Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux vous parler d’une double peine, celle qui consiste à ajouter une crise économique, contraignant le vigneron à arrêter son activité, au délit de non-arrachage des vignes non cultivées. Vous obtenez ainsi le contexte dans lequel les friches viticoles se trouvent à l’heure actuelle.
Madame la ministre, pourquoi pensez-vous que les paysans ne cultivent plus leur terre ? Tout simplement parce que cela ne les nourrit plus ou qu’ils ne trouvent plus de repreneurs !
Derrière cette proposition de loi, qui affiche des vertus sanitaires, se cachent deux problèmes de fond.
Tout d’abord, je le répète, celui d’une filière en crise, qui souffre d’un manque de vision et d’anticipation. Elle doit notamment affronter un phénomène de déconsommation, se montrer résiliente face au changement climatique, s’adapter au goût des consommateurs, etc. Comment se fait-il que l’Italie puisse se targuer d’avoir un volume d’exportation de vin deux fois supérieur au nôtre ?
Notre filière souffre non seulement de crises successives, mais aussi d’un manque de cap depuis des années. On demande des primes à la plantation et, en même temps, des primes à l’arrachage. On demande des subventions à l’irrigation et, en même temps, des droits de distillation. Quelle est la logique de tout cela, si ce n’est de ne pas savoir où l’on va ?
Il faudrait peut-être avoir le courage de cesser de travailler en silo, chacun pour soi, de recourir aux appellations, aux labélisations, aux régions et aux fédérations, alors que nos voisins européens font du marketing en tir groupé, tous unis autour d’un seul drapeau, celui de leur pays. (Mme la ministre approuve.)
Ensuite, le prix des traitements contre la flavescence dorée constitue également un problème de fond. Je le prouverai en prenant un simple exemple. Cher Daniel Salmon, l’insecticide destiné à l’agriculture bio, le pyrevert, doit être utilisé à trois reprises pour se montrer efficace, alors que son coût atteint 240 euros par hectare.
M. Vincent Louault. Très juste !
M. Henri Cabanel. En France, la surface moyenne des terres cultivées pour ce type d’agriculture étant de 25 hectares, le coût annuel de l’utilisation du pyrevert s’élève donc 6 000 euros.
Quel agriculteur peut s’acquitter d’une telle somme dans ce contexte de crise, alors que le bio se vend au même prix que les produits conventionnels ? Surtout, le pyrevert a une efficacité modérée. En gros, c’est le traitement le plus cher et le moins efficace !
Pensez-vous que d’autres cultivateurs de produits conventionnels, qui croulent sous les charges et les dettes, vont tous traiter leurs cultures ?
Tout le monde le sait, il existe en ce domaine un secret de polichinelle. C’est un vrai problème, car le risque de propagation des maladies est tout aussi présent que pour les friches. Vous le savez, j’ai l’habitude de dire ce que certains pensent tout bas. Ce que je veux démontrer, au travers de tel ou tel exemple, c’est que la vérité est toujours dans la nuance.
Jeter l’opprobre sur des vignerons déjà fragilisés, en les sacrifiant sur l’autel de l’inconscience, est tout simplement caricatural et peu honnête. En effet, des vignerons qui cultivent ne traiteront pas leurs vignes, et aucun contrôle n’est mené à ce niveau-là. Ajoutez à cela une petite vérité supplémentaire : les friches font tache dans certains paysages viticoles ; je ne m’étendrai pas davantage.
Bref, nous devons rester raisonnables dans nos propos et nos actions. C’est pourquoi je voterai ce texte, comme tous les membres mon groupe, car il assouplit la réglementation existante, qui, compte tenu de son outrance, n’est pas appliquée.
Le non-respect des obligations d’arrachage est censé être puni par une sanction de nature délictuelle, soit une peine de six mois d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Voilà une peine disproportionnée, inadaptée et donc inopérante. Comme elle est excessive et complexe, elle n’est jamais prononcée.
La présente proposition de loi vise à compléter l’arsenal juridique des sanctions, pour l’adapter à la réalité des différentes situations sociales et économiques des viticulteurs et des détenteurs de végétaux.
Jugée plus crédible, la menace d’une contravention de cinquième classe, dans un premier temps, doit permettre de responsabiliser les propriétaires négligents, sans pénaliser les viticulteurs précaires.
Toutefois, un viticulteur affaibli pourra-t-il s’acquitter d’une amende de 1 500 euros ? Permettez-moi d’avoir quelques doutes. Le sujet aurait mérité d’être traité plus globalement, au-delà de l’aspect sanitaire.
Pour ce qui concerne les friches, plusieurs autres enjeux se posent. Des terres irriguées sont non exploitées. Certaines terres sont même abandonnées, alors que le foncier agricole est déterminant pour notre souveraineté agricole et que le renouvellement des générations devient un problème majeur. Bref, le sujet est loin d’être clos. (Applaudissement sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Vincent Louault applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous le dis d’emblée : cette proposition de loi, déposée par le député Hubert Ott, que je salue – il est dans nos tribunes –, ne prétend pas répondre à la crise viticole, tant les enjeux sont pluriels. Elle a toutefois le mérite de s’attaquer à l’un des aspects bien identifiés de cette crise, à savoir les maladies qui menacent les vignes, en particulier celles qui ne sont pas cultivées.
Le problème est bien connu : les friches viticoles sont un foyer de contamination pour tout le vignoble français, avec un risque sanitaire réel lié à la propagation de maladies, comme la flavescence dorée, qui appelle des réponses rapides et rigoureuses.
Or les outils juridiques dont nous disposons aujourd’hui ne permettent pas une intervention efficace et préventive. La seule sanction applicable est de nature délictuelle. Aussi lourde qu’inopérante, elle est largement inutilisée.
Les mesures de lutte doivent pourtant être prises le plus tôt possible ; je crois que cette priorité est collectivement partagée dans les milieux viticoles.
Il ne doit plus y avoir de négligence ou d’inaction en la matière, au risque d’entrer dans une spirale infernale, entre absence d’entretien, contamination de la parcelle ou des parcelles voisines, baisse de productivité et recours aux insecticides.
Je salue le renforcement des moyens de lutte contre le développement des vignes abandonnées, tel qu’il est prévu par le présent texte. Celui-ci acte une avancée pragmatique en introduisant une contravention de cinquième classe pour sanctionner le non-respect des mesures de lutte sanitaire, à commencer par l’arrachage des ceps contaminés. Il établit une gradation des sanctions, respectueuse du droit et du principe de proportionnalité et, surtout, crédible.
À titre personnel, je me réjouis que le vignoble alsacien soit pour le moment encore épargné par de telles maladies. Cependant, le changement climatique rebat les cartes de la viticulture, à tel point que ces menaces pourraient se concrétiser très prochainement. Nous devons les anticiper et nous tenir prêts à agir le plus vite possible.
Je tiens d’ailleurs à le souligner, si cette mesure est attendue par les professionnels, elle nécessite, en contrepartie, un déblocage rapide des aides à l’arrachage, dans un contexte parfois très tendu pour nos viticulteurs. À la détresse du viticulteur, qui découvre des maladies sur ses parcelles, ne doit pas s’ajouter une trésorerie exsangue.
Le groupe Union Centriste se félicite également du consensus politique ayant entouré l’examen de ce texte, qui plaide pour un vote conforme. Celui-ci permettrait de le mettre en œuvre immédiatement.
Aujourd’hui, rien ne justifie d’altérer ce compromis. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Vincent Louault applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si l’introduction de la vigne en Bretagne est lointaine – elle remonte probablement au néolithique – et si, depuis quelques années, la viticulture a repris racine dans notre région, je n’oserai pas affirmer devant nos collègues des régions viticoles que la Bretagne est une grande terre de vignoble. (Sourires.)
Elle n’en est pas moins une grande région agricole. Elle se doit donc d’aborder les thématiques dont nous débattons aujourd’hui dans leur globalité, car l’agriculture, au sens large, est un bien collectif.
Alors que la France pouvait auparavant se prévaloir d’une balance excédentaire en matière agricole, notre pays affiche désormais un solde net d’importations de produits alimentaires, hormis les vins et spiritueux. C’est dire combien la filière vinicole joue un rôle essentiel pour l’économie française, notamment pour notre balance commerciale.
Les épidémies et les crises agissent comme un révélateur des engagements et des capacités de résilience des sociétés humaines.
Bien entendu, nous sommes ici en présence d’une situation à haut risque pour la filière viticole, déjà confrontée à de lourdes difficultés, tant structurelles que conjoncturelles. Je remercie le rapporteur de l’avoir rappelé.
Tout d’abord, la production est régulièrement perturbée par des accidents climatiques à répétition, au premier rang desquels la sécheresse.
Ensuite, la filière a été affectée par plusieurs chocs exogènes, dont la réduction de l’activité causée par la pandémie de covid-19 et la hausse des coûts de production liée la guerre en Ukraine.
Enfin, nous devons tenir compte de l’existence de multiples contentieux économiques internationaux, en particulier avec les États-Unis.
Parallèlement, la filière doit s’adapter à la baisse tendancielle de la consommation de vin, non seulement en France, mais aussi à l’échelle internationale.
Dans un tel contexte, nous savons que la propagation de la flavescence dorée serait une catastrophe. Des vignes laissées en friche peuvent très rapidement devenir des foyers de contaminations et, ainsi, représenter une menace sanitaire particulièrement active.
Le présent texte institue deux mesures visant à lutter contre la prolifération des vignes non cultivées, qui ne me paraissent pas infondées : un régime de contravention simple réprimant le fait de ne pas appliquer les mesures édictées par l’autorité administrative pour lutter contre les organismes nuisibles et l’attribution d’un pouvoir d’injonction aux agents habilités.
Mes chers collègues, nous vous appelons à voter ce texte conforme, afin qu’il puisse être appliqué de la manière la plus rapide et efficace possible.
Nous le voyons, nous sommes amenés à reconsidérer notre législation. Néanmoins, cela ne doit pas nous interdire de nous interroger sur les causes, au demeurant très diverses, de la propagation de ces crises et sur les raisons pour lesquelles les professionnels sont de moins en moins capables de se conformer à leurs obligations.
Si les vignes non cultivées constituent des foyers bien identifiés de la flavescence dorée, elles sont aussi la conséquence des difficultés économiques croissantes de la profession.
Au travers des âges, les paysans ont dû s’adapter, s’organiser, mutualiser leurs moyens, coopérer et bâtir les choses de façon commune.
Quand une situation à risque se présente, il faut faire du commun et souvent dépasser le cadre strict des dispositions coercitives que sous-tendent les adaptations de la législation. Il faut encourager, par exemple, les cultures voisines des friches laissées à l’abandon.
Compte tenu de la situation à haut risque dont je parlais tout à l’heure, notre groupe votera ce texte. (Mme la ministre déléguée et M. le rapporteur applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la filière viticole française traverse une crise profonde et structurelle, aux facteurs multiples : évolution du mode de consommation des Français, contexte international, inflation, spéculation foncière et, bien sûr, changement climatique.
Elle doit aussi faire face à une pression sanitaire croissante et à la persistance de maladies qui fragilisent un secteur déjà sous tension. Je pense notamment à la flavescence dorée, mais aussi au mildiou, à l’oïdium et black-rot, en autres.
Cela a été dit, le phénomène est amplifié par l’abandon de certaines vignes. Des friches deviennent ainsi des foyers durables et contaminants pour les parcelles saines situées à proximité et affectent particulièrement les agriculteurs qui ont fait le choix du bio. D’autres voient leurs rendements amputés et leurs efforts en matière de transition écologique compromis par l’usage de produits phytosanitaires.
Bien sûr, derrière ces friches, il y a des situations souvent douloureuses : des exploitants en grande difficulté économique, qui n’ont pas les ressources financières pour traiter correctement ces vignes, mais aussi des propriétaires non exploitants, qui ne trouvent pas de viticulteurs pour travailler sur leur parcelle, le renouvellement des générations n’étant pas pleinement assuré.
Si les obligations d’arrachage des pieds isolés contaminés, seule solution pour lutter efficacement contre la propagation des maladies, ne sont pas toujours respectées, la peine délictuelle actuelle que peut encourir le propriétaire est clairement disproportionnée. Rarement appliquée, elle alourdit inutilement les procédures pénales, sans avoir d’effet dissuasif. De fait, elle est inopérante.
Cette proposition de loi propose de mieux adapter notre arsenal juridique, en passant à un régime contraventionnel, davantage proportionné, ce qui nous paraît tout à fait légitime. Nous la soutiendrons donc sans réserve. Ce faisant, le présent texte fournit un outil supplémentaire pour agir plus rapidement face à ces situations complexes.
Cependant, nous tenions à le souligner, dans un contexte de changement climatique et d’accroissement des maladies de la vigne, nous devrons nous concentrer rapidement sur les réponses structurelles pour résoudre efficacement la crise multifactorielle subie par la filière.
Les viticulteurs ont, eux aussi, besoin de prix rémunérateurs garantis par l’État pour planifier leur transition de cépage, investir dans l’adaptation au changement climatique ou faire face à l’évolution des goûts des consommateurs. Par ailleurs, les difficultés économiques auxquelles les exploitants sont confrontés nous invitent, là encore, à remettre en cause notre modèle productiviste, tourné vers l’exportation.
Nous devons également revoir notre politique agricole, qui est soumise aux logiques du marché, au détriment d’une diversification de la production, de la reconversion des producteurs, de leur juste rémunération et de la transmission de leurs exploitations.
Mes chers collègues, permettez-moi d’insister particulièrement sur la problématique de l’hyperspécialisation des exploitations, qui alimente grandement les fragilités de cette filière d’excellence.
Là aussi, le maître mot de la transition doit être la diversité, et ce à tous les niveaux. En effet, la diversité végétale concourt à diminuer les populations de champignons pathogènes, plantes adventices et insectes ravageurs qui vivent aux dépens des cultures. La polyculture, abandonnée au profit de l’hyperspécialisation, est source de résilience et de robustesse. Elle doit être soutenue par des politiques agricoles volontaristes, là où c’est possible.
Pour faire écho aux propos de mon collègue Cabanel, nous devons, en effet, nous poser les bonnes questions et veiller à ne pas préserver dans un système qui montre des dysfonctionnements. Nous espérons que la mission d’information sur l’avenir de la filière viticole formulera des recommandations structurantes en ce sens.
Au total, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera bien évidemment ce texte, qui protégera la profession et améliorera la préservation de nos territoires viticoles, dans la continuité du très large consensus qui s’est exprimé ici et à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Lucien Stanzione. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la filière vitivinicole française traverse une crise structurelle majeure, qui met à mal de nombreuses exploitations et, parfois, des territoires entiers. Ses origines sont multifactorielles ; elles sont à la fois économiques, sociétales, environnementales, sanitaires et climatiques. Nous devons nous préparer à un choc historique.
Fallait-il une loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées, notamment pour prévenir le développement des vignes non cultivées ou abandonnées ? Oui, bien évidemment !
Le présent texte a été déposé le 21 janvier 2025 par le député Hubert Ott, qui en fut également le rapporteur. À cette occasion, il a particulièrement renforcé le dispositif proposé.
Cette proposition de loi est aussi consensuelle que nécessaire. Votée à l’Assemblée nationale par tous les groupes à l’exception d’un seul, qui s’est abstenu, et adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques du Sénat, elle est l’expression d’un accord unanime de l’ensemble de la profession viticole.
Il semble évident de faire de la lutte contre les organismes nuisibles une priorité, surtout lorsqu’une des solutions consiste à appliquer la loi pour pallier les négligences ou les carences des propriétaires de parcelles laissées à l’abandon.
Ce texte s’inscrit dans cette démarche en voulant rendre applicables, donc dissuasives et potentiellement plus efficaces, les sanctions encourues en cas de non-respect de la législation. Il est l’expression concrète d’une volonté politique de simplification des procédures, attendue par le monde agricole.
Force est de constater qu’il ne sera pas mis en œuvre par voie réglementaire, aucun décret d’application n’étant prévu. Ainsi, un vote conforme du Sénat assurait qu’il entre en vigueur de façon immédiate.
Je tiens à saluer une nouvelle fois le travail accompli par Hubert Ott, député du Haut-Rhin, par la présidente de notre commission des affaires économiques, Mme Dominique Estrosi Sassone, et par le rapporteur Sebastien Pla, sénateur de l’Aude, qui a multiplié les auditions avec les représentants de la profession viticole et tous les acteurs concernés.
Les travaux parlementaires de Sebastien Pla, nourris par son expérience de vigneron de terrain, ont permis à cette initiative de voir le jour.
N’oublions pas que le fond du problème reste la crise viticole. Nous attendons des pouvoirs publics à la fois des réponses urgentes et la mise en place d’une réelle stratégie à moyen et long terme.
Il est important de souligner l’essentiel : chaque pas en avant compte. C’est pourquoi, dans un esprit de compromis, nous soutiendrons cette proposition de loi, qui marque une avancée majeure face à une crise que nous ne pouvons plus ignorer ni résoudre en prenant davantage de retard. Il faut agir vite. En ce sens, le texte pourrait entrer en vigueur dès le présent mois de juin.
Mes chers collègues, pour revenir sur le contexte et les faits, nous assistons, depuis quelques années, à une augmentation généralisée des surfaces de vignes laissées à l’abandon. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ces surfaces représenteraient environ 400 hectares dans les Pays de la Loire et 2 000 hectares en Gironde et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Loin d’appartenir au passé, la crise viticole structurelle s’installe durablement. Dans le sud de la France – la vallée du Rhône, la Provence, l’Occitanie et l’Aquitaine –, les surfaces de vignes laissées en friche vont exploser dans les douze à vingt-quatre prochains mois.
Or ces vignes abandonnées sont un réservoir pour les maladies classiques, comme le mildiou et l’oïdium, et deviennent des foyers potentiels de vecteur de la flavescence dorée, maladie transmise par la cicadelle. Cette maladie de quarantaine incurable provoque le dépérissement de la vigne et l’effondrement de son rendement.
D’où la demande, exprimée par la profession viticole depuis plusieurs mois, de sanctionner de façon plus adaptée et proportionnée les propriétaires de vignes laissées à l’abandon. L’idée est de créer un nouveau régime applicable à deux niveaux, rendant les poursuites plus rapides et plus efficaces. Le texte prévoit ainsi une contravention de cinquième classe, tout en conservant une sanction pénale de type délictuel en cas de refus répété de se conformer aux injonctions.
Le propriétaire exploitant encourt actuellement jusqu’à six mois d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Ces peines étant disproportionnées par rapport à l’infraction, elles sont très peu appliquées et donc faiblement dissuasives.
Il y a urgence à agir. Voilà pourquoi nous devons voter cette proposition de loi en des termes conformes. Cela permettra de soutenir les viticulteurs dans leur lutte contre les maladies de la vigne.
Bien évidemment, ce texte n’est qu’une réponse partielle aux problématiques plus larges de la déprise agricole, de la lutte contre les ravageurs ou encore de la crise structurelle qui frappe la filière vitivinicole. D’autres questions continuent de se poser, dont le recensement des parcelles abandonnées, le financement effectif de l’arrachage par des aides adaptées et les plans d’accompagnement des viticulteurs affectés.
Plus globalement, quel sera l’avenir de ce foncier agricole, devenu non cultivé après l’arrachage ? Sur les 100 000 hectares de vignes que possède la Gironde, 15 000 à 25 000 hectares seront arrachés, comme nous le confirme notre collègue Gillé.
Au-delà, dans certains départements, dont celui du Vaucluse, il s’agit d’inverser la tendance par une réponse forte de l’État.
La diversification des productions est souhaitable, mais quelle production choisir quand toutes les filières sont en crise ? Par ailleurs, où trouver les financements pour investir dans une restructuration qui demande de nouveaux équipements en irrigation et en nouveaux plants ? Je rappelle que ces derniers ont besoin de plusieurs années avant d’entrer en production et de devenir rentables.
Enfin, comment s’engager dans cette voie quand les exploitations agricoles sont déjà au plus mal ?
Les difficultés rencontrées à l’échelle locale illustrent systématiquement les enjeux que nous identifions à l’échelle nationale, voire européenne. Elles appellent ainsi la mise en place d’une politique prospective, dans le cadre d’une véritable stratégie globale.
Faisons en sorte que nos agriculteurs soient entendus. Nous devrions travailler à définir un plan complet de sauvegarde des cultures méditerranéennes, en remplaçant la vigne, la cerise, la fraise et la lavande par de nouvelles cultures complémentaires, telles que l’amande, la pistache, la grenade, l’argan et l’origan. Ce plan doit être mis en place très rapidement dans les départements du sud de la France, en particulier dans le mien.
Plus globalement, la mission d’information constituée par Sebastien Pla, Henri Cabanel et Daniel Laurent apportera sûrement des réponses constructives sur l’avenir de la filière.
Enfin, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, il nous faudra nous assurer de la pérennisation des aides encore disponibles, auxquelles s’ajoutent les dispositifs permanents d’échéanciers de paiement, ainsi que les procédures préventives nécessaires.
Mes chers collègues, votons cette proposition de loi afin de porter haut les couleurs de nos territoires agricoles. Ces derniers sont pour l’instant en extrême difficulté, alors qu’ils sont toujours garants de notre autonomie alimentaire.
Nos agriculteurs et nos territoires ont besoin de nous : soyons à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)
M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, de prime abord, cette proposition de loi ne me semblait pas opportune, car il n’est pas dans l’ADN des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires d’ajouter des amendes et des contraintes…
M. Vincent Louault. Toutefois, les professionnels ont fini par me convaincre, d’autant qu’ils réclamaient depuis longtemps une lutte contre les vignes non cultivées.
Je tiens à remercier le député Hubert Ott, qui a adopté la bonne méthode. Comme quoi, la simplification, lorsqu’elle se fait à la pince à épiler, est approuvée de façon unanime, car on sait qu’elle sera efficace ! (Sourires.) Les grandes simplifications, elles, sont toujours vouées à échouer.
Dans la mesure où ce texte impose une nouvelle amende aux viticulteurs, je m’étais dit qu’il serait plutôt soutenu par la partie gauche de l’hémicycle. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Bernard Buis. Le texte diminue la sanction !
M. Vincent Louault. Peu importe, je suis maintenant rassuré !
Aujourd’hui, on ne peut pas parler de viticulture sans évoquer les difficultés rencontrées par la filière, dont la baisse de la consommation. Celle-ci est d’ailleurs amplifiée par des associations qui prétendent que le vin est dangereux dès le premier verre, alors qu’elles restent muettes sur le phénomène de la biture express chez les jeunes. (M. Henri Cabanel approuve.) Absorber le maximum d’alcool en un minimum de temps, c’est tout de même autre chose que de boire quelques verres de vin rouge !
La filière souffre aussi de la surproduction, de la forte concurrence étrangère, de l’augmentation des normes, des accidents climatiques et des ravageurs. Les viticulteurs, notamment les coopératives, sont en grande difficulté. C’est la raison pour laquelle j’attends beaucoup de la mission d’information sur l’avenir de la viticulture.
Madame la ministre, on parle encore aujourd’hui de la cicadelle, la fameuse petite bête qui affecte les betteraves comme le blé, qui est un vecteur de virus et qui propage la flavescence dorée… Aucun moyen de lutte efficace n’existe à ce jour. Comme notre collègue Henri Cabanel l’a fort bien rappelé, plusieurs traitements proposés ne fonctionnent pas, et les pyréthrines bio sont inopérantes, la cicadelle y étant résistante.
Sans vouloir verser dans la provocation, rappelons qu’un produit est très efficace : l’acétamipride. Loin de moi l’idée, cependant, de mettre Duplomb dans l’aile de nos échanges – je me devais de faire cette plaisanterie, mes chers collègues ! (Sourires.)
La flavescence dorée provoque des dégâts considérables, malgré la surveillance des vignobles, la plantation de matériel sain et l’obligation de déclaration. Qu’il s’agisse de vignes conduites en agriculture biologique, conventionnelle ou en biodynamie, les parcelles de toutes nos régions viticoles sont affectées.
En Touraine, par exemple, les viticulteurs de Bourgueil, de Restigné et de Saint-Nicolas-de-Bourgueil sont confrontés à une infestation. Le nombre de parcelles touchées y est passé de quelques unités en 2022 à trente et une en 2023.
La lutte est donc obligatoire. Les sanctions initialement prévues, disproportionnées et inopérantes, relèvent désormais du régime contraventionnel. C’est positif, cette évolution favorise l’efficacité et nous allons ainsi réussir à avancer.
Il faut également aborder la question de l’arrachage. J’évoquais ce point avec notre collègue Henri Cabanel : on nous impose une sortie des terres du statut agricole au profit d’un retour à l’espace naturel, une condition qui figure dans le cahier des charges de FranceAgriMer.
Ainsi, lorsqu’un viticulteur procède à un arrachage et perçoit l’aide de 6 000 euros attribuée par cet organisme, il est tenu de retirer ces terres de l’exploitation agricole pour les laisser en jachère ou y implanter une plantation forestière. Chacun imagine le coût supplémentaire que représente une telle replantation forestière après un arrachage !
J’ai en outre soulevé en commission la question des biens sans maître : lorsque l’exploitant et le propriétaire d’une parcelle ne sont pas identifiés, les agriculteurs voisins se trouvent souvent démunis.
La législation en la matière a été améliorée, et la procédure d’acquisition par les communes ne dure désormais que quelques mois, contre quelques années naguère, ce que des sénateurs ayant exercé antérieurement des fonctions de maire ne peuvent qu’apprécier. Il s’agit donc d’un outil précieux pour les maires en matière d’aménagement du territoire et d’utilisation de ces biens. Je tenais à le souligner, car cette faculté est importante pour permettre aux élus d’aider leurs viticulteurs, qui sont fréquemment désemparés face à ces situations.
Seule une action collective sera efficace contre la flavescence dorée ; il s’agit d’une catastrophe qui nous affecte tous. Nous aspirons à préserver nos territoires, nos campagnes et nos paysages, mais également nos savoir-faire et la diversité de notre patrimoine viticole. Nous devons donc retrousser nos manches et agir au plus vite.
La méthode adoptée est la bonne, et le vote conforme qui va intervenir le confirmera.
Cette proposition de loi ne constitue certes pas une réponse à la crise multifactorielle que traverse l’agriculture, mais elle vise à limiter les conséquences négatives des vignes abandonnées. Nous la soutiendrons naturellement, car elle simplifie nos politiques et en accroît l’efficacité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)