Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par Mme O. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Remplacer les mots :

un conseiller exécutif de Corse désigné par le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse

par les mots :

le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse ou par un conseiller exécutif désigné par celui-ci

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Olivia Richard, rapporteure. Cet amendement a pour objet de confier la présidence de l’établissement public au président du conseil exécutif de Corse ou à un conseiller exécutif désigné par lui.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme O. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Compléter cet alinéa par les mots :

, et des membres du conseil exécutif de Corse, désignés par celui-ci en son sein ;

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Olivia Richard, rapporteure. Cet amendement tend à permettre la présence de membres du conseil exécutif de Corse au sein du conseil d’administration de l’établissement public.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse
Article 3

Article 2

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 711-6, les mots : « ou, en Corse, le ressort de la collectivité territoriale » sont supprimés ;

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 711-15, après les mots : « la Nouvelle-Calédonie, », sont insérés les mots : « de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse » ;

3° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 712-6, après le mot : « générale », sont insérés les mots : « ou en Corse par le conseil d’administration, » ;

4° Au 1° de l’article L. 723-1, après le mot : « industrie », sont insérés les mots : « ou en Corse, des représentants des professionnels élus de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse » – (Adopté.)

Article 2
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Article 4 (début)

Article 3

Le premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « En Corse, la carte professionnelle est délivrée par le président du conseil d’administration de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse. – (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse
Article 4 (fin)

Article 4

I. – À compter du 1er janvier 2026, l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse est créé en lieu et place de la chambre de commerce et d’industrie de Corse.

Les biens, les droits et les obligations de la chambre de commerce et d’industrie de Corse sont transférés à l’établissement public. Ce transfert est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, droit ou taxe, ni d’aucune contribution ou frais perçus au profit du Trésor.

II. – Le président du conseil d’administration de l’établissement public est désigné au plus tard le 1er janvier 2026.

L’Assemblée de Corse élit ses représentants au sein du conseil d’administration de l’établissement public au plus tard à cette même date.

L’élection des représentants des professionnels au sein du conseil d’administration de l’établissement public, mentionnés au III de l’article L. 4424-42 du code général des collectivités territoriales, est organisée au plus tard à l’expiration du mandat des membres élus lors du dernier renouvellement de la chambre de commerce et d’industrie de Corse.

Au plus tard le 31 décembre 2025, l’assemblée générale de la chambre de commerce et d’industrie de Corse désigne, en son sein, les vingt membres qui siégeront au conseil d’administration de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse à compter du 1er janvier 2026 et jusqu’à l’élection des représentants mentionnés au troisième alinéa du présent II.

Lors de la désignation prévue au quatrième alinéa, un nombre de membres suppléants égal à celui des membres titulaires est désigné. Les membres suppléants n’ont de voix délibérative qu’en l’absence de leur titulaire.

III. – Le personnel de la chambre de commerce et d’industrie de Corse est transféré à l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse à la date de sa création.

Les salariés de droit privé conservent le bénéfice de leur contrat dans les conditions prévues à l’article L. 1224-1 du code du travail.

Les agents de droit public relevant du statut fixé en application de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers peuvent opter soit pour le maintien de leurs conditions de statut et d’emploi antérieurs, soit pour un contrat régi par le code du travail. Dans ce cas, le contrat proposé reprend les éléments essentiels du statut dont l’agent est titulaire, en particulier ceux qui concernent la rémunération.

IV. – Jusqu’à la constitution du comité social et économique de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse, qui intervient au plus tard six mois après la publication de la présente loi, le comité social et économique central et les quatre comités sociaux et économiques d’établissement de la chambre de commerce et d’industrie de Corse ainsi que la commission paritaire régionale compétente sont maintenus en fonction et exercent les missions relatives respectivement aux salariés et aux agents publics, sous la présidence du représentant de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse.

Les membres de ces instances représentatives du personnel poursuivent leur mandat jusqu’à la désignation des représentants du personnel issus des élections permettant la constitution du comité social et économique de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse.

Le patrimoine du comité social et économique central et des comités sociaux et économiques d’établissement de la chambre de commerce et d’industrie de Corse est dévolu au comité social et économique de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse.

V. – Les conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au sein de la chambre de commerce et d’industrie de Corse au 31 décembre 2025 continuent de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur des conventions, accords ou engagements unilatéraux qui leur sont substitués.

VI. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

V. – Les effets des conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au sein de la chambre de commerce et d’industrie de Corse au 31 décembre 2025 sont prolongés jusqu’à l’entrée en vigueur des conventions, accords ou engagements unilatéraux qui leur sont substitués ou, à défaut, jusqu’au 31 décembre 2029.

La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Dans sa rédaction issue du texte de la commission, l’article 4 permet de prolonger, sans limite de durée, l’effet des conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au sein de la chambre de commerce et d’industrie de Corse. Je salue, à mon tour, les représentants et les membres du personnel de la CCI.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement que je vous propose tend à fixer une date butoir au 31 décembre 2029, afin de favoriser la mise en place d’un dialogue social que j’espère fructueux et qui se tiendra dans de bonnes conditions au sein de l’établissement public.

Un tel établissement offre des garanties distinctes de celles du secteur privé. Il disposera ainsi d’un délai de quatre ans, ce qui suffit largement à renégocier certains de ces conventions, accords ou engagements multilatéraux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Olivia Richard, rapporteure. Ce nouveau délai permet un dialogue social constructif, ce qui répond aux inquiétudes formulées en audition par les représentants des syndicats du personnel.

La commission émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse.

(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du travail complémentaire de précision que vous avez accompli.

Je tiens également à saluer le président du conseil exécutif de Corse, la présidente de l’Assemblée de Corse, ainsi que le président de la CCI et les représentants du personnel de cette chambre qui sont présents dans les tribunes du Sénat.

Au nom des 1 019 agents équivalents temps plein de cet établissement public, j’affirme que la décision prise à cet instant est une bonne nouvelle.

Je précise qu’il s’agit bien de créer un établissement public sui generis. Il ne s’agira ni d’un EPA ni d’un Epic. Il deviendra ce que décidera la collectivité. Je tiens donc à rassurer chacun : il s’agit d’une manière de préserver le statut du personnel. Voilà ce qui explique la position du Conseil d’État.

Enfin, pour répondre aux sénateurs qui s’inquiétaient des finances, je précise que cette année a été exceptionnelle – vous auriez pu le souligner, monsieur Panunzi. En effet, la dotation de continuité territoriale, qui s’élevait, depuis plusieurs années, à 187 millions d’euros, a été augmentée de 50 millions d’euros. Ainsi, je vous indique, au nom du Gouvernement, que 237 millions d’euros ont été affectés à la continuité territoriale, ce qui permet de satisfaire aux obligations en la matière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du travail accompli. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse
 

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Article 1er

Impact environnemental de l’industrie textile

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile (proposition n° 431 [2023-2024], texte de la commission n° 459, rapport n° 458).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse d’être parmi vous pour l’examen d’un texte important.

Je le sais, de nombreux parlementaires se sont mobilisés pour son inscription rapide à l’ordre du jour, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. J’en profite pour saluer le travail et l’engagement sur le sujet de la députée Anne-Cécile Violland et du député Antoine Vermorel-Marques.

Cette attente était également la nôtre. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité inscrire cette proposition de loi dans son temps législatif propre : c’est un signal fort.

Nous faisons le choix de viser la mode éphémère et la mode ultra-éphémère, toutes deux concernées par les primes et pénalités prévues par l’article 2. Surtout, la mode ultra-éphémère est soumise aux obligations des articles 1er, en matière de sensibilisation, et 3 et 3 bis, sur l’encadrement de la publicité. En effet, la mode ultra-éphémère constitue la menace la plus immédiate et la plus massive.

Nous émettons ainsi le signal selon lequel nous souhaitons nous attaquer au triple fléau de la mode ultra-éphémère : l’incitation à la surconsommation, le désastre écologique et la menace pour nos entreprises.

Je commence par l’incitation à la surconsommation. La mode ultra-éphémère combine des vêtements très abordables et un renouvellement incessant des modèles, suscitant ce que l’on appelle le Fomo buying, ou fear of missing out buying, c’est-à-dire l’achat stimulé par la peur de passer à côté de la bonne affaire.

Ce phénomène concerne surtout nos adolescents. Cette évolution de nos pratiques est favorisée par l’offensive commerciale d’ampleur de deux géants qui ont inondé notre marché. En 2023, en France, Shein et Temu ont respectivement investi en publicité 44 millions d’euros et 28 millions d’euros. Résultat, 22 % des colis de La Poste viennent de ces deux plateformes, contre moins de 5 % il y a cinq ans.

Cela a des conséquences sur le pouvoir d’achat. En effet, aujourd’hui, une personne achète 40 % de vêtements de plus qu’il y a quinze ans et les conserve deux fois moins longtemps. En réalité, la mode ultra-éphémère ne défend pas le pouvoir d’achat ; elle vend l’illusion du pouvoir d’acheter ce dont on n’a pas besoin et qui ne dure pas.

J’en viens au désastre écologique. En 2023, Shein a émis 17 millions de tonnes de CO2, soit une hausse de 81 % en un an. Cela en fait le premier émetteur mondial de la mode, elle-même le plus polluant de tous les secteurs industriels.

En outre, n’oublions pas les répercussions plus larges sur l’environnement, à commencer par le relargage, dans les océans et les cours d’eau, de microfibres plastiques issues du polyester, ainsi que l’utilisation de quantités astronomiques d’eau. Par ailleurs, on retrouve des substances chimiques dans les vêtements.

Enfin, le phénomène risque de casser le cycle de l’économie circulaire, avec une accélération massive et incontrôlée de la propagation de déchets textiles non recyclables et de qualité médiocre, lesquels saturent nos filières de tri et de recyclage. Produire en soixante-douze heures ce que la planète met un siècle à absorber, c’est non pas de l’innovation, mais de la prédation.

La mode ultra-éphémère est également une menace pour nos entreprises. Avec des ventes atteignant 5 milliards d’euros en France en 2024, elle est à l’origine d’une concurrence impitoyable et déloyale, qui ne respecte ni les règles sociales ni les normes environnementales. Cette concurrence menace déjà 20 000 emplois, un nombre qui pourrait passer à 50 000 à terme. Je le dis clairement, ce n’est pas aux ateliers français de payer le prix du dumping social mondial.

Face à cela, nous ne partons pas de zéro. Ainsi, la Commission européenne a déjà présenté une stratégie pour des textiles durables et circulaires et, de plus en plus, les textes commencent à intégrer, outre les répercussions environnementales des produits, les conséquences des pratiques industrielles et commerciales des entreprises. C’est ce qu’a obtenu la France dans la directive-cadre sur les déchets.

De plus, le règlement établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception pour des produits durables interdira l’accès au marché européen de produits moins-disants sur le plan environnemental. L’application aux textiles de cette mesure miroir clé se fera à partir de 2027.

En France, le Gouvernement agit, avec un plan de régulation de l’e-commerce, l’affichage du coût environnemental des vêtements, sur la base du volontariat, et une réforme de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) textile pour structurer une filière de collecte, de tri, de réemploi et de recyclage dans ce domaine. C’est dans la continuité de ces actions et en cohérence avec elles que cette proposition de loi s’inscrit.

Ce texte est le premier pas législatif d’une attaque frontale contre le fléau de la mode ultra-éphémère. C’est aussi un levier pour faire bouger les lignes à Bruxelles, ainsi que pour entraîner nos voisins. En effet, nous le savons, seule une réponse européenne permettra une régulation globale et efficace.

Toutefois, dans le cadre de ce débat, si nous voulons que ce texte soit vraiment utile, je nous appelle à éviter deux fausses pistes.

La première consisterait à rater notre cible en prévoyant des sanctions publicitaires qui ne seraient pas applicables aux acteurs étrangers. C’est un vrai danger. En effet, aujourd’hui, en raison du principe du pays d’origine, le cadre européen ne permet pas à la France d’encadrer la publicité d’un acteur de la mode ultra-éphémère installé dans un autre État membre. Or c’est le cas de Shein ou Temu, établis à Dublin.

Ainsi, tel qu’il est rédigé, le texte interdira la publicité à des acteurs qui ne sont certes pas parfaits, mais qui restent mieux-disants que les plus gros pollueurs qui agissent depuis l’étranger. Cela irait à l’encontre de notre objectif.

La notification de cette proposition de loi à la Commission européenne, qui est prévue avant la réunion de la commission mixte paritaire, sera sans doute à l’origine de compléments importants. Ceux-ci apporteront toutes les informations et renseigneront sur les marges de manœuvre nécessaires au Parlement pour améliorer les dispositions des articles 1er, 3 et 3 bis sur le volet des sanctions publicitaires.

L’article 2, qui porte non pas sur des sanctions publicitaires, mais sur des écomodulations REP, laisse quant à lui suffisamment de souplesse pour définir comment ces dernières pourraient s’appliquer, demain, de manière graduée, entre acteurs de la mode éphémère et ultra-éphémère. Le Gouvernement défendra un amendement ayant pour objet la présentation d’une trajectoire minimale des répercussions de ces écomodulations.

La seconde fausse piste serait de chercher à cibler dès aujourd’hui la mode éphémère, avant que la question ne soit réglée au niveau européen. Or ce ne sera le cas que dans un second temps.

J’ai entendu certaines interrogations sur le fait de ne cibler que les géants de la mode ultra-éphémère, et non ceux de la mode éphémère. Je les comprends. Mais soyons clairs : nous ne parlons pas ici d’enseignes classiques, qui créent de l’emploi en France. Par mode ultra-éphémère, nous désignons des acteurs qui fonctionnent sur une tout autre échelle, dans une tout autre dimension.

Par ailleurs, je n’élude pas la question de la mode éphémère, qui demeure un enjeu majeur, sur lequel nous devons collectivement progresser. L’article 2 y contribuera, au travers des écomodulations.

En outre, le secteur textile sera pleinement concerné par la future réforme de la REP, qui visera à encourager les pratiques les plus vertueuses. Ce texte nous semble opportun pour marquer le commencement de cette réforme. Je remercie donc Mme la rapporteure, qui a accepté d’intégrer cet élément.

Chaque seconde, près de cent pièces neuves sont injectées sur le marché français, soit une hausse de 30 % en seulement quatre ans. Ce modèle de la mode ultra-éphémère repose sur l’hyperproduction, l’hypersollicitation et l’hyperconsommation. La mode ultra-éphémère ne s’adapte pas à la demande, elle l’invente. Elle la crée. Elle pousse à acheter ce que l’on n’a pas demandé, pour jeter ce que l’on a à peine porté.

L’intensité carbone de ces acteurs est sans équivalent dans le secteur, même de la part de leurs homologues les moins-disants aujourd’hui. Je le disais, ils submergent nos marchés, saturent nos centres de tri et leurs produits de qualité médiocre sont peu recyclables. Résultat, les bennes de récupération disparaissent, les filières s’effondrent et le cycle de l’économie circulaire textile est brisé.

Alors oui, face à cette démesure, nous allons agir. Nous ne resterons pas spectateurs de ce phénomène massif. C’est un combat pour l’environnement, mais aussi pour notre souveraineté économique.

Avec ce texte, c’est un premier pas que nous accomplissons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd’hui une proposition de loi particulièrement importante. Elle est une pierre apportée à un édifice que nous bâtissons, ma collègue Agnès Pannier-Runacher et moi-même, ainsi que tout le Gouvernement et le Parlement.

Cet édifice vise à protéger notre planète, nos commerçants, nos enfants et nos petits-enfants contre certaines pratiques mises en œuvre par des plateformes d’e-commerce, parfois étrangères.

Cette proposition de loi représente un outil utile et inédit pour lutter contre l’ultrafast fashion, ou la mode ultra-express. Il s’agit non pas, bien entendu, d’interdire de vendre un grand nombre de produits, mais bien de rappeler que cela ne peut être fait en toute impunité quand ces ventes s’accompagnent de pratiques commerciales et industrielles qui affectent notre environnement et notre tissu économique et social.

L’objectif initial sous-tendant ce texte, comme vous le savez, est de s’assurer que la production et la consommation de textiles soient compatibles avec le respect de l’environnement. Telle est notre ambition, notamment en limitant la technique consistant à inonder le marché de produits neufs, vendus à très bas coût et qui finissent dans les décharges, sur les plages ou incinérés.

Dans ce cadre, cette proposition de loi permet, d’une part, d’imposer une pénalité financière aux produits issus de ces pratiques, et, d’autre part, de renforcer l’information du consommateur. Dans sa version initiale, elle limitait également la possibilité de promouvoir ces marques et techniques via la publicité. Nous défendrons, lors de la discussion des articles, un retour à cette interdiction large.

L’impact environnemental de la mode ultra-express est désormais connu de tous. Il est cent fois supérieur pour le fret aérien que pour le fret maritime. En effet, lorsque vous multipliez les petits colis et incitez les clients à surconsommer, vous augmentez bien entendu le trafic aérien. Cela se voit dans le nombre de colis importés, qui a doublé entre 2020 et 2022 et de nouveau entre 2022 et 2024. Ainsi, pas moins de 4,5 milliards de colis sont entrés dans l’Union européenne en 2024, un nombre qui atteindra probablement les 6 milliards en 2025 et en 2026.

Lorsque les produits s’usent vite, comme c’est le cas avec la mode ultra-express, ils sont jetés. Lorsqu’ils sont extrêmement peu chers, ils ne sont pas réparés. Ainsi, la mode ultra-express incite à acheter un grand nombre de produits textiles, parfois même à l’aveugle, car si au final ils ne plaisent pas, leur abandon ne coûte pas cher.

Voilà pourquoi, par exemple, la principale plateforme concernée met en ligne 7 000 nouveaux produits chaque jour – oui, chaque jour ! C’est ce qui explique qu’elle ait 900 fois plus de références qu’une enseigne française traditionnelle.

Cette technique, qui crée de faux besoins, qui agit psychologiquement sur le désir de consommer et qui amène à produire des quantités astronomiques d’articles, met en danger notre planète. Je n’ai pas besoin de rappeler les autres données chiffrées qui concernent l’impact environnemental du secteur du textile fabriqué à l’étranger, car ma collègue Agnès Pannier-Runacher vient de le faire.

Par ailleurs, à cette visée vertueuse de protection de l’environnement se sont ajoutés depuis quelques mois d’autres objectifs, d’intérêt général.

Lutter contre la mode ultra-express, c’est aussi lutter contre des pratiques commerciales déloyales, agressives et parfois trompeuses, qui viennent ruiner nos commerçants, fragiliser les consommateurs et trouer notre tissu social.

Nous disons oui à la concurrence, mais celle-ci doit être loyale, en permettant aux entreprises d’utiliser les mêmes armes et de se tenir sur la même ligne de départ. Or, depuis quelques années, nous assistons à une croissance exponentielle de quelques plateformes étrangères de commerce en ligne, qui semblent loin de respecter nos règles.

En utilisant des modes de commercialisation qui trompent le client, voire le piègent, en créant chaque jour des milliers de nouvelles références, en trichant parfois sur la sécurité et la conformité des produits et en faisant un usage louche des données personnelles, certaines plateformes mettent en danger notre économie, notre secteur textile et nos commerçants.

Là encore, les chiffres doivent susciter une vraie prise de conscience. Ma collègue Pannier-Runacher l’a rappelé, près d’un quart des colis traités par La Poste provient de deux plateformes étrangères, contre seulement 5 % il y a cinq ans. L’an dernier, 800 millions de colis de moins de 150 euros sont entrés en France et 90 % d’entre eux provenaient d’un seul pays.

L’une de ces plateformes a le même chiffre d’affaires qu’un grand acteur français du textile, mais sans les 350 magasins qui vont avec. À elles seules, les deux principales plateformes de fast fashion ont une part de marché déjà supérieure au plus gros acteur textile physique que nous connaissons. Nous devons donc agir, et vite !

Le Gouvernement, qui a déjà tiré la sonnette d’alarme, est pleinement mobilisé sur ce sujet. Grâce aux actions de la société civile, des collectifs, des fédérations de professionnels et des parlementaires, une prise de conscience est en train de naître.

Je disais, il y a quelques minutes, que cette proposition de loi était la brique d’un édifice plus large. En effet, pour protéger nos commerçants, nous devons affronter tous les problèmes en même temps. Nous devons agir à tous les niveaux, sur toutes les strates et à tous les étages. Le présent texte aborde le sujet de la publicité et du faible prix, ce qui est une très bonne chose.

N’oublions pas que les autres pays, inquiets eux aussi, nous observent. Dans ces conditions, nous menons une action tous azimuts. C’est pourquoi le Gouvernement a procédé à plusieurs annonces, le 29 avril dernier.

Premièrement, nous nous engageons à tripler les contrôles menés sur les plateformes de fast fashion par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Je rappelle qu’un seul contrôle peut parfois entraîner le retrait de milliers de références.

Deuxièmement, nous proposons un meilleur ciblage, afin de concentrer nos effectifs sur les risques les plus importants. Les moyens de la DGCCRF n’étant pas illimités, nous devons cibler nos efforts sur les acteurs qui présentent les risques les plus élevés. Si un manquement est commis par un commerçant, nous vérifierons systématiquement s’il n’est pas commis aussi sur les plateformes précitées.

Troisièmement, nous systématisons la transmission d’informations entre les douanes et la répression des fraudes, ce qui nous permettra de gagner en vitesse de réaction.

Quatrièmement, la France a pris l’engagement d’être particulièrement proactive à l’échelon européen, pour mobiliser les autres États dans des enquêtes transnationales. En effet, il est clair que nous ne pourrons pas agir seuls ; d’où le sens de cette démarche.

Je rappelle d’ailleurs que la vaste enquête annoncée par la Commission européenne, il y a quelques jours, doit beaucoup aux services de contrôle français, surtout la DGCCRF. J’en profite pour remercier l’ensemble de ses agents qui, quotidiennement, travaillent à atteindre les objectifs que cette direction a fixés. Cette enquête a réuni quatre pays et permis d’engager une action contre une plateforme étrangère.

Cinquièmement, nous travaillons, à l’échelon européen, à mettre fin à l’exonération de droits de douane pour les colis de moins de 150 euros et à instituer des frais de gestion pour les colis qui traversent notre frontière. La Commission européenne a formulé des annonces en ce sens il y a quelques jours, grâce à la forte mobilisation de notre gouvernement.

Bien sûr, la liste des grandes enseignes qui ont fermé ces derniers temps n’est pas uniquement liée à la mode ultra-express. Il n’empêche que, pour nombre d’entre elles, le développement fulgurant des grandes plateformes a été le coup de grâce.

Il est inadmissible que les acteurs physiques du textile, qui créent des emplois, animent nos centres-villes et paient leurs impôts, croulent sous des règles et des normes dont certains concurrents se jouent.

Comme je le disais, nous sommes observés à la fois par les acteurs du textile, par les pays voisins et par ces plateformes.

Je tiens sincèrement à remercier les députés Anne-Cécile Violland et Antoine Vermorel-Marques, ainsi que la rapporteure du Sénat pour ce texte, Sylvie Valente Le Hir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le travail essentiel que vous avez réalisé et que vous allez poursuivre dans quelques minutes constitue une étape importante pour doter la France d’une batterie de mesures utiles et efficaces. (Applaudissement sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)