serait-elle acceptée ? Nulle part ! Mais à Mayotte, c’est possible…
La République, une et indivisible, peut donc se diviser. Vous faites ainsi de Mayotte un territoire où l’on déroge aux droits et aux valeurs d’égalité et de fraternité.
Notre humanisme s’exprime aussi au travers de la protection du vivant et de notre biodiversité. Les outre-mer représentent 80 % de la biodiversité française. L’archipel de Mayotte est un patrimoine naturel d’exception, terrestre comme marin : avec 6 150 espèces, dont 385 sont protégées, ce territoire est un haut lieu de la biodiversité. Quelles mesures ce texte prévoit-il pour protéger cette richesse exceptionnelle qui est la nôtre ? Rien, ou si peu !
C’est normal, me direz-vous : ce texte est fait pour permettre la reconstruction. Oui, nous allons reconstruire, il le faut. Mais la reconstruction ne peut se faire au détriment de la protection du vivant, sans anticiper les aléas climatiques futurs ni intégrer un nouveau paradigme en matière d’impact énergétique et climatique.
Alors nous nous sommes beaucoup questionnés. Allons-nous voter ce texte si imparfait, nous qui refusons profondément de cautionner un projet qui manque de cœur, d’humanité et de vision durable ?
Nous le voterons malgré tout, pour vous donner les moyens de répondre à l’urgence. Cependant, nous attendons, avec exigence, un plan efficace pour les Mahorais, qui respecte nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE-K et RDSE.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Laure Phinera-Horth applaudit également.)
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes arrivés, près de deux mois après le cyclone Chido, à la fin du parcours parlementaire de ce projet de loi d’urgence, tant attendu par les Mahorais. Il faut relativiser le caractère urgent de ce texte alors que les contours de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, bras armé de la reconstruction, seront délimités par voie d’ordonnance dans les trois mois suivant l’adoption du texte.
Cependant, nous avons bien pris note de l’engagement du Gouvernement de mettre en œuvre une véritable concertation avec les élus sur le contenu de cette ordonnance stratégique pour la suite du redressement de notre archipel.
Un proverbe de bon sens illustre l’importance de la gouvernance : un arbre planté de travers ne pousse jamais droit !
Nous relayons les avis unanimes des élus mahorais, qui exigent une concertation sur les textes qui définiront en grande partie les conditions de la gouvernance de la reconstruction de ce territoire meurtri par le cyclone Chido et la tempête tropicale Dikeledi.
Les mesures concernant les acteurs économiques et sociaux sont très attendues par la population mahoraise. En effet, les crises Chido et Dikeledi ont traumatisé tout notre archipel, et le sentiment d’abandon est très largement répandu chez les Mahoraises et Mahorais. Afin d’éviter que le fossé entre l’Hexagone et notre archipel ne s’agrandisse, il faut impérativement que l’État tienne ses promesses.
La population ne supporte plus les effets d’annonce sans lendemain et les plans qui s’accumulent sans suivi ni évaluation.
La solidarité qui s’est exprimée dans notre pays au travers des dons des collectivités locales et des associations en faveur de Mayotte démontre l’attachement de la France à cet archipel.
Au nom de mes compatriotes, je remercie tous mes collègues sénatrices et sénateurs qui ont organisé des actions et relayé les messages de solidarité des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Merci !
M. Saïd Omar Oili. Je me rendrai dans quelques jours dans le département du Morbihan, accompagné de ma collègue Audrey Bélim, pour une soirée avec les associations mahoraises, sur l’initiative – excellente – de notre collègue Simon Uzenat.
La semaine dernière, j’ai assisté au départ d’un conteneur de la ville de Saint-Denis pour Mayotte. L’ONG humanitaire Outre-mer-solidarités-catastrophes avait collecté des tonnes de produits essentiels pour la population mahoraise.
Cette loi d’urgence est une première étape. Notre groupe votera ce texte, même si nous aurions voulu des mesures plus fortes dans certains domaines.
La discussion sur le fond de la reconstruction – je préfère pour ma part le terme « construction » – de Mayotte aura lieu lors de l’examen du projet de loi programmation.
Il faudra aussi, très concrètement, que le budget alloué à cette construction soit clairement identifié.
Comme cela a été le cas après le cyclone Hugo en Guadeloupe, il faudrait disposer d’un fonds interministériel regroupant toutes les interventions des différents ministères. Ce dispositif permettrait de suivre tous les financements affectés à la construction de Mayotte. De surcroît, les élus locaux et les parlementaires bénéficieraient d’éléments tangibles sur les moyens et d’une meilleure visibilité sur les réalisations concrètes.
Enfin, nous serons très vigilants sur l’application des mesures prévues dans cette loi d’urgence. Nous ferons un point mensuel sur leur mise en œuvre et nous alerterons le Gouvernement sur les retards et les difficultés qui surviendraient.
En effet, si nous voulons reconstruire, voire construire une relation de confiance entre la population mahoraise et les autorités, il est essentiel que les mesures que nous votons, surtout en urgence, se concrétisent sur le terrain.
Nous resterons fidèles à la devise que tous les Mahorais connaissent et qui constitue un emblème de notre relation avec les autorités nationales : Ra Hachiri, en shimaoré ; nous sommes vigilants, en français.
Enfin, je salue la présence dans nos tribunes de l’équipe de basket de Mayotte. Malgré les difficultés que traverse notre territoire, ces joueurs participeront aux huitièmes de finale de la Coupe de France. (Applaudissements.)
Quoi qu’il arrive, la vie continue toujours à Mayotte. Ra Hachiri, nous sommes vigilants ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’en venir au projet de loi d’urgence pour Mayotte, je rappelle que les chambres d’agriculture ont été fondées en 1924… (Sourires.)
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
M. Daniel Chasseing. … par une loi soutenue par Joseph Faure, premier sénateur paysan. Il était corrézien ! (Nouveaux sourires.)
Il y a trois jours, la CMP sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte parvenait à un accord. Notre vote, qui suit celui de l’Assemblée nationale hier, permettra l’adoption définitive de ce texte.
Il faudra aller vite, car ce texte est très attendu. Surtout, les mesures qu’il contient sont indispensables et nécessaires, car la situation à Mayotte est effrayante.
Nous parlons en effet de l’une des catastrophes naturelles les plus graves qu’a connues notre pays depuis près d’un siècle. On dénombre 39 morts et plus de 4 000 blessés. Les maisons de centaines de milliers de personnes ont été détruites, les entreprises et l’agriculture ravagées, l’hôpital, l’aéroport, les routes, la préfecture ou encore les établissements scolaires endommagés.
De nouveau, nous tenons à adresser toutes nos pensées aux victimes du cyclone et à leurs familles.
Reconstruire, vite et bien, c’est la priorité pour le territoire mahorais, qui doit se relever. L’île a déjà commencé à faire face à ce défi avec résilience et nous devons continuer de l’accompagner au mieux.
Reconstruire vite, c’est tout l’objet de ce texte, qui instaure de nombreuses dérogations au droit commun en matière d’urbanisme. Elles permettront, notamment, de simplifier les procédures, de raccourcir certains délais et d’assouplir les règles des marchés publics. C’est indispensable pour avancer.
Nous estimons par ailleurs que pour bien reconstruire, ce texte va dans le bon sens, les conclusions de la CMP reprenant les apports, nécessaires, du Sénat.
Le projet de loi assure ainsi la représentation des maires dans le conseil d’administration du nouvel établissement public chargé de la coordination des travaux de reconstruction. Comme vous, madame le rapporteur, nous pensons que la réussite de la reconstruction passera par l’association étroite des élus locaux.
Les propriétaires pourront en outre bénéficier d’un prêt à taux zéro pour réhabiliter leur logement, dans la limite de 50 000 euros.
Par ailleurs, le texte conserve la faculté pour le Gouvernement d’agir par ordonnances afin de lutter contre les bidonvilles. C’est indispensable. Si l’on ne veut plus revoir les images désastreuses des ravages causés par le cyclone Chido, nous ne devons plus laisser 100 000 personnes vivre dans ces habitats de fortune.
Ce texte n’oublie pas les plus précaires ni les entreprises. Tout doit être fait pour que la situation économique et sociale de l’archipel ne s’effondre pas de manière irréversible.
Vous avez cité des avancées, monsieur le ministre. Plusieurs mesures permettront en effet à de nombreuses personnes de bénéficier, temporairement, du renouvellement automatique de certaines prestations sociales et des allocations chômage jusqu’au 30 juin 2025.
De plus, le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues depuis le passage du cyclone par les entreprises et les travailleurs indépendants sera temporairement suspendu.
Nous avons eu l’occasion de le dire, ce projet de loi est un texte d’urgence qui n’a pas vocation à régler les problèmes structurels de Mayotte, lesquels sont largement antérieurs au passage du cyclone. Ces difficultés sont aussi nombreuses que profondes : difficultés d’accès à l’eau et aux soins, chômage, pauvreté, immigration illégale massive…
Prouvons aux Mahorais que nous les avons entendus et que nous allons enfin agir sur ces sujets qui rongent le territoire depuis trop longtemps.
J’entends souvent rappeler, à juste titre, que les outre-mer, c’est la France. Mayotte, c’est la France. Mais cette année, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà des mots, il nous faudra agir, et vite, pour le prouver.
Notre groupe votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – M. Saïd Omar Oili applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux mois après le cataclysme qui a frappé Mayotte, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen parlementaire de ce texte d’urgence et de reconstruction.
Élaboré en quelques jours, puis présenté par le Gouvernement début janvier, ce projet de loi a été transmis le 22 janvier au Sénat, où nous avons tous eu à cœur de le faire aboutir le plus rapidement possible. Nous le devions à nos compatriotes mahorais. Je me réjouis donc que la commission mixte paritaire réunie lundi dernier sur le texte soit parvenue à un accord.
Je tiens très sincèrement à remercier les rapporteurs, Micheline Jacques, rapporteur au fond de la commission des affaires économiques, Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois, qui ont effectué un travail essentiel sur un texte technique, dans des délais très courts.
Le compromis auquel elles sont parvenues avec l’Assemblée nationale préserve la plupart des acquis du Sénat, notamment l’association des acteurs locaux, chère à notre assemblée.
Je tiens, à ce sujet, à souligner le travail accompli par Micheline Jacques, qui s’est rendue sur place, à Mayotte. Son expérience de terrain a été précieuse pour enrichir le texte, de même que celle de nos collègues sénateurs de Mayotte, que je salue, Salama Ramia et Saïd Omar Oili, dont je connais l’engagement pour ce territoire.
Le Sénat a eu à cœur d’aller au-delà de la reprise des mesures issues des ordonnances de reconstruction qui ont suivi les émeutes urbaines de l’été 2023.
Certaines dispositions ne pouvaient en effet pas s’appliquer de la même manière à Mayotte en matière d’urbanisme et de construction. Je rappelle en effet que deux tiers des constructions y ont été réalisés sans autorisation et que les habitations de fortune y représentent près d’un tiers du parc de logements.
C’est également la raison pour laquelle nous saluons le fait que ce texte inclut dans le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances du Gouvernement des mesures pour favoriser la lutte contre l’habitat illégal à Mayotte, celui-ci étant, nous le savons tous, un véritable fléau.
Face à un cyclone qui a dévasté les logements, les outils de production, les infrastructures et les services publics, le contexte économique particulièrement dégradé a justifié l’adoption de mesures de soutien financier aux ménages et aux entreprises.
Le Gouvernement a notamment instauré un prêt à taux zéro ad hoc pour la reconstruction et la réhabilitation des logements, que nous avons naturellement conservé.
En prenant en compte les spécificités du territoire mahorais, nous sommes parvenus à un texte opérationnel qui porte des mesures concrètes et adaptées aux réalités du terrain. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Il faut maintenant entrer dans le temps long de la reconstruction. À cet égard, je salue l’annonce par M. le ministre d’État d’un projet de loi de programmation pour Mayotte dans les prochaines semaines.
Au-delà du cyclone Chido, qui les a mis rudement à l’épreuve, les Mahorais font face à des difficultés structurelles que nous connaissons bien, au premier rang desquelles figure l’insécurité.
Le volet institutionnel et régalien de ce projet de loi de programmation sera sans doute essentiel. Pour autant, monsieur le ministre, je vous invite à ne pas négliger le volet économique. Des mesures pérennes et structurantes d’adaptation sont très attendues par les acteurs économiques locaux. Je pense notamment à la prise en compte des contraintes de l’insularité pour le développement de l’offre de logements abordables à Mayotte, structurellement insuffisante, ainsi qu’aux nécessaires mesures de soutien au tissu industriel et agricole local afin de favoriser le développement économique de l’archipel.
Une délégation de la commission des affaires économiques se rendra à Mayotte à la fin du mois de mars. Ce déplacement est à notre sens essentiel pour préparer l’examen de ce texte au plus près du territoire, en concertation, bien sûr et toujours, avec les acteurs locaux.
Mes chers collègues, en attendant ce second temps parlementaire, l’approbation large et sans ambiguïté de ce projet de loi d’urgence est nécessaire pour apporter le plus rapidement possible de premières réponses concrètes aux Mahorais.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains approuvera les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP.)
M. Philippe Mouiller. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 décembre dernier, Mayotte a été frappée par le cyclone Chido, un événement d’une violence sans précédent dans ce département français de l’océan Indien.
Ce drame humain et matériel a mis à l’épreuve notre capacité collective à répondre sans délai à l’urgence et à poser les bases d’une reconstruction durable de Mayotte.
Face à l’ampleur de la catastrophe, il était de notre responsabilité de doter Mayotte d’un cadre législatif adapté à une reconstruction à la fois efficace et pérenne, respectueuse des réalités locales, des attentes des élus et de nos compatriotes mahorais.
C’est dans cet esprit que députés et sénateurs ont travaillé au sein de cette commission mixte paritaire pour aboutir à un texte équilibré et pragmatique. Au-delà de l’urgence, ce projet de loi contient déjà des réponses aux défis auxquels Mayotte fait face.
Je tiens à saluer l’engagement de l’ensemble des parlementaires, ainsi que les apports précieux de ma collègue de groupe, Salama Ramia, actuellement à Mayotte, qui a relayé les attentes et les inquiétudes des Mahoraises et des Mahorais avec force et détermination.
Ce projet de loi repose sur plusieurs piliers essentiels.
Il prévoit tout d’abord la création d’un établissement public dédié à la reconstruction qui garantit une mobilisation forte de l’État tout en associant étroitement les élus locaux et les acteurs économiques de Mayotte.
Il prévoit ensuite des assouplissements réglementaires pour accélérer la reconstruction, notamment des dérogations en matière d’urbanisme, d’accès aux matériaux et de commande publique en faveur des entreprises locales. Ces mesures visent à éviter les lourdeurs administratives qui pourraient freiner la relance tout en préservant un cadre rigoureux et transparent.
Ce texte ne se limite toutefois pas aux infrastructures, il apporte un soutien direct aux Mahorais sinistrés par la suspension des cotisations sociales, la prolongation des droits aux allocations et des dispositifs fiscaux adaptés. Nous savons que la reconstruction ne peut se faire sans un accompagnement fort des familles et des entreprises durement touchées par la catastrophe.
Je veux ici souligner le travail de solidarité et de dialogue qui a marqué cette commission mixte paritaire. Plusieurs points ont suscité des débats nourris, notamment l’implantation des locaux de services publics ou encore l’inscription des aides sociales et fiscales dans le temps. Ces échanges ont enrichi le texte et ont permis d’aboutir à des décisions équilibrées prenant en compte les réalités du terrain tout en évitant les écueils d’une approche purement dogmatique.
Mayotte ne saurait pourtant être condamnée à l’urgence permanente : ce texte ne constitue qu’une première pierre et doit s’articuler avec la loi de programmation Mayotte debout, laquelle est très attendue. Celle-ci devra aller encore plus loin et traiter en profondeur des problématiques structurelles : la régularisation foncière, l’accès à l’eau, l’éducation, au plus proche du quotidien de nos concitoyens mahorais. Mayotte n’a pas besoin d’une vision hors sol, il lui faut une politique ancrée dans ses réalités.
La situation a atteint un point de saturation et nos décisions doivent être à la hauteur des défis. Mayotte n’est pas seule.
C’est donc avec conviction que nous voterons ce texte, en ayant collectivement la volonté de reconstruire un territoire plus solide, plus juste et plus digne pour les Mahoraises et les Mahorais.