Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Mme la rapporteure a cité le cas des médecins mères de jeunes enfants. Mais que dire des infirmières, qui travaillent si souvent les samedis et les dimanches ? Ayant des parents vieillissants, je suis bien placée pour le savoir. D'ailleurs, avec les pharmaciens, les infirmières sont les seules à être contactées le week-end par les familles ; ce sont elles qui assurent la présence de proximité.
Beaucoup de professionnelles de santé ont de jeunes enfants, et l'on ne se demande pas comment elles font…
À mon sens, les gardes étaient bel et bien nécessaires, et le roulement assuré fonctionnait de manière satisfaisante. Leur disparition a entraîné une véritable carence dans nos territoires.
Je suis assez étonnée d'entendre un tel argument, que l'on pourrait invoquer pour beaucoup de professions, notamment les métiers du soin et du secours, dans lesquels on travaille le samedi, le dimanche ou encore de nuit. D'ailleurs, la semaine dernière, on ne l'a pas du tout évoqué au sujet des infirmiers et des infirmières qui, eux aussi, ont des enfants.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est vrai !
Mme Céline Brulin. Exact !
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Pour ma part, je tiens à revenir sur notre amendement, qui tend à rétablir la permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour l'ensemble des médecins.
Madame la rapporteure, vous faites valoir que 97 % des gardes sont assurées : nous ne sommes donc pas à 100 %, ce qui en soi n'est pas satisfaisant.
Surtout, nous ne demandons pas que chaque médecin soit de garde en permanence. Nous proposons simplement d'assurer une répartition dans les territoires, par exemple à l'échelle des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou de la CPTS, en accord avec l'ARS.
Il ne s'agit pas d'imposer à chaque médecin d'être là tous les week-ends. Je l'ai vécu personnellement : quand on est douze dans un groupe de formation continue et que l'on se répartit les nuits et les week-ends de garde, on n'assume qu'une semaine et qu'un week-end de garde sur douze. Ce n'est quand même pas insurmontable !
Très prosaïquement, j'estime que c'est une aberration d'être médecin généraliste sans jamais faire de garde. Ayons bien en tête que seuls 38 % des généralistes assurent la garde aujourd'hui ! Ce service repose sur les épaules de 38 % d'entre eux, ce qui veut dire que les autres n'en font jamais ! Un tel refus me semble proprement incohérent lorsqu'on choisit cette profession.
J'y insiste, il faut rétablir la PDSA à l'échelle de nos territoires. L'organisation retenue devra avoir reçu l'aval de l'ARS, mais elle sera très facile à trouver : il suffit que quelques confrères médecins se parlent de temps en temps, et ce sera vite fait.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 103 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 269 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 196 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 68, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly et Silvani, M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 6315-1 du code de la santé publique, les mots : « indiquer à ses patients le confrère auquel ils pourront s'adresser en son absence » sont remplacés par les mots : « s'assurer de la continuité des soins y compris la nuit, les week-ends et les jours fériés dans le territoire ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ces dispositions connaîtront sans doute le même sort que celles que vient de défendre M. Fichet : je ne me fais guère d'illusions. Je n'aime pas me faire mal, mais je vais tout de même défendre cet amendement ! (Sourires.)
Nous l'avons dit et répété, 11,6 % de la population française vit aujourd'hui dans une zone sous-dotée en médecins généralistes. En outre, 10 millions de Français vivent dans un territoire où la qualité de l'accès aux soins est inférieure à la moyenne nationale, et 10 millions de nos concitoyens vivent à plus de trente minutes d'un service d'urgence.
L'idée selon laquelle les déserts médicaux sont nécessairement des zones rurales isolées et dépeuplées est désormais totalement dépassée : une grande partie du territoire français est frappée par ce phénomène, y compris au cœur des métropoles.
Selon une enquête menée par le Conseil national de l'ordre des médecins et publiée en 2021, seuls 39,3 % des généralistes ont effectué une garde en 2020. Or, comme l'a fort bien dit Mme Muller-Bronn, beaucoup de professionnels du soin doivent assumer des obligations comparables. Je pense notamment aux infirmières – nous avons d'ailleurs débattu la semaine dernière d'une proposition de loi sur la profession d'infirmier – et aux aides-soignantes, qui font régulièrement des nuits dans les hôpitaux.
Dans vingt-neuf départements, il n'y a plus un seul médecin de garde après minuit ; et, même lors des soirées de semaine, la permanence des soins n'est pas toujours assurée. Je le constate dans mon département du Pas-de-Calais, où le nombre de secteurs de garde a été réduit de cinquante-deux à vingt-sept.
Face à cette situation, nous proposons de rétablir la permanence des soins la nuit, les week-ends et les jours fériés. Cette mesure devra nécessairement aller de pair avec une réévaluation des tarifs des gardes.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à contraindre l'ensemble des médecins à assurer la continuité des soins, y compris la nuit, les week-ends et les jours fériés, en rétablissant le tour de garde obligatoire.
Pour les raisons indiquées précédemment, ces dispositions reçoivent un avis défavorable.
Ma chère collègue, vous avez raison, un certain nombre d'infirmières et d'aides-soignantes assurent des gardes de nuit, notamment dans les établissements hospitaliers. Mais, en l'occurrence, nous parlons d'un exercice libéral.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et alors ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Sauf erreur de ma part, les infirmières et infirmiers libéraux travaillent le week-end, mais n'assurent pas de garde de nuit, comme vous le souhaiteriez pour les médecins libéraux. Le parallèle ne vaut que partiellement, car – je le répète – il faut bien distinguer l'exercice assuré dans les établissements de soins de l'exercice libéral.
Enfin, même si l'on peut débattre des différents chiffres et, en particulier, du taux de participation des médecins généralistes au service de garde, je rappelle que la permanence des soins est déjà largement assurée.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Ma chère collègue, je comprends bien sûr le sens de cet amendement. Toutefois, au-delà des problèmes soulevés par Mme la rapporteure, je ne vois pas l'intérêt de mentionner ici ce que l'on appelle la « nuit profonde ».
Vous déplorez que, dans un certain nombre de départements, il n'y ait pas de médecin de garde en nuit profonde, mais un tel service n'a pas d'intérêt : c'est amplement démontré. En nuit profonde, c'est-à-dire après minuit, la demande est très faible, et elle relève clairement des établissements de soins.
Un médecin chargé d'assurer une garde au cœur de la nuit ne sera réveillé qu'une fois et ne travaillera pas le lendemain matin : en optant pour une telle organisation, on perdra du temps médical pour un gain presque nul en matière de santé. (M. le ministre le confirme.) Non seulement de telles gardes n'ont pas d'intérêt en tant que telles, mais leur mise en œuvre dégraderait l'offre de soins en journée, ce qui serait contre-productif. J'y insiste, car je sais bien que vous visez l'inverse.
Je voterai contre cet amendement. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J'abonde dans le sens de M. Jomier.
À titre personnel, j'ai voté le précédent amendement, car je suis pour le principe de la garde ; mais je confirme que de telles gardes de nuit n'ont plus d'intérêt.
J'ai assuré des gardes de nuit tous les deux jours pendant trente-cinq ans, mais la situation actuelle est complètement différente de celle que j'ai pu connaître ! Il y a le service d'accès aux soins (SAS), les patients appellent le 15 et, en cas d'urgence vitale, ils peuvent bien sûr recourir au service d'aide médicale urgente (Samu).
Les gardes au cabinet ont un intérêt jusqu'à minuit. Elles sont assurées ici ou là, selon une organisation en vigueur depuis dix ou quinze ans. Il faut s'efforcer de les développer, par exemple en lien avec les CPTS, quand la situation s'y prête. À ce titre, il faut procéder à l'échelle des territoires, en accord avec les médecins, mais pas pour la nuit profonde.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Mes chers collègues, en dehors du cas précis de la nuit profonde, l'organisation des gardes est un enjeu considérable.
En outre, je pense aux nombreux Ehpad qui, dans notre pays, n'ont pas de médecin à demeure. Si un résident tombe de son lit au beau milieu de la nuit, on n'a aucun moyen de vérifier la gravité de la chute : on ne peut donc qu'appeler une ambulance pour envoyer la personne âgée aux urgences, ce qui coûte des sommes faramineuses. Si un médecin pouvait venir assez rapidement pour dire si la chute est grave ou non, il réglerait beaucoup de problèmes.
M. Jean-Luc Fichet. À cet égard, les arguments que j'entends me semblent quand même très surprenants.
Aujourd'hui, nombre d'administrés n'ont d'autre choix que de se rendre aux urgences pour des problèmes relevant de la bobologie, au motif que l'on ne peut pas obliger les médecins à assurer des gardes.
On a cité le cas des médecins parents de jeunes enfants ; à présent, on nous parle de la nuit profonde. De tels arguments me paraissent assez légers face à la réalité des besoins.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Il me semble à la fois légitime et utile de débattre du rétablissement des gardes obligatoires. Mais encore faut-il veiller à ne caricaturer personne !
Par cet amendement, nous entendons assurer « la continuité des soins y compris la nuit, les week-ends et les jours fériés dans le territoire ». Si l'on estime que la nuit profonde est comprise dans une telle rédaction, et s'il s'agit pour certains d'un obstacle majeur, peut-être pourrions-nous rectifier notre amendement.
Mais les patients ne peuvent pas comprendre que 60 % des personnes épousant la carrière de médecin généraliste refusent purement et simplement de faire des gardes.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh oui !
Mme Céline Brulin. Bien sûr, certains de ces médecins ont de jeunes enfants. Mais je peux vous citer quantité de professions travaillant la nuit, les jours fériés ou encore les week-ends dont les membres ont de jeunes enfants : cela ne pose problème à personne.
M. Hervé Gillé. Les pompiers par exemple !
Mme Céline Brulin. Pourquoi donc y aurait-il une profession, je suis même tentée de dire une corporation, pour qui la moindre exigence serait intolérable ?
Si nous vivions dans le meilleur des mondes possibles, si chacun avait accès aux soins sans aucun problème, nous pourrions entendre de tels arguments. Je suis la première à défendre l'amélioration des conditions de travail. Je suis la première à dire que chacun doit pouvoir s'épanouir dans sa vie personnelle en parallèle de son travail. Mais vous voyez dans quelle situation nous sommes.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Visiblement non…
Mme Céline Brulin. Pour ma part, j'espère que tous nos concitoyens entendront ces échanges : notre débat est sacrément éclairant sur l'idée que les uns et les autres se font ici de l'accès de chacun à la santé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. J'énonce, s'il en était besoin, une raison supplémentaire de ne pas voter cet amendement.
Autant l'amendement précédent soulevait une question légitime, autant celui-ci tend-il à modifier l'article L. 6315-1 du code de la santé publique, que je vous invite à consulter. En effet, cet article fait référence à une responsabilité individuelle du médecin. Ainsi, si cet amendement était adopté, cela ferait peser sur le médecin, à titre individuel, la responsabilité, qui peut aller jusqu'au pénal – car les mots ont un sens –, de la continuité du système de soins le jour, la nuit, le week-end, toute l'année. Cela n'est pas raisonnable.
La question de la permanence des soins est légitime, mais on ne peut y répondre en rendant chaque médecin responsable de la continuité de l'ensemble du système de soins.
Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour explication de vote.
Mme Solanges Nadille. Je m'exprime rarement, mais je ne comprends pas les propos que vous venez de tenir, ma chère collègue. Dans le pacte de lutte contre les déserts médicaux du Gouvernement, il est question de solidarité : elle doit s'appliquer à tous.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 68.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 270 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 117 |
Contre | 222 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Chapitre II
Renforcer l'offre de soins dans les territoires sous-dotés
Article 3
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du 1° du I de l'article L. 1434-3, après le mot : « installation », sont insérés les mots : « exercée, pour les médecins, dans les conditions prévues aux articles L. 4131-8 et L. 4131-9 » ;
2° L'article L. 1434-4 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « médicales », sont insérés les mots : « dont l'installation peut être conditionnée à un engagement d'exercice à temps partiel en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 ou » ;
b) À la première phrase du 2°, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « et des spécialités médicales dont l'installation est préalablement autorisée en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 du présent code ou » ;
c) L'avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– la quatrième occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
– après la référence : « L. 1435-5-4 », sont insérés les mots : « , L. 4131-8 et L. 4131-9 » ;
3° Après le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la quatrième partie, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER BIS
« Conditions d'installation dans les zones les mieux dotées
« Art. L. 4131-8. – L'installation d'un médecin généraliste dans une zone dans laquelle le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé au sens du 2° de l'article L. 1434-4 est préalablement autorisée par le directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du conseil départemental de l'ordre des médecins.
« L'autorisation est conditionnée à un engagement du médecin généraliste à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° du même article L. 1434-4. Le directeur général ne peut refuser ou retirer l'autorisation, après que le médecin a été mis en mesure de présenter ses observations, que pour des motifs tenant à l'inexistence, à l'insuffisance ou à la méconnaissance de cet engagement.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, fixe les conditions d'application du présent article, notamment :
« 1° La durée mensuelle minimale et les modalités d'exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4 ;
« 2° Les modalités de formalisation de l'engagement d'exercice à temps partiel du médecin généraliste et de contrôle de son respect ;
« 3° Les conditions de retrait de l'autorisation d'installation par le directeur général de l'agence régionale de santé en cas de méconnaissance de l'engagement d'exercice à temps partiel.
« Art. L. 4131-9. – I. – L'installation d'un médecin spécialiste dans une zone dans laquelle le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé au sens du 2° de l'article L. 1434-4 est préalablement autorisée par le directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du conseil départemental de l'ordre des médecins.
« Cette autorisation est conditionnée à la cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone.
« L'installation d'un médecin spécialiste peut toutefois être autorisée en l'absence de cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité :
« 1° Lorsque le médecin spécialiste s'engage à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° du même article L. 1434-4 ;
« 2° À titre exceptionnel et sur décision motivée du directeur général de l'agence régionale de santé, lorsque l'installation est nécessaire pour maintenir l'accès aux soins dans le territoire.
« Les autorisations accordées en application du 1° du présent I peuvent être retirées par le directeur général de l'agence régionale de santé, après que le médecin a été mis en mesure de présenter ses observations, en cas de méconnaissance de l'engagement d'exercice à temps partiel.
« II. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, fixe les conditions d'application du I, notamment :
« 1° Les modalités d'identification du médecin spécialiste autorisé à s'installer, lors de la cessation d'activité d'un médecin de la même spécialité dans la même zone ;
« 2° La durée mensuelle minimale et les modalités d'exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins au sens du 1° de l'article L. 1434-4 ;
« 3° Les modalités de formalisation de l'engagement d'exercice à temps partiel du médecin spécialiste et de contrôle de son respect ;
« 4° Les conditions de retrait de l'autorisation d'installation par le directeur général de l'agence régionale de santé en cas de méconnaissance de l'engagement d'exercice à temps partiel. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l'article L. 162-2, après la dernière occurrence du mot : « médecin », sont insérés les mots : « exercée dans les conditions prévues aux articles L. 4131-8 et L. 4131-9 du code de la santé publique » ;
2° L'article L. 162-5 est complété par un 29° ainsi rédigé :
« 29° Les conditions et modalités de participation financière aux frais et investissements engagés par les médecins afin de respecter l'engagement d'exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins mentionné à l'article L. 4131-8 et au 1° du I de l'article L. 4131-9 du code de la santé publique. »
III. – Les I et II entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État et, au plus tard, un an après la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l'article.
Mme Céline Brulin. Avec l'article 3, nous en arrivons au dispositif visant à renforcer l'offre de soins dans les territoires. En toute logique, l'article renvoie au décret qui en précisera les modalités de mise en œuvre.
Cependant, il serait utile que l'auteur et la rapporteure du texte, ainsi que M. le ministre, nous éclairent concrètement sur les modalités en question.
En effet, d'un côté, certains de nos collègues estiment que cette mesure permettra à nos territoires respectifs d'être rapidement pourvus en médecins venant effectuer des journées de solidarité, tandis que, de l'autre, des médecins considèrent qu'elle est moins contraignante que certains dispositifs actuellement débattus.
Ainsi, finalement, tout le monde peut y trouver son compte ! Un consensus en la matière serait certes une très bonne chose, mais le dispositif signifie-t-il que, par exemple, des médecins installés dans le VIe arrondissement de Paris devront exercer, deux jours par mois, dans le XVIIIe arrondissement, en Seine-Saint-Denis, en Seine-et-Marne, dans le département de Seine-Maritime dont je suis l'élue, voire dans l'Eure ?
M. Hervé Maurey. Ah !
Mme Céline Brulin. Cela étant, je suis particulièrement inquiète à la suite des propos de notre collègue Maurey. Je connais les problèmes de son département de l'Eure, voisin du mien, en matière de démographie médicale. En effet, si même l'Eure n'est pas concernée, je me demande à quoi pourra bien servir ce dispositif…
Parlons-nous de deux jours entiers ou de quatre demi-journées ? Comment le suivi des patients aura-t-il lieu, alors que ces derniers auront affaire à des médecins qui ne seront pas nécessairement les mêmes tout au long de leur vie ou de leur pathologie ? Bref, pourrions-nous bénéficier d'un éclairage sur tous ces points ?
Pour ma part, j'en tire la conviction que ce dispositif pourrait en fait s'avérer beaucoup plus contraignant que d'autres mesures actuellement au cœur du débat public.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l'article.
M. Daniel Chasseing. Cet article vise à réduire la fracture médicale en conditionnant l'installation des médecins libéraux à une autorisation préalable, laquelle serait soumise, pour les médecins généralistes souhaitant s'établir en zone surdense, à un exercice à temps partiel en zone sous-dense. Pour les spécialistes, l'installation en zone surdense serait, elle, conditionnée à la cessation d'activité d'un médecin issu de la même spécialité, sauf si l'intéressé s'engage à exercer, à temps partiel, dans une zone connaissant des difficultés de soins.
Or les médecins généralistes sont absolument nécessaires non seulement pour la population, mais aussi pour les Ehpad et le travail des autres professions médicales : infirmières, pharmaciens, kinés, médecins juniors – ils arriveront en 2026, et représentent un contingent important de 3 400 personnes par an. Il n'y a pas de maîtres de stage partout. Cette proposition de loi est donc complémentaire.
Concernant les spécialistes, beaucoup procèdent déjà à des consultations avancées dans les territoires et les hôpitaux où ils se rendent à temps partiel, là où leur spécialité n'est pas représentée. Cela sera désormais obligatoire s'ils souhaitent s'installer en zone hyperdense.
Je voterai donc cet article. Les populations ne bénéficiant pas d'un médecin traitant – 17 % de la population rurale – et leurs maires demandent aux parlementaires d'agir pour améliorer l'accès aux soins. Cette contrainte est imposée aux médecins, mais ne remet pas en cause l'exercice libéral de la médecine. Elle semble par conséquent pouvoir être acceptée par les étudiants, donc par les médecins.
Je sais que les collectivités font le maximum pour accueillir des médecins à temps partiel. Dans la plupart des cas, il n'y aura pas d'investissement supplémentaire à consentir. En effet, il existe déjà malheureusement des cabinets médicaux et des maisons de santé sans médecin.
Je suis donc favorable à l'article 3, qui est un élément important de la proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, sur l'article.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Nous sommes confrontés à une insupportable pénurie de médecins. Cela n'est pas une considération abstraite au regard de notre niveau de développement : nous parlons de malades en détresse, de pertes de chances et de morts. Cela vaut partout en France, dans les territoires ruraux, bien sûr, mais aussi dans les centres-villes et toutes les régions, sans exception.
Cela peut, selon les cas, se mesurer en kilomètres à parcourir pour trouver un médecin, ou en kilomètres de file d'attente, mais le résultat est le même. Je suis donc reconnaissante à Philippe Mouiller et à Mme la rapporteure d'avoir autant travaillé pour proposer une solution intéressante avec l'article 3. Cette proposition se veut efficace, à la différence d'idées inappropriées prônées ailleurs qu'au Sénat.
Je constate cependant que le Gouvernement, par un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 3, avance une autre solution.
Celle-ci aboutirait au même résultat tout en ne faisant pas payer aux étudiants en médecine, aux internes et aux jeunes médecins les frais de la pénurie et en n'inscrivant pas dans le code de la santé publique le principe d'une autorisation d'installation, laquelle n'est pas souhaitable si l'on peut faire autrement.
In fine, l'amendement n° 111 du Gouvernement vise à mettre en place une solution analogue à celle que prévoit l'article 3, et elle est pleinement opérationnelle à elle seule. C'est pourquoi il me paraît nécessaire et suffisant d'adopter ledit amendement, en nous passant de l'article 3 de la proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Avec cet article, nous parvenons à un point très important de cette proposition de loi, peut-être le plus important.
Je me réjouis du fait que, pour la première fois, la commission des affaires sociales soutienne, et même défende, un texte où une certaine régulation de l'installation des médecins est évoquée. Jusqu'à présent, elle opposait plutôt un veto.
Je me souviens par exemple, lors de l'examen de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, il y a dix ans, de l'adoption unanime par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'amendements tendant à une régulation de l'installation. Cependant, ils avaient été « balayés » en séance, à la demande de la commission des affaires sociales.
Pour être franc, le dispositif de cet article ne correspond pas totalement à ce que j'aurais souhaité. Toutefois, je veux voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Je n'ai donc pas déposé d'amendement visant à aller plus loin, et voterai ce qui est proposé à l'article 3, ce qui ne m'empêchera pas de voter d'autres amendements.
Même si l'on peut se réjouir, il convient de rester très prudent. En effet, l'article renvoie, pour l'essentiel, à un décret. Or l'expérience montre que les décrets surviennent parfois très tardivement. Surtout, il arrive qu'ils soient en contradiction avec la volonté du législateur. Je ne mentionnerai qu'un exemple : celui de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), portée par la ministre Roselyne Bachelot. Très vite, cette dernière avait annoncé mettre de côté le dispositif, voté par le Parlement, qui instituait une permanence des soins en zone sous-dense, donc dans les déserts médicaux.
Restons donc très prudents sur le renvoi au décret. Soyons vigilants à ce que celui-ci soit pris rapidement et que le pouvoir réglementaire, chargé de l'élaborer, ne se laisse pas trop influencer par les pressions qu'il ne manquera pas de subir, et qu'il subit déjà, de la part des professionnels.