M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux que nous examinions ce texte, qui illustre ce que sait faire de mieux la Haute Assemblée : rester à l'écoute de nos territoires et essayer de trouver la meilleure solution pour faciliter leur fonctionnement.
Tel est l'état d'esprit qui animait la délégation de la commission des lois, alors composée de François-Noël Buffet, Nadine Bellurot, Guy Benarroche, Philippe Bonnecarrère et moi-même, avec laquelle je me suis rendu en Polynésie française, en avril 2024, pour identifier des pistes d'amélioration.
Au cours de ce travail, nous avons bénéficié de l'accompagnement étroit et du regard bienveillant de nos collègues Teva Rohfritsch et Lana Tetuanui, qui nous ont aidés à pointer les difficultés de nature institutionnelle et ont remonté les demandes, parfois touchantes, des tavana.
La superficie de la Polynésie française, qui s'élève à 5 millions de kilomètres carrés – M. Benarroche était deux fois en dessous de la réalité ! (Sourires.) – impose une action publique différenciée de celle qui est en vigueur dans l'Hexagone.
Cette proposition de loi organique s'appuie sur la recommandation n° 18 formulée dans le rapport issu de ce travail. Il s'agit de répondre à une demande pressante des tavana.
L'éloignement des territoires polynésiens les uns des autres fait primer les enjeux territoriaux dans le débat institutionnel. Il est nécessaire de rendre plus aisée la conduite d'actions de proximité dans certaines matières essentielles au quotidien de nos citoyens. Ces compétences, qui relèvent de la collectivité de Polynésie française, communément appelée le pays, comme le développement économique, l'aide sociale, la culture ou le sport, sont d'ores et déjà partiellement exercées, en pratique, par certaines communes.
L'article 43 de la loi organique de 2004, qui complexifie la situation, n'est pas allé au bout de ses promesses. En effet, dans le cadre du statut d'autonomie, cet article prévoyait que les communes puissent intervenir dans des matières relevant normalement de la compétence du pays, à condition qu'une loi du pays le permette. Or ces lois n'ont quasiment jamais été édictées.
Ce système aurait pu favoriser la subsidiarité et une adaptation fine des politiques publiques aux réalités locales. Or, en pratique, cette faculté n'a quasiment jamais été utilisée. Une loi qui n'est pas appliquée est une mauvaise loi, et il faut la corriger : c'est ce que nous proposons aujourd'hui.
Depuis vingt ans, aucune loi du pays n'a été adoptée pour autoriser l'intervention des communes, à l'exception d'une mesure exceptionnelle durant la crise du covid-19 en 2020. Ce blocage a conduit de nombreuses communes à agir en dehors d'un cadre juridique clair, par nécessité, notamment pour répondre aux urgences sociales – logement, alimentation, aide aux familles.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défend la volonté de mieux adapter le droit aux réalités du terrain et de permettre aux communes d'intervenir de manière autonome. Nous reconnaissons, de cette manière, l'importance de leur rôle dans la cohésion sociale et le maillage territorial du service public.
Voté à l'unanimité en commission des lois, ce texte a été enrichi par un amendement de notre excellent rapporteur, Mathieu Darnaud, qui vise à mettre en place une procédure d'information préalable du pays sur les interventions envisagées par la commune ou l'EPCI. Le dispositif, qui concilie ainsi décision locale, information et possibilité de convention, me paraît opérationnel ; la boucle est bouclée !
En effet, cette mesure vise à ouvrir un espace de dialogue entre la commune ou l'EPCI et les autorités du pays, pouvant déboucher sur la conclusion d'une convention destinée à préciser la nature et la complémentarité des interventions de chacun.
Si ce dispositif n'est sans doute pas idéal, il s'inscrit dans une démarche de petits pas, projet par projet, afin de créer une confiance mutuelle entre les autorités communales et celles du pays. C'est tout le sens de la démarche que notre mission avait encouragée en formulant ses propositions. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE et RDPI. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, la Polynésie française dispose du statut de collectivité d'outre-mer, régi par l'article 74 de la Constitution. À ce titre, elle bénéficie de plus de compétences qu'un département ou qu'une région et, surtout, d'une plus large autonomie. Elle est en effet compétente dans toutes les matières, à l'exception de celles qui relèvent expressément de l'État – justice, droits civiques, politique étrangère ou encore défense.
Cependant, malgré cette autonomie renforcée dont dispose le territoire, les communes de la Polynésie sont confrontées à une difficulté tout à fait similaire à celle que rencontrent les élus de l'Hexagone : le sentiment d'une trop grande centralisation et d'un manque de souplesse dans l'exercice de leurs compétences.
C'est d'autant plus vrai que, contrairement aux communes de l'Hexagone, celles de la Polynésie ne bénéficient pas de la clause de compétence générale. Les matières dans lesquelles elles peuvent intervenir sont strictement énumérées dans la loi organique.
Si, en métropole, nos communes ont déjà le sentiment de subir la centralisation, imaginez comment cela peut se traduire dans un territoire dont la superficie des îles ne dépasse pas celle de la Corse ! Une centralisation excessive est impossible dans un tel territoire et risque de bloquer l'action des communes.
C'est pourtant ce que prévoit l'article 43 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Son II, précisément, impose aux communes l'obtention d'une autorisation, sous la forme d'une loi du pays, pour intervenir dans différentes matières, telles que le développement, l'aide sociale, l'urbanisme, la culture ou encore la jeunesse et le sport. Ce dispositif manque donc de souplesse. De ce fait, il n'a été utilisé que trois fois depuis sa création, il y a vingt ans.
Pour autant, la nécessité d'agir pour répondre aux besoins de la population s'impose aux communes de la Polynésie. Il leur faut mettre en place des structures aussi élémentaires et essentielles que des cantines scolaires, par exemple, sans pouvoir attendre l'adoption d'une loi du pays. Mais en agissant ainsi, les élus œuvrent en dehors du cadre légal.
Les communes ont donc le choix entre deux solutions : laisser les concitoyens sans réponse face à leurs besoins essentiels ou engager leur responsabilité pénale. Ni l'une ni l'autre ne sont satisfaisantes.
La présente proposition de loi organique vise donc à supprimer l'exigence de l'adoption d'une loi de pays comme préalable à l'action des communes. Cela me semble être une solution pragmatique face à la situation actuelle, qui suscite autant de difficultés et de blocages.
Sur proposition de la commission, la suppression de cette exigence s'accompagnera d'une procédure d'information préalable des autorités du pays sur les actions envisagées par les communes et, éventuellement, de la signature d'une convention pour recevoir d'éventuels financements.
Je remercie les sénateurs de la Polynésie française, Teva Rohfritsch et Lana Tetuanui, de leur intervention en commission, qui a permis de rendre particulièrement claires l'importance et la nécessité de ce texte. Celui-ci a d'ailleurs reçu le soutien de 47 des 48 maires que compte ce territoire et celui du président de l'assemblée de la Polynésie française.
Notre groupe soutiendra évidemment cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques.
Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ia ora na – bonjour ! Comment ne pas souscrire d'emblée au dispositif prévu par la proposition de loi organique visant à modifier le statut de la Polynésie française, portée conjointement par nos collègues Lana Tetaunui et Teva Rohfritsch ? En effet, dans les outre-mer, plus qu'ailleurs, la décentralisation et l'organisation territoriale doivent être mises au service de l'adaptation. C'est l'une des approches au cœur des travaux de la délégation aux outre-mer que j'ai l'honneur de présider.
Dans leur rapport intitulé L'Action de l'État outre-mer : pour un choc régalien, notre ancien collègue Philippe Bas et le sénateur Victorin Lurel soulignaient la problématique de l'adaptation des modes d'action aux caractéristiques des territoires en matière d'organisation de l'État. Les rapporteurs montraient à quel point l'ancrage et l'acclimatation aux réalités locales doivent contribuer à renforcer l'action de l'État.
Vous le savez, la Polynésie française s'étend sur un territoire maritime aussi vaste que l'Europe et rassemblant 115 îles. L'insularité du territoire et la dissémination des communes, réparties sur différents archipels, imposent ainsi une double décentralisation. Cette problématique se pose, à un degré moindre évidemment, en Guadeloupe.
C'est donc pour tenir compte des difficultés particulières liées à la distance que la possibilité de déléguer aux communes des compétences du pays a été ouverte par le législateur organique, à l'article 43. Les auteurs de la proposition de loi relèvent toutefois que, en pratique, cet article est demeuré inopérant, hormis durant l'épidémie de covid.
L'article 43 pose en effet deux conditions à l'intervention des communes dans les matières en question. Ces exigences sont à l'origine de la complexité d'un mécanisme dont la vocation était pourtant de simplifier l'action, au plus près du citoyen. Le rapporteur Mathieu Darnaud, fin connaisseur de la Polynésie française pour avoir rapporté plusieurs textes relatifs à ce territoire, l'a relevé à juste titre : le très faible recours à ce dispositif est à lui seul la preuve de son inadaptation à la Polynésie.
En premier lieu, mobiliser le dispositif de l'article 43 suppose l'adoption d'une loi du pays autorisant et encadrant la possibilité pour les communes d'intervenir dans les domaines ouverts à cette faculté.
En second lieu, par symétrie avec l'article 72-2 de la Constitution, l'intervention d'une commune dans une compétence du pays suppose que des moyens soient mis à leur disposition.
Or ce mécanisme me semble davantage s'apparenter à celui de l'habilitation, prévu par l'article 73 de la Constitution, qui constitue, de fait, une sorte de prêt de compétence qui ne s'accompagne pas des moyens afférents. Permettez-moi, du reste, de profiter de ce débat pour observer que le dispositif d'habilitation est sans doute confronté au même problème d'inadaptation, au vu du faible nombre de demandes.
À mon sens, la proposition de nos collègues Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch s'inscrit dans une logique facilitatrice, et c'est heureux. Le tavana est l'acteur le mieux placé pour agir lorsque les îles sont isolées et peu peuplées.
Dans ce contexte, l'aide sociale peut être mieux ciblée par le tavana, généralement fin connaisseur de la réalité de ses administrés. Il en va de même de l'urbanisme, enjeu cardinal de l'aménagement du territoire. C'est un sujet que nous connaissons bien à Saint-Barthélemy, car l'urbanisme cristallise les équilibres sociaux, économiques et financiers de l'action publique de manière d'autant plus forte que le territoire est exigu.
Les deux autres domaines de compétences – l'aide et les interventions économiques –, tout autant que la culture et le patrimoine local, sont là encore des leviers du dynamisme local : qui mieux que le tavana peut en apprécier la portée ?
À une exception près, les communes polynésiennes ont approuvé la proposition de loi organique : c'est donc qu'elles la perçoivent comme une amélioration. Elles pourront ainsi œuvrer de manière complémentaire au pays, en apportant la précision de la proximité.
On peut aussi voir dans cet assouplissement un gage d'économie dans les coûts de fonctionnement. Le démembrement de l'ensemble des services est impossible pour le pays, et leur gestion est lourde. L'amélioration et la facilitation de la coordination entre le pays et les communes seront source d'efficacité.
En ma qualité de président de la délégation aux outre-mer, je ne puis qu'encourager toute forme d'adaptation qui corresponde davantage aux besoins des territoires, à chacun des échelons.
Le groupe Les Républicains soutient la demande des tavana et votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur, cher Mathieu Darnaud, mes chers collègues, qu'est-ce qu'être maire ? Incarnant la République de proximité, le maire est l'élu qui agit en première ligne au quotidien, avec des moyens souvent modestes, mais toujours dans l'intérêt de ses administrés.
À l'heure où nos concitoyens sont de plus en plus exigeants envers leurs élus, le maire reste pour beaucoup, il faut bien le reconnaître, un repère, en prise avec les réalités du terrain.
Toutefois, pour avoir une capacité d'action, encore faut-il que le droit le permette. Or la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française n'octroie pas aux tavana la même liberté d'action que celle dont jouissent leurs homologues de l'Hexagone. Selon les règles en vigueur dans cette collectivité, les maires polynésiens ne peuvent pas agir dans certains domaines d'action locale, tels que le sport, la culture, l'aide sociale ou encore le développement économique.
Dans ce contexte, seule l'adoption préalable d'une loi du pays par l'assemblée de Polynésie française leur laisse une certaine latitude pour mettre en place des actions de proximité dans ces domaines.
Néanmoins, force est de constater que, en vingt ans, seules trois lois du pays ont été adoptées à cet effet, avec une portée juridique très limitée. L'une d'entre elles, temporaire, avait pour objet l'action sociale des communes pendant la crise sanitaire liée à la covid-19. Or, sur le terrain, les maires interviennent déjà dans ces domaines, poussés par les besoins urgents et légitimes de la population, sans attendre une hypothétique loi du pays.
Autrement dit, les tavana agissent pour le bien de leurs concitoyens, en toute illégalité ! Mes chers collègues, en tant que législateurs, nous ne pouvons pas laisser cette situation perdurer.
La proposition de loi organique présentée par nos collègues Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch tend à apporter une solution viable, adaptée aux réalités insulaires polynésiennes, en remplaçant l'exigence d'adoption d'une loi du pays par une convention facultative.
Ainsi, ce texte garantit une sécurité juridique aux maires, en leur offrant l'occasion de répondre aux besoins de leurs communes et de leurs habitants dans un cadre légal et adapté.
Plus encore, il reflète une certaine convergence, progressive et mesurée, de la clause générale de compétence dans toute la République, à commencer par la Polynésie française. Cet élargissement du cadre juridique est placé sous le signe du dialogue, grâce à l'amendement de notre collègue rapporteur Mathieu Darnaud, voté en commission des lois.
En vertu de son dispositif, la commune ou l'EPCI devra, après délibération, informer préalablement les autorités du pays et le haut-commissaire de la République en Polynésie française des actions envisagées et de leurs modalités de mise en œuvre. Il s'agit donc d'une procédure facilitant les échanges et le respect mutuel entre les communes, le haut-commissaire et le pays.
Mes chers collègues, comme nombre d'entre vous, j'ai été maire. Élu à la tête de la commune de Lesches-en-Diois pendant près de vingt ans, en tant que tavana drômois (Sourires.), j'ai eu le droit de mettre en place un certain nombre d'actions et de projets pour les Leschoises et les Leschois. Avec l'équipe municipale de l'époque, j'ai pu dessiner un plan des itinéraires remarquables de la commune et ainsi baliser plusieurs sentiers sur notre territoire.
J'ai également pu aménager une piste d'atterrissage et de décollage avec un hangar de 240 mètres carrés dédié au stockage des ULM du club des Engoulevents. Au bout de cette piste du lieu-dit Saint-Martin, nous avons aussi créé une aire d'atterrissage pour les parapentistes.
Enfin, j'ai mis en place un financement pour aider les jeunes écoliers de mon village à se rendre dans les écoles des communes voisines de Beaurières ou de Luc-en-Diois, à hauteur de 500 euros par enfant chaque année.
Ce sont autant de projets dont je suis fier et que j'ai pu accomplir avec rapidité, parce que, en tant que maire, le droit me le permettait.
Mes chers collègues, je remercie chaleureusement mon collègue Teva Rohfritsch de m'avoir fait confiance pour intervenir en discussion générale sur ce texte. (M. Teva Rohfritsch sourit.)
À plus de 15 800 kilomètres d'ici, nombreux sont ceux qui soutiennent cette initiative transpartisane. Ainsi, ce texte a suscité l'adhésion de 47 des 48 élus locaux polynésiens, ainsi que le soutien unanime de la commission des institutions, des affaires internationales et des relations avec les communes de l'assemblée de Polynésie française.
Au vu des nombreuses attentes légitimes qu'il suscite, et pour permettre aux maires polynésiens d'agir sur leur fenua – leur territoire –, le groupe RDPI votera bien évidemment pour l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et SER. – Mmes Lana Tetuanui et Valérie Boyer applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi dont l'objectif de rationalisation de l'action locale est fortement soutenu par les 48 communes de Polynésie française.
Cette réforme, promue par nos collègues Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, illustre une volonté tout à fait légitime d'adaptation du droit aux réalités locales.
Cela a été souligné par les auteurs du texte, l'article 43 de la loi organique du 27 février 2004, qui porte sur le statut d'autonomie de la Polynésie française, impose aux communes de recourir à une loi du pays avant d'intervenir dans certains domaines. Quoiqu'elle fût pertinente à l'origine, cette exigence est devenue un frein majeur à l'action des communes, en particulier dans les zones les plus isolées.
Le constat est révélateur : en plus de vingt ans, seule une loi du pays a été adoptée, et cela uniquement pour faire face à la crise sanitaire de 2020.
Par ailleurs, les communes, notamment celles qui sont situées sur des archipels éloignés, sont souvent les seules à pouvoir répondre aux besoins urgents de leurs populations. L'absence de services déconcentrés dans ces zones les contraint à agir localement, sans pour autant disposer d'un arsenal administratif satisfaisant. L'obligation de passer par une loi du pays empêche de proposer des réponses efficaces aux besoins immédiats.
La proposition de loi vise donc à supprimer cette exigence. En modifiant l'article 43, elle permettra aux communes et à leurs établissements publics de coopération intercommunale d'intervenir directement, sans devoir attendre l'adoption d'une loi du pays.
Le texte prévoit toutefois un mécanisme de coordination, qui impose aux communes de notifier leur intention d'agir au pays et au haut-commissaire de la République. C'est un bon équilibre, qui garantira une coordination efficace entre les différents acteurs, sans freiner l'initiative locale.
Cette réforme s'inscrit directement dans l'esprit de la mission d'information, lancée sur l'initiative du RDSE et dont la présidente Carrère est la rapporteure, sur les vingt ans de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Cette mission, dont les travaux sont en cours, a pour but d'évaluer l'impact de la décentralisation sur nos territoires et d'identifier les ajustements nécessaires pour renforcer l'efficacité des collectivités locales.
Ici, nous y sommes ! Ce texte incarne en effet parfaitement cet objectif, en offrant plus de flexibilité aux communes de Polynésie française.
Enfin, le dispositif permet aux communes de répondre efficacement aux défis locaux sans imposer de charges financières supplémentaires à l'archipel. Cette souplesse permettra aux collectivités locales de s'adapter plus rapidement et plus efficacement aux spécificités de leurs territoires.
Le groupe RDSE soutient pleinement cette proposition de loi, convaincu qu'elle constitue un progrès tangible vers une gestion plus réactive du territoire ultramarin. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mme Lana Tetuanui et M. Jérôme Durain applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, il est symbolique que nous commencions cet espace transpartisan par l'examen d'un texte dont les deux auteurs, Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, appartiennent à des groupes politiques différents.
Cette proposition de loi organique vise à donner davantage de compétences aux collectivités de Polynésie française. En effet, le dispositif en vigueur semble mal adapté à la situation polynésienne.
Les compétences communales sont actuellement conditionnées par l'adoption d'un acte de l'assemblée de la Polynésie française, dit loi du pays. L'article 43 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie opère la distinction entre les compétences que les communes exercent directement et celles qui requièrent l'adoption d'une loi du pays, dans le cadre de la réglementation fixée par la Polynésie française.
Je le précise, la loi du pays a non pas pour effet de transférer la compétence du pays vers les communes, mais seulement de permettre l'intervention des communes en la matière. Le dispositif en vigueur empêche les communes ou les EPCI d'exercer des actions de proximité, pourtant indispensables, au profit des habitants de leurs territoires.
Depuis 2004, cette disposition n'a été utilisée qu'à trois reprises pour permettre une meilleure répartition des compétences entre le pays et les communes de Polynésie française. Ces lois du pays étaient a fortiori de portée limitée. La visée de l'une d'entre elles était même temporaire, car elle portait sur l'action sociale des communes pendant la crise du covid-19.
C'est donc une simplification que proposent nos deux collègues par le biais de ce texte. Son article unique vise à permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de Polynésie française une intervention directe dans les matières où le statut conditionne aujourd'hui celle-ci à l'adoption préalable d'une loi du pays.
Le texte tend également à supprimer la référence à la réglementation édictée dans ces matières par la Polynésie française.
La proposition de loi organique s'inscrit donc dans une logique de clarification, afin de rendre plus opérant le principe de la libre administration des collectivités locales en Polynésie. Les communes et EPCI pourront ainsi exercer les compétences prévues dans le statut sans l'adoption d'une loi du pays.
Je tiens à saluer le travail du président Darnaud, rapporteur de ce texte. L'amendement qu'il a proposé en commission vise à mettre en place une procédure d'information préalable du pays sur les interventions envisagées par la commune ou l'EPCI. Les interventions sollicitées par les collectivités ne pourront intervenir qu'à l'expiration d'un délai de six mois.
Cette mesure tend à ouvrir un espace de dialogue entre la commune ou l'EPCI et les autorités du pays, pouvant déboucher sur la conclusion d'une convention destinée à préciser la nature et la complémentarité des interventions de chacun. En tout état de cause, cette convention resterait facultative. En effet, la commune ou l'EPCI pourra, en cas de dialogue infructueux, procéder aux interventions prévues à l'expiration d'un délai de six mois suivant l'information du pays.
Cette proposition de loi a d'autant plus sa place dans l'espace transpartisan qu'elle reprend l'une des vingt-deux propositions formulées dans le rapport de nos collègues Nadine Bellurot, Guy Benarroche et Jérôme Durain pour conforter l'autonomie et la proximité de l'action publique en Polynésie française.
Cette proposition de loi organique bénéficie également d'un soutien transpartisan à l'échelle locale. En effet, 47 des 48 maires que compte la Polynésie, ainsi que le président de l'assemblée de la Polynésie française, soutiennent ce texte qui permettra aux maires – ou tavana, en polynésien – d'exercer davantage d'actions au service de leur population.
Telle est la philosophie de ce texte. C'est donc en toute logique que le groupe Union Centriste votera pour cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et RDSE. – M. Alain Chatillon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie.
M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour nos deux collègues Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, auteurs de ce texte qui permet de donner un coup de projecteur sur le travail acharné, et souvent peu reconnu, des maires et de leurs conseillers dans nos pays d'outre-mer.
La proposition de loi organique que nous examinons aujourd'hui touche à un point fondamental : la reconnaissance effective du rôle des communes dans les outre-mer, en l'occurrence chez l'un de nos voisins du Pacifique, la Polynésie française.
Dans les discussions sur l'évolution institutionnelle des outre-mer, les communes sont souvent les grandes oubliées. À l'heure où nous examinons cette proposition de loi relative au statut d'autonomie de la Polynésie française, les maires de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie préparent également l'avenir institutionnel de nos communes en intégrant des réflexions telles que l'élargissement de leurs compétences – je profite de l'occasion qui m'est ici offerte pour saluer ces élus et les encourager dans leurs travaux.
Pourtant, cette institution de proximité, qui est la plus ancienne, a souvent relevé des défis majeurs en termes de gestion locale, sur le terrain, des populations. Ayant assumé les fonctions de premier magistrat communal, je comprends les difficultés auxquelles sont confrontées les communes de Polynésie française.
Souvenons-nous de la crise du covid : qui était là pour distribuer les masques, organiser la solidarité, relayer les messages de prévention ou répondre dans l'urgence aux besoins des plus nécessiteux ? C'était bel et bien les maires ! Et ce sans lever d'impôt, sans disposer de fiscalité propre, dans une logique de service public pur et désintéressé. Cela doit nous interroger !
Nous le disons ici, la proposition de loi organique qui nous est soumise part d'un constat juste : il faut redonner de l'air, de la clarté et de la reconnaissance à l'échelon communal.
Oui, certaines compétences gagneraient à être mieux définies et exercées de manière plus souple et plus cohérente. Il est ainsi prévu, dans la présente proposition de loi organique, une convention qui précisera les modalités d'intervention et les moyens mis à disposition.
Toutefois, dans le même mouvement, je ne peux ignorer – nous ne pouvons ignorer – la position exprimée par l'assemblée de la Polynésie française, qui s'est majoritairement prononcée contre ce texte.
Cette parole, il ne nous appartient pas de la balayer d'un revers de main. Elle mérite le respect. Elle est aussi porteuse d'une certaine crainte, en ce qu'elle exprime la nécessité d'une concertation supplémentaire, l'inquiétude portant sur les futurs équilibres internes au pays, l'aspiration à une plus grande clarté sur les responsabilités morales, pénales, financières et à une plus grande cohérence des politiques publiques entre institutions concernant l'exercice des compétences.
Il s'agit de redonner de la confiance, des moyens et du respect à l'échelle communale. Je ne suis pas Polynésien, je suis Kanak, mais je comprends la force des symboles et la fragilité des équilibres. En effet, rien de durable ne se construit sans dialogue et sans écoute. Je ne doute pas de la capacité de résilience de nos peuples, qui permettra de trouver des consensus pour le bien-être des populations.
Ce débat est l'occasion de poser une question véritablement politique : comment construire l'avenir institutionnel de la Polynésie en intégrant pleinement les communes dans cette réflexion ?
C'est pourquoi je vois dans ce texte un signal utile, une base de discussion. En effet, il s'agit ici d'un projet institutionnel, donc d'un choix de société à l'océanienne, une société où tout se fait par le bas.
Les membres du groupe CRCE-K attendront, en conscience, que soient apportées des clarifications répondant aux craintes qui s'expriment. Il ne s'agit pas d'une opposition de principe à la réforme : je veux croire qu'il est encore possible d'aboutir à un texte qui rassemble davantage. Tel est le sens des amendements que nous avons déposés.
Nous devons redonner aux maires les moyens d'agir, mais aussi la lisibilité et la protection juridique dont ils ont besoin. Il nous faut sortir de l'ambiguïté concernant les compétences, mais aussi faire confiance au pays pour porter lui-même cette évolution.
Nous avons là une belle occasion d'avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST. – M. Teva Rohfritsch et Mme Lana Tetuanui applaudissent également.)