Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que les situations d'urgence exigent chaque jour une mobilisation rapide et coordonnée, le terrible accident de la route survenu le 8 mai dernier à Baie-Mahault, en Guadeloupe, rappelle avec force l'importance de nos services de secours. Cinq de nos jeunes y ont perdu la vie, tandis qu'un blessé grave lutte encore contre la mort.

Le samedi 10 mai, c'est un pompier qui a été grièvement blessé lors d'un rodéo urbain à Évian-les-Bains, en Haute-Savoie. Il est toujours entre la vie et la mort.

Je tiens à exprimer tout mon soutien aux familles et aux proches de ces victimes.

Je salue l'intervention exemplaire des équipes des Sdis de Guadeloupe et de Haute-Savoie, mobilisées avec professionnalisme et courage. Ces drames mettent une nouvelle fois en lumière le rôle essentiel que jouent ces femmes et ces hommes au service de nos concitoyens.

C'est dans ce contexte où les acteurs de terrain méritent toute notre confiance que nous examinons aujourd'hui cette proposition de loi attendue par la profession. Ce texte vise à améliorer l'organisation des missions des professionnels de santé, des vétérinaires, des psychothérapeutes et des psychologues, qu'ils soient volontaires ou professionnels, exerçant au sein des services d'incendie et de secours (SIS).

Ces personnels appartiennent aux services de santé et de secours médical qui interviennent dans les trois domaines clés que sont les soins d'urgence apportés aux victimes et aux sapeurs-pompiers, la médecine d'aptitude et la médecine de prévention pour tous les agents des Sdis.

Aujourd'hui, aucun cadre juridique clair ne reconnaît officiellement cette polyvalence. De manière paradoxale, voire limitante, les textes actuels empêchent en principe qu'un seul médecin ne cumule ces fonctions, ce qui reviendrait à obliger les Sdis à recruter un médecin par spécialité.

La proposition de loi du député Jean-Carles Grelier, adoptée le 6 mars dernier par l'Assemblée nationale, permet enfin de sécuriser l'exercice de ces missions multiples par un même professionnel. Il s'agit de mettre le droit en phase avec la réalité du terrain.

La commission des lois du Sénat a soutenu cette approche. Elle a simplifié ce texte pour le recentrer sur l'essentiel et l'a adopté selon la procédure de législation en commission, en présence du ministre de la santé.

Ce texte apporte par ailleurs une réponse à la baisse inquiétante du nombre des médecins des sapeurs-pompiers. En dix ans, le nombre de médecins volontaires a chuté de 20 % et celui des professionnels de 4 %, alors que les effectifs globaux continuaient d'augmenter, si bien que l'on compte aujourd'hui près de 240 000 sapeurs-pompiers, dont plus de 40 000 professionnels.

Tandis que les moyens médicaux internes diminuent, les besoins grandissent. Il faut inverser cette tendance !

Cette proposition de loi offre une reconnaissance statutaire adaptée, plus claire, plus cohérente et surtout plus attractive aux médecins des Sdis. En répondant à un besoin partagé sur le terrain et relayé par le Sénat, elle s'inscrit dans un objectif auquel nous souscrivons tous : protéger ceux qui nous protègent.

Je tiens à remercier l'auteur du texte, ainsi que notre rapporteure, de leur travail rigoureux et utile.

Convaincu qu'elle apporte une réponse claire et nécessaire aux professionnels de santé engagés dans les centres d'incendie et de secours, le groupe RDPI votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors même que les services de santé et de secours médical jouent un rôle fondamental dans la prise en charge des victimes et le soutien des sapeurs-pompiers, les activités dont nous débattons sont relativement méconnues du grand public.

S'il est souvent discret, l'engagement de ces professionnels en tant que médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues ou vétérinaires est pourtant essentiel pour la santé des sapeurs-pompiers et la qualité de notre réponse collective aux situations d'urgence.

Afin d'illustrer la charge qui leur revient, permettez-moi de citer quelques-unes de leurs missions : surveillance de la condition physique des sapeurs-pompiers ; exercice de la médecine professionnelle et d'aptitude des sapeurs-pompiers professionnels et de la médecine d'aptitude des sapeurs-pompiers volontaires ; conseil en matière de médecine préventive, d'hygiène et de sécurité ; soutien sanitaire des interventions des services d'incendie et de secours et soins d'urgence aux sapeurs-pompiers ; participation à la formation des sapeurs-pompiers au secours et aux soins d'urgence aux personnes ; enfin, surveillance de l'état de l'équipement médico-secouriste du service.

En entendant cette liste de missions, on s'étonne que ce corps de métier ne soit pas mieux connu de la population. Cette méconnaissance explique d'ailleurs peut-être que, à ce jour, les bases juridiques de l'activité de ces soignants soient aussi fragiles. Comme cela a été rappelé, les dispositions en vigueur s'opposent en effet à l'exercice cumulatif, par un même médecin et à l'égard des mêmes patients, de ces différentes missions.

C'est à cette anomalie que la proposition de loi de notre collègue député Grelier entend remédier.

Cette contradiction juridique ne reflète ni l'urgence des interventions ni les contraintes humaines et budgétaires qui pèsent sur les Sdis. Ce flou doit donc être levé en consacrant et en consolidant juridiquement l'exercice de la médecine d'aptitude, de prévention et de soins d'urgence par un même médecin.

Cette disposition de bon sens, déjà appliquée dans les faits, entérine la polyvalence de ces professionnels et rapproche leur statut de celui des médecins des armées, dont les missions croisées ne soulèvent pas de problème juridique.

Le législateur a le devoir d'accompagner cette réalité, non pas en empilant les normes, mais en clarifiant le cadre d'action. En la matière, le Sénat a pleinement joué son rôle. La commission des lois a resserré le texte sur ses objectifs essentiels. Elle a veillé à sa lisibilité et rejeté des dispositions inopportunes. Je tiens du reste à saluer le travail de notre commission, en particulier de notre rapporteure Françoise Dumont, ainsi que celui des services du Sénat.

Ce texte comprend des dispositions techniques qui appellent une grande rigueur. S'il ne résout pas tous les problèmes, il constitue une première étape. Pour parvenir à de véritables avancées, il nous faudra aller plus loin, que ce soit sur l'attractivité de ces métiers, sur les conditions de travail, sur la rémunération ou sur la formation initiale et continue.

Nous le savons, le nombre de médecins sapeurs-pompiers, en particulier volontaires, ne cesse de diminuer. Le phénomène est d'autant plus préoccupant que les services d'incendie et de secours font face à des défis croissants : dérèglement climatique, vieillissement de la population, désertification médicale, exposition accrue aux risques toxiques et psychologiques…

Ce texte répond donc à des difficultés réelles, qui sont particulièrement aiguës dans les zones rurales et les territoires périphériques, où les professionnels de santé manquent cruellement. Dans bien des départements, les services d'incendie et de secours constituent l'un des derniers maillons d'une médecine de proximité encore accessible.

Mes chers collègues, dans une société où l'engagement volontaire est de plus en plus rare, où les métiers de la santé sont en tension, où l'exigence d'efficacité se heurte aux réalités humaines, ce texte apporte une pierre utile à l'édifice.

Notre groupe le votera à l'unanimité.

Enfin, j'exprime ma solidarité et mon soutien au pompier qui a été agressé dans l'exercice de ses fonctions le week-end dernier. Un tel acte est inacceptable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST. – Mmes Émilienne Poumirol et Isabelle Florennes applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Paul Toussaint Parigi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je veux à mon tour apporter un soutien sans faille aux pompiers qui ont été agressés et blessés ce week-end. Je leur souhaite un prompt rétablissement.

Nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur une proposition de loi répondant, au-delà de sa technicité, à une attente forte et légitime des acteurs de la sécurité civile et de la santé.

En effet, notre modèle de sécurité civile est confronté à de multiples défis. Je pense à l'augmentation du nombre d'interventions et à la diversification des risques, en particulier l'exposition accrue aux risques sanitaires et psychosociaux, sans oublier les attentes légitimes de reconnaissance de la part des professionnels et des volontaires qui s'engagent avec dévouement.

Si l'on peut saluer la progression du nombre des sapeurs-pompiers, la majorité de leur effectif reste composée de volontaires, dont les missions ne cessent de se diversifier et de s'intensifier. Les difficultés de recrutement des professionnels de santé au sein des Sdis, auxquelles se conjugue l'émergence de nouveaux risques, rendent indispensable et urgent l'adaptation de notre cadre législatif et réglementaire.

Trop longtemps, les médecins des services d'incendie et de secours ont exercé dans une insécurité juridique manifeste, corsetés par des dispositions fragmentées et bien souvent inadaptées. Empêcher un médecin de cumuler des missions de soins, d'aptitude et de prévention revient non seulement à méconnaître la spécificité de son engagement, mais aussi à ignorer les contraintes humaines et budgétaires actuelles. Nos territoires ruraux étant victimes de la désertification médicale et du vieillissement de la population, ces contraintes y sont, hélas ! encore plus prégnantes.

Face à cette urgence, ce texte clarifie, modernise et valorise les missions des professionnels de santé, des vétérinaires, des psychothérapeutes et des psychologues qui exercent au sein des services d'incendie et de secours, que ce soit de manière professionnelle ou bénévolement. En reconnaissant et en sécurisant juridiquement l'exercice cumulatif des missions dévolues aux médecins sapeurs-pompiers, il fait évoluer un cadre réglementaire qui interdisait théoriquement ce que la réalité de terrain imposait chaque jour.

En autorisant ces médecins à exercer de manière polyvalente, nous leur permettons de déployer toute l'étendue de leur expertise au service de notre sécurité collective. Plus largement, il était crucial de reconnaître la contribution inestimable de ces hommes et de ces femmes qui, dans l'ombre, assurent des missions aussi diverses que primordiales, de la médecine de soins aux interventions d'urgence, en passant par la prévention et la formation.

En gravant dans le marbre législatif leurs attributions, cette proposition de loi leur accorde enfin la reconnaissance qu'ils méritent. Elle érige en symbole notre gratitude commune envers ceux qui s'engagent sans relâche au service de tous les citoyens.

La flexibilité organisationnelle qu'autorise ce texte était une réponse nécessaire et attendue, dans un contexte où chaque geste pour sauver des vies compte.

Par ailleurs, je tiens à souligner un aspect non moins significatif de cette proposition de loi : l'intégration des militaires du service de santé des armées au sein des services d'incendie et de secours. Cette mesure, que nous avons tous saluée, enrichit la diversité et la compétence des équipes pluridisciplinaires. Ce faisant, elle consolide la robustesse des dispositifs de secours.

Enfin, nous ne saurions ignorer la dimension humaine de cette réforme, qui améliore la prévention des risques psychosociaux. Nos discussions ont su mettre en exergue la nécessité de protéger ceux qui nous protègent, en leur garantissant un environnement de travail sain.

Vous l'aurez compris, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi, dont nous sommes convaincus qu'elle constitue une avancée majeure pour la sécurité civile et la santé publique.

Nous serons toutefois attentifs à la mise en œuvre des dispositions prévues, notamment en ce qui concerne la formation, la prévention des risques psychosociaux et la valorisation du volontariat.

De plus, dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, nous souhaitons que le Gouvernement trouve, avec les organisations professionnelles et les acteurs de terrain avec lesquels il sera amené à dialoguer, des réponses adaptées à l'indispensable montée en compétences des personnels, au renforcement de l'attractivité des métiers et à la valorisation des carrières.

En votant pour cette proposition de loi répondant à l'impérieuse nécessité d'adapter notre droit aux défis opérationnels de notre temps, notre groupe choisit de faire confiance à l'intelligence du terrain et à la loyauté des professionnels. Nous votons pour la cohérence, pour l'efficience et pour la reconnaissance du rôle irremplaçable de nos services de santé et de secours médical. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, nous examinions la proposition de loi de nos collègues Émilienne Poumirol et Anne-Marie Nédélec visant à garantir le suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.

Nos sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires, font face à de nombreux enjeux. Nous nous félicitons que la représentation nationale en traite un certain nombre. Il est en effet indispensable d'améliorer le sort de ceux qui nous protègent au quotidien.

En cet instant, je veux moi aussi avoir une pensée pour le sapeur-pompier volontaire de Haute-Savoie qui a été percuté par un automobiliste, alors qu'il tentait, avec ses collègues, de faire cesser un rodéo.

Au-delà de cette actualité dramatique, nous devons être conscients de l'ampleur de la diversification des missions des sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires. Ceux-ci doivent en effet souvent pallier l'affaiblissement de certains de nos services publics.

La proposition de loi de notre collègue député Jean-Carles Grelier, qui a pour objet de reconnaître la polyvalence des médecins des sapeurs-pompiers, s'inscrit pleinement dans ce contexte. Il s'agit à la fois de sécuriser juridiquement les personnels de santé volontaires et professionnels exerçant dans nos Sdis et, surtout, d'améliorer l'attractivité de ces métiers. Nous y souscrivons et nous la voterons.

De même, nous nous associons aux remarques de Mme la rapporteure : si cette proposition de loi apporte une clarification juridique bienvenue à l'exercice des missions des professionnels de santé des sapeurs-pompiers, il convient de revaloriser les rémunérations de ces derniers, faute de quoi nous ne résoudrons pas les problèmes d'attractivité.

Le nombre de médecins sapeurs-pompiers professionnels et volontaires est passé de 4 484 à 3 492 en moins en dix ans. Au-delà du manque d'attractivité que je viens d'évoquer, cette tendance est sans doute aussi un effet collatéral de la démographie médicale actuelle de la France.

L'aggravation de la désertification médicale laisse en effet peu de latitude aux professionnels de santé exerçant dans des territoires sous-dotés pour s'engager au sein des Sdis. Mais j'anticipe peut-être d'autres débats que nous aurons, monsieur le ministre, au cours des prochaines heures…

La proposition de loi prévoyait initialement de créer un cadre d'emploi unique pour les médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues, vétérinaires et cadres de santé des services départementaux d'incendie et de secours.

Cette option a finalement été écartée, car 95 % d'entre eux sont des volontaires, soit une proportion plus importante encore que pour l'ensemble des effectifs de sapeurs-pompiers. Désormais, le texte rapproche les cadres d'emplois pour faciliter la mobilité, tout en préservant la spécificité des volontaires exerçant au sein des Sdis.

Il est intéressant de constater que les services d'incendie et de secours reposent moins que les autres services de soins de notre pays sur une organisation en silo, fondée sur la spécialisation, pour ne pas dire la surspécialisation. En effet, les professionnels et les volontaires des Sdis pratiquent une médecine plurielle et polyvalente, à contre-courant des discours de ceux qui défendent leur pré carré en laissant entendre qu'il n'y aurait aucune solution de rechange à ce modèle. Je livre cet élément à notre réflexion collective, mais, encore une fois, je devance sans doute de futurs débats.

Je l'ai dit, notre groupe votera ce texte, mais je veux profiter de cette discussion générale pour relayer les interpellations des sapeurs-pompiers professionnels au sujet de la baisse de l'indemnisation des fonctionnaires en arrêt maladie, qui est passée de 100 % à 90 %. Cette mesure, décidée par le Gouvernement lors de l'examen du dernier projet de loi de finances et soutenue par la majorité sénatoriale, affecte tant le traitement de base que le régime indemnitaire de l'ensemble des agents de la fonction publique.

Les conséquences sont particulièrement lourdes pour les agents des Sdis, dont la rémunération est composée majoritairement de primes. Il est pour le moins contradictoire de promouvoir des mesures censées améliorer l'attractivité de certains emplois tout en en adoptant d'autres qui la font reculer…

Dans le même esprit, je ne peux pas ne pas revenir sur l'augmentation du taux de cotisation à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Cette décision affecte les Sdis dès cette année et aura des répercussions en 2026, en 2027 et en 2028. Là encore, une telle mesure me semble contradictoire avec notre volonté commune de déployer des moyens en faveur de nos services d'incendie et de secours. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, comme les orateurs précédents, de commencer cette intervention en ayant une pensée pour le pompier volontaire qui a été grièvement blessé ce week-end.

Le texte que nous examinons aujourd'hui constitue un pas important vers la reconnaissance de l'engagement des professionnels de santé au sein des services d'incendie et de secours et de la complexité de leur mission. Il prend acte de la nécessité de mieux structurer et sécuriser l'exercice de leurs fonctions. En effet, il existe un véritable décalage, pour reprendre le terme de Mme la rapporteure, entre l'urgence de la réalité et le cadre normatif actuel, qui est totalement inadapté.

Aussi saluons-nous la création d'un cadre juridique spécifique pour les professionnels de santé des services d'incendies et de secours, inspiré du modèle des praticiens militaires. Cette clarification statutaire est essentielle, car elle reconnaît enfin la polyvalence des missions exercées par ces femmes et ces hommes, à la croisée du soin, de la prévention, de l'urgence et de l'expertise. Ce faisant, elle les sécurise d'un point de vue juridique.

Nous saluons l'effort de précision porté par les articles 1er et 2, qui encadrent les rôles des médecins, infirmiers, pharmaciens, vétérinaires, psychologues et cadres de santé. Cette reconnaissance explicite constitue également un premier levier pour susciter l'engagement dans les services d'incendie et de secours, dans une période où celui-ci est en net recul. Comme l'a relevé ma collègue du groupe RDPI, le nombre des médecins volontaires a diminué de 20 % en dix ans.

Toutefois, je dois me faire l'écho de l'intervention précédente : si le texte pose un cadre, il n'apporte pas les moyens nécessaires. Or c'est là que réside le cœur du problème.

Aussi bienvenus que soient les rapports supplémentaires prévus à l'article 2 bis sur les risques psychosociaux auxquels sont exposés les agents des services d'incendie et de secours, nous n'en avons pas besoin pour savoir que l'accroissement des interventions, la baisse des effectifs, la stagnation des budgets et la dégradation des conditions de travail ont des conséquences directes en la matière.

Nous avons surtout besoin de nouveaux moyens de recrutement, de formation et de reconnaissance financière. À quoi bon lancer des campagnes d'information pour inciter les professionnels de santé à s'engager au sein des services d'incendie et de secours si les conditions d'exercice sont de plus en plus dissuasives ? Si le nombre des missions continue d'augmenter et que les moyens ne suivent pas, le risque est grand que ces campagnes ne restent lettre morte. La volonté politique qui est aujourd'hui affichée devra donc se vérifier dans le prochain projet de loi de finances.

Les services d'incendie et de secours font face à des défis immenses : vieillissement des effectifs ; recrudescence des agressions, comme nous l'avons vu ce week-end ; exposition accrue aux produits toxiques ; nouveaux risques liés aux catastrophes climatiques ou technologiques. L'adaptation aux changements climatiques va également devenir un enjeu majeur pour les services d'incendie et de secours.

Mon groupe et moi-même plaidons donc pour accorder davantage de moyens structurels aux services d'incendie et de secours, dont le socle de financement par les collectivités doit être revu. En effet, ils sont largement financés par les départements, qui sont à bout de souffle du point de vue financier.

De même, nous appelons à la reconnaissance de la pénibilité de ces métiers, notamment par leur intégration dans les tableaux de maladies professionnelles, ainsi qu'à un véritable plan de recrutement et de formation du personnel de santé présent dans les services d'incendie et de secours, afin de maintenir un haut niveau de qualité et de disponibilité.

Par ailleurs, nous tenons à souligner la place croissante des femmes dans les services de santé et de secours médicaux – elles représentent 57 % des effectifs – et à rappeler que valoriser ces métiers, c'est aussi lutter pour l'égalité professionnelle.

Cela dit, je répète que ce texte va dans le bon sens, même s'il ne constitue qu'une étape et non une réponse globale. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en sa faveur, mais il restera mobilisé pour obtenir les moyens que mérite ce service public d'intérêt vital.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et RDPI.)

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour m'associer au soutien que vous avez apporté au sapeur-pompier volontaire grièvement blessé samedi dernier lors d'un rodéo urbain. Nous pensons bien sûr à sa famille et à ses collègues.

Après avoir légiféré mercredi dernier en commission, nous devons désormais entériner les dispositions contenues dans cette proposition de loi, qui a le mérite de mettre en lumière les enjeux du cadre d'emploi des professionnels de santé des Sdis.

Le modèle de sécurité civile français est construit autour d'une organisation partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Les sapeurs-pompiers des Sdis, établissements publics administratifs autonomes, assurent au quotidien des missions de secours toujours plus nombreuses, malgré la clarification de leur champ d'intervention effectuée par la loi Matras en novembre 2021.

Si l'on peut se réjouir de l'augmentation constante du nombre de sapeurs-pompiers volontaires et professionnels – ils sont actuellement 252 700 –, leurs missions reposent en grande partie sur les 197 000 sapeurs-pompiers volontaires. Ces derniers sont accompagnés de nombreux personnels soignants, qui ne représentent toutefois que 4 % des emplois au sein des Sdis : 3 724 médecins, 7 843 infirmiers, 564 pharmaciens, 306 vétérinaires, 347 psychologues et 86 cadres de santé.

Ces personnels de santé interviennent aussi bien auprès des victimes prises en charge par les sapeurs-pompiers qu'auprès des sapeurs-pompiers eux-mêmes. Aussi, l'ambition de cette proposition de loi de sécuriser le cadre d'emploi en le formalisant dans le code de la sécurité intérieure représente une reconnaissance concrète de leur mission.

Il convient de saluer cette amélioration, et je vous remercie, madame la rapporteure, d'avoir clarifié certaines dispositions de cette proposition de loi par vos amendements de réécriture, ce qui garantit une plus grande cohérence et davantage de sûreté juridique.

Si la polyvalence de ces professionnels doit être reconnue, c'est bien sûr sous réserve d'une formation adéquate à l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Une telle condition me semble de nature à rassurer à la fois l'ordre des médecins, qui s'oppose à cette polyvalence, mais aussi les collèges d'enseignement de médecine du travail. Cela répondrait à leur crainte que les médecins pompiers ainsi formés ne viennent empiéter sur la médecine du travail, dans l'industrie ou ailleurs.

En effet, l'attractivité du métier ou de la fonction de sapeur-pompier médecin, professionnel ou volontaire, vient notamment de ce que ceux qui les occupent sont amenés à exercer des missions diverses ; vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, s'ils prodiguent des soins d'urgence ou de pré-urgence, ils remplissent également des missions d'aptitude et de prévention. Mais elle est également liée à la rémunération, dont il faut bien reconnaître qu'elle n'est pas à la hauteur des missions assumées par les Sdis, d'où la difficulté extrême à recruter de nouveaux médecins.

Monsieur le ministre, je sais que la réponse ne saurait résider dans cette proposition de loi. Mais j'espère que le Beauvau de la sécurité civile sera l'occasion de traiter cette difficulté majeure, car il est temps de reconnaître et de valoriser l'ensemble des professionnels de santé des Sdis.

En commission comme lors de la discussion générale, vous avez appelé à une meilleure coopération entre le Samu et les Sdis, monsieur le ministre. Il est nécessaire de mettre fin à cette fameuse guerre entre les « rouges » et les « blancs » et de clarifier le rôle et les missions de chacun.

Dans mon département, j'ai eu la chance de signer dès 2016 une convention entre le Samu et le Sdis, grâce à laquelle nous avons clarifié le degré des urgences – urgence absolue, urgence relative, absence d'urgence –, ce qui a contenu le nombre d'interventions. Ainsi, depuis dix ans, le nombre d'interventions en Haute-Garonne reste autour de 56 000 par an, alors que la population augmente de 15 000 à 20 000 habitants chaque année.

Je tiens vraiment à souligner l'excellente entente qui règne entre les deux services dans mon département, car j'en suis très fière. Ensemble, nous apportons une réponse mieux coordonnée et plus cohérente, donc plus efficace.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le sujet du 112. Pour avoir visité une plateforme à Reus, en Espagne, et le centre du 911 à Boston, aux États-Unis, je vous garantis que nous gagnerions en efficacité et diminuerions les dépenses en adoptant un tel système. Le délai de décroché dans ces deux pays est extrêmement court et le tri rapide, ce qui limite les prises en charge tardives de patients. Les plateformes associent même la police.

Enfin, je ne saurais conclure sans vous rappeler, monsieur le ministre, le problème de la reconnaissance des cancers imputables à la toxicité des fumées.

Mme la rapporteure a évoqué tout à l'heure la proposition de loi que nous avons votée il y a deux mois. Nous attendons toujours le rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qu'avait alors promis la ministre de la santé. Nous souhaitons que ce sujet avance rapidement.

En tout état de cause, et parce qu'elle comporte des avancées juridiques réelles, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos sapeurs-pompiers incarnent une certaine idée de la France : celle du courage, du dévouement, de la proximité avec nos compatriotes. Ils sont au cœur de la Nation, et leurs missions n'ont cessé de se diversifier au fil des années. Face à cette réalité, il est plus que temps que les professionnels de santé qui les accompagnent soient reconnus à leur juste valeur.

Je souhaite ici avoir une pensée particulière pour Niccolo Scardi, sapeur-pompier volontaire à Évian-les-Bains, qui a été gravement blessé après avoir été renversé par un délinquant lors d'un rodéo urbain.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui crée un cadre d'emploi spécifique pour les personnels de santé, qui, au sein des Sdis, assurent des fonctions vitales. Ces médecins, infirmiers, pharmaciens et psychologues sont indispensables au bon fonctionnement de nos services d'incendie et de secours. Pourtant, leur statut reste flou, leur engagement est sous-évalué et leur avenir demeure incertain.

Comment accepter qu'un infirmier ou un pharmacien de sapeurs-pompiers, qui s'engage sur des dizaines d'interventions chaque mois, dans des conditions souvent difficiles, le fasse sans reconnaissance statutaire, sans cadre juridique clair et sans perspectives d'évolution ? Ces professionnels ne demandent ni privilèges ni faveurs. Ils veulent un cadre clair, une reconnaissance à la hauteur de leur mission et des conditions de travail adaptées à leurs responsabilités.

Contrairement à certaines idées reçues, les professionnels de santé des Sdis ne font pas concurrence aux services hospitaliers, et encore moins au Samu. Ils leur sont complémentaires, et leur rôle est précieux, notamment dans les zones rurales, où leur réactivité fait souvent la différence face à une urgence vitale. Leur présence assure un maillage territorial efficace, dans un contexte de recul des structures de soins.

Le département du Nord, en particulier le Sdis 59, connaît bien cette réalité. Permettez-moi, monsieur le ministre, une petite parenthèse pour vous alerter de nouveau sur la situation préoccupante des infirmiers de sapeurs-pompiers volontaires du Nord, avec lesquels j'étais encore ce matin à l'occasion de la journée départementale de leur association.

Alors même que l'utilité des secours infirmiers n'est plus à prouver, le Sdis du Nord, qui a pourtant été un pionnier en matière de secours paramédicalisé il y a dix ans, a récemment supprimé deux véhicules légers infirmiers et un véhicule de soutien sanitaire.

Dans un département déjà confronté à une mortalité plus élevée que la moyenne nationale, cette décision fragilise l'accès aux soins d'urgence, notamment pour les habitants de Denain et Douai, mais aussi pour les sapeurs-pompiers, qui sont désormais privés de soutien médical lorsqu'ils interviennent dans le bassin minier. À ce jour, le conseil d'administration du Sdis reste muet et refuse le dialogue.

Cette proposition de loi marque un premier pas en posant les bases d'un cadre d'emploi spécifique attendu de longue date. Elle clarifie les missions des soignants des Sdis et renforce leur attractivité.

Pour autant, ce texte ne saurait être une fin en soi. Il devra s'inscrire dans une réforme plus large de notre sécurité civile, qui a besoin de davantage de moyens, d'une meilleure coopération et d'un financement adapté aux besoins du terrain.

Ainsi, mes chers collègues, par cohérence avec mon engagement constant pour la reconnaissance des acteurs de terrain, je voterai en faveur de cette proposition de loi, tout en restant attentif à sa mise en œuvre concrète, en particulier dans nos départements les plus exposés.