M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre. Monsieur Dantec, je confirme les chiffres fournis à l’instant par M. le rapporteur.
En outre, le tarif que vous mentionnez ne correspond pas à la réalité. Demain, si le chantier peut être mené à son terme, le prix réel sera de 6,5 euros, selon l’avenant conclu par les différentes collectivités territoriales concernées.
M. Ronan Dantec. C’est un gouffre financier !
M. Philippe Tabarot, ministre. Non, monsieur le sénateur : le gouffre financier ne viendra que des recours intentés par vos amis. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Franck Dhersin, rapporteur. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Bien sûr, dans un tel débat, chacun doit défendre ses idées. Mais je m’étonne que l’on s’arc-boute aujourd’hui sur des éléments de nature juridique.
M. Franck Dhersin, rapporteur. Tout à fait !
M. Patrick Chaize. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces travaux sont déjà réalisés à hauteur de 60 %. On ne peut plus faire comme si l’on pouvait tout effacer pour tout recommencer – ou alors, il faut nous donner la méthode…
Mes chers collègues, soyons pragmatiques. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 281 :
Nombre de votants | 290 |
Nombre de suffrages exprimés | 285 |
Pour l’adoption | 252 |
Contre | 33 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)
PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
2
Produits du bois et responsabilité élargie du producteur dans le secteur du bâtiment
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), présentée par Mme Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues (proposition n° 242, texte de la commission n° 592, rapport n° 591).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi.
Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la responsabilité élargie du producteur (REP) pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) s’appuie sur un système d’écocontributions, qui finance le tri, la collecte et la valorisation des déchets issus dudit secteur. Ces contributions visent à responsabiliser les producteurs quant aux répercussions environnementales des matériaux utilisés et à favoriser de meilleures performances en matière de tri, de collecte, de recyclage ou de réemploi.
Soumise aux écocontributions depuis 2023, l’industrie française du bois fait donc face à des surcoûts. Or ceux-ci sont d’autant moins compréhensibles que les bénéfices environnementaux du bois, que ce soit en matière de stockage de carbone ou de performances de valorisation, ne sont pas pris en compte. Le bois est ainsi soumis aux mêmes contraintes que des matériaux plus polluants.
La France est le seul pays européen à avoir intégré le bois-construction dans une telle filière REP. Mais à l’heure où notre pays manque de logements et où la réindustrialisation est le mot d’ordre général, cette surtransposition pénalise nos entreprises et renchérit les coûts de construction. Elle dégrade la compétitivité de la France en matière d’exportations sur un marché international du bois au niveau duquel nos proches voisins sont particulièrement offensifs. Elle détériore également notre balance commerciale, déjà déficitaire. D’ailleurs, entre 2022 et 2024, les services des douanes notent un recul de 20 % des exportations de bois-construction.
Les montants des écocontributions bois prévus par la REP PMCB évoluent de manière exponentielle. Ils sont ainsi passés de 7,6 euros par tonne de bois, chiffre de 2023 retenu par la commission, à 24 euros en 2025, selon les éco-organismes. Sans refondation de la filière et sans solidarité entre les producteurs de matériaux, ce montant pourrait même atteindre 85 euros par tonne en 2030.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, vous vous êtes emparée, à juste titre, de ce dossier et avez proposé un moratoire, ce que je salue. (Mme la ministre opine du chef.) Cependant, la suspension de l’abattement sur le bois, dans le cadre dudit moratoire, est un mauvais signal.
En effet, la trajectoire actuelle des écocontributions est insoutenable, comme nous le savons tous, pour les entreprises concernées. Or ces dernières tirent toute la filière. La situation est injuste au regard des performances des autres matériaux et discriminatoire pour notre industrie, alors que celle-ci est en concurrence avec celle de nos proches voisins européens.
La filière bois dégage 30 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit 1 % de notre PIB, ce qui n’est pas négligeable en ces temps de disette financière, et 77 milliards d’euros de chiffre d’affaires, essentiellement liés à la production industrielle. Si le bois-construction était maintenu dans une REP, il devrait alors absolument être tenu compte de ses performances de valorisation, actuellement bien supérieures à celles des autres matériaux, ainsi que des avantages environnementaux induits par sa nature biosourcée.
Selon le rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) de juillet 2024, sur environ 8,7 millions de tonnes de déchets bois produits chaque année, 7,4 millions de tonnes, soit 80 %, sont collectées et recyclées. Un taux comparable n’est observé que pour le seul acier. En outre, 5,8 millions de tonnes sont déjà valorisées par recyclage matière ou par valorisation énergétique. Enfin, 1,6 million de tonnes sont exportées, ce qui suscite des interrogations, vers la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, et même la Suède.
La valorisation du bois-construction en fin de vie est donc parmi les plus performantes, parce que ce matériau s’inscrit déjà dans une bioéconomie circulaire dynamique. Il n’est en fait pas un déchet, mais une matière première de plus en plus convoitée par les panneautiers, par exemple, lesquels utilisent de plus en plus de matériaux recyclés, mais aussi par les industriels qui cherchent à se décarboner. N’oublions pas non plus les 8 millions de foyers français qui se chauffent au bois, première énergie renouvelable (EnR) en France.
Comment ignorer le rôle déterminant du bois dans la lutte contre le changement climatique et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), sa capacité à capter le CO2 durant sa croissance et à le stocker jusqu’à la fin de sa vie, en l’occurrence dans le bâtiment ? Ainsi, chaque mètre cube de bois utilisé dans la construction permet de stocker une tonne de CO2 pendant toute la durée de vie de l’édifice. Utiliser plus de bois, c’est donc soutenir une filière essentielle, qui stocke 87 millions de tonnes de CO2 au total chaque année, soit environ 20 % des émissions annuelles de notre pays.
Étant biosourcé, le bois présente un impact carbone plus faible que celui des autres matériaux, dans la mesure où il consomme bien moins d’énergie lors de sa transformation. Utilisé dans la construction, il se substitue à des matériaux à haute intensité carbone, réduisant ainsi l’impact global des bâtiments.
Tel est le sens de l’ambition de la réglementation environnementale 2020 (RE2020) et du plan ambition bois-construction 2030, qui visent à favoriser les matériaux biosourcés dans la construction, notamment pour se rapprocher de nos voisins allemands, qui ont plus de 22 % de bois dans leurs constructions résidentielles quand la France plafonne à 7 %…
Afin de corriger les déséquilibres qui affectent actuellement la filière REP PMCB, il est nécessaire d’introduire des abattements en fonction des performances de valorisation, comme nous en avons posé le principe avec le rapporteur, Bernard Pillefer, que je salue pour son travail et son écoute.
Je vous propose de préciser par amendement ce principe de solidarité entre matériaux, et de récompenser les plus performants par un système de bonus-malus. Le ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en fixerait, par décret, les modalités et l’équilibre pour les éco-organismes. Cet abattement a vocation à diminuer au fur et à mesure de l’amélioration de la performance des autres matériaux.
Parallèlement, il est pertinent d’introduire un principe d’écomodulation en fonction de la nature même des matériaux biosourcés, afin d’inciter à leur usage. Dans la perspective du « zéro émission nette » en 2050, je vous propose donc d’introduire par amendement un mécanisme de nature à « favoriser les produits meilleurs pour l’environnement » et à « réduire le prix des produits vertueux », objectifs consacrés la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec. Là encore, le ministère en fixerait les modalités par décret.
En conclusion, mes chers collègues, votre soutien est déterminant. Ajuster l’écocontribution du bois-construction, c’est soutenir une bioéconomie locale performante aux multiples bénéfices pour la transition écologique et énergétique. Prendre en compte la nature biosourcée des matériaux de construction, tels que le bois, dans le calcul des écocontributions, c’est favoriser des matériaux à faible impact carbone et œuvrer en faveur de la stratégie nationale bas-carbone.
Nous ne sommes qu’au début de ce débat, puisque le moratoire commence. Je souhaite, madame la ministre, mes chers collègues, que les discussions qui s’engagent permettent véritablement de trouver un équilibre qui préserve l’avenir à la fois des industries de la filière forêt-bois et notre économie, tout en prenant en compte les enjeux de valorisation des déchets, d’économie circulaire et de stratégie bas-carbone. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Marc Laménie, Michel Masset et Jacques Fernique applaudissent également.)
M. Bernard Pillefer, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux de m’exprimer, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur la proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, déposée par notre collègue Anne-Catherine Loisier, que je salue.
Le bois constitue une véritable richesse pour la France. Il s’agit d’une ressource de proximité, renouvelable, recyclable, valorisable et qui stocke le carbone. La filière bois est au cœur de la transition écologique et industrielle de notre pays, et joue un rôle stratégique pour nos territoires. Elle contribue pleinement à leur vitalité économique, au travers de l’implantation de nombreuses scieries et d’un réseau particulièrement dense d’artisans du bois.
En outre, le bois constitue un atout pour la décarbonation de nombreux secteurs, en particulier le bâtiment, secteur qui nous préoccupe aujourd’hui à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. La part du bois dans les matériaux de construction doit considérablement augmenter si nous souhaitons respecter l’ambitieuse trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée pour le secteur du bâtiment à l’horizon 2030.
Enfin, au sein du secteur du bâtiment, le bois est un bon élève en matière d’économie circulaire : il s’agit de l’un des matériaux de construction les plus collectés et valorisés. Dans le cadre général de la gestion des déchets du bâtiment, il tire la moyenne de la classe vers le haut, si vous permettez cette métaphore scolaire à l’ancien enseignant que je suis. (Sourires.)
La présente proposition de loi traduit une préoccupation légitime des professionnels de la filière du bois-construction. Le contexte est le suivant : à l’horizon 2027, la totalité du coût de traitement des déchets du bâtiment sera transférée à ceux qui mettent en marché les produits du secteur.
Cependant, nous constatons avec inquiétude une montée en charge rapide et déséquilibrée de la contribution financière appliquée au bois-construction par les entreprises agréées pour le traitement de ces déchets. Ainsi, son montant par tonne est aujourd’hui, en moyenne, plus élevé pour le bois-construction que pour des matériaux concurrents moins vertueux sur le plan environnemental. La situation est paradoxale : on pénalise, au nom de l’environnement, un matériau durable.
Une fois ce constat sectoriel posé, je souhaite élargir le propos et rappeler les caractéristiques du cadre général de la gestion des déchets du bâtiment. Celui-ci, créé en 2020 par la loi Agec, entre progressivement en vigueur depuis janvier 2023. C’est un dispositif jeune comparé, par exemple, au cadre de la gestion des déchets de l’ameublement, entré en vigueur il y a dix ans, désormais arrivé à maturité et ayant atteint son rythme de croisière. En ce qui concerne les déchets du bâtiment, l’embarquement est plus récent et connaît, en particulier pour le bois, de nombreux flottements…
Ce cadre général porte un nom technique : la filière à responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment. Si le sigle « REP PMCB » peut paraître abstrait, il est la traduction d’un principe très concret, celui du pollueur-payeur : celui qui met sur le marché un produit destiné à devenir un déchet assume le coût de sa gestion.
Ce dispositif, attendu de longue date par les élus locaux, aura à terme des conséquences opérationnelles souhaitables pour nos communes et leurs groupements chargés du service public de traitement des déchets. En effet, chaque année, les dépôts sauvages de déchets issus du secteur du bâtiment coûtent près de 400 millions d’euros aux collectivités territoriales.
Au-delà de cet aspect financier, ces dépôts sont aussi à l’origine de très vives tensions locales. Mes auditions m’ont permis d’entendre la colère des élus locaux, bien souvent démunis face à la mauvaise gestion des déchets du bâtiment. Nous avons ainsi tous en mémoire le drame de Signes en 2019, lorsque le maire de la commune a perdu la vie alors qu’il tentait de faire respecter l’interdiction de tels actes.
Le cadre créé en 2020 vise notamment à lutter contre ce fléau en structurant un maillage de points de collecte sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales.
J’en viens maintenant à la proposition de loi qui nous est soumise. La démarche initialement proposée par son auteure avait le mérite de la simplicité : elle prévoyait d’exclure le bois-construction du cadre général de traitement des déchets du secteur, le dispensant ainsi de toute obligation de contribuer au financement de la gestion des déchets issus de ses produits.
Toutefois, il m’est apparu, au fil de mes travaux, qu’une sortie pure et simple du bois de la filière REP PMCB ne semblait adaptée ni pour les collectivités territoriales ni pour l’économie circulaire en général.
En particulier, l’exclusion du bois, qui, selon l’Ademe, représente 10 % des matériaux retrouvés dans les dépôts sauvages de déchets du bâtiment, risquerait de fragiliser le maillage des points de dépôts de proximité, au détriment de la protection du cadre de vie, de l’environnement, des équipements stratégiques que constituent les déchèteries publiques et, plus largement, des finances publiques locales.
Par ailleurs, en matière d’économie circulaire, le bois est certes un bon élève, mais il a encore des progrès à faire, notamment en matière de recyclage, comme le montrent les dernières statistiques de l’Ademe.
De surcroît, ce retrait porterait atteinte au principe même de la responsabilité élargie du producteur. Si l’on commence à accepter des exemptions pour un matériau, en l’occurrence le bois-construction, comment refuser, demain, les demandes de retrait d’autres matériaux, comme les ont déjà formulées certains professionnels pour le métal ou le plâtre ? Cela pourrait même avoir des conséquences sur les autres filières REP, qui réclameraient une exemption similaire. Le principe pollueur-payeur ne peut fonctionner que s’il est appliqué de manière universelle et cohérente.
Tout au long de mes échanges avec l’ensemble des parties prenantes, j’ai été guidé par le souci de trouver le juste équilibre et de préserver l’équité entre les uns et les autres. Ma conviction est la suivante : pour tendre vers l’économie circulaire, qui est celle du XXIe siècle, il existe un chemin entre le statu quo et les dysfonctionnements actuels du système, d’une part, et l’exclusion totale du bois-construction de la filière REP PMCB, d’autre part. C’est ce chemin que je vous propose d’emprunter aujourd’hui.
Le texte que nous avons adopté à l’unanimité en commission substitue à l’exclusion proposée initialement des alternatives permettant de mieux proportionner les contributions financières aux performances environnementales du bois, tout en renforçant la lutte contre la fraude aux contributions.
Ainsi, l’article 2 instaure un mécanisme de répartition des charges entre les filières des différents matériaux de construction, au bénéfice de celles qui sont les plus performantes en termes de valorisation des déchets, parmi lesquelles celle du bois.
Le dispositif est simple et équitable : sur le plan quantitatif, le bois-construction contribue plus que les autres matériaux à l’atteinte des objectifs environnementaux de la filière REP ; par conséquent, sur le plan financier, sa contribution sera réduite.
La consécration législative de ce mécanisme de répartition a pour objet de le sécuriser juridiquement et d’en assurer l’application. Elle permet également de protéger le mécanisme d’éventuels revirements réglementaires, dans un contexte de hausse prévue des contributions, liée à la montée en charge de la filière à responsabilité élargie du producteur.
Quant à la fraude aux contributions financières, elle fragilise l’acceptabilité par les producteurs du cadre de gestion des déchets, en créant une concurrence déloyale : les fraudeurs, qui n’assument pas le coût du dispositif, sont favorisés par rapport aux entreprises qui remplissent leurs obligations. L’article 3 prévoit ainsi deux dispositifs visant respectivement à favoriser la communication entre administrations, pour mieux cibler les contrevenants, et à permettre un meilleur recouvrement des contributions des entreprises établies hors de France.
Le dispositif d’équilibre que je vous propose d’adopter aujourd’hui vise un objectif crucial : celui de l’acceptabilité et de la robustesse de l’ensemble du système. Nos objectifs ambitieux en matière d’économie circulaire rendent nécessaire l’adhésion de tous les acteurs.
Enfin, je souhaite saluer la qualité de ma collaboration, tout au long de mes travaux préparatoires, avec l’auteure de la proposition de loi, notre collègue Anne-Catherine Loisier, et l’esprit d’écoute réciproque qui m’a permis d’enrichir le texte sans en trahir l’esprit. Je souhaite également remercier les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ont adopté cette proposition de loi à l’unanimité, ce dont je me réjouis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jacques Fernique et Michel Masset applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, monsieur le président Longeot, monsieur le rapporteur Pillefer, madame la sénatrice Loisier, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui pour discuter d’un sujet important pour le secteur du bâtiment et pour nos collectivités : celui de la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les produits et matériaux de construction du bâtiment.
Lors de sa création, en 2022, l’objectif de la REP PMCB était clair : améliorer la valorisation des déchets et, surtout, lutter contre les dépôts sauvages, lesquels, vous le savez, sont un fléau.
Un fléau financier pour les collectivités, tout d’abord, qui dépensent 400 millions d’euros par an pour gérer ces dépôts. Un fléau écologique, ensuite, compte tenu de leur impact sur notre environnement. Un fléau en matière d’ordre public, enfin, car, derrière ces déchets abandonnés, c’est une économie parallèle qui prospère. Personne n’a oublié ici le décès, en 2019, de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, renversé par une camionnette dont le conducteur venait d’être pris en flagrant délit de dépôt sauvage.
La création de cette filière REP répondait donc à une nécessité forte. Depuis, elle a permis l’ouverture de plus de 6 000 points de reprise gratuits pour les déchets du bâtiment, ce qui est une avancée indéniable.
Ce chiffre ne doit toutefois pas masquer les dysfonctionnements, que vous avez été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à déplorer. Ils ont d’ailleurs conduit mes services à modifier cinq fois le cadre réglementaire de la filière, rien que pour l’année 2024 !
Pourtant, le compte n’y était toujours pas, et cette filière REP était jugée trop coûteuse par les producteurs qui la financent et insuffisamment efficace par les professionnels du bâtiment qui doivent en bénéficier. C’est pourquoi, le 20 mars dernier, j’ai annoncé la refondation complète de cette filière pour 2026.
Là encore, l’objectif est clair : revenir aux priorités initiales du dispositif, c’est-à-dire lutter contre les dépôts sauvages, améliorer la valorisation des déchets et encourager l’écoconception et le réemploi.
Cette refondation est, bien évidemment, menée en étroite concertation avec l’ensemble des parties prenantes. En outre, afin de laisser le temps à cette concertation de se dérouler dans un cadre serein, j’ai décidé qu’elle s’accompagnerait d’un moratoire sur certaines dispositions prévues pour 2025, lesquelles étaient à l’origine de difficultés particulières pour l’ensemble des acteurs.
La filière bois, en particulier, qui joue un rôle important dans le stockage du carbone, fait face à des barèmes élevés et difficiles à absorber compte tenu de ses équilibres économiques. Ce paradoxe exige une action corrective. Je suis pleinement mobilisée pour faire évoluer ce volet dans le cadre de la refondation plus large de la filière.
Toutefois, je vous le dis clairement : la sortie pure et simple du bois de la REP PMCB n’est pas la bonne solution. Cela ferait courir de nombreux risques aux collectivités ; cela nuirait aussi à l’équilibre de la filière et à l’environnement, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, ce retrait fragiliserait tout le système de la REP, y compris au détriment de la filière bois. Vous le savez, la responsabilité élargie du producteur repose sur les principes de mutualisation des moyens et d’économie d’échelle à partir de flux massifiés. La sortie du bois priverait donc la filière des moyens mobilisés grâce à la REP, et l’affaiblirait en lui faisant perdre la cohérence d’une solution globale.
Deuxièmement, cela entraînerait une perte significative de financements pour les collectivités locales. La raison en est que, aujourd’hui, les déchets bois sont les plus collectés en volume. Le soutien apporté à ce titre aux collectivités représente déjà 9 millions d’euros par an, et pourrait atteindre 18 millions d’euros à terme. Aussi, supprimer le bois de la REP priverait les communes de cette ressource, tout en leur imposant, en parallèle, une réorganisation des déchèteries, à leurs frais.
Troisièmement, cette suppression pourrait susciter un renouveau des dépôts sauvages. En effet, le mécanisme de la REP PMCB a permis de simplifier le dépôt des déchets, grâce à une collecte mutualisée pour l’ensemble des matériaux couverts par la filière. En exclure le bois, qui constitue 10 % des matériaux retrouvés dans les dépôts sauvages, c’est faire peser un risque réel de recrudescence de ces pratiques illégales.
Vous l’avez compris, je suis défavorable à cette suppression. Elle constituerait un recul préoccupant pour la protection de notre cadre de vie, la préservation de nos équipements publics et, plus largement, les finances de nos collectivités locales. C’est pourquoi je salue le travail de la commission, et en particulier celui de M. le rapporteur Pillefer, que je remercie pour son choix responsable de revenir sur cette sortie du bois de la REP PMCB.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire, bien au contraire. Je partage les conclusions de la commission quant à la nécessité de réviser le mécanisme pour organiser une montée en charge plus progressive, efficace, organisée, soutenable et lisible pour les parties prenantes, en particulier les acteurs de la filière bois-construction.
S’agissant plus précisément de certains amendements qui ont été déposés, je souhaite apporter quelques éléments de réflexion, non sans vous avoir remerciée au préalable, madame la sénatrice Loisier, de nous permettre de débattre de ce sujet important.
Vous proposez, par l’amendement n° 6 rectifié bis, que les réductions de charges applicables à un secteur puissent être compensées par des augmentations de charges pour les matériaux moins bien collectés et valorisés, le tout en prévoyant que cet équilibre soit défini par voie réglementaire. Je m’en remettrai à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Autre enjeu, la nécessité d’agir plus fermement contre la fraude aux contributions. Je comprends, bien évidemment, le message que vous souhaitez adresser aux professionnels du bois-construction, que l’évolution à la hausse des écocontributions inquiète, notamment du fait de la concurrence entre certains matériaux.
Néanmoins, inscrire aujourd’hui dans la loi des mesures précises, alors que je viens de lancer une concertation avec tous les acteurs de la filière des produits et matériaux de construction, ce serait manquer de respect aux professionnels du bâtiment comme à ceux de la gestion des déchets. Je me suis engagée à avancer avec eux, en défendant une vision globale du dispositif REP PMCB, au-delà de la problématique propre à la filière bois-construction.
Je présiderai une réunion d’arbitrage à visée conclusive fin juin. Elle sera suivie de consultations, cet été, sur les projets de textes réglementaires issus de ces travaux. Le temps de la concertation est indispensable pour refonder une filière PMCB plus juste, plus efficace, capable de corriger ses défauts, afin d’être mieux acceptée de tous.
Soyez certains, mesdames, messieurs les sénateurs, de ma pleine mobilisation pour que cette refondation aboutisse dans les meilleures conditions au service de la transition écologique, des filières professionnelles concernées, et ce dans une approche économique, ainsi que de nos collectivités locales. (Mme Jocelyne Antoine, MM. Michel Masset et Jacques Fernique applaudissent.)