Mme Laurence Muller-Bronn. Cet amendement a pour objet d'expérimenter, dans plusieurs départements, un schéma départemental de l'organisation des soins qui leur permette de mieux coordonner l'accès aux soins sur l'ensemble de leur territoire.

Nous nous sommes précédemment posé la question de l'organisation et du financement de l'offre de soins : le département organise, mais comment et avec quels moyens ?

Cette nouvelle organisation opérationnelle ferait l'objet d'une expérimentation pendant trois ans. Ce schéma serait élaboré en concertation avec les acteurs du secteur de la santé et les autres collectivités du département, notamment les communes, afin de définir les besoins de santé, leur mode de couverture et les moyens de les évaluer au plus près des territoires. Il s'agit d'une demande de Départements de France.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à créer, à titre expérimental, un schéma départemental de l'organisation des soins.

Vous l'avez dit, ma chère collègue, il reprend une proposition de Départements de France, qui ne nous en a cependant pas fait part lors de nos auditions.

Vous connaissez la philosophie de cette proposition de loi : faire le plus simple possible pour être le plus réactif et le plus agile possible. Si je soutiens la volonté de départementalisation de la politique de santé, notamment en matière d'accès aux soins, je ne souhaite pas rigidifier l'action des départements et des autres acteurs, d'autant qu'une telle expérimentation aura un coût. Je plaide plutôt pour davantage de souplesse.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires
Avant l'article 3

Article 2

Après l'article L. 1411-1-2 du code de la santé publique, il est rétabli un article L. 1411-1-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1-3. – Dans le cadre de la définition et de la conduite de la politique de santé, le ministre chargé de la santé s'appuie sur un comité de pilotage de l'accès aux soins réunissant les directeurs d'administration centrale compétents, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ainsi que les représentants des collectivités territoriales désignés par les principales associations de représentation des régions, des départements, des communes et de leurs groupements.

« Le comité de pilotage est consulté par le ministre chargé de la santé pour la définition des objectifs prioritaires en matière d'accès aux soins ainsi que lors de l'élaboration et pour le suivi des plans d'action nationaux et territoriaux destinés à réduire les inégalités sociales et territoriales en la matière.

« Dans le cadre de l'élaboration ou de la révision de la stratégie nationale de santé, le comité de pilotage propose des actions de déclinaison territoriale de la politique de santé permettant la prise en compte des besoins spécifiques à certains territoires, en particulier les territoires ruraux et insulaires, ainsi que d'éventuelles adaptations répondant aux spécificités des territoires ultramarins. »

Mme la présidente. L'amendement n° 91 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Fichet, Mme Poumirol, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Canalès, Conconne, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le dernier alinéa de l'article L. 1432-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lors de l'évaluation de l'offre de soins et au moins une fois par an, les représentants des collectivités territoriales mentionnés à l'article L. 1434-10 du présent code sont associés. »

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à mieux associer les collectivités territoriales au pilotage départemental de l'offre de soins, en renforçant la présence des représentants des communes et des conseils départementaux au sein des délégations départementales des ARS, au-delà de ce qui est prévu dans le code de la santé publique.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous attendons les décrets d'application des dispositions de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, dont l'objet est de renforcer l'expression de la démocratie locale et de mieux ancrer l'action des services déconcentrés de l'État au sein des territoires afin de soutenir les projets locaux.

Cette nouvelle architecture s'articule difficilement avec l'existant.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à réécrire l'article 2. Il a pour objet de remplacer le comité de pilotage de l'accès aux soins par le simple fait d'associer des représentants des collectivités territoriales à l'évaluation des besoins.

Ma chère collègue, vous soulignez la faiblesse des délégations départementales des ARS. Je ne peux que vous rejoindre sur ce point : le décret définissant les missions que la loi leur confère depuis février 2022 n'est en effet toujours pas publié. Comment voulez-vous, monsieur le ministre, que la territorialisation de nos politiques de santé puisse fonctionner dans ce contexte ?

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Même avis défavorable.

En ce qui concerne les décrets d'application de la loi 3DS, il me semble qu'ils sont du ressort du ministère de l'aménagement du territoire. Je vous promets de me pencher sur la question.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je comprends de l'avis rendu par la rapporteure que, sur le fond, le dispositif de cet amendement est plutôt intéressant, car il tend à renforcer les délégations départementales des ARS, auxquelles nous avons, il est vrai, régulièrement affaire.

Toutefois, l'avis de la commission est défavorable, car, tel qu'il est rédigé, cet amendement vise à se substituer à l'article 2 dans son ensemble.

Aussi, j'invite Mme Le Houerou à rectifier cet amendement pour faire en sorte que son dispositif s'ajoute à celui de l'article 2 et ne le remplace plus. Nous conserverions ainsi la création d'un comité de pilotage de l'accès aux soins, une très bonne mesure proposée par la commission, tout en renforçant les délégations départementales des ARS.

Mme la présidente. Madame Le Houerou, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. Lemoyne ?

Mme Annie Le Houerou. Je ne m'y oppose pas, mais il me semble que mon amendement tend déjà à compléter l'article 2.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Quoi qu'il en soit, cela ne changera pas l'avis de la commission…

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. L'avis de la commission n'en resterait pas moins défavorable. Le comité de pilotage national défini par l'article 2 associe déjà les élus locaux. Aussi, nous ne souhaitons ni réécrire cet article ni le compléter.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Annie Le Houerou ne pouvant plus intervenir, je m'exprime en son nom pour dire qu'elle accepte de rectifier son amendement dans le sens suggéré par Jean-Baptiste Lemoyne.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 91 rectifié bis, présenté par Mme Le Houerou, M. Fichet, Mme Poumirol, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Canalès, Conconne, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...°  Le dernier alinéa de l'article L. 1432-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lors de l'évaluation de l'offre de soins et au moins une fois par an, les représentants des collectivités territoriales mentionnés à l'article L. 1434-10 du présent code sont associés. » 

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. J'entends le débat : le renforcement des compétences et des moyens des ARS à l'échelon départemental est un vrai sujet.

Toutefois, la commission n'a pas pu étudier la mesure que vous proposez, madame Le Houerou, d'autant qu'elle ne s'inscrit pas vraiment dans la logique que nous défendons, qui consiste à renforcer la position des élus plutôt que celle des ARS.

Par cohérence, nous sommes donc défavorables à votre démarche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Le débat qui vient de s'engager est tellement intéressant qu'il serait utile de l'approfondir.

L'article 2 est censé renforcer le pilotage de la politique de santé à l'échelon départemental. Or, au fur et à mesure de nos échanges, nous constatons que les points de vue divergent sur l'intérêt qu'il y aurait à renforcer les compétences des ARS, y compris à cet échelon départemental. En effet, le président de la commission vient de nous expliquer qu'il s'agirait plutôt de faire en sorte que les élus locaux jouent un rôle plus important.

J'ai déjà exprimé par le passé les réserves qui sont les miennes à l'encontre des ARS. Dans la mesure où j'estime bénéfique d'adopter la maille la plus fine, l'échelon départemental ne me semble pas inopportun.

Pour autant, la santé est un domaine régalien. Vous l'avez d'ailleurs vous-même rappelé, monsieur le ministre. Si nous choisissons de nous orienter, lentement mais sûrement, vers un modèle reposant sur les élus locaux et les collectivités, nous allons donc au-devant de nouveaux problèmes. Comme l'ont dit certains de mes collègues, les départements n'ont actuellement ni les moyens ni les outils pour piloter seuls notre politique de santé. C'est pourquoi j'estime que celle-ci doit continuer de relever du ressort de l'État.

Ce débat mériterait en tout cas d'être engagé « à livre ouvert », si je puis dire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Mes chers collègues, vous mélangez deux sujets.

L'article 2 crée un comité de pilotage national, auquel nous associons les élus locaux. Or vous êtes en train de « remettre en selle » les ARS.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Pour associer les élus locaux !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Pas tout à fait…

J'ai cru comprendre de nos débats que nous étions d'accord sur le fait que la maille départementale était la bonne pour apprécier les besoins de santé.

C'est pourquoi nous donnons, à l'article 1er, la main aux élus locaux, qui devront se concerter pour élaborer un zonage faisant l'objet d'un avis conforme. C'est le cœur du dispositif.

L'article 2 porte sur le comité de pilotage de l'accès aux soins, qui comporte également des élus locaux. Il n'est nullement question ici de renforcer les ARS ! J'ai certes affirmé que les délégations départementales des ARS avaient été affaiblies par le passé, mais ce n'est pas l'objet de cet article.

Je le répète, l'avis de la commission reste défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 91 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Lermytte, M. Laménie, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Chevalier, Brault, Grand et Rochette et Mmes Romagny et Perrot, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1411-1-3. – Dans le cadre de la définition et de la conduite de la politique de santé, le ministre chargé de la santé s'appuie sur l'Office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé défini au I de l'article L. 1434-14. »

II. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

Le comité de pilotage

par les mots :

L'Office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé

III. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

le comité de pilotage

par les mots :

l'Office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Je souhaite moi aussi renforcer l'échelon départemental, en revenant sur la création du comité de pilotage de l'accès aux soins prévue à l'article 2.

L'article 1er crée déjà un Office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé : cette instance pourrait assumer le rôle dudit comité de pilotage.

À mon sens, le ministre pourrait tout à fait s'appuyer sur cette structure, émanation des offices départementaux. Je suis bien sûr prêt à retirer mon amendement, mais je m'interroge, à cet égard, sur l'existence d'un éventuel doublon.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 15 rectifié bis est présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Grosvalet, Mme Jouve et MM. Masset, Roux et Daubet.

L'amendement n° 46 rectifié ter est présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mme Lermytte, MM. Chasseing et Brault, Mme L. Darcos et MM. A. Marc, V. Louault et Khalifé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Après le mot :

maladie

insérer les mots :

, les représentants des ordres nationaux des professions médicales

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié bis.

Mme Véronique Guillotin. L'article 2 crée un comité de pilotage de l'accès aux soins regroupant les principaux acteurs de l'offre de soins et les représentants des collectivités territoriales.

Cette instance sera chargée de suivre les plans d'action nationaux et territoriaux. Elle devra, en outre, adapter la stratégie de santé aux spécificités locales.

Pour qu'il puisse pleinement assumer sa mission, ce comité doit bel et bien réunir tous les acteurs disposant d'une expertise utile et d'une responsabilité directe dans l'organisation des soins.

Il nous semble que les représentants du Conseil national de l'ordre des médecins y auraient leur place. Cet acteur connaît le terrain et travaille en lien étroit avec les médecins. Il est, de surcroît, de plus en plus engagé dans la territorialisation de la santé et de la médecine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour présenter l'amendement n° 46 rectifié ter.

Mme Marie-Claude Lermytte. Dans la rédaction actuelle, aucune profession médicale n'est représentée au sein du comité de pilotage. Or il paraît nécessaire d'y prévoir la représentation du Conseil national de l'ordre des médecins.

Mme la présidente. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. V. Louault, Laménie et Chasseing, Mme Lermytte et M. A. Marc, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que les représentants nationaux des ordres et des syndicats représentatifs des professionnels de santé

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les dispositions de l'amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Chasseing, s'opposent à l'esprit même de l'article 2, lequel crée une instance de dialogue et de réflexion spécifiquement chargée de prendre en compte la connaissance des territoires et l'avis des élus locaux.

Mes chers collègues, peut-être cette réflexion mérite-t-elle d'être encore un peu mûrie. Mais chacun, à présent, a bien compris le sens des offices départementaux. L'office national aura pour mission de synthétiser les zonages décidés par les offices départementaux. Quant au comité de pilotage, il assurera lui aussi l'association des élus locaux. C'est indispensable pour éviter une logique trop descendante.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 36 rectifié.

De même, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 15 rectifié bis et 46 rectifié ter, ainsi qu'à l'amendement n° 49 rectifié, lesquels visent à modifier la composition du comité de pilotage.

Bien sûr, nul ne conteste l'expertise des différents ordres professionnels, mais – rappelez-vous – ils sont déjà associés : ils sont représentés au sein des offices départementaux, c'est-à-dire dès le premier échelon. Avec les délégations départementales des agences régionales de santé (ARS) et les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), ils doivent concourir à la bonne évaluation des besoins.

En revanche, je vous proposerai dans quelques instants un amendement visant à préciser que la composition du comité est fixée par décret : cette méthode sera gage de flexibilité. Mieux vaut, en effet, ne pas figer dans la loi la liste des instances représentées dans ce cadre.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Mêmes avis défavorables.

Mme la présidente. Monsieur Chasseing, l'amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié bis et 46 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 121, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles relatives à la composition et au fonctionnement du comité de pilotage de l'accès aux soins sont fixées par décret. »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les dispositions que je vais présenter permettront, je l'espère, de satisfaire tout le monde.

Cet amendement tend à préciser que les règles relatives au fonctionnement et à la composition du nouveau comité de pilotage sont fixées par décret. Dès lors, il sera possible de compléter la composition du comité afin d'améliorer la prise en compte des spécificités locales et, ce faisant, de renforcer la lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux soins.

J'y insiste, il est essentiel d'associer les élus locaux à ce travail.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. L'article 1er valorise l'échelon départemental, dans une logique ascendante ; quant à l'article 2, qui vient en quelque sorte en miroir, il porte sur le pilotage national et assure une déclinaison territoriale, censée nourrir une stratégie nationale de santé, en vertu du quatrième alinéa, mais dans une logique descendante.

Un tel choix m'inspire tout de même quelques doutes quant à la stratégie nationale de santé.

À cet égard, j'observe comme une ligne de partage dans cet hémicycle.

Dans l'ensemble, nous sommes convaincus de la nécessité de partir de la maille départementale pour conduire les nécessaires évolutions de notre système de santé. En ce sens, il faut mieux identifier les besoins et les priorités locaux. (M. le ministre acquiesce.) Par son amendement, Mme Muller-Bronn proposait d'aller très loin et très vite dans ce sens – probablement trop loin et trop vite d'ailleurs.

Dans le même temps, un certain nombre d'entre nous sont attachés au principe, rappelé par Mme Brulin, selon lequel la santé relève du domaine régalien.

Le code de la santé publique reste marqué par cette règle : c'est l'État qui mène la politique de santé. Mais on voit aussi l'impasse dans laquelle nous conduit une telle gestion verticale, descendante, y compris en matière budgétaire, quand elle est appliquée de manière systématique.

Au sein de notre commission des affaires sociales, nous avons suffisamment critiqué la manière dont est construit l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), répété un peu mécaniquement, année après année, et qui n'est pas élaboré à partir des besoins des territoires.

L'examen du présent texte met au jour cette tension. En parallèle, il nous montre combien nous aurions intérêt, pour construire nos politiques de santé, à partir d'une analyse des besoins et des priorités des territoires. En cela, notre travail peut être très fructueux.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. Monsieur le sénateur, cette discussion me semble particulièrement riche et nous rappelle, si besoin était, tout l'intérêt de nos débats.

En posant de telles questions, vous vous projetez déjà vers le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je vous interroge en retour : selon vous, faudrait-il opter pour des objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie ? Serait-il pertinent, en d'autres termes, de passer de l'Ondam à des Ordam ?

M. Bernard Jomier. Malheureusement, je ne peux pas vous répondre ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Chapitre II

Renforcer l'offre de soins dans les territoires sous-dotés

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires
Article 3 (début)

Avant l'article 3

Mme la présidente. L'amendement n° 103 rectifié bis, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Conconne, Canalès, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du premier alinéa de l'article L. 6314-1 du code de la santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « La mission de service public de permanence des soins est assurée, en collaboration avec les établissements de santé et en concertation avec les professionnels de santé, le cas échant regroupés sous la forme d'une communauté professionnelle territoriale de santé, par les médecins mentionnés à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, âgés de moins de cinquante-cinq ans, dans le cadre de leur activité libérale, et aux articles L. 162-5-10 et L. 162-32-1 du même code, dans les conditions définies à l'article L. 1435-5 du présent code, de manière obligatoire si la continuité du service public l'exige. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent alinéa. »

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à rétablir l'obligation de garde pour les médecins libéraux, selon des modalités définies contractuellement avec les agences régionales de santé. Cette obligation serait limitée aux médecins de moins de 55 ans.

Depuis la suppression de cette obligation, décidée en 2002, on observe une dégradation continue de la permanence des soins. Fondé sur le seul volontariat, le système actuel ne suffit plus à répondre aux besoins : on le constate tout particulièrement dans les déserts médicaux, où l'absence de médecins de garde contribue directement à l'engorgement des services d'urgence.

La revalorisation de la consultation n'a pas permis de résoudre ce problème. Le constat est clair : faute de garde, les patients ne peuvent recourir à la médecine de ville et se tournent massivement vers l'hôpital.

Certes, les maisons médicales de garde ont apporté un début de réponse, mais elles ne suffisent pas à combler le vide laissé par la fin de l'obligation de garde. Il est temps de revenir sur cette erreur de 2002, en réaffirmant que la permanence des soins fait pleinement partie des missions de la médecine de ville.

Cette continuité du service public repose sur les agences régionales de santé, lesquelles doivent pouvoir mobiliser en priorité les établissements publics de santé, ainsi que les médecins libéraux, lorsque les besoins du territoire l'exigent.

En complément d'une meilleure répartition des professionnels sur le territoire, nous proposons donc de rétablir l'obligation de garde, dans une logique de coopération avec les établissements de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé, lorsque c'est possible.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Mon cher collègue, si l'on en croit les derniers chiffres publiés par le Conseil national de l'ordre des médecins, lesquels ne datent que de quelques semaines, la permanence des soins ambulatoires atteint un taux de couverture territoriale très élevé, s'élevant à 97 % en 2024. Ce système fondé sur le volontariat produit donc des résultats, notamment en soirée et le week-end.

En outre, par cet amendement, vous ne distinguez pas, parmi l'ensemble des praticiens, les médecins généralistes ou les médecins de premier recours. Vous appliquez à tous les médecins libéraux de moins de 55 ans la même obligation de garantir la continuité du service public.

Enfin, avec le présent texte, nous demandons déjà beaucoup aux médecins. Le rétablissement de l'obligation de garde, dont l'effet concret sur la prise en charge pose lui-même question, alimenterait encore un certain nombre de tensions.

J'ai discuté de cette question avec une jeune femme médecin, pas plus tard que cet après-midi. Évoquant la féminisation de la profession, qui est indéniable, mon interlocutrice m'a déclaré : « Est-ce que vous pensez aux femmes médecins qui ont de jeunes enfants… » (Mmes Émilienne Poumirol et Laurence Muller-Bronn protestent.)

Mme Céline Brulin. Les hommes aussi ont de jeunes enfants !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ma chère collègue, laissez-moi finir ma phrase, que je peux d'ailleurs aussi décliner au masculin…

« Est-ce que vous pensez, me disait-elle, à ces jeunes mères dont le conjoint est régulièrement en déplacement et qui seraient confrontées à une obligation de garde ? »

Je peux tout aussi bien citer le cas de jeunes pères médecins dont l'épouse ou la compagne doit, du fait de son travail, s'éloigner de son domicile. Il faut également prendre en compte ces diverses contraintes personnelles, d'autant que – je le répète – le taux de couverture territoriale est déjà élevé.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Monsieur le sénateur Fichet, je suis très défavorable à cet amendement.

Bien sûr – je suis complètement d'accord avec vous sur ce point –, la médecine de ville doit organiser sa propre permanence des soins. Mais, avec de telles dispositions, vous interdisez purement et simplement aux médecins de plus de 55 ans de participer à la garde, même s'ils sont volontaires.

Or nous sommes en train d'étudier les moyens grâce auxquels des médecins retraités pourraient reprendre une activité à temps partiel.

Nous n'avons pas encore évoqué cette difficulté ce soir, mais nous y viendrons certainement dans la suite du débat. Pour l'heure, les jeunes retraités qui souhaitent reprendre une activité médicale se heurtent à la problématique de la cotisation de retraite à la caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf). À l'évidence, le système actuel n'est pas assez incitatif.

J'ai pu le constater récemment, en particulier à Mayotte et à La Réunion : parmi leurs volontaires, les services de sécurité civile comme ceux de la Croix-Rouge dénombrent beaucoup de jeunes retraités.

Je ne sais pas si, dans l'absolu, l'âge est un bon critère. Pour renforcer la permanence des soins, il me semble même préférable de créer une réserve de retraités des professions médicales et paramédicales. De telles équipes seraient à même d'agir pour améliorer un certain nombre de situations.

Je ne citerai pas d'âge, car je ne voudrais pas relancer le débat des retraites, mais je l'ai observé moi-même : lorsqu'ils partent à la retraite, disons à 65 ans, avec une marge de plus ou moins deux ans – comme cela, je ne prends pas trop de risques (Sourires.) –, mes confrères sont très contents. Ils peuvent reprendre telle ou telle activité qu'ils avaient jusqu'alors négligée. Mais, après quelques mois, certains d'entre eux ont de nouveau très envie d'exercer la médecine, à condition que ce ne soit pas avec la même charge mentale et en assumant les mêmes obligations.

Cette réserve de retraités, que l'on pourra appeler comme vous le voudrez, pourrait être extrêmement utile, par exemple dans le secteur de la médecine scolaire.