M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. La France sera très vigilante sur les conditions de prix. Nous serons aux côtés de la ministre de l’agriculture pour veiller à ce que les agriculteurs ne soient pas pénalisés par ces dispositions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.

Mme Kristina Pluchet. Le bon sens aurait voulu que l’Europe soit souveraine en matière de production d’engrais avant d’envisager de couper le robinet russe ! Cependant, il n’en est rien.

J’y insiste, il nous faut des garanties rapidement, comme celle d’une levée des taxes douanières et anti-dumping sur les importations d’engrais provenant d’autres régions du monde, afin de maintenir un approvisionnement compétitif de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

lutte contre l’immigration illégale dans les alpes

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, ma question porte sur les moyens affectés à la lutte contre l’immigration illégale, tout particulièrement à la frontière italienne dans le département des Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre.

En effet, ce col, situé entre 1 800 et 1 900 mètres d’altitude, est devenu en 2015 le premier point d’entrée terrestre de flux illégaux de migrants en France. On constate ainsi une augmentation de plus de 130 % du nombre des passages entre 2024 et 2025. Face à ces afflux et compte tenu des conditions géographiques et climatiques du col, la police aux frontières est, tout bonnement, dépassée.

Premièrement, la charge de travail ayant quadruplé, le manque de personnel se fait durement ressentir, avec un nombre insuffisant d’officiers de police judiciaire.

Deuxièmement, les locaux sont inadaptés, tant à un accueil digne pour les migrants qu’à des conditions de travail décentes pour les fonctionnaires de police. Je rappelle que les rétentions administratives s’opèrent dans des Algeco situés à plus de 2 000 mètres d’altitude.

Troisièmement, il existe un flou juridique concernant le traitement des étrangers en situation irrégulière depuis que la Cour de justice de l’Union européenne a estimé, dans un arrêt du 21 septembre 2023, que la France ne pouvait pas procéder au refoulement de personnes migrantes entrées illégalement sans que ces dernières aient bénéficié d’un délai au cours duquel elles peuvent quitter volontairement le territoire.

Monsieur le ministre, ma question est simple. Le Gouvernement compte-t-il déployer des moyens durables pour faire face à cette situation, qui n’est pas sans conséquence sur la sécurité du territoire national dans son ensemble ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Lauriane Josende applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, nous sommes parvenus à verrouiller la frontière entre les Alpes-Maritimes et l’Italie. Ainsi, désormais, le flux d’Érythréens passe en Italie, par Lampedusa, puis par le col de Montgenèvre, donc par les Hautes-Alpes. En effet, 90 % des mineurs non accompagnés qui ont été interceptés proviennent de l’Érythrée.

Qu’allons-nous faire ? Tout d’abord, protéger la frontière. Vous savez que, contrairement à beaucoup d’autres pays, nous n’avons pas de corps unifié de gardes-frontières.

Nous avons donc constitué un corps diversifié, comprenant les gendarmes, la police aux frontières, la douane, bien sûr, et l’armée, au travers de l’opération Sentinelle, pour mieux garder les frontières. J’ai également décidé de dépêcher une compagnie républicaine de sécurité (CRS) pour renforcer ces effectifs. Ces derniers seront également complétés par des officiers de police judiciaire et bénéficieront de bâtiments modulaires supplémentaires. C’est fondamental.

Je mentionne, par ailleurs, l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), qui traque les filières dans ce domaine. Ainsi, l’an dernier, nous avons pu démanteler 269 d’entre elles, qui comprennent de véritables trafiquants d’êtres humains. Nous renforcerons cette dimension de notre action.

Vous m’interrogez sur la question juridique, monsieur le sénateur, notamment la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne de septembre 2023, dite ADDE, du nom de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers. Elle nous complique énormément le travail, comme vous le savez.

Avec l’Italie, nous avons obtenu des résultats, notamment dans les Alpes-Maritimes. Nous avons, avec des patrouilles mixtes, la possibilité d’avoir une procédure simplifiée. Il faut faire de même dans votre département des Hautes-Alpes, qui comprend, certes, moins de policiers.

Surtout, la révision de la directive Retour est absolument fondamentale. Aujourd’hui, je tends plutôt à l’appeler directive Antiretour, puisqu’elle donne aux clandestins le choix de rester en leur accordant un délai de départ volontaire… Autant dire que cela ne peut pas fonctionner. L’idée est d’inverser la logique. C’est ce que la Commission européenne a proposé il y a quelques semaines. Voilà qui va tout changer.

Croyez-moi, monsieur le sénateur, nous sommes totalement mobilisés pour garder la frontière entre votre département et l’Italie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Marc Ruel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Vous ne m’avez pas répondu sur la question des locaux, monsieur le ministre d’État. Il s’agit d’un élément important pour la dignité des personnes migrantes, mais aussi, et surtout, pour le travail des policiers. En effet, le centre de rétention administrative (CRA) le plus proche se trouve à plus de deux heures de route. Vous comprenez aisément les conséquences que cela peut entraîner dans les deux domaines que j’ai mentionnés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 28 mai 2025, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)

PRÉSIDENCE DE Mme anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date du 20 mai 2025, M. Claude Raynal, président de la commission des finances, a demandé l’inscription à l’ordre du jour de la semaine d’initiative sénatoriale de la proposition de loi visant à garantir une solution d’assurance à l’ensemble des collectivités territoriales.

Nous pourrions inscrire ce texte en dernier point de l’ordre du jour du mercredi 11 juin 2025, ouvrir la nuit et prévoir la suite de l’examen de ce texte le jeudi 12 juin, à l’issue des espaces réservés et le soir.

Nous pourrions fixer au mardi 10 juin, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance et, à quinze heures, le délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

3

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, prises pour son application, la commission des lois a émis un avis favorable, à vingt-deux voix pour et zéro voix contre, à la nomination de M. Alain Espinasse aux fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu’habitation en habitations est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du Traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti
Article unique (début)

Traité de coopération en matière de défense avec Djibouti

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (projet n° 491, texte de la commission n° 620, rapport n° 619).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de présenter aujourd’hui devant vous le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti, signé à Paris le 24 juillet 2024.

La France et Djibouti ont noué, au fil des années, un partenariat privilégié, fondé sur une confiance mutuelle et une coopération déployée dans de nombreux domaines. Ce partenariat a été réaffirmé à l’occasion du deuxième déplacement du Président de la République à Djibouti, en décembre dernier.

Le présent traité matérialise la convergence des intérêts stratégiques français et djiboutiens en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.

La présence militaire française à Djibouti est stratégique en ce qu’elle contribue à la sécurisation de la mer Rouge, par laquelle transite 30 % du trafic mondial. Cette route commerciale est, rappelons-le, vitale pour l’approvisionnement de l’Europe.

La base militaire française participe, en outre, à l’autonomie stratégique de notre pays, en facilitant la projection de forces vers l’Indo-Pacifique et les territoires français d’outre-mer situés dans l’océan Indien.

En cas de crise, l’emprise française permet d’assurer des opérations de grande envergure. En témoigne l’évacuation de plus de 1 000 personnes dans le cadre de l’opération Sagittaire, survenue à la suite des affrontements armés au Soudan, en avril 2023. Notre base militaire à Djibouti permet aussi aux 1 500 soldats qui y sont stationnés de poursuivre plus facilement leurs entraînements sur le territoire djiboutien.

Djibouti est également le seul pays au monde où l’on trouve, au même endroit, une base militaire chinoise et une base militaire américaine. Des détachements des forces japonaises et italiennes y sont également présents.

C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de loi dont nous vous demandons d’autoriser la ratification, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ce traité, en négociation depuis mai 2023, remplace le précédent accord en vigueur depuis 2014. Pour l’essentiel, il conforte la situation existante en apportant des garanties supplémentaires aux deux parties, notamment grâce à l’allongement de dix ans à vingt ans de la durée des stipulations.

Le traité se distingue par le maintien d’une clause de sécurité en vertu de laquelle la France s’engage à contribuer, selon les moyens qu’elle juge appropriés, à la défense de l’intégrité territoriale de Djibouti.

La France est la seule puissance, parmi les cinq qui disposent de forces prépositionnées à Djibouti, à assumer une mission de défense au profit de ce pays.

Par ailleurs, ce traité conforte notre relation bilatérale de défense dans les domaines opérationnels et stratégiques et réaffirme l’approche partenariale de la France au travers d’une coopération renforcée avec les forces armées djiboutiennes.

Cette coopération prend diverses formes : mise en place de formations, entraînement des forces djiboutiennes aux opérations de maintien de la paix et accueil des soldats au sein d’écoles ou d’unités militaires françaises.

Le traité prévoit une augmentation de la contribution financière versée à Djibouti, qui n’avait jamais été réévaluée depuis près de vingt-cinq ans.

Ce nouveau traité, qui conforte notre position comme principal partenaire de défense de Djibouti, est avantageux pour tous, dans un contexte de compétition géostratégique accrue.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations que le Gouvernement souhaitait formuler devant vous. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains. – Mme Hélène Conway-Mouret applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Cédric Perrin, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de défense qui a été signé par la France et Djibouti, le 24 juillet dernier, est d’une importance toute particulière pour notre pays.

Il s’inscrit dans un contexte qui nous est globalement défavorable en Afrique. Après la fin de l’opération Barkhane et le retrait de nos forces armées du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad, entre 2022 et 2024, la présence des bases militaires françaises dans les pays du golfe de Guinée a été remise en cause. L’effectif de nos soldats a été drastiquement réduit en Côte d’Ivoire et au Gabon. Ce mouvement a aussi touché le Sénégal.

Cette dégradation rapide est en partie due à la pression des opinions publiques des pays concernés, mais aussi aux agissements de la Russie, qui a ouvert un nouveau front dans sa guerre hybride contre l’Occident, maniant la désinformation et la propagande avec l’habileté que l’on sait.

En conséquence du retrait de nos forces armées, il sera désormais impossible pour la France, du moins dans un délai aussi bref qu’auparavant, de déclencher, par exemple, une évacuation de ressortissants de grande ampleur en Afrique de l’Ouest.

Ce genre d’opération restera toutefois possible depuis Djibouti grâce au présent traité, à l’image du rôle essentiel que la base française a joué dans l’opération Sagittaire, en avril 2023.

Cette importance stratégique, Djibouti la doit d’abord à une situation géographique exceptionnelle, en face d’un détroit de Bab el-Mandeb qui voit passer 12 % du commerce mondial, plus de 6 millions de barils de pétrole par jour et 30 % du trafic mondial des conteneurs.

Elle la doit aussi, actuellement, à sa proximité avec une zone de crise, celle qui a été déclenchée par l’offensive des Houthis au lendemain du massacre du 7 octobre 2023. Cette offensive par drones et missiles balistiques, dirigée contre le territoire israélien et des navires passant par le détroit, a fait baisser le trafic de 40 %. Elle a aussi conduit à deux opérations qui ont été menées, d’une part, par les États-Unis et une coalition de dix pays, et, d’autre part, par l’Union européenne.

En raison de sa situation géographique privilégiée, Djibouti est devenu un hub pour les opérations militaires, humanitaires et de renseignement dans la Corne de l’Afrique, la péninsule arabique et l’océan Indien. De ce fait, c’est le seul pays au monde à accueillir simultanément des bases militaires permanentes de plusieurs grandes puissances : la France, les États-Unis, le Japon, l’Arabie saoudite et, bien sûr, la Chine.

Ce nouveau traité s’inscrit dans une relation franco-djiboutienne ancienne et dense. Djibouti est devenu indépendant de la France le 27 juin 1977. Jusqu’au milieu des années 2010, les relations bilatérales se sont un peu refroidies, notamment en raison de la réduction du nombre des militaires français et de la participation moindre de la France aux grands projets de développement du pays.

Cependant, face à la montée en puissance de la Chine, pourvoyeuse d’infrastructures et première détentrice d’une dette qui devient difficilement soutenable, les autorités djiboutiennes cherchent désormais à rééquilibrer leurs relations extérieures. Elles manifestent ainsi une volonté renouvelée de rapprochement avec notre pays. De nombreuses visites présidentielles et ministérielles ont permis de réaffirmer la solidité de ce partenariat.

Au-delà de la dimension politique, les relations franco-djiboutiennes sont également denses dans les domaines de l’économie, du commerce, de l’investissement solidaire et de la culture, ainsi que, depuis peu de temps, dans le domaine spatial.

J’ajouterai quelques mots sur le format de la base française. Ses effectifs ont progressivement baissé, passant d’environ 5 600 soldats en 1977 à environ 1 500 aujourd’hui. Le dispositif a été fortement réduit en 2011, avec le départ de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère et la réduction de l’aviation de combat, passée de dix à quatre Mirages. Les équipements de l’armée française actuellement déployés à Djibouti restent toutefois assez importants.

Nous nous félicitons des quelques évolutions qui devraient intervenir dans les années à venir, comme le passage aux véhicules du programme Scorpion, le remplacement des hélicoptères, l’éventuelle arrivée des Rafales et la rénovation de plusieurs infrastructures aériennes et navales. Une légère remontée des effectifs devrait accompagner la mise en place de ces nouveaux moyens.

J’en viens au contenu du traité en matière de défense. Il se caractérise par une grande continuité avec le précédent. Ainsi, la clause de sécurité non automatique, prévue à l’article 4, est logiquement maintenue.

Cet article revêt une importance particulière en ce qu’il détaille les engagements de la République française à l’égard de Djibouti en matière de défense et d’intégrité territoriale.

La présence militaire française à Djibouti a ainsi une double finalité : fournir un point d’appui aux forces françaises projetées vers la zone indo-pacifique et contribuer à la sécurité de Djibouti. Ce pays craint notamment des incursions érythréennes, comme celle qui a eu lieu en 2008, ainsi que des attentats menés par des djihadistes infiltrés depuis la Somalie ou le Yémen, les Shebab ayant appelé à frapper les intérêts français et américains. L’instabilité de l’Éthiopie constitue également une menace forte pour le pays.

Dans ce contexte, la clause de sécurité est, pour Djibouti, un élément essentiel de notre partenariat. Elle a également un caractère dimensionnant pour notre présence, justifiant une empreinte importante en matière de personnel et de matériel.

L’un des aspects remarquables de cette clause de sécurité est reflété par la mention selon laquelle « la partie française participe avec la partie djiboutienne à la police de l’espace aérien djiboutien et à la coordination du trafic aérien militaire ». Il s’agit pour les forces françaises d’une prérogative importante, qui témoigne de l’entente approfondie entre les deux pays.

Par ailleurs, nous pouvons nous féliciter du fait que le nouveau traité prévoie une coopération fluidifiée. Ainsi, « les forces françaises stationnées organisent les exercices et manœuvres nécessaires à leur entraînement après notification auprès des autorités djiboutiennes compétentes ». Cette évolution facilitera les activités menées par les forces françaises stationnées à Djibouti, dans la mesure où le précédent traité prévoyait un accord préalable.

L’article 8 prévoit en outre la création d’un nouveau comité militaire de dialogue stratégique. L’objectif est d’accompagner de manière plus suivie la transformation, à l’horizon de 2030, des forces armées djiboutiennes en une armée d’emploi, apte à s’engager dans la lutte contre les groupes terroristes et les menaces maritimes.

Enfin, le nouveau traité prévoit la restitution par la France de 40 % de la superficie de l’îlot du Héron. Sur le plan symbolique, cette restitution permet de répondre à une demande forte des autorités djiboutiennes. Cette façade maritime, située dans un quartier convoité de la ville de Djibouti, pourra en effet être exploitée dans le cadre d’une activité commerciale.

Cette restitution n’aura pas d’impact opérationnel majeur, car la partie rétrocédée accueille principalement des logements qui seront relocalisés et en partie remplacés par des prises à bail. Toutefois, il conviendra non seulement de bien préserver les ateliers de la base et les cales de mise à l’eau, mais aussi de réaliser les travaux nécessaires à la réorganisation de l’enceinte.

Enfin, la contribution financière de la France s’élève désormais à 85 millions d’euros par an, contre 30 millions d’euros auparavant. Rappelons qu’elle n’avait pas été réévaluée depuis 2003. Or la concurrence qui s’est accrue à Djibouti au cours des vingt dernières années, avec l’installation d’autres bases, a justifié une évolution.

En tout état de cause, il faut se féliciter que le principe d’une contribution forfaitaire libératoire de tout impôt, taxe, droit de douane ou autre prélèvement a été préservé, d’autant que le traité est signé pour une durée de vingt ans, contre seulement dix ans pour le traité conclu en 2011.

Au total, ce nouveau traité présente l’ensemble des garanties requises pour assurer la pérennité de la base française à Djibouti au cours des vingt prochaines années.

Cette base constitue pour nos armées un point d’appui de premier ordre en bordure de la région indo-pacifique et un outil de projection opérationnelle sans égal. Par ailleurs, elle envoie un signal permanent à nos nombreux concurrents stratégiques.

La coopération militaire dont elle constitue le support prend place dans une relation bilatérale ancienne et profonde, qui, en retour, lui confère son atmosphère de confiance mutuelle et durable.

Pour maintenir cette confiance, il faudra toutefois rester constamment à l’écoute de ce partenaire. Ne nous leurrons pas : si nous sommes ici dans une situation différente de celle qui prévaut au Sahel et en Afrique de l’Ouest, Djibouti n’est à l’écart ni des courants d’opinion qui traversent la population, en particulier la jeunesse africaine, ni des campagnes de désinformation de nos adversaires stratégiques.

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, je vous propose d’adopter de ce projet de loi de ratification, approuvé par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées lors de sa réunion du 14 mai dernier. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans entrer dans le détail du traité de coopération en matière de défense entre la France et Djibouti, je voudrais, en quelques minutes, vous démontrer pourquoi ce texte est un pacte d’avenir, même si nous avions, par ce biais, l’occasion de remettre à plat nos relations et ne l’avons pas fait.

Djibouti et la France partagent une histoire forgée dans la durée, mais aussi dans le sang. En cette année de commémorations, je voudrais saluer la mémoire des 84 engagés volontaires qui ont participé, en avril 1945, à la libération de la poche du Médoc ; la moitié d’entre eux sont décédés au combat.

Cette fraternité d’armes explique peut-être pourquoi la France demeure le seul pays avec lequel Djibouti entretient une relation de défense globale depuis son indépendance en 1977, malgré la présence permanente de plusieurs grandes puissances étrangères sur ce petit territoire à la position géostratégique si convoitée.

En témoignent le maintien de la clause de sécurité à l’article 4 et l’ajout d’un dispositif d’alerte permanent sur les menaces à l’article 7, symboles de l’intensité et de la singularité de cet accord.

Le renouvellement de ce traité montre que l’amitié qui nous lie à Djibouti résiste au temps et aux turbulences du monde.

Dans cette région instable, située au carrefour de la mer Rouge et du golfe d’Aden, sur la route la plus courte entre l’Asie et l’Europe, où passent dix-sept câbles sous-marins – il faut parler de ce qui se passe sur l’eau, mais aussi de ce qui se passe au-dessous –, nous partageons des intérêts communs, notamment en matière de sécurité et de liberté de circulation maritime.

La présence des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) prend alors tout son sens : elle contribue à la sécurité du territoire djiboutien, sécurise le trafic maritime, avec l’opération Aspides, ouvre une porte vers l’Indo-Pacifique et permet la projection rapide de nos forces. Notre base a d’ailleurs servi d’appui crucial lors de l’évacuation des ressortissants français et étrangers de Khartoum dans le cadre de l’opération Sagittaire, en avril 2023.

Si la France demeure à Djibouti d’une manière si singulière, c’est aussi et surtout grâce aux liens de confiance tissés au fil du temps. Contrairement à d’autres, nos personnels militaires et leurs familles s’intègrent pleinement à la vie économique et sociale, se soignent au centre médico-chirurgical interarmées (CMCIA), qui emploie du personnel français et djiboutien, et scolarisent leurs enfants aux côtés d’élèves locaux, au lycée français de Djibouti.

Nos partenariats ne cessent de s’élargir, que ce soit en matière d’infrastructures, avec l’accord des présidents Macron et Guelleh pour la construction d’un deuxième aéroport, ou en matière spatiale, avec le lancement réussi des deux premiers satellites djiboutiens, développés par des ingénieurs formés à l’université de Montpellier.

L’action dans ce domaine sera d’ailleurs prolongée par la création de la future agence spatiale de Djibouti.

L’amitié franco-djiboutienne repose aussi sur un héritage commun : le français. Djibouti est un îlot francophone, dans une Corne de l’Afrique anglophone ou arabophone, et abrite d’ailleurs le Centre régional francophone pour l’Afrique (Crefa) dans le cadre de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Certes, le préambule du traité rappelle notre souhait commun de promouvoir la francophonie, qui reste la langue usitée dans l’administration. Mais cet ancrage linguistique s’érode. L’anglais progresse avec l’ouverture de deux écoles américaines, et les étudiants se tournent trop souvent vers nos concurrents pour leurs études supérieures, du fait des difficultés pour obtenir un visa pour la France.

Ce patrimoine commun, fragile et précieux, appelle notre engagement renouvelé. Notre vigilance s’impose d’autant plus que Djibouti suscite l’intérêt croissant de nombreuses puissances. Je pense bien sûr à la Chine, qui réalise des investissements massifs et détient une part importante de la dette du pays.

À l’heure où les autorités djiboutiennes cherchent à diversifier leurs partenariats pour réduire leur dépendance, nous devons rester à la hauteur des attentes de notre partenaire et répondre présent.

C’est de tous ces éléments que notre relation d’exception tire sa force. Ce traité équilibré témoigne d’une volonté réciproque, celle de prolonger un partenariat privilégié et choisi pour les vingt prochaines années.

Voilà les raisons pour lesquelles le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)