M. Francis Szpiner. Loin de vouloir imposer quoi que ce soit à l’Assemblée nationale, le Sénat estime que, lorsque le Premier ministre prend un engagement devant la représentation nationale, sa parole a du poids.
Aujourd’hui, on nous explique que le Premier ministre ne peut pas prendre un tel engagement. Je rappelle pourtant que ce texte est non pas celui du Gouvernement, mais celui d’un député isolé ayant travaillé sur commande. Or ce dernier a fait un bras d’honneur au président du Sénat et à la présidente de l’Assemblée nationale en refusant de saisir le Conseil d’État ! Et aujourd’hui, il vous prend en otage… (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, vous venez vous-même de le rappeler, le Gouvernement n’a aucune obligation de convoquer une CMP. C’est une possibilité qui relève d’un choix politique.
Je veux revenir sur ce que vient de dire notre collègue Szpiner. Il ne s’agit pas d’un projet de loi déposé par le Gouvernement, avec toute la légitimité politique et démocratique qui y est attachée, que l’on soit d’accord ou pas sur le fond. Il n’y a donc pas eu de passage au Conseil d’État…
M. Laurent Lafon. À quoi servent les parlementaires ?
Mme Cécile Cukierman. On peut certes invoquer la primauté de telle chambre sur telle autre, mais l’important n’est pas là : vous ne pouvez pas faire comme si ce texte n’allait pas être rejeté nettement ; c’est du moins ce qui se dessine.
Monsieur le président, je vais m’efforcer de respecter notre « jurisprudence ». Je ne voterai pas l’amendement de notre collègue Dossus parce que je suis convaincue que la proposition de loi est mauvaise, et qu’elle le sera tout autant dans six ans. Surtout, à l’heure où nous parlons, il n’y a plus rien dans ce texte ; donc je ne vois pas l’intérêt d’un rapport, soit dit en passant avec un peu d’ironie en cette fin de séance.
Pour autant, nous devons nous interroger pour l’avenir : qu’est-ce qu’un consensus dans l’esprit du Premier ministre ? En effet, nous allons mener, dans les mois et les semaines qui viennent, un certain nombre de travaux pour lesquels la nécessité d’un tel accord a été évoquée. Or, quand je fais l’état des lieux, je ne vois guère de consensus. Peut-être ai-je retenu une mauvaise définition du mot ? À moins que ce ne soit le Premier ministre… En tout cas, nous devons trouver le bon dictionnaire !
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. J’ai reconnu tout à l’heure chez vous, monsieur le ministre, une forme de rigueur et d’honnêteté intellectuelle, au-delà des très mauvaises intentions de tripatouillage électoral et des propos publics de l’auteur et des initiateurs du texte. Mais là, je suis abasourdie d’entendre que vous allez prendre une décision en concertation avec la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Les bras m’en tombent !
Allez-vous les consulter de la même manière que lors de la première phase, ou allez-vous adopter une approche différente ? Je vous rappelle en effet que la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat se sont exprimés à plusieurs reprises, de manière extrêmement claire, contre cette proposition de loi. Je ne suis du bord politique ni de l’une ni de l’autre ; pour autant, je suis convaincue que le sujet dont nous discutons, à savoir la vie des habitants des trois plus grandes villes de France, mérite mieux que du tripatouillage électoral.
Vous nous présentez un processus qui, en réalité, ne pourra pas exister, du moins pas de manière honnête. Ne vous cachez pas derrière le rideau de fumée d’une pseudo-concertation !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Madame la sénatrice, ce n’est pas parce que vous n’êtes pas d’accord avec moi qu’il faut découper mes phrases en petits morceaux pour mieux les détourner ou leur faire dire exactement l’inverse de mon propos.
Je le répète, je ne peux pas considérer – et cela me paraît logique pour un ministre chargé des relations avec le Parlement – qu’il y aurait une prééminence d’une chambre sur une autre. Il n’est évidemment pas question que le Gouvernement, dont je porte la parole aujourd’hui, décide ou refuse à ce stade une convocation de la CMP.
M. Francis Szpiner. Vous avez pourtant choisi la procédure accélérée !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je vais faire une intervention un peu terre à terre, et je m’en excuse par avance, étant donné le haut niveau des interventions précédentes.
L’amendement n° 12 rectifié à l’article 4 porte sur la date d’entrée en vigueur des articles 1er à 3. Étant donné que ceux-ci ont été rejetés, je ne vois pas bien de quoi nous parlons…
M. Thomas Dossus. On verra en CMP ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’article 4 tombe de fait, me semble-t-il.
M. Thomas Dossus. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4n’est pas adopté.)
Article 5
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui évalue la possibilité de transférer des compétences de la mairie centrale aux mairies d’arrondissement à Paris, à Lyon et à Marseille.
M. le président. Je mets aux voix cet article.
(L’article 5 n’est pas adopté.)
Article 6 (nouveau)
Après l’article L. 2512-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2512-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2512-5-1. – Une instance de coordination entre la Ville de Paris et les communes de Lyon et de Marseille et leurs arrondissements, dénommée “conférence des maires”, peut débattre de tout sujet d’intérêt municipal. Elle est présidée de droit par le maire de la ville et comprend les maires des arrondissements. Elle se réunit au moins une fois par an, à l’initiative du maire de la ville ou à la demande de la moitié des maires d’arrondissement, sur un ordre du jour déterminé.
« Les modalités de fonctionnement de la conférence des maires sont déterminées par le règlement intérieur du conseil de Paris. »
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 2511-32 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2511-32-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2511-32-1. – À Paris, Lyon et Marseille sont créées des instances de coordination, dénommées “conférence des maires”, entre les communes de Lyon et de Marseille et, à Paris, la Ville de Paris et leurs arrondissements, pouvant débattre de tout sujet d’intérêt municipal. La conférence des maires est présidée de droit par le maire de la commune ou, à Paris, par le maire de la ville de Paris. Elle comprend l’ensemble des maires d’arrondissement. Elle se réunit au moins une fois par an, à l’initiative de son président ou à la demande de la moitié des maires d’arrondissement, sur un ordre du jour déterminé.
« Les modalités de fonctionnement des conférences des maires sont déterminées par le règlement intérieur du conseil municipal ou, à Paris, du conseil de Paris. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Cet amendement rédactionnel vise à corriger des imprécisions juridiques du texte issu de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Cet amendement rédactionnel vise une aberration parmi tant d’autres de ce texte, à savoir la création d’une conférence des maires à Paris, Lyon et Marseille.
Comme nous proposons le rejet de l’ensemble du texte, l’avis est défavorable.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que si l’article 6 n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les six articles qui la composent auraient été supprimés. Aucune explication de vote sur l’ensemble du texte ne pourrait être admise.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
Quelqu’un demande-t-il la parole pour expliquer son vote ?…
La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, je voudrais faire une rapide explication de vote, ou de non-vote, avant que nous nous prononcions sur le dernier article de cette proposition de loi.
Finalement, nos débats auront montré qu’une très large majorité du Sénat, au-delà du clivage droite-gauche, était hostile à cette réforme, qui présente des mérites uniquement pour la ville de Marseille. Doit-on détruire la démocratie de proximité et l’histoire politique de deux villes pour en contenter une autre ? Je ne le crois pas.
Sur la forme, sur le fond, tous les arguments ont été développés. Désormais, comme le disait Yannick Jadot, la balle est dans le camp du Gouvernement.
Permettez-moi de citer précisément ce qu’a dit le Premier ministre, le 19 février dernier, en réponse au président Mathieu Darnaud : « Je n’imagine pas qu’un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu’un accord soit trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat. » Alors, monsieur le ministre, le Gouvernement imagine-t-il faire ce que le Premier ministre n’imagine même pas ?
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous avons débattu aujourd’hui traite d’une question légitime : le régime électoral spécifique de Paris, Lyon et Marseille. Nous regrettons donc qu’il n’ait pas été possible de l’examiner convenablement. Cela a été rendu impossible par l’approche retenue, consistant à enclencher la procédure accélérée, sans étude d’impact ni concertation préalable avec les élus, plutôt que de partir d’un texte soigneusement discuté et évalué avec ceux-ci en amont, comme l’ont excellemment dit la présidente du groupe CRCE-K et notre collègue Thomas Dossus.
En outre, notre rapporteure Lauriane Josende, dont je salue l’important travail (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.), en dépit des délais et des conditions contraintes, a soulevé à juste titre les nombreuses interrogations et obstacles qui rendent cette proposition de loi inacceptable à nos yeux.
Sans revenir en détail sur ses multiples faiblesses, citons seulement la rupture d’égalité entre les communes qu’entraînerait l’adoption d’une prime majoritaire à 25 % à Paris, Lyon et Marseille, à rebours de l’argument du retour dans le droit commun de ces trois villes, comme l’ont souligné les intervenants du groupe GEST.
Et je ne parle pas des nombreuses difficultés d’ordre pratique que ferait naître la modification des règles du scrutin peu avant la tenue des élections, laquelle nécessiterait le déploiement d’importants moyens matériels et humains, et compliquerait grandement la bonne tenue des comptes de campagne.
Enfin, nous ne pouvons que craindre la complexité et la confusion que susciteraient les nouvelles règles, qui donneraient lieu jusqu’à trois scrutins simultanés à Lyon et entraîneraient un coût financier supplémentaire non négligeable, comme l’a précisé Étienne Blanc, de l’instabilité politique et – surtout – une déconnexion entre mairies centrales et mairies d’arrondissement, affaiblissant ainsi cet échelon de démocratie de proximité, ainsi que l’ont relevé les excellents conseillers de Paris Rémi Féraud, Colombe Brossel et Francis Szpiner.
Plutôt que de lancer à la va-vite une réforme à moins d’un an du scrutin, mieux vaut engager une réflexion différenciée sur le régime électoral et l’organisation de chacune de ces villes, comme l’ont souligné notre collègue Narassiguin et le président Kanner dans la presse.
Mes chers collègues, envoyons par notre vote un signal clair du Sénat : le retrait de cette réforme s’impose !
Pour ces raisons, et toutes les autres précédemment évoquées – notamment celle qui a été soulignée par M. Jadot, sous nos applaudissements (M. Yannick Jadot s’esclaffe en levant les bras.), relative à l’incidence sur l’organisation territoriale, à laquelle le Sénat est particulièrement sensible –, le groupe LR votera contre ce texte s’il est mis au vote, parce qu’il est mal préparé, mal rédigé et qu’il arrive à un mauvais moment. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. Il n’y a plus d’explication de vote ?…
Je mets aux voix l’article 6.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 302 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l’adoption | 97 |
Contre | 218 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Tous ses articles ayant été rejetés ou supprimés, la proposition de loi n’est pas adoptée.
2
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 4 juin 2025 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (procédure accélérée ; texte de la commission n° 668, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures trente.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER