Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Marc Laménie, Michel Masset et Jacques Fernique applaudissent également.)
M. Bernard Pillefer, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux de m'exprimer, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sur la proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, déposée par notre collègue Anne-Catherine Loisier, que je salue.
Le bois constitue une véritable richesse pour la France. Il s'agit d'une ressource de proximité, renouvelable, recyclable, valorisable et qui stocke le carbone. La filière bois est au cœur de la transition écologique et industrielle de notre pays, et joue un rôle stratégique pour nos territoires. Elle contribue pleinement à leur vitalité économique, au travers de l'implantation de nombreuses scieries et d'un réseau particulièrement dense d'artisans du bois.
En outre, le bois constitue un atout pour la décarbonation de nombreux secteurs, en particulier le bâtiment, secteur qui nous préoccupe aujourd'hui à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi. La part du bois dans les matériaux de construction doit considérablement augmenter si nous souhaitons respecter l'ambitieuse trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée pour le secteur du bâtiment à l'horizon 2030.
Enfin, au sein du secteur du bâtiment, le bois est un bon élève en matière d'économie circulaire : il s'agit de l'un des matériaux de construction les plus collectés et valorisés. Dans le cadre général de la gestion des déchets du bâtiment, il tire la moyenne de la classe vers le haut, si vous permettez cette métaphore scolaire à l'ancien enseignant que je suis. (Sourires.)
La présente proposition de loi traduit une préoccupation légitime des professionnels de la filière du bois-construction. Le contexte est le suivant : à l'horizon 2027, la totalité du coût de traitement des déchets du bâtiment sera transférée à ceux qui mettent en marché les produits du secteur.
Cependant, nous constatons avec inquiétude une montée en charge rapide et déséquilibrée de la contribution financière appliquée au bois-construction par les entreprises agréées pour le traitement de ces déchets. Ainsi, son montant par tonne est aujourd'hui, en moyenne, plus élevée pour le bois-construction que pour des matériaux concurrents moins vertueux sur le plan environnemental. La situation est paradoxale : on pénalise, au nom de l'environnement, un matériau durable.
Une fois ce constat sectoriel posé, je souhaite élargir le propos et rappeler les caractéristiques du cadre général de la gestion des déchets du bâtiment. Celui-ci, créé en 2020 par la loi Agec, entre progressivement en vigueur depuis janvier 2023. C'est un dispositif jeune comparé, par exemple, au cadre de la gestion des déchets de l'ameublement, entré en vigueur il y a dix ans, désormais arrivé à maturité et ayant atteint son rythme de croisière. En ce qui concerne les déchets du bâtiment, l'embarquement est plus récent et connaît, en particulier pour le bois, de nombreux flottements…
Ce cadre général porte un nom technique : la filière à responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment. Si le sigle « REP PMCB » peut paraître abstrait, il est la traduction d'un principe très concret, celui du pollueur-payeur : celui qui met sur le marché un produit destiné à devenir un déchet assume le coût de sa gestion.
Ce dispositif, attendu de longue date par les élus locaux, aura à terme des conséquences opérationnelles souhaitables pour nos communes et leurs groupements chargés du service public de traitement des déchets. En effet, chaque année, les dépôts sauvages de déchets issus du secteur du bâtiment coûtent près de 400 millions d'euros aux collectivités territoriales.
Au-delà de cet aspect financier, ces dépôts sont aussi à l'origine de très vives tensions locales. Mes auditions m'ont permis d'entendre la colère des élus locaux, bien souvent démunis face à la mauvaise gestion des déchets du bâtiment. Nous avons ainsi tous en mémoire le drame de Signes en 2019, lorsque le maire de la commune a perdu la vie alors qu'il tentait de faire respecter l'interdiction de tels actes.
Le cadre créé en 2020 vise notamment à lutter contre ce fléau en structurant un maillage de points de collecte sur l'ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales.
J'en viens maintenant à la proposition de loi qui nous est soumise. La démarche initialement proposée par son auteure avait le mérite de la simplicité : elle prévoyait d'exclure le bois-construction du cadre général de traitement des déchets du secteur, le dispensant ainsi de toute obligation de contribuer au financement de la gestion des déchets issus de ses produits.
Toutefois, il m'est apparu, au fil de mes travaux, qu'une sortie pure et simple du bois de la filière REP PMCB ne semblait adaptée ni pour les collectivités territoriales ni pour l'économie circulaire en général.
En particulier, l'exclusion du bois, qui, selon l'Ademe, représente 10 % des matériaux retrouvés dans les dépôts sauvages de déchets du bâtiment, risquerait de fragiliser le maillage des points de dépôts de proximité, au détriment de la protection du cadre de vie, de l'environnement, des équipements stratégiques que constituent les déchèteries publiques et, plus largement, des finances publiques locales.
Par ailleurs, en matière d'économie circulaire, le bois est certes un bon élève, mais il a encore des progrès à faire, notamment en matière de recyclage, comme le montrent les dernières statistiques de l'Ademe.
De surcroît, ce retrait porterait atteinte au principe même de la responsabilité élargie du producteur. Si l'on commence à accepter des exemptions pour un matériau, en l'occurrence le bois-construction, comment refuser, demain, les demandes de retrait d'autres matériaux, comme les ont déjà formulées certains professionnels pour le métal ou le plâtre ? Cela pourrait même avoir des conséquences sur les autres filières REP, qui réclameraient une exemption similaire. Le principe pollueur-payeur ne peut fonctionner que s'il est appliqué de manière universelle et cohérente.
Tout au long de mes échanges avec l'ensemble des parties prenantes, j'ai été guidé par le souci de trouver le juste équilibre et de préserver l'équité entre les uns et les autres. Ma conviction est la suivante : pour tendre vers l'économie circulaire, qui est celle du XXIe siècle, il existe un chemin entre le statu quo et les dysfonctionnements actuels du système, d'une part, et l'exclusion totale du bois-construction de la filière REP PMCB, d'autre part. C'est ce chemin que je vous propose d'emprunter aujourd'hui.
Le texte que nous avons adopté à l'unanimité en commission substitue à l'exclusion proposée initialement des alternatives permettant de mieux proportionner les contributions financières aux performances environnementales du bois, tout en renforçant la lutte contre la fraude aux contributions.
Ainsi, l'article 2 instaure un mécanisme de répartition des charges entre les filières des différents matériaux de construction, au bénéfice de celles qui sont les plus performantes en termes de valorisation des déchets, parmi lesquelles celle du bois.
Le dispositif est simple et équitable : sur le plan quantitatif, le bois-construction contribue plus que les autres matériaux à l'atteinte des objectifs environnementaux de la filière REP ; par conséquent, sur le plan financier, sa contribution sera réduite.
La consécration législative de ce mécanisme de répartition a pour objet de le sécuriser juridiquement et d'en assurer l'application. Elle permet également de protéger le mécanisme d'éventuels revirements réglementaires, dans un contexte de hausse prévue des contributions, liée à la montée en charge de la filière à responsabilité élargie du producteur.
Quant à la fraude aux contributions financières, elle fragilise l'acceptabilité par les producteurs du cadre de gestion des déchets, en créant une concurrence déloyale : les fraudeurs, qui n'assument pas le coût du dispositif, sont favorisés par rapport aux entreprises qui remplissent leurs obligations. L'article 3 prévoit ainsi deux dispositifs visant respectivement à favoriser la communication entre administrations, pour mieux cibler les contrevenants, et à permettre un meilleur recouvrement des contributions des entreprises établies hors de France.
Le dispositif d'équilibre que je vous propose d'adopter aujourd'hui vise un objectif crucial : celui de l'acceptabilité et de la robustesse de l'ensemble du système. Nos objectifs ambitieux en matière d'économie circulaire rendent nécessaire l'adhésion de tous les acteurs.
Enfin, je souhaite saluer la qualité de ma collaboration, tout au long de mes travaux préparatoires, avec l'auteure de la proposition de loi, notre collègue Anne-Catherine Loisier, et l'esprit d'écoute réciproque qui m'a permis d'enrichir le texte sans en trahir l'esprit. Je souhaite également remercier les membres de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui ont adopté cette proposition de loi à l'unanimité, ce dont je me réjouis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jacques Fernique et Michel Masset applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, monsieur le président Longeot, monsieur le rapporteur Pillefer, madame la sénatrice Loisier, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui pour discuter d'un sujet important pour le secteur du bâtiment et pour nos collectivités : celui de la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les produits et matériaux de construction du bâtiment.
Lors de sa création, en 2022, l'objectif de la REP PMCB était clair : améliorer la valorisation des déchets et, surtout, lutter contre les dépôts sauvages, lesquels, vous le savez, sont un fléau.
Un fléau financier pour les collectivités, tout d'abord, qui dépensent 400 millions d'euros par an pour gérer ces dépôts. Un fléau écologique, ensuite, compte tenu de leur impact sur notre environnement. Un fléau en matière d'ordre public, enfin, car, derrière ces déchets abandonnés, c'est une économie parallèle qui prospère. Personne n'a oublié ici le décès, en 2019, de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, renversé par une camionnette dont le conducteur venait d'être pris en flagrant délit de dépôt sauvage.
La création de cette filière REP répondait donc à une nécessité forte. Depuis, elle a permis l'ouverture de plus de 6 000 points de reprise gratuits pour les déchets du bâtiment, ce qui est une avancée indéniable.
Ce chiffre ne doit toutefois pas masquer les dysfonctionnements, que vous avez été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à déplorer. Ils ont d'ailleurs conduit mes services à modifier cinq fois le cadre réglementaire de la filière, rien que pour l'année 2024 !
Pourtant, le compte n'y était toujours pas, et cette filière REP était jugée trop coûteuse par les producteurs qui la financent et insuffisamment efficace par les professionnels du bâtiment qui doivent en bénéficier. C'est pourquoi, le 20 mars dernier, j'ai annoncé la refondation complète de cette filière pour 2026.
Là encore, l'objectif est clair : revenir aux priorités initiales du dispositif, c'est-à-dire lutter contre les dépôts sauvages, améliorer la valorisation des déchets et encourager l'écoconception et le réemploi.
Cette refondation est, bien évidemment, menée en étroite concertation avec l'ensemble des parties prenantes. En outre, afin de laisser le temps à cette concertation de se dérouler dans un cadre serein, j'ai décidé qu'elle s'accompagnerait d'un moratoire sur certaines dispositions prévues pour 2025, lesquelles étaient à l'origine de difficultés particulières pour l'ensemble des acteurs.
La filière bois, en particulier, qui joue un rôle important dans le stockage du carbone, fait face à des barèmes élevés et difficiles à absorber compte tenu de ses équilibres économiques. Ce paradoxe exige une action corrective. Je suis pleinement mobilisée pour faire évoluer ce volet dans le cadre de la refondation plus large de la filière.
Toutefois, je vous le dis clairement : la sortie pure et simple du bois de la REP PMCB n'est pas la bonne solution. Cela ferait courir de nombreux risques aux collectivités ; cela nuirait aussi à l'équilibre de la filière et à l'environnement, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, ce retrait fragiliserait tout le système de la REP, y compris au détriment de la filière bois. Vous le savez, la responsabilité élargie du producteur repose sur les principes de mutualisation des moyens et d'économie d'échelle à partir de flux massifiés. La sortie du bois priverait donc la filière des moyens mobilisés grâce à la REP, et l'affaiblirait en lui faisant perdre la cohérence d'une solution globale.
Deuxièmement, cela entraînerait une perte significative de financements pour les collectivités locales. La raison en est que, aujourd'hui, les déchets bois sont les plus collectés en volume. Le soutien apporté à ce titre aux collectivités représente déjà 9 millions d'euros par an, et pourrait atteindre 18 millions d'euros à terme. Aussi, supprimer le bois de la REP priverait les communes de cette ressource, tout en leur imposant, en parallèle, une réorganisation des déchèteries, à leurs frais.
Troisièmement, cette suppression pourrait susciter un renouveau des dépôts sauvages. En effet, le mécanisme de la REP PMCB a permis de simplifier le dépôt des déchets, grâce à une collecte mutualisée pour l'ensemble des matériaux couverts par la filière. En exclure le bois, qui constitue 10 % des matériaux retrouvés dans les dépôts sauvages, c'est faire peser un risque réel de recrudescence de ces pratiques illégales.
Vous l'avez compris, je suis défavorable à cette suppression. Elle constituerait un recul préoccupant pour la protection de notre cadre de vie, la préservation de nos équipements publics et, plus largement, les finances de nos collectivités locales. C'est pourquoi je salue le travail de la commission, et en particulier celui de M. le rapporteur Pillefer, que je remercie pour son choix responsable de revenir sur cette sortie du bois de la REP PMCB.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire, bien au contraire. Je partage les conclusions de la commission quant à la nécessité de réviser le mécanisme pour organiser une montée en charge plus progressive, efficace, organisée, soutenable et lisible pour les parties prenantes, en particulier les acteurs de la filière bois-construction.
S'agissant plus précisément de certains amendements qui ont été déposés, je souhaite apporter quelques éléments de réflexion, non sans vous avoir remerciée au préalable, madame la sénatrice Loisier, de nous permettre de débattre de ce sujet important.
Vous proposez, par l'amendement n° 6 rectifié bis, que les réductions de charges applicables à un secteur puissent être compensées par des augmentations de charges pour les matériaux moins bien collectés et valorisés, le tout en prévoyant que cet équilibre soit défini par voie réglementaire. Je m'en remettrai à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Autre enjeu, la nécessité d'agir plus fermement contre la fraude aux contributions. Je comprends, bien évidemment, le message que vous souhaitez adresser aux professionnels du bois-construction, que l'évolution à la hausse des écocontributions inquiète, notamment du fait de la concurrence entre certains matériaux.
Néanmoins, inscrire aujourd'hui dans la loi des mesures précises, alors que je viens de lancer une concertation avec tous les acteurs de la filière des produits et matériaux de construction, ce serait manquer de respect aux professionnels du bâtiment comme à ceux de la gestion des déchets. Je me suis engagée à avancer avec eux, en défendant une vision globale du dispositif REB PMCB, au-delà de la problématique propre à la filière bois-construction.
Je présiderai une réunion d'arbitrage à visée conclusive fin juin. Elle sera suivie de consultations, cet été, sur les projets de textes réglementaires issus de ces travaux. Le temps de la concertation est indispensable pour refonder une filière PMCB plus juste, plus efficace, capable de corriger ses défauts, afin d'être mieux acceptée de tous.
Soyez certains, mesdames, messieurs les sénateurs, de ma pleine mobilisation pour que cette refondation aboutisse dans les meilleures conditions au service de la transition écologique, des filières professionnelles concernées, et ce dans une approche économique, ainsi que de nos collectivités locales. (Mme Jocelyne Antoine, MM. Michel Masset et Jacques Fernique applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gueret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. Daniel Gueret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les filières à responsabilité élargie du producteur partent du principe selon lequel les producteurs sont responsables du financement ou de l'organisation de la prévention et de la gestion des déchets issus des produits en fin de vie. Elles sont donc la traduction législative du principe pollueur-payeur.
La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, a d'ailleurs permis de porter à vingt-cinq le nombre de ces filières. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans la réduction de l'impact environnemental des produits, en favorisant le réemploi, la réutilisation, le recyclage ou encore la réparation.
Pour autant, quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi Agec, la mise en place de certaines de ces filières soulève encore de nombreuses difficultés. C'est pourquoi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie du sujet en lançant une mission d'information sur l'application de cette loi. Les travaux de nos collègues rapporteurs Marta de Cidrac et Jacques Fernique sont en cours. Je suis certain que leur rapport, attendu d'ici l'été prochain, permettra de rétablir la confiance dans l'économie circulaire.
Depuis plusieurs semaines, les acteurs de la filière bois nous alertent sur les difficultés posées par la filière REP PMCB, en vigueur depuis mai 2023. Ils s'inquiètent, en particulier, de la trajectoire ascendante du montant de l'écocontribution, qui menace l'avenir de certaines entreprises. Ce montant est d'autant moins acceptable qu'il est plus élevé que pour des matériaux concurrents moins vertueux.
La version initiale du texte que nous examinons aujourd'hui tendait à retirer, purement et simplement, les produits du bois de cette filière REP. Si les inquiétudes des professionnels sont légitimes, cette solution paraissait extrême et posait de nombreuses difficultés opérationnelles. Il était donc important d'étudier les solutions alternatives.
C'est pourquoi je me réjouis que les travaux de la commission et de son rapporteur aient permis d'aboutir à un texte équilibré et consensuel. Il ne s'agit plus d'exclure le bois-construction de la filière REP PMCB, mais de réajuster la répartition de l'effort financier. Le texte modifié par la commission tend ainsi à une répartition plus juste, tenant compte de la performance des matériaux.
Vous l'aurez compris, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte très important pour la filière bois et pour la filière REP du bâtiment.
Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi visait à exclure les produits du bois de la filière REP PMCB. Si nous pouvons entendre les arguments de l'auteure du texte et les difficultés de la filière bois, liées notamment aux incertitudes commerciales et au niveau de leur écocontribution, une exclusion pure et sèche de la filière bois enverrait un mauvais signal et représenterait une régression profonde pour l'économie circulaire. Elle constituerait un signal d'abandon à l'endroit de ceux qui œuvrent au quotidien pour faire vivre une économie circulaire durable.
Rappelons-le, le bâtiment, pilier de l'économie française, demeure l'un des plus grands producteurs de déchets de notre pays. Aussi, s'il nous incombe d'améliorer et de renforcer la filière REP du bâtiment, cela doit passer non pas par l'exclusion de certains produits, mais par une meilleure articulation entre les producteurs et les éco-organismes.
Cette responsabilité élargie, nous l'avons collectivement adoptée pour répondre à une nécessité : faire en sorte que ceux qui mettent des produits sur le marché prennent part, financièrement et structurellement, à la gestion de la fin de vie de ces produits. Ce n'est pas un luxe, c'est une exigence d'écologie et de justice, que nous comprenons tous ici.
De plus, pour répondre aux préoccupations de la filière bois, le Gouvernement a déjà entrepris des démarches visant à faire évoluer le cadre réglementaire, afin de dégager des gains pour les producteurs et de rétablir une équité entre les produits de construction en bois issus de scieries principalement fabriqués en France et les produits en bois préfabriqués, souvent issus de l'importation.
Au-delà de ces mesures, madame la ministre, vous avez annoncé pour la filière PMCB « la mise en place d'un moratoire visant l'application de certaines dispositions devant entrer en vigueur à partir de 2025 ». Une concertation a été engagée à cet effet avec les parties prenantes en avril dernier ; cela va dans le bon sens.
Le bon sens, c'est ce qui a présidé à l'examen du texte en commission : nous avons considéré qu'une sortie pure et simple des produits bois de la filière REP soulèverait de nombreuses difficultés.
D'une part, le financement de la gestion des déchets de bois incomberait alors exclusivement aux collectivités territoriales, responsables du service public de gestion des déchets. Cela risquerait de fragiliser tout le système de collecte de déchets, qui repose aujourd'hui sur près 6 400 points de reprise gratuite repartis sur l'ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer.
D'autre part, permettre à une catégorie de producteurs de se soustraire à ses obligations environnementales serait ouvrir la boîte de Pandore. Une telle décision conduirait inéluctablement d'autres producteurs, soumis à d'autres difficultés, à demander leur sortie de la filière REP : ils ne comprendraient pas cette différence de traitement.
Une fois ces réserves exprimées, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants tient à saluer le travail effectué par le rapporteur Bernard Pillefer, dont la rédaction mesurée et équilibrée apporte une réelle qualité au texte.
L'article 2 de la proposition de loi vise ainsi à inscrire dans la loi un mécanisme de juste répartition de l'effort financier au profit des matériaux les plus performants en matière d'économie circulaire. Cette mesure, qui devait entrer en vigueur en janvier dernier, permettra d'inciter les producteurs à recycler davantage, tout en étant récompensés.
Quant à l'article 3, il vise à mieux lutter contre la fraude aux écocontributions, en autorisant les agents de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), des douanes et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à échanger des informations pour renforcer le cadre des contrôles menés par ces administrations. Ces éléments vont dans le bon sens et laissent entrevoir un texte raisonnable.
Pour ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en France, la filière bois représente 417 000 emplois directs et 28 milliards d'euros de valeur ajoutée. En plus de contribuer à la vitalité de nombreux territoires, comme le Lot-et-Garonne, elle constitue une ressource renouvelable, dont le développement et la valorisation sont nécessaires pour le respect de notre trajectoire de réduction des émissions de carbone dans le secteur du bâtiment, d'ici à 2030.
Pourtant, alors qu'il est indispensable de soutenir le développement d'une filière bois, force est de constater que celle-ci est pénalisée par le poids croissant des écocontributions auxquelles elle est soumise dans le cadre de la gestion de ses déchets.
L'application du principe du pollueur-payeur devait faciliter la lutte contre les dépôts sauvages, améliorer la valorisation des déchets, encourager l'écoconception des produits du bâtiment, en plus de favoriser les produits les plus vertueux pour l'environnement tout en réduisant leurs prix.
Or elle est devenue source d'incohérences et d'inquiétudes, faussant grandement la concurrence entre le bois et les autres matériaux de construction, pourtant moins vertueux du point de vue environnemental. On se retrouve ainsi dans une situation paradoxale : au nom de la défense de l'environnement, on pénalise un matériau des plus durables.
Le texte que nous examinons tend à répondre aux différentes alertes, légitimes, des acteurs de cette filière. À cet égard, je salue les travaux réalisés en commission, qui ont répondu au besoin d'équité et d'acceptabilité du cadre général de la responsabilité élargie du producteur.
Cette position équilibrée permet d'éviter une sortie pure et simple du bois destiné à la construction d'un cadre général en plein déploiement. Une telle solution aurait présenté de nombreuses difficultés, en particulier pour les collectivités territoriales et le système public de gestion des déchets, sur lesquels aurait reposé l'intégralité du financement de sa gestion.
Ce texte améliorera l'atteinte des objectifs environnementaux ambitieux fixés à la filière REP, car il introduit un mécanisme de juste répartition de l'effort financier, au profit des matériaux des plus performants. De plus, il favorise la lutte contre la fraude aux contributions pour les professionnels qui remplissent leurs obligations.
À ce jour, il demeure des marges de progrès : 40 % du gisement de déchets soumis à une REP échappent encore à la collecte, et 50 % de ces déchets ne sont pas recyclés. Le texte doit donc constituer la première pierre d'un travail plus important, permettant de répondre aux défaillances dans le pilotage des filières REP par les pouvoirs publics. Les travaux de la mission d'information du Sénat sur l'application de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) pourront être très éclairants de ce point de vue.
Il convient à ce sujet de noter que le pouvoir de sanction n'est quasiment jamais mobilisé, à l'égard tant des éco-organismes manquant leurs objectifs que des metteurs sur le marché fraudeurs. En effet, la gouvernance des éco-organismes privilégie le niveau des écocontributions plutôt que l'atteinte des objectifs et entre en contradiction directe avec la priorité donnée à la durabilité, au réemploi et à la réparation des produits mis sur le marché.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE porte un regard favorable sur ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Antoine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jocelyne Antoine. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier notre collègue Anne-Catherine Loisier, auteure de cette proposition de loi, initialement intitulée proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la REP PMCB.
Ce texte a une vertu majeure : il nous oblige à réfléchir à ce dispositif réglementaire national qui ne découle d'aucune obligation communautaire, la France étant le seul pays d'Europe à avoir mis en place une REP pour les matériaux de construction.
Je tiens à remercier le rapporteur, Bernard Pillefer, de la qualité de ses auditions, de la pertinence de son analyse et de sa recherche permanente d'équilibre tout au long de ses travaux.
Le secteur du bâtiment constitue, après celui des travaux publics, la principale source de production de déchets en France. La loi anti-gaspillage de 2020, dite loi Agec, a démultiplié le nombre de REP pour bon nombre de biens et de produits.
Depuis 2023, elle impose en particulier l'application d'écocontributions aux produits et matériaux de construction du bâtiment, afin de financer leur gestion et leur inclusion dans des circuits de valorisation, de recyclage et de réemploi. Parmi les matériaux de construction du bâtiment, le bois occupe une place à part. En effet, il présente des avantages environnementaux uniques et il offre des performances exemplaires de valorisation en fin de vie.
Toutefois, le niveau de la contribution financière fixée pour chaque type de matériau par les éco-organismes suscite de nombreuses interrogations. En ce qui concerne le bois de construction, filière plus exemplaire que la moyenne, la situation semble paradoxale, puisque les barèmes qui lui sont appliqués sont plus élevés que ceux des matériaux moins vertueux ; les chiffres ont été rappelés par les précédents orateurs. Ferait-on payer davantage les bons élèves que les mauvais ?
À plusieurs reprises, les gouvernements successifs ont tenté de résoudre ce problème, mais, Mme la ministre l'a rappelé, le compte n'y est toujours pas. Ainsi, la REP PMCB est aujourd'hui très pénalisante pour la filière bois, le niveau de l'écocontribution étant perçu comme injuste.
La proposition de loi excluait, dans sa rédaction initiale qui comprenait un article unique, le bois de construction de la filière REP PMCB, dispensant ainsi ce matériau de toute contribution. Toutefois, une sortie pure et simple du bois du dispositif ne semble pas opportune, ni pour les collectivités territoriales ni pour l'économie circulaire en général.
En effet, exclure le bois affecterait le maillage des points de collecte et, plus largement, pénaliserait les finances locales, car le financement de la gestion des déchets de bois de construction relèverait alors des seules collectivités territoriales, chargées du service public de gestion des déchets.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable n'a donc pas retenu l'option de la sortie pure et simple du bois-construction de la filière REP PMCB ; elle a adopté à l'unanimité la proposition du rapporteur Bernard Pillefer consistant à inscrire dans la loi un mécanisme de juste répartition de l'effort financier au profit des matériaux les plus performants en matière d'économie circulaire, en visant particulièrement le bois de construction.
Elle a par ailleurs adopté deux autres amendements, tendant notamment à favoriser la lutte contre la fraude aux écocontributions. Ces propositions, motivées par un souci d'équité, vont dans le bon sens. Le groupe Union Centriste votera donc pour ce texte ainsi rééquilibré.
Il reste toutefois plusieurs points qui inquiètent les acteurs du secteur : le niveau de contribution fixé pour chaque type de matériau par les organismes agréés et le dispositif de reprise sans frais, à l'origine de bon nombre de maux rencontrés par la filière. Ces sujets ne sauraient être traités dans la présente proposition de loi, mais ils demeurent ouverts.
La commission a constitué en décembre 2024 une mission d'information sur le bilan de l'application de la loi Agec. Par ailleurs, après l'annonce par Mme la ministre de la mise en place d'un moratoire sur les mesures de la filière REP PMCB, l'administration conduit actuellement une vaste consultation des acteurs, afin de rétablir d'ici à l'été prochain un dispositif réglementaire visant à obtenir des améliorations sur les points que nous soulevons.
Nous espérons que cette étude aboutira et qu'elle permettra de corriger la distorsion de concurrence induite par la REP entre matériaux vertueux et matériaux non vertueux d'un point de vue environnemental. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions.)