M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Dhersin, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Tabarot, ministre. J'émets un avis de sagesse défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Dhersin, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au début

Insérer les mots :

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Dhersin, rapporteur. En vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le législateur ne peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé qu'à la condition que cette modification ou cette validation respecte les décisions de justice ayant force de chose jugée.

En l'espèce, cette condition est implicitement remplie : les deux autorisations environnementales dont fait l'objet le projet de l'A69 ont été annulées en première instance et un appel est en cours. Par précaution, il convient néanmoins de mentionner expressément la réserve tenant au respect des décisions de justice passées en force de chose jugée.

Mes chers collègues, j'ai à cœur de respecter le Conseil constitutionnel : respectons-le tous. En particulier, gardons-nous de nous exprimer à sa place avant qu'il n'ait pris sa décision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Tabarot, ministre. Sagesse favorable ! (Sourires.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. M. le rapporteur nous propose à présent d'écrire dans la loi ce qui s'impose à nous tous, comme s'il avait besoin de se rassurer lui-même : ce réflexe, tout de même assez étrange, est à mon avis de l'ordre du psychanalytique. (Sourires sur les travées du groupe GEST. – Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Franck Dhersin, rapporteur. Pas plus dans mon cas que dans le vôtre !

M. Ronan Dantec. Il faudra en parler à un professionnel. (Nouveaux sourires.)

Toutefois, ce qui me semble le plus intéressant – et c'est aussi de l'ordre du psychanalytique –, ce sont les silences de M. le rapporteur. J'observe notamment que, depuis le commencement de ce débat, il n'a pas dit un mot de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

Avec cet amendement, il se contente de rappeler que, la procédure judiciaire étant en cours, l'affaire n'est pas définitivement jugée, et que l'on peut donc intervenir. Je répète qu'une telle précision est absolument superfétatoire, puisqu'elle ne fait que rappeler la loi ; et, quoi qu'il en soit, ce n'est pas le sens de la Convention européenne des droits de l'homme.

Je suis étonné que ni M. le rapporteur ni M. Rochette n'ait mentionné ce point, qui a toute son importance : la Convention européenne des droits de l'homme interdit toute ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice. Le législateur ne peut donc pas s'immiscer dans le processus délibératif lui-même. Or cette proposition de loi constitue bien une intervention politique cherchant à influer le cours de la justice, y compris en remettant en cause l'intégrité du juge, précédemment qualifié d'« hors sol », sa décision étant quant à elle déclarée « ubuesque ». De tels procédés contreviennent totalement à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

Sans faire durer éternellement les débats, peut-être pourrait-on rectifier le présent amendement afin de citer également la Convention européenne des droits de l'homme. Dès lors, ces dispositions seraient bel et bien consolidées ; mais ce n'est évidemment pas le cas…

Nous devons donc nous préparer à une longue période de contentieux supplémentaires grâce à l'intervention volontariste du Sénat !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Dhersin, rapporteur. Monsieur Dantec, si je n'ai pas cité la Convention européenne des droits de l'homme, c'est parce qu'elle renvoie à des motifs impérieux d'intérêt général, exactement comme la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cette précision vaut pour la première comme pour la seconde ! Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter une telle mention.

M. Ronan Dantec. Je vous parle d'ingérence !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article unique, modifié.

(L'article unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Dantec, Fernique, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi visant à empiéter sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Chers collègues de la majorité sénatoriale, il s'agit là d'un amendement de cohérence, que je présente somme toute pour vous aider. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

Le Sénat est clairement en train de faire de la politique politicienne, d'adopter une posture (Protestations sur les travées du groupe UC.), en passant des messages qui n'ont strictement rien à voir avec le fond même de la décision rendue par le tribunal administratif.

Les élus locaux ne sont pas parvenus à obtenir de l'État un investissement direct en faveur de l'amélioration de la liaison existante. Il a donc fallu passer par une concession, ce qui coûte très cher à tout le monde.

Selon vous, mieux vaut camoufler cet échec en le mettant sur le compte des écolos… Mais il faut appeler un chat un chat : nous sommes face à un texte de posture.

Loin de moi l'idée de faire un procès d'intention ou même d'exercer une quelconque pression, même légère, sur qui que ce soit : pour ma part, je respecte l'indépendance de la justice. Je propose simplement un titre permettant de « potentialiser » au mieux l'effort politique que traduit cette proposition de loi.

Pour une raison qui m'échappe, Franck Dhersin est allé chercher certaines de mes déclarations anciennes ; mais, finalement, j'en suis assez fier. Le mouvement Ensemble sur nos territoires reçoit rarement une telle publicité dans notre hémicycle ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.) Plusieurs de nos collègues présents en séance ce matin en sont d'ailleurs membres, et je tiens à les saluer. Il s'agit d'un mouvement à la fois écologiste et social particulièrement attaché aux territoires.

Je pourrais vous parler de bien des routes, en particulier de nombreuses voies express, qui n'ont jamais fait l'objet du moindre contentieux. Je pense notamment aux axes financés par le plan routier breton (PRB) : nous étions tous d'accord pour en reconnaître la nécessité.

Si le projet dont nous parlons mobilise tant de personnes contre lui, c'est tout simplement parce qu'il est aberrant. Resteront sur la route nationale tous ceux qui n'ont pas les moyens de payer 16 euros une autoroute privée qui, au passage, sera en partie financée par l'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Dhersin, rapporteur. Quand les écologistes soutiennent d'importants projets nantais d'infrastructures, leurs associations fétiches se gardent évidemment de les attaquer…

Je me sens tout à fait cohérent avec moi-même en émettant un avis défavorable sur cet amendement. (M. Daniel Gueret rit.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Tabarot, ministre. Défavorable sans sagesse ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Mon cher collègue Dantec, on pourrait vous répondre sur le ton de l'humour ; mais, pour ma part, je parlerai avec une extrême gravité.

On ne peut opposer, dans cet hémicycle, des sénateurs vertueux, respectueux de l'État de droit, et des sénateurs cherchant en fait à s'en affranchir.

Les propos que vous avez tenus au sujet de ce territoire constituent, pour nous, une forme d'insulte…

M. Ronan Dantec. Pourquoi ?

M. Philippe Folliot. Ils sont une insulte envers les auteurs de cette proposition de loi ; une insulte envers le président du conseil départemental du Tarn, Christophe Ramond ; une insulte envers le président de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet, Pascal Bugis ; une insulte envers le président de la communauté de communes Sor et Agout, Sylvain Fernandez ; une insulte envers le président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc ; une insulte envers la présidente de la région, Carole Delga ; une insulte envers nos collègues députés, qu'il s'agisse de Jean Terlier, présent dans nos tribunes, ou de Philippe Bonnecarrère.

À l'évidence, vous nous méprisez ! Vous méprisez les habitants de ce territoire…

M. Jean-Pierre Corbisez. Ces polémiques ne servent à rien !

M. Philippe Folliot. Vous méprisez celles et ceux qui, là-bas, se battent depuis des décennies pour leur désenclavement.

Un tel mépris nous insupporte : vous devriez faire preuve de plus de modestie dans vos jugements.

Je le répète, on ne peut pas laisser entendre que, face aux sénateurs vertueux que vous seriez,…

M. Jean-Pierre Corbisez. Il est temps de voter !

M. Philippe Folliot. … siégeraient sur nos travées je ne sais quels sous-sénateurs,… (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. C'est vous qui le dites !

M. Philippe Folliot. … opposés à l'État de droit. Cette caricature n'est pas acceptable !

Pour notre part, nous nous battons pour ce territoire. Nous nous battons pour l'intérêt général. Nous nous battons pour que ce pays ne soit pas mis sous cloche. Nous nous battons pour le développement économique et social. Nous nous battons pour les 1 000 personnes qui ont perdu leur emploi à la suite de cette décision, et pour lesquelles vous n'avez eu ni un mot ni une pensée ! (Nouvelles protestations.)

M. Guillaume Gontard. C'est n'importe quoi !

M. Philippe Folliot. Vos propos et vos sous-entendus sont proprement inacceptables ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Monsieur Folliot, on ne peut effectivement pas opposer « sénateurs vertueux » et « sous-sénateurs ». Ce texte fait tout simplement l'objet d'un débat politique : nous nous y opposons par conviction, sans mépriser personne, mais en avançant des arguments de droit.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, quand j'ai été élu sénateur, il y a cinq ans, l'humanité traversait une grave crise climatique. Nous allions dans le mur. On émettait trop de gaz à effet de serre, on dévorait beaucoup trop de terres agricoles et d'espaces naturels en les bétonnant. Mais nous avions pris des engagements mondiaux et mis en œuvre un certain nombre de stratégies, parmi lesquelles la stratégie nationale bas-carbone. Nous cherchions, à l'époque, à éviter la moindre tonne de CO2 supplémentaire.

Aujourd'hui, j'apprends avec joie que tous ces efforts sont derrière nous ! Visiblement, on peut tout recommencer comme avant, construire de nouvelles autoroutes, bitumer à tout-va des espaces naturels et agricoles.

En outre, depuis le début de mon mandat, on ne cessait de nous mettre en garde : le budget de la France allait dans le mur, notre dette battait sans cesse de nouveaux records et il fallait chercher des économies partout. Or le recours formé a révélé une information majeure, et c'est aussi l'une de ses vertus : les pouvoirs publics – je suis heureux de l'entendre ! – vont prendre en charge un tiers du péage de cette autoroute. Il faudra prévenir le rapporteur général de la commission des finances qu'il n'a plus à se faire de souci : visiblement, les caisses sont de nouveau pleines, puisqu'on peut se permettre pareille dépense…

Enfin – cela m'inquiète un peu plus –, je constate, alors que mon mandat approche de son terme, que la séparation des pouvoirs n'est plus qu'une illusion. De fait, il suffit de connaître quelques parlementaires pour tenter de contourner une décision de justice.

Prenez garde, mes chers collègues : les réalités physiques de cette véritable catastrophe qu'est le changement climatique sont en train de nous rattraper, et les générations futures vous jugeront.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Chers collègues de la majorité sénatoriale, j'ai comme l'impression que vous perdez votre sang-froid…

Pour revenir au fond du débat, je citerai un autre des éléments sur lesquels le tribunal administratif a fondé sa décision, à savoir les hypothèses de fréquentation de cette autoroute, que l'Autorité de régulation des transports (ART) elle-même a pu qualifier d'optimistes – n'est-ce pas, monsieur le ministre ?

Je vous renvoie au compte rendu de la commission d'enquête parlementaire sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute A69 en date du 2 mai 2024 : ces hypothèses paraissent très en deçà des seuils justifiant la construction d'une autoroute à deux fois deux voies.

Hors abonnement, la liaison autoroutière Castres-Toulouse coûtera environ 16 euros. Ce prix élevé est de nature à relativiser les estimations issues de l'étude de trafic.

Monsieur Folliot, soyez bien certain que je n'insulte personne. En revanche, depuis deux heures, vous pratiquez en quelque sorte l'insulte à rebours en refusant le vrai débat de fond.

Vous n'avez pas réussi à convaincre l'État, alors que beaucoup d'élus locaux préféraient que l'on améliore la liaison actuelle, ce qui était la logique même.

Évidemment, cette autoroute n'est pas rentable. Elle sera même encore moins rentable que ce qui était prévu : nous sommes face à un très mauvais usage de l'argent public.

À cet égard, je reprends ma casquette de président d'Ensemble sur nos territoires. Ce débat est éminemment politique et, en la matière, vous faites une erreur politique. Ce qui importe, c'est que ces millions d'euros – nous parlons de sommes considérables ! – aillent aux services du bassin Castres-Mazamet.

Cette autoroute ne fera que renforcer les mouvements pendulaires vers Toulouse. Vous allez aggraver encore la dévitalisation du territoire ! (M. Philippe Folliot manifeste son désaccord.)

C'est moi qui défends le territoire de Castres-Mazamet,…

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Mais c'est merveilleux ! (Sourires sur les travées du groupe UC.)

M. Ronan Dantec. … c'est moi qui indique où est son avenir, pas vous ! Pour votre part, vous vous efforcez de faire entrer cet avenir dans des cadres anciens et dépassés ! Les villes moyennes, c'est nous qui les défendons, pas vous, avec de tels projets d'autoroutes ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jean-Pierre Corbisez. Maintenant, votons !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour explication de vote.

Mme Marie-Lise Housseau. Monsieur Dantec, nous aurions bien sûr été ravis d'obtenir des autoroutes gratuites, comme vous en avez en Bretagne,…

M. Daniel Gueret. Absolument !

Mme Marie-Lise Housseau. … mais c'était impossible ! Le plan routier breton date d'il y a plus de cinquante ans : à l'époque, la raison impérative d'intérêt public majeur n'existait pas. Sans doute le plan routier breton n'a-t-il pas fait non plus l'objet d'études environnementales.

Mme Marie-Lise Housseau. Nous devons faire avec les règles existantes. J'y insiste, nous avons tenté d'obtenir la gratuité de cette autoroute ; mais notre département n'est pas riche – il n'est, au titre de ses revenus, qu'en soixante-treizième position des départements français. Nous n'avions pas les moyens de rendre cet axe gratuit. Si nous avons opté pour la concession, c'est parce que nous n'avions pas d'autre choix.

Certes, 16 euros, c'est cher, mais c'est le tarif aller-retour. Pour accomplir le même parcours, le billet de train coûte 18 euros par personne, et une voiture peut transporter toute une famille.

J'y ajoute un autre argument. Il se trouve que mon mari avait une entreprise d'ébénisterie. Comme vous le savez sans doute, c'est un secteur où les accidents du travail sont fréquents. Des doigts, voire des mains, sont parfois coupés. Tous les menuisiers-ébénistes de la région le savent : en cas d'accident, ils doivent tout de suite mettre le doigt sectionné ou la main coupée dans une poche plastique, puis partir à Purpan, de l'autre côté de Toulouse. En pareil cas, gagner vingt minutes, c'est primordial !

Ne serait-ce que pour l'accessibilité des soins, nous avons besoin de cette autoroute.

Vous revenez avec insistance sur le prix du trajet : eh bien, on fait avec ce que l'on a. Je vous signale, de plus, que les abonnés bénéficieront de tarifs spécifiques, à l'instar des véhicules électriques. Enfin, le département, la région et les communautés de communes vont participer pour faire baisser le montant du péage.

Je vous en prie, laissez-nous vivre ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Dhersin, rapporteur. Monsieur Dantec, l'A69 voit passer 14 000 véhicules par jour. L'A28, entre Rouen et Alençon, en totalise 8 900 par jour. Sur l'A79, portion de la route Centre Europe Atlantique (RCEA), c'est 11 000 à 13 000 véhicules par jour ; sur l'A66, 12 300 véhicules par jour ; sur l'A837, 11 800 véhicules par jour ; sur l'A77, 10 900 véhicules par jour – je pourrais vous citer bien d'autres exemples encore !

En l'occurrence, les estimations dépassent de loin la fréquentation de bien des autoroutes déclarées d'utilité publique et exploitées aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Tabarot, ministre. Monsieur Dantec, je confirme les chiffres fournis à l'instant par M. le rapporteur.

En outre, le tarif que vous mentionnez ne correspond pas à la réalité. Demain, si le chantier peut être mené à son terme, le prix réel sera de 6,5 euros, selon l'avenant conclu par les différentes collectivités territoriales concernées.

M. Ronan Dantec. C'est un gouffre financier !

M. Philippe Tabarot, ministre. Non, monsieur le sénateur : le gouffre financier ne viendra que des recours intentés par vos amis. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Franck Dhersin, rapporteur. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

M. Patrick Chaize. Bien sûr, dans un tel débat, chacun doit défendre ses idées. Mais je m'étonne que l'on s'arc-boute aujourd'hui sur des éléments de nature juridique.

M. Franck Dhersin, rapporteur. Tout à fait !

M. Patrick Chaize. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces travaux sont déjà réalisés à hauteur de 60 %. On ne peut plus faire comme si l'on pouvait tout effacer pour tout recommencer – ou alors, il faut nous donner la méthode…

Mes chers collègues, soyons pragmatiques. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 281 :

Nombre de votants 290
Nombre de suffrages exprimés 285
Pour l'adoption 252
Contre 33

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante,

est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Intitulé de la proposition de loi (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse
 

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à rééquilibrer la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment au profit des produits du bois
Discussion générale (fin)

Produits du bois et responsabilité élargie du producteur dans le secteur du bâtiment

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), présentée par Mme Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues (proposition n° 242, texte de la commission n° 592, rapport n° 591).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi.

Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la responsabilité élargie du producteur (REP) pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) s'appuie sur un système d'écocontributions, qui finance le tri, la collecte et la valorisation des déchets issus dudit secteur. Ces contributions visent à responsabiliser les producteurs quant aux répercussions environnementales des matériaux utilisés et à favoriser de meilleures performances en matière de tri, de collecte, de recyclage ou de réemploi.

Soumise aux écocontributions depuis 2023, l'industrie française du bois fait donc face à des surcoûts. Or ceux-ci sont d'autant moins compréhensibles que les bénéfices environnementaux du bois, que ce soit en matière de stockage de carbone ou de performances de valorisation, ne sont pas pris en compte. Le bois est ainsi soumis aux mêmes contraintes que des matériaux plus polluants.

La France est le seul pays européen à avoir intégré le bois-construction dans une telle filière REP. Mais à l'heure où notre pays manque de logements et où la réindustrialisation est le mot d'ordre général, cette surtransposition pénalise nos entreprises et renchérit les coûts de construction. Elle dégrade la compétitivité de la France en matière d'exportations sur un marché international du bois au niveau duquel nos proches voisins sont particulièrement offensifs. Elle détériore également notre balance commerciale, déjà déficitaire. D'ailleurs, entre 2022 et 2024, les services des douanes notent un recul de 20 % des exportations de bois-construction.

Les montants des écocontributions bois prévus par la REP PMCB évoluent de manière exponentielle. Ils sont ainsi passés de 7,6 euros par tonne de bois, chiffre de 2023 retenu par la commission, à 24 euros en 2025, selon les éco-organismes. Sans refondation de la filière et sans solidarité entre les producteurs de matériaux, ce montant pourrait même atteindre 85 euros par tonne en 2030.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, vous vous êtes emparée, à juste titre, de ce dossier et avez proposé un moratoire, ce que je salue. (Mme la ministre opine du chef.) Cependant, la suspension de l'abattement sur le bois, dans le cadre dudit moratoire, est un mauvais signal.

En effet, la trajectoire actuelle des écocontributions est insoutenable, comme nous le savons tous, pour les entreprises concernées. Or ces dernières tirent toute la filière. La situation est injuste au regard des performances des autres matériaux et discriminatoire pour notre industrie, alors que celle-ci est en concurrence avec celle de nos proches voisins européens.

La filière bois dégage 30 milliards d'euros de valeur ajoutée, soit 1 % de notre PIB, ce qui n'est pas négligeable en ces temps de disette financière, et 77 milliards d'euros de chiffre d'affaires, essentiellement liés à la production industrielle. Si le bois-construction était maintenu dans une REP, il devrait alors absolument être tenu compte de ses performances de valorisation, actuellement bien supérieures à celles des autres matériaux, ainsi que des avantages environnementaux induits par sa nature biosourcée.

Selon le rapport de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) de juillet 2024, sur environ 8,7 millions de tonnes de déchets bois produits chaque année, 7,4 millions de tonnes, soit 80 %, sont collectées et recyclées. Un taux comparable n'est observé que pour le seul acier. En outre, 5,8 millions de tonnes sont déjà valorisées par recyclage matière ou par valorisation énergétique. Enfin, 1,6 million de tonnes sont exportées, ce qui suscite des interrogations, vers la Belgique, l'Italie, l'Allemagne, et même la Suède.

La valorisation du bois-construction en fin de vie est donc parmi les plus performantes, parce que ce matériau s'inscrit déjà dans une bioéconomie circulaire dynamique. Il n'est en fait pas un déchet, mais une matière première de plus en plus convoitée par les panneautiers, par exemple, lesquels utilisent de plus en plus de matériaux recyclés, mais aussi par les industriels qui cherchent à se décarboner. N'oublions pas non plus les 8 millions de foyers français qui se chauffent au bois, première énergie renouvelable (EnR) en France.

Comment ignorer le rôle déterminant du bois dans la lutte contre le changement climatique et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), sa capacité à capter le CO2 durant sa croissance et à le stocker jusqu'à la fin de sa vie, en l'occurrence dans le bâtiment ? Ainsi, chaque mètre cube de bois utilisé dans la construction permet de stocker une tonne de CO2 pendant toute la durée de vie de l'édifice. Utiliser plus de bois, c'est donc soutenir une filière essentielle, qui stocke 87 millions de tonnes de CO2 au total chaque année, soit environ 20 % des émissions annuelles de notre pays.

Étant biosourcé, le bois présente un impact carbone plus faible que celui des autres matériaux, dans la mesure où il consomme bien moins d'énergie lors de sa transformation. Utilisé dans la construction, il se substitue à des matériaux à haute intensité carbone, réduisant ainsi l'impact global des bâtiments.

Tel est le sens de l'ambition de la réglementation environnementale 2020 (RE2020) et du plan ambition bois-construction 2030, qui visent à favoriser les matériaux biosourcés dans la construction, notamment pour se rapprocher de nos voisins allemands, qui ont plus de 22 % de bois dans leurs constructions résidentielles quand la France plafonne à 7 %...

Afin de corriger les déséquilibres qui affectent actuellement la filière REP PMCB, il est nécessaire d'introduire des abattements en fonction des performances de valorisation, comme nous en avons posé le principe avec le rapporteur, Bernard Pillefer, que je salue pour son travail et son écoute.

Je vous propose de préciser par amendement ce principe de solidarité entre matériaux, et de récompenser les plus performants par un système de bonus-malus. Le ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en fixerait, par décret, les modalités et l'équilibre pour les éco-organismes. Cet abattement a vocation à diminuer au fur et à mesure de l'amélioration de la performance des autres matériaux.

Parallèlement, il est pertinent d'introduire un principe d'écomodulation en fonction de la nature même des matériaux biosourcés, afin d'inciter à leur usage. Dans la perspective du « zéro émission nette » en 2050, je vous propose donc d'introduire par amendement un mécanisme de nature à « favoriser les produits meilleurs pour l'environnement » et à « réduire le prix des produits vertueux », objectifs consacrés la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec. Là encore, le ministère en fixerait les modalités par décret.

En conclusion, mes chers collègues, votre soutien est déterminant. Ajuster l'écocontribution du bois-construction, c'est soutenir une bioéconomie locale performante aux multiples bénéfices pour la transition écologique et énergétique. Prendre en compte la nature biosourcée des matériaux de construction, tels que le bois, dans le calcul des écocontributions, c'est favoriser des matériaux à faible impact carbone et œuvrer en faveur de la stratégie nationale bas-carbone.

Nous ne sommes qu'au début de ce débat, puisque le moratoire commence. Je souhaite, madame la ministre, mes chers collègues, que les discussions qui s'engagent permettent véritablement de trouver un équilibre qui préserve l'avenir à la fois des industries de la filière forêt-bois et notre économie, tout en prenant en compte les enjeux de valorisation des déchets, d'économie circulaire et de stratégie bas-carbone. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)