Pour être précis, nous avons même la conviction que l'État doit concentrer ses forces et ses moyens sur les filières stratégiques et veiller à préserver les savoir-faire sur le territoire national.
Comme élu des Hauts-de-France, je souhaite donc saisir l'opportunité de ce débat pour aborder la question de l'industrie sidérurgique. Tout doit être mis en œuvre pour préserver la filière acier, au moment où le renforcement de notre défense nationale constitue un objectif et une responsabilité. C'est pourquoi l'État a un devoir de vigilance non seulement sociale, mais aussi environnementale et stratégique.
Le sidérurgiste ArcelorMittal a réaffirmé ce jeudi son intention d'investir dans la décarbonation à hauteur de 1,2 milliard d'euros via l'installation d'un premier four électrique, une formidable innovation. Dont acte, c'est une bonne nouvelle ! Pour autant, cette entreprise doit savoir que la préservation de la filière acier est un objectif national absolu.
Mes chers collègues, madame la ministre, les enjeux économiques à venir sont considérables et la France doit retrouver sa compétitivité et, surtout, sa capacité à créer de la richesse. C'est pourquoi le groupe UC considère qu'il n'est pas souhaitable d'alourdir la réglementation. Il votera donc contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Thierry Cozic, visant à limiter le recours aux licenciements économiques dans les entreprises de moins de 250 salariés qui distribuent des dividendes, opèrent des rachats d'actions, distribuent des stock-options ou des actions gratuites, voire réalisent des bénéfices, est une excellente chose.
Forvia, Auchan, Michelin, Nokia, Vencorex, Verallia, Valeo, comment pouvons-nous continuer à accepter que des groupes qui réalisent des bénéfices licencient des travailleurs en invoquant un motif économique ? Cette absurdité est le résultat de la politique de libéralisation du code du travail menée par les gouvernements successifs, en particulier depuis 2015.
Alors que les plans de suppression d'emplois se multiplient dans tous les secteurs, de l'automobile à la grande distribution, en passant par la chimie, la banque, l'agroalimentaire et la construction, le Gouvernement doit agir pour préserver l'emploi et nos industries.
Il s'agit non pas d'administrer l'économie comme j'ai pu l'entendre lors des travaux de la commission des affaires sociales, mais de moraliser le capitalisme et de protéger notre souveraineté.
Quand l'entreprise ArcelorMittal annonce la suppression de 600 emplois en France, alors que le groupe a versé 600 millions d'euros de dividendes l'an dernier et reçu pas moins de 364 millions d'euros d'aides publiques depuis 2013, nous sommes face à ce que notre ancien collègue député Alain Bocquet qualifie de « licenciements boursiers ».
Comme le rappelle fort justement le rapport de la commission, notre groupe avait proposé en 2011 d'interdire ces licenciements boursiers.
Les plans de licenciement décidés par des entreprises qui distribuent des dividendes aux actionnaires ne sont pas acceptables. Je pense aux travailleurs des usines de Dunkerque, de Fos-sur-Mer ou de Florange, qui se réveillent en apprenant leur licenciement. C'est un coup de massue terrible qui s'abat sur les salariés et leur famille. C'est un coup terrible pour nos territoires.
Ces femmes et ces hommes qui se trouvent confrontés à l'incertitude de retrouver un emploi et, du fait de la réduction de la durée de l'indemnisation du chômage par les gouvernements de M. Macron, dans la précarité financière ont un sentiment d'injustice. Ils sont en colère.
À chaque fois, c'est la même chose : les entreprises qui, dans nos territoires, sont gavées d'argent public – 2 200 dispositifs d'aides publiques existent – sans aucune transparence et sans que nous n'ayons jamais aucun chiffre nous demandent sans cesse des aménagements supplémentaires pour améliorer l'attractivité et les gains de productivité.
Lorsque les actionnaires estiment que le taux de rentabilité n'est plus suffisamment intéressant, les entreprises ferment tout du jour au lendemain, sans réparer les dégâts commis et, évidemment, sans rembourser les aides publiques qui leur ont été versées.
Dans le cadre des travaux de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, mon collègue Fabien Gay et son binôme Olivier Rietmann mesurent combien il est difficile d'extraire les entreprises de leur dépendance aux aides publiques. Nos collègues qui défendent l'économie devraient être favorables à l'arrêt des aides publiques aux entreprises, lesquelles nuisent à la libre concurrence et participent d'une forme d'administration de l'économie.
Pour notre part, nous sommes totalement favorables à l'article 2, qui prévoit le remboursement de l'ensemble des aides publiques versées lors des trois dernières années en cas de licenciement économique abusif. Les entreprises qui fraudent y réfléchiront peut-être à deux fois avant de lancer un plan de sauvegarde de l'emploi, si elles doivent rembourser le CICE et les allégements dégressifs de cotisations sociales qui leur ont été consentis.
En conclusion, le groupe CRCE-Kanaky votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de trop nombreuses années, les gouvernements tolèrent que des usines et de grandes entreprises, pourtant rentables, ferment ou accumulent les plans de licenciement, nommés, en langage orwellien, « plans de sauvegarde de l'emploi », alors même que ces établissements ont perçu de nombreuses aides publiques.
En novembre dernier, le ministre de l'industrie s'attendait à une multiplication des plans sociaux. De janvier à mars dernier, 18 000 procédures collectives ont été ouvertes, en hausse par rapport à la même période de l'an passé. À la fin du mois de février, le nombre de défaillances, en cumulé sur douze mois, dépassait 66 000. En ce qui concerne l'industrie, on comptabilisait l'année dernière 89 fermetures ou restructurations de sites industriels.
Toutes ces défaillances, tous ces plans sociaux sont dévastateurs pour l'emploi et les territoires concernés, ce qui conduit l'OFCE à prévoir que le taux de chômage pourrait atteindre 8,5 % à la fin de l'année 2026.
Cette hausse est de plus aggravée par la politique austéritaire du Gouvernement, puisque, selon le même organisme, les coupes budgétaires subies par la mission « Travail et emploi » entraîneront la destruction nette de 77 000 emplois sur un an en 2025, puis de 50 000 emplois en 2026.
Cette austérité budgétaire ne s'applique toutefois pas aux aides publiques aux entreprises qui, selon les études les plus officielles, sont passées de 10 milliards d'euros en 1979 à près de 160 milliards d'euros aujourd'hui, soit, après prise en compte de l'inflation cumulée, une multiplication par plus de quatre. Le tout sans contrepartie, sociale ou écologique, sans évaluation et avec guère de contrôles, au bénéfice d'entreprises qui se permettent parfois de ne pas respecter le peu d'engagements qui ont justifié l'octroi de ces aides.
ArcelorMittal a reçu 850 millions d'euros d'aides publiques pour la décarbonation de son site de Dunkerque – un projet qui n'a pas été mis en œuvre à ce jour –, auxquels s'ajoutent les 300 millions d'euros d'aides publiques perçues en 2023. Or, après avoir versé 433 millions d'euros de dividendes en 2024, l'entreprise annonce aujourd'hui la suppression de plus de 600 emplois.
La fermeture des sites Michelin de Cholet et Vannes concernera 1 200 salariés. L'entreprise a pourtant perçu 42 millions de CIR en 2023 et elle a versé un montant historique de 1,5 milliard d'euros en dividende et en rachat d'actions en 2024.
Le plan social déployé par Auchan en novembre dernier porte sur près de 2 400 emplois, alors que le groupe a bénéficié de 630 millions d'euros d'aides fiscales et de 1,3 milliard d'exonération de cotisations sociales en dix ans.
Le Gouvernement, qui répète inlassablement que l'État doit absolument couper dans les dépenses, refuse pourtant d'interroger l'usage et l'utilité de ces aides. Tandis que la Cour des comptes déplore que certaines aides fassent l'objet de peu de contrôles, de nombreuses études mettent en doute l'efficacité des dispositifs d'aide, du CICE au CIR, en passant par les exonérations de cotisations sociales qui, selon le Conseil d'analyse économique (CAE), n'ont aucun effet sur l'emploi ni sur la compétitivité dès lors qu'elles concernent des salaires supérieurs à 1,6 Smic.
Lorsqu'une personne ou un foyer reçoit des prestations versées à tort par la caisse d'allocations familiales (CAF), elle doit les rembourser.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Raymonde Poncet Monge. Lorsqu'un allocataire du revenu de solidarité active (RSA) ne respecte pas les nouveaux engagements de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, dite loi Plein Emploi, son allocation peut être suspendue, voire supprimée.
Qu'en est-il des aides aux grandes entreprises ? Quelles contreparties, quelles sanctions, quelles évaluations ? Ne sont-elles que des instruments au service de l'exigence de rentabilité de leurs actionnaires ?
Ce « deux poids, deux mesures » devant la dépense publique doit cesser. Le groupe GEST remercie l'auteur de cette proposition de loi et le groupe socialiste qui la soutient. Il votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Simon Uzenat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue Thierry Cozic, soutenue par le groupe socialiste, vise à écrire un nouveau chapitre de la responsabilisation sociale de l'économie, en limitant la possibilité, pour les entreprises de plus de 249 salariés qui se livrent à des stratégies financières prédatrices au bénéfice de leurs actionnaires, de recourir aux licenciements économiques.
Madame la ministre, il s'agit non pas de traiter les conséquences de ces licenciements, ce qui serait une preuve d'impuissance, mais bien d'éviter ces drames sociaux et humains.
Pour ce qui nous concerne, nous n'avons de problème ni avec l'économie ni avec la rentabilité. Nous l'avons du reste montré à de très nombreuses reprises. Mais les Françaises et les Français, les organisations syndicales et les patrons des TPE et des PME de notre pays nous attendent.
Les PSE sont parfois utilisés pour augmenter les dividendes au bénéfice des actionnaires. La situation des dirigeants de PME est bien différente, puisque, lorsque leur entreprise rencontre des difficultés, ils sont les premiers à faire des efforts pour protéger leurs salariés.
Ces PSE sont l'archétype d'une socialisation des pertes conjuguée à une privatisation des profits. En sus des aides publiques octroyées aux entreprises qui licencient, aides qui sont consenties au prix d'un endettement public supporté en particulier par les plus modestes de nos concitoyens, l'État et les collectivités locales, elles aussi mobilisées, assument l'accompagnement social des salariés qui sont victimes de ces plans. Tout cela, c'est de l'argent public.
Une fois n'est pas coutume, je citerai Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, qui, devant la commission d'enquête sur les aides publiques, a déclaré que les aides publiques étaient « l'argent de l'État, l'argent des Français ». Nous sommes parfaitement d'accord avec lui, et c'est l'une des raisons d'être de cette proposition de loi.
Je ne reviendrai pas sur la litanie des plans sociaux et des décisions de restructuration, plus choquants les uns que les autres – Sanofi, Auchan, ArcelorMittal, etc. Je m'arrêterai sur le cas de Michelin, parce que dans le département dont je suis élu, le Morbihan, nous avons vécu un drame avec le site de Vannes, qui, comme celui de Cholet, était un site rentable.
À Vannes, la diversification annoncée a été engagée bien trop tardivement, preuve que les dirigeants de Michelin ne souhaitaient pas donner un avenir à ce site. Quelque 1,4 milliard d'euros de dividendes et de rachats d'actions ont pourtant été versés aux actionnaires en 2024, année au cours de laquelle 1 254 emplois étaient supprimés d'un trait de plume.
Entre 2019 et 2024, le dividende par action de Michelin a augmenté de 46 %, et à nouveau de 2,2 % en 2025. Or ces hausses sont notamment la conséquence de décisions que nous ne pouvons en aucun cas cautionner, car, pour les salariés, cette course sans fin au profit se solde par la fin de la course. En tant que législateurs, nous ne pouvons pas laisser faire.
Les inégalités explosent, l'emploi industriel trinque et notre souveraineté en paie le prix. Vous avez rappelé les chiffres, madame la ministre : le nombre de plans de sauvegarde de l'emploi a augmenté de 30 % entre 2023 et 2024, pour concerner 77 000 salariés en 2025, soit une hausse de 40 % par rapport à 2023.
Or, quand vous ne parlez que de contrats, madame la ministre, nous parlons pour notre part d'êtres humains, qui ne sont pas interchangeables. Ces licenciements sont autant de drames, que, contrairement à ce que vous semblez penser, les créations d'emplois ne résolvent en rien, car les « plus » n'annulent pas les « moins ». Cela ne fonctionne pas ainsi.
La réalité, madame la ministre, c'est que l'industrie manufacturière est de très loin le secteur le plus touché. Or ce secteur – je me tourne vers nos collègues de la droite sénatoriale, qui se font les chantres de l'opposition à l'assistanat – profite de mesures d'assistanat emblématiques, mais celles-ci sont en faveur des actionnaires. J'espère que les arguments qu'avec mon collègue Thierry Cozic nous avons développés ce soir vous conduiront à prendre la bonne décision.
Nous proposons en effet de limiter cet assistanat, pour le coup tout à fait scandaleux, en limitant les licenciements économiques pour les entreprises de plus de 249 salariés. Dans le système actuel – les Français l'ont bien compris –, pile, les actionnaires gagnent, et face, les salariés perdent. Les actionnaires sont toujours gagnants, que ce soit au grattage ou au tirage, et la cohésion de notre pays en pâtit.
Au-delà de son objet, cette proposition de loi est un levier très concret pour rétablir la confiance entre nos concitoyens et leurs élus, entre nos concitoyens et les dirigeants des entreprises. Oui, comme nous, les Françaises et les Français comprennent les difficultés économiques que peuvent traverser nos entreprises et les décisions douloureuses, tragiques, que ces difficultés peuvent emporter. S'ils les comprennent, ils n'acceptent pas pour autant les dérives de la financiarisation de l'économie, et ils ont en cela parfaitement raison, parce que ces dérives consument des vies, des compétences, des territoires. Nous ne pouvons pas l'accepter, en particulier ici, au Sénat.
Oscar Wilde disait que « la fatalité veut que l'on prenne toujours les bonnes résolutions trop tard ». Madame la ministre, mes chers collègues, je vous invite, car c'est l'honneur de l'action politique, à réagir à temps. Telle est la raison pour laquelle nous soutenons avec conviction et détermination la proposition de loi de notre collègue Thierry Cozic, que je remercie une nouvelle fois de son initiative, laquelle, je l'espère, trouvera une issue favorable ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Michel Masset applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Brault.
M. Jean-Luc Brault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est un vaste sujet que celui dont nous débattons. Dirigeant d'une PME dans le Loir-et-Cher, Climatelec, qui pèse aujourd'hui 80 millions d'euros, j'ai préféré, au grand dam de mes enfants, vendre ma boutique pour ne pas prendre le risque d'avoir à licencier.
Le licenciement est en effet un véritable problème. De manière générale, diriger une entreprise est un combat de tous les jours. Il faut trouver des clients, il faut produire, il faut vendre et il faut se faire payer. Mais, avant même tout cela, que l'entreprise compte dix, cent ou mille salariés, le chef d'entreprise doit rémunérer ses salariés, investir pour projeter son entreprise dans le futur et, parfois, rémunérer ses actionnaires pour s'assurer de la pérennité de leur investissement. Rémunération, production et investissement sont donc les challenges de tous les jours du chef d'entreprise.
Je tiens à dire que les entreprises de notre pays nous rendent fiers et que leurs dirigeants sont des acteurs essentiels de notre économie.
N'en déplaise aux dirigistes de tous bords, qui rêvent de voir les entreprises gérées par l'État, sans ces chefs d'entreprise, il n'y aurait pas de richesse dans nos communes, nos départements et nos régions. Telle est la réalité, car l'État est incapable de gérer une entreprise. Qu'il apprenne déjà à gérer nos finances !
Je conviens que certaines aides publiques qui n'auraient pas dû être versées devraient sans doute être remboursées. Mais interdire de licencier aux entreprises qui auraient reçu des aides, des allégements de cotisations sociales ou des crédits d'impôt recherche n'est pas une solution. On ne peut pas considérer que ces aides emportent nécessairement l'interdiction de licencier.
Ces dispositifs existent pour des raisons précises. Le taux de charges sociales est beaucoup trop élevé dans notre pays par rapport à nos voisins, ce qui justifie l'existence des allégements de cotisations et du crédit d'impôt pour la compétitivité de l'emploi. De même, les impôts qui pèsent sur nos entreprises étant trop élevés, les dispositifs comme le crédit d'impôt recherche visent à leur permettre d'investir dans l'innovation.
Sans doute les grandes entreprises nationales qui bénéficient de ces aides devraient-elles restituer, peut-être pas en totalité, mais en grande partie, les aides qu'elles ont perçues dès lors qu'elles licencient. Il reste que ces dispositifs sont utiles pour les entreprises, à plus forte raison pour celles qui connaissent des difficultés économiques.
J'ajoute que les licenciements économiques sont particulièrement encadrés par le code du travail. Gare aux oreilles du patron qui ne respecterait pas ce code ! Le caractère réel et sérieux du motif économique est vérifié par l'administration, et il peut être contesté devant les tribunaux. Le licenciement économique peut même être annulé par la justice, si le chef d'entreprise ne respecte pas le cadre fixé par le code du travail.
Chers amis socialistes, je souhaite enfin évoquer la finalité de votre proposition de loi. Si elle était adoptée, l'interdiction que vous proposez ne sauverait pas nécessairement les emplois concernés.
M. Thierry Cozic. Il ne s'agit pas d'interdire !
M. Jean-Luc Brault. Dès lors qu'une entreprise va mal, elle doit faire des économies de fonctionnement. Dès lors que les conditions de mauvaise santé économique sont réunies pour mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi, il serait contre-productif d'imposer à l'entreprise de garder les salariés concernés, alors qu'elle doit au contraire se restructurer afin de réduire ses charges. Pire, cette interdiction pourrait rapidement entraîner davantage de licenciements, voire la disparition de l'entreprise.
Un chef d'entreprise ne licencie jamais avec plaisir, mais les licenciements sont parfois nécessaires – hélas ! – pour réduire la masse salariale de l'entreprise et sauver les emplois qui restent.
Nous pensons que ce débat n'est pas inutile, mais nous nous opposons à l'administration de l'économie que vous proposez. Chers collègues socialistes, pour aboutir à votre objectif, il y a plus efficace que d'interdire les licenciements en cas de difficultés économiques : il suffit tout simplement d'interdire les difficultés économiques des entreprises. (Sourires.) Simplifions les choses et, ensemble, remettons notre pays en marche ! (Nouveaux sourires.)
Vous l'aurez compris, le groupe Les Indépendants s'opposera à l'adoption de cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous penchons aujourd'hui sur une proposition de loi de nos collègues socialistes visant à limiter le recours aux licenciements économiques dans les entreprises d'au moins 250 salariés. Ce sujet important mérite débat.
Nous partageons votre constat sur la désindustrialisation de la France. Entre 1980 et aujourd'hui, 50 000 emplois ont été détruits chaque année dans nos usines. Dans tous nos territoires, nous déplorons des fermetures de sites, des délocalisations, des pertes d'emplois, des familles frappées par le chômage. Quelle que soit notre sensibilité politique, nous nous battons, à chaque fois, pour aider à sauver le maximum d'emplois.
Si nous partageons le constat, nous divergeons profondément sur les solutions à mettre en place pour réindustrialiser la France. En proposant dans votre texte de nouvelles mesures très coercitives pour les entreprises, vous nous offrez une nouvelle illustration de votre vision erronée du monde dans lequel nous vivons.
Vous souhaitez tout d'abord interdire aux entreprises de recourir aux licenciements économiques, lorsqu'elles réalisent des profits ou distribuent des dividendes.
Les licenciements et les restructurations font partie – hélas ! – de la vie économique d'une entreprise, d'un territoire, d'un pays. En France, nos entreprises ne licencient pas par plaisir, facilité ou complaisance. Elles licencient lorsqu'elles y sont contraintes, soit parce qu'elles sont en situation de crise, soit parce qu'elles anticipent des évolutions et cherchent à préserver leur compétitivité.
Telle est la réalité de l'économie mondiale. Elle impose une adaptation continue de l'offre à la demande. Elle commande un progrès permanent en matière de productivité. Elle sanctionne toujours l'inadaptation des savoir-faire. Si la décision de licencier est toujours douloureuse, elle est parfois le dernier recours pour préserver l'entreprise et assurer le maintien des emplois.
Une entreprise peut certes vivre plusieurs siècles, mais aucune n'est éternelle. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, si une entreprise ne s'adapte pas, elle est condamnée à disparaître. Nous touchons là au cœur de ce qui nous sépare des derniers partisans de l'économie dirigée qui, par leurs idées fausses et dangereuses, dénaturent le débat sur les règles de licenciement en France.
Non, on ne protégera pas l'emploi en France en accumulant les obstacles et les procédures pour tenter de dissuader les entreprises de licencier. On ne protégera pas l'emploi en France en agitant l'épouvantail des licenciements boursiers pour stigmatiser l'ensemble des entreprises et leurs responsables qui se battent pour en assurer la pérennité et la compétitivité.
Vous voulez interdire aux entreprises de licencier dès lors qu'au cours du dernier exercice comptable de l'année écoulée, elles ont distribué des dividendes.
Permettez-moi de faire un peu de pédagogie, mes chers collègues. Les dividendes servent à rémunérer une prise de risque, lequel peut être pris par de petits actionnaires ou par des retraités qui veulent mettre de l'argent de côté et diversifier leur épargne. En quoi est-ce blâmable ? Ces actionnaires pourraient choisir d'autres placements, sans emploi à la clé.
Je suis certaine que vous-même, mes chers collègues, vous placez ou avez déjà placé une partie de vos économies, par exemple à la Caisse d'épargne, sur un livret A ou sur un autre compte épargne et que vous attendez un revenu de ce placement. Eh bien, on peut assimiler ce revenu à un dividende ! Quant aux grands investisseurs, réjouissons-nous qu'ils veuillent encore investir en France.
Votre proposition de loi est un nouveau repoussoir à la création d'activité et à l'implantation d'entreprises dans notre pays.
Vous proposez d'ailleurs d'interdire les licenciements aux entreprises qui ont bénéficié dans l'année du crédit d'impôt recherche. Vous allez même jusqu'à sanctionner l'employeur qui aurait procédé à un licenciement économique en le privant pendant trois ans de certaines aides publiques, dont ce crédit d'impôt recherche.
C'est d'abord oublier un peu vite que la finalité du crédit d'impôt recherche n'est pas de maintenir l'emploi, mais de soutenir l'effort de recherche et développement. C'est oublier ensuite que les allégements de charges sociales sont indispensables dans notre pays, et ce, afin d'atténuer la fiscalité sur le travail, qui demeure trop élevée.
Je ne résiste pas à l'envie de vous rappeler qu'en 2012 l'arrivée de François Hollande au pouvoir s'était aussitôt traduite par un matraquage fiscal sans précédent, à hauteur de 50 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires sur l'activité économique. Le CICE avait alors été mis en place dans la foulée pour adoucir cette bombe fiscale.
Il s'agit d'un énième exemple typique de notre mal français : on crée des impôts et des taxes à un niveau extrêmement élevé, puis on décide d'en atténuer les effets par des dispositifs qui emportent de la complexité et que la gauche utilise pour jeter l'opprobre sur les entreprises. Vous vous plaignez d'un mal dont vous chérissez les causes.
Aujourd'hui, comme hier, vous vous trompez de combat. Vous défendez une vision punitive de l'entreprise, au détriment d'une politique ambitieuse en faveur de l'emploi et de la réindustrialisation. Alors que nos voisins encouragent l'investissement, vous préférez la sanction. Au lieu de créer un cadre stable et incitatif pour accompagner les entreprises dans leur évolution, vous les dissuadez d'investir en France. Au lieu de traiter les causes profondes de la désindustrialisation, vous risquez d'en accélérer le processus.
De l'analyse des critères que vous proposez, notamment le critère relatif aux allégements de cotisations, qui concerne en réalité toutes les entreprises de plus de 249 salariés, je déduis qu'aucune entreprise de cette taille ne pourrait plus licencier. Il faut au contraire raisonner au cas par cas, chaque situation d'entreprise étant différente.
Rien ne nous interdit, en revanche, de réfléchir à une amélioration des contrôles. Quand une entreprise ne respecte pas ses engagements, il est normal qu'elle rembourse les aides publiques. Le code du travail encadre déjà strictement le licenciement économique et, si ce dernier n'est pas justifié, le juge peut l'annuler.
Depuis quelques semaines, une commission d'enquête sénatoriale présidée par Olivier Rietmann travaille justement sur ces aides versées aux grandes entreprises. Attendons les conclusions de notre collègue rapporteur Fabien Gay avant d'envisager les évolutions qui, le cas échéant, nous paraîtront utiles.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous croyons à la liberté, nous croyons à un État qui encourage et accompagne, nous ne croyons pas à un État qui contraint.
Assumer la réalité de l'économie de marché est un impératif pour lutter efficacement contre ses conséquences les plus inacceptables. Fort de cette lucidité, on peut anticiper les conséquences sociales des restructurations, s'efforcer de prévenir les risques d'exclusion des catégories de salariés les plus vulnérables, lutter contre les effets des restructurations sur les bassins d'emplois les plus touchés et engager une véritable politique de réindustrialisation de notre pays.
Comme vous le savez, les élus se mobilisent partout pour sauver des emplois. Je rappelle toutefois régulièrement aux représentants du personnel que je rencontre qu'il ne sert souvent à rien de venir vers nous lorsque leur entreprise n'investit plus depuis deux ou trois ans. L'arrêt des investissements est souvent le premier signe de difficultés.
Pour améliorer la situation, les solutions sont bien connues – elles sont portées avec constance par notre groupe parlementaire – : baisser le coût du travail, qui, dans notre pays, reste parmi les plus élevés d'Europe ; stopper les surtranspositions de normes européennes qui pénalisent nos entreprises ; accélérer le programme sur le nucléaire pour baisser le coût de l'énergie ; faire de la préférence européenne le principe directeur de nos achats publics ; encourager davantage la recherche et l'innovation pour anticiper les ruptures technologiques de demain.
Telle est la seule boussole qui devrait nous guider pour que la France redevienne un grand pays industriel et retrouve le plein emploi.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise vise à limiter le recours aux licenciements économiques dans les entreprises de plus de 249 salariés.
L'intention est affichée : lutter contre les licenciements jugés abusifs, en conditionnant le recours à cette procédure au comportement financier des grandes entreprises et en restreignant l'accès de ces dernières aux aides publiques.
Si cette intention peut paraître légitime à première vue, notamment dans un contexte de tension sociale et de vigilance sur l'usage des deniers publics, la proposition de loi qui nous est présentée soulève de nombreuses réserves.
Premièrement, ce texte repose sur une conception excessivement rigide du fonctionnement économique des entreprises. Il établit un lien de causalité direct et systématique entre performance financière et interdiction de licencier. Concrètement, une entreprise qui distribuerait des dividendes, procéderait à un rachat d'actions ou dégagerait un résultat positif se verrait interdire le licenciement économique.
Or une entreprise peut être contrainte à une restructuration dans un de ses secteurs d'activité, tout en conservant une performance globale réelle. Elle peut chercher à préserver sa compétitivité, anticiper un retournement de marché ou se réorganiser pour continuer à produire et à investir. De telles décisions ne sont pas abusives : elles relèvent d'une gestion stratégique responsable dans un environnement incertain.
La logique de cette proposition de loi revient donc à faire primer l'apparence comptable sur l'analyse réelle des enjeux économiques. Ce faisant, ce texte contraint dangereusement la capacité d'adaptation des entreprises au risque de provoquer in fine des destructions d'emplois plus nombreuses encore.
Deuxièmement, les dispositifs proposés remettent en cause des principes fondamentaux du droit du travail et du droit fiscal, en instaurant des sanctions automatiques, sans appréciation au cas par cas. L'article 2, en particulier, prévoit la suppression des aides publiques – crédit d'impôt recherche, exonérations de cotisations – pour les entreprises dont un licenciement économique serait jugé abusif. Il ouvre aussi la voie au remboursement rétroactif de ces aides.
Nous comprenons la volonté de conditionner les aides publiques à des contreparties sociales. C'est un sujet légitime, sur lequel le Parlement travaille et continuera de travailler. Mais une telle mesure, formulée de manière aussi automatique et sans évaluation fine, serait juridiquement instable et économiquement dissuasive.