Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la France traverse une crise du logement sans précédent, il aura fallu attendre plus d’un an pour que la navette parlementaire de cette proposition de loi arrive à son terme. Il s’agit d’un délai particulièrement inhabituel, puisque la commission mixte paritaire a été convoquée le 20 mai dernier, soit quasiment un an, jour pour jour, après l’adoption du texte en première lecture au Sénat, le 22 mai 2024.
Pourtant, face au besoin pressant des Français, nous ne pouvons plus attendre. Le constat est clair : notre pays fait face à une crise profonde du logement. Inflation, hausse des taux d’intérêt, difficultés rencontrées par les collectivités pour construire de nouveaux bâtiments, tous ces facteurs ont pour conséquence de diminuer l’offre et d’entraîner une explosion des prix des loyers, en particulier dans les grandes agglomérations.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en Île-de-France, sur 4,4 millions de mètres carrés de bureaux vacants, un quart serait en état de vacance structurelle, un chiffre considérable lorsque l’on sait à quel point il est difficile de se loger, en particulier pour les étudiants. Or plus de 87 000 d’entre eux auraient commencé l’année universitaire 2023-2024 sans logement et plus de 1,5 million d’entre eux serait mal logé.
Par ailleurs, selon l’Insee, entre 1996 et 2022, le prix de l’immobilier a été multiplié par 4,8 dans l’agglomération lyonnaise, par 4,3 à Paris, par 3,4 dans l’agglomération marseillaise ou encore par 2,9 dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants. Ces données particulièrement alarmantes justifient que le Parlement légifère, afin de faciliter la transformation des bureaux en logements.
Pour autant, cette proposition de loi ne vise pas seulement la transformation des bureaux vacants. Elle concerne tout bâtiment de destination autre qu’habitation. Cela permet d’inclure les hôtels, les garages et les bâtiments d’enseignement, lesquels peuvent accueillir de nouveaux lieux de vie pour nos concitoyens.
La crise que nous traversons est en effet non plus seulement une crise du logement, mais une crise sociale et économique, qui fragilise l’égalité des chances. Dans ce contexte, la souplesse doit guider notre action : nous devons mobiliser tous les leviers disponibles.
Depuis la crise sanitaire et l’essor du télétravail, de nombreux locaux de bureaux sont devenus vacants. Or en dépit de forts besoins, la production de logements par transformation de locaux d’activités reste stable depuis dix ans. À peine 2 % des bureaux vacants seraient reconvertis chaque année, un pourcentage faible, qui s’explique par les différents obstacles – financiers, techniques et économiques – freinant les transformations. Il nous faut donc aujourd’hui inciter à rénover des bâtiments pour les transformer en logements.
Tel est l’objectif de ce texte.
L’article 1er ouvre la loi la voie à une dérogation au plan local d’urbanisme pour permettre ces transformations, même lorsque la règle locale ne l’autorise pas.
Autrement dit, il sera désormais possible de déroger, au cas par cas, aux règles fixées par les documents d’urbanisme en matière de destination des bâtiments pour des opérations de transformation d’immeubles de bureaux ou d’administrations publiques en logements. Un pas important du chemin menant à la simplification est par là franchi.
Mieux encore, le texte précise que certains secteurs pourront être réglementés, afin de réserver à la résidence principale les logements issus de la transformation de bâtiments agricoles ou forestiers.
L’article 4 instaure par ailleurs un permis de construire à destinations multiples, qui permet d’intégrer, dès la conception, les différents usages dont un projet immobilier pourra faire l’objet, ce qui contribuera à favoriser les reconversions.
Mes chers collègues, ce texte apporte de la flexibilité et de la souplesse. Si, en raison de l’amplitude et du caractère multifactoriel de la crise du logement, cette proposition de loi ne peut résoudre cette dernière à elle seule, elle apporte une pierre à un édifice dont le chantier de construction est loin d’être achevé.
Parce que nous devons mobiliser tous les moyens pour résoudre cette crise, notre groupe votera bien évidemment pour l’adoption des présentes conclusions. (M. Claude Kern applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les faits sont accablants et hélas ! révélateurs d’une crise économique et sociale du logement : chute des volumes de la construction neuve, forte baisse du nombre de transactions dans l’ancien, blocage du parcours résidentiel.
Cette crise possède une dimension politique forte, car, à défaut de pouvoir accéder à la propriété comme les générations précédentes, nos concitoyens éprouvent un sentiment de déclassement.
Alors que, parallèlement, le nombre de résidences secondaires et de meublés de tourisme, notamment en zones tendues, va croissant, cette situation est vécue comme une injustice d’autant plus grande qu’elle entrave des projets de vie, met à mal le pacte social et menace la solidarité et la cohésion nationales.
Malgré vos efforts, que je salue, madame la ministre, les chiffres ne sont toujours pas bons. Par les récentes baisses de la réduction du loyer de solidarité, à hauteur de 200 millions d’euros, d’une part, et du taux du livret A, d’autre part, vous avez certes redonné des marges de manœuvre aux bailleurs sociaux, mais les effets de ces dispositions peinent encore à se faire ressentir. Le nombre de demandes de logements sociaux a atteint un niveau record au cours du premier semestre 2025, en s’établissant à 2,8 millions.
Face à un tel marasme, cette proposition de loi ne pourra constituer qu’une toute petite partie de la solution. Elle n’est qu’un levier d’action supplémentaire qui permettra de mobiliser davantage de réservoirs fonciers, en attendant la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement que nous examinerons ici même dans une dizaine de jours.
L’ampleur de la crise dans laquelle nous sommes englués oblige à solliciter tout moyen permettant d’augmenter le stock de logements disponibles.
Je me réjouis donc que la commission mixte paritaire ait conservé l’élargissement à l’ensemble des bâtiments ayant une destination autre qu’habitation du champ des bâtiments susceptibles de bénéficier de la dérogation aux destinations prévues par le zonage du PLU. Ce périmètre élargi, qui inclut notamment les locaux commerciaux, contribuera à renforcer l’efficacité de cette dérogation.
Cette disposition sera particulièrement utile dans le cadre des opérations de requalification des entrées de ville. Ces zones, qui font actuellement l’objet de vastes plans de reconversion, constituent des gisements de foncier et de locaux dont la mobilisation permettrait la création de plusieurs centaines de milliers de nouveaux logements.
En rendant possible la reconversion de tous les bâtiments ayant une destination autre qu’habitation en logements, ce texte se donne pour objectif de contribuer à réduire les inégalités sociales qui, nous le savons, sont nombreuses s’agissant de l’accès au logement.
Je ne puis que donc que féliciter la commission mixte paritaire d’avoir précisé le dispositif de sorte que les logements issus de la transformation qu’il rend possible seront à usage exclusif de résidence principale. En ne favorisant pas l’accroissement du nombre de résidences secondaires et de meublés de tourisme, cette mesure de bon sens contribuera à répondre aux besoins réels des territoires.
Je déplore toutefois le non-rétablissement de l’application de la part départementale de la taxe d’aménagement. Cette disposition, qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, n’affectait pas trop lourdement le coût des opérations et, partant, leur équilibre économique, mais elle aurait permis aux départements de financer notamment les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) et les espaces naturels sensibles.
Une telle suppression me paraît d’autant plus inopportune que les départements connaissent déjà de grandes difficultés financières et font face à un manque d’ingénierie. Je m’efforcerai donc d’obtenir sa réintroduction lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2026.
Cette proposition de loi n’est certes pas la grande loi logement que nous attendons depuis des années, mais elle est un texte utile, qui contribuera à élargir la palette des outils à la disposition des collectivités territoriales pour accroître l’offre de logements.
On ne peut toutefois que déplorer la fragmentation des textes et l’absence d’une réelle vision stratégique. Le contexte politique actuel n’excusera pas éternellement nos atermoiements en matière de politique du logement, madame la ministre.
La crise est là ! Elle s’aggrave de jour en jour et affecte tous les pans de la politique du logement. Relance de la construction et de l’accession de la propriété, financement du logement social, traitement des copropriétés en difficulté, hébergement d’urgence, manque de logements aménagés pour les personnes en situation de handicap : les problématiques, nombreuses, appellent des solutions dont la pertinence dépend seulement de l’exactitude du diagnostic établi et des symptômes identifiés.
En tout état de cause, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi. (M. Claude Kern applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste.
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de ce texte est clair : il s’agit de libérer, de recycler et de transformer tout potentiel foncier inexploité.
La reconnaissance par ce texte de cette ambition de réversibilité du bâti constitue une grande avancée. Elle survient dans le contexte d’une crise du logement que nous ne connaissons que trop bien et qui nous impose de mobiliser toutes les réserves foncières disponibles pour les transformer en logements, en logements étudiants ou en logements sociaux, dans une perspective de sobriété foncière.
Cette sobriété n’est pas un gros mot. La crise du logement est d’autant plus aiguë dans les métropoles, où se trouve également le plus important potentiel de transformation.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 9 millions de mètres carrés de bureaux sont vacants en France, dont plus de 5,6 millions en Île-de-France. Avec l’essor du télétravail, 27 % des surfaces de bureaux pourraient de plus être libérées, soit 3,3 millions de mètres carrés supplémentaires et l’équivalent de 50 000 logements, sans artificialiser un seul mètre carré de sol.
En 1994 déjà, le ministre du logement Hervé de Charette estimait que la transformation de bureaux en logements était « un impératif économique et social ». Quelque trente ans plus tard, cet impératif est plus actuel que jamais.
Pourtant, seuls 2 000 logements issus de conversions sont créés chaque année. C’est trop peu, quand on estime que jusqu’à 150 000 logements, susceptibles d’accueillir 340 000 personnes, pourraient être créés rien qu’en région parisienne. Il est donc impératif d’agir, et c’est justement ce que ce texte entend rendre possible.
Tel est notre premier motif de satisfaction : cette proposition de loi propose en effet des leviers d’action concrets pour faciliter les conversions. Je pense en particulier aux permis de construire à destinations multiples, innovation éprouvée avec succès sur le village olympique. Cette mesure illustre le changement de paradigme par lequel nous choisissons d’intégrer la réversibilité des bâtiments dès leur conception.
Par ailleurs, le volet fiscal de ce texte, qui a été introduit dans l’article 111 de la loi de finances pour 2025 du 14 février 2025, traduit l’impératif d’une fiscalité incitative, permettant de concilier la création de nouveaux logements et le financement d’équipements publics.
Notre deuxième motif de satisfaction a trait aux apports du Sénat. Toute autosatisfaction mise à part, nous pouvons reconnaître la sagesse qui a conduit notre assemblée à conforter la philosophie même du texte, initialement centré sur les bureaux, en élargissant son périmètre à d’autres bâtiments – hôtels, garages, etc. Ce sont autant de gisements fonciers qui seront désormais mobilisables pour construire la ville sur la ville, arrêter l’irrésistible étalement urbain et revitaliser nos communes.
Notre troisième motif de satisfaction tient enfin à l’inscription de ce texte dans une dynamique plus large.
Dans quelques jours, nous examinerons la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement du député Huwart. Ce texte, complémentaire, ouvre de nouvelles perspectives, s’agissant notamment du devenir des zones d’activités économiques en entrée de ville, dont le potentiel foncier est estimé à 55 000 hectares, soit l’équivalent de 70 millions de mètres carrés.
Partout, sur notre territoire national, des initiatives donnent l’exemple et méritent d’être saluées : une friche devenue quartier à Strasbourg ou à Dijon, l’ancienne préfecture de Paris transformée en hôtel, commerces et restaurants, ou encore le siège du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) reconverti en résidence étudiante à Suresnes.
En tant que législateur, c’est à nous, mes chers collègues, qu’il revient d’enlever les verrous normatifs pour accélérer de tels projets. Je salue à ce titre la vigilance et la réactivité de Mme la ministre chargée du logement, qui s’est notamment engagée à publier d’ici à l’été plusieurs décrets d’application indispensables afin d’accélérer la bonne mise en œuvre des textes adoptés.
En conclusion, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Ian Brossat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons ce texte, qui vise à faciliter la transformation d’immeubles de bureaux et, plus largement, d’immeubles tertiaires en logements. Nous souscrivons en effet à l’objectif qui a présidé à ce texte et sommes convaincus qu’il faut miser sur ce vaste vivier identifié.
Cette proposition de loi comporte des avancées susceptibles de faciliter, sur le plan technique, la transformation d’immeubles tertiaires en logements.
Elle permettra notamment d’effectuer des changements de destination pour les bureaux situés dans des zones où le PLU ne prévoit pas de logements et de majorer le volume constructible au bénéfice de logements étudiants. Ce texte donne également aux collectivités la possibilité de s’appuyer sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour leurs projets de transformation d’immeubles de bureaux en logements.
Nous voterons cette proposition de loi dans le contexte d’une terrible crise du logement, laquelle frappe à la fois les classes populaires et les plus modestes, mais aussi de plus en plus de personnes issues des classes moyennes, des jeunes, des étudiants et des familles qui ont du mal à se loger.
Nous voterons ce texte, car, notre pays ne produisant pas suffisamment de logements, nous devons nous saisir de l’occasion de transformer des immeubles de bureaux obsolètes et des immeubles tertiaires en logements.
Si ce texte comporte donc d’importantes avancées, je souhaite insister sur deux points.
Lorsque j’étais adjoint en charge du logement à la maire de Paris, j’ai observé que les plus belles opérations de transformation d’immeubles de bureaux en logements, en particulier en logements sociaux, ont été réalisées grâce à la cession, par l’État, de biens à des prix bien en dessous des prix du marché.
Ainsi, les anciens bureaux du ministère de la défense, rue Saint-Dominique, ont été transformés en 254 logements sociaux, dont une partie a été affectée à des militaires, ce qui était assez logique au regard de la destination initiale de l’immeuble. Malgré la mauvaise volonté de la maire d’arrondissement de l’époque – elle est du reste toujours en poste –, ce projet a vu le jour, si bien que des assistantes maternelles, des policiers et des caissières peuvent désormais vivre dans l’un des arrondissements les plus cossus de Paris, et tout s’est très bien passé.
Je forme le vœu que l’État montre l’exemple et continue de céder des biens en dessous du prix du marché pour que d’autres opérations du même type voient le jour. Malheureusement, du fait des contraintes budgétaires, la tentation est grande de céder ces biens au plus offrant. Aussi, depuis plusieurs années, l’État n’effectue plus de telles cessions. J’estime pourtant que, si nous voulons défendre le logement et le logement social, ces cessions offrent une occasion que nous ne pouvons pas laisser passer. Il serait donc utile d’identifier de nouveaux biens.
Il me paraît par ailleurs nécessaire d’adopter une taxation plus lourde et, partant, plus désincitative des immeubles de bureaux vides, que leurs propriétaires laissent parfois vacants durant des années.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, si cette proposition de loi va dans le bon sens, notre groupe a des suggestions pour aller plus loin !
Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (M. Daniel Salmon applaudit.)
Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte issu de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu’habitation en habitations apporte très certainement des ajustements utiles pour faciliter les opérations de transformation – s’il est difficile de l’affirmer aujourd’hui, l’avenir nous le dira.
Comme je l’ai indiqué en mai 2024, les écologistes soutiennent de longue date de telles transformations. Telle était du reste la première proposition figurant dans le programme que nous avions élaboré en vue des élections municipales de 2014, il y a donc plus de dix ans.
Oui, dans un contexte de crise du logement, il faut réutiliser les surfaces vacantes. Oui, des bureaux vides, chauffés, éclairés et climatisés sont un problème écologique majeur. Et oui, il est indécent de laisser des millions de mètres carrés inoccupés, alors que 14,6 millions de nos concitoyens rencontrent des difficultés pour se loger.
Soyons toutefois lucides, mes chers collègues : ce texte ne répond pas à l’ampleur de la crise. Il n’impose en effet aucune contrainte sociale, n’encadre ni les loyers ni les prix de sortie et ne prévoit aucun fléchage prioritaire vers les publics les plus en difficulté. Surtout, comme souvent, il laisse les collectivités seules, sans moyens supplémentaires.
Ce texte fait au fond le pari que la souplesse urbanistique suffira à loger ceux qui, aujourd’hui, ont des difficultés de logement. Or c’est un leurre !
Dans le même temps, quelque 4 millions de personnes sont mal logées, 2 millions attendent un logement social et des milliers vivent dans un hébergement précaire et dorment dans un hôtel, voire dans leur voiture.
Or que faisons-nous ? Nous empilons de petits dispositifs, qui pour les zones tendues, qui pour l’habitat indigne, qui pour les copropriétés dégradées, certes utiles à leur hauteur, mais insuffisants. Aujourd’hui, ce sont les bureaux ; demain, ce sera autre chose… Il n’y a là ni stratégie globale ni cohérence ni vision politique de ce que nous voulons pour le logement.
Cela me désole profondément, mes chers collègues, tout comme me désolent deux dispositions de ce texte.
L’article 1er, tel qu’il a été adopté par le Sénat, permet de déroger aux règles du PLU relatives à la taille minimale des logements. Je le dis clairement, nous sommes contre cette mesure.
Vous me répondrez, mes chers collègues, qu’il vaut mieux faire de petits logements que pas de logements du tout. Eh bien non ! Nous avons déjà eu ce débat dans cet hémicycle : lorsque nous légiférons, nous devons nous assurer que nous favorisons la mise sur le marché de logements confortables, qui respectent la qualité de vie et la dignité de leurs futurs habitants.
L’article 5 bis étend par ailleurs le bonus de constructibilité aux logements étudiants privés. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale réservait cette disposition aux gestionnaires publics, ce qui était à la fois plus responsable et plus respectueux des engagements de l’État. Dans un marché caractérisé par la spéculation, nous savons en effet ce que permettra cette extension : plus de logements étudiants, peut-être, mais souvent à des loyers prohibitifs.
Or la précarité étudiante explose. Un étudiant sur dix vit dans un parking, dans une laverie ou dans sa voiture. Telle est la réalité, mes chers collègues.
Alors oui, il faut transformer les bureaux, mais nous ne croyons pas que la dérégulation produira de la justice. Nous ne croyons pas non plus que la ville durable se construira sans mixité sociale. Nous voulons une politique du logement qui place les droits avant les rendements.
En mai 2024 – il y a déjà un an –, lors de l’examen initial de ce texte, j’indiquais que nous voterions cette proposition de loi. C’est bien ce que nous allons faire, comme nous avons voté d’autres mesures ciblées. Mais ces petites lois ne suffisent pas. Elles ne résolvent pas la crise structurelle du logement.
En 1846, ici même, au Sénat, Victor Hugo déclarait : « Vous nous mettez en présence d’une petite loi ; je la vote avec empressement, mais j’en provoque une grande. Cette grande loi, c’est une loi d’ensemble. »
Nous en sommes là nous aussi, mes chers collègues. Nous voterons ce texte, mais nous voulons provoquer une grande loi, une loi d’ensemble, une loi qui change la donne, une loi qui reconnaisse enfin que se loger est un droit et que le logement n’est ni une variable d’ajustement budgétaire ni un segment d’investissement.
Il est temps d’assumer une politique du logement à la hauteur de la crise. Les écologistes y sont prêts. Je pense que cet hémicycle y est prêt également. Les Français l’attendent, et le pays en a besoin. (M. Daniel Salmon applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, presque un an jour pour jour après l’adoption de cette proposition de loi par le Sénat, la commission mixte paritaire qui s’est tenue à l’Assemblée nationale le 20 mai dernier fut conclusive. La navette parlementaire de ce texte, pour le moins étendue dans le temps, s’achève donc.
Pour rappel, cette proposition de loi avait pour objectif d’accélérer la mobilisation des bureaux vacants en vue de la création de logements, en adoptant des règles d’urbanisme et de copropriétés pertinentes et en prévoyant un régime fiscal adapté. Afin de favoriser les projets de construction réversibles, elle instaure également un permis de construire à destinations multiples. Elle comporte, enfin, des dispositions visant à favoriser la réalisation de résidences étudiantes.
Le 22 mai 2024, le groupe socialiste avait voté en faveur de ce texte. Compte tenu de l’ampleur de la crise du logement dans notre pays, il aurait été difficile de ne pas soutenir une proposition de loi portant une ambition absolument essentielle, à la fois pour répondre aux besoins de construction de logements, tenir nos objectifs de réduction de l’artificialisation et lutter contre l’étalement urbain : repenser l’urbanité, notamment en facilitant la transformation de tout le bâti existant non utilisé, aussi bien dans les zones tendues que dans les zones rurales.
La commission mixte paritaire a adopté conforme trois articles sur treize : l’article 1er bis, qui prévoit la transmission de données sur la vacance des locaux commerciaux et professionnels aux services déconcentrés de l’État compétents en matière d’aménagement et d’environnement ; l’article 5, qui permet aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de recourir aux marchés de conception-réalisation ; enfin, l’article 7, qui prévoit l’abaissement de la majorité nécessaire à l’adaptation de la répartition des charges de copropriété en cas de transformation de bureaux en logements.
Les conclusions de la commission mixte paritaire nous ont donné satisfaction sur plusieurs points qui nous paraissaient essentiels et sur lesquels nous demeurions vigilants.
Nous souhaitions tout d’abord que cette proposition de loi contribue à augmenter l’offre de logements pour les ménages. En ce qui concerne le volet fiscal, nous nous félicitons donc qu’un maire ou un président d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) puisse appliquer la servitude dite de résidence principale à l’ensemble des opérations de transformation de tout bâtiment en logements.
Autre acquis de nos discussions, l’ANCT pourra soutenir les petites collectivités locales dans la conception, la définition et la mise en œuvre des projets de transformation de bureaux en logements.
Mon groupe avait proposé d’introduire cette possibilité par voie d’amendement, car, en zone rurale, les opérations de transformations de bâtiments publics vacants – anciennes trésoreries, bureaux de poste, bâtiments d’école –, qui peuvent être utilement changés en logements requièrent de l’ingénierie et des compétences de gestion des coûts. L’ANCT pourra donc accompagner les élus, en particulier lors de la phase d’identification et d’étude du potentiel de ces locaux vacants susceptibles d’être transformés en habitations.
L’Assemblée nationale avait par ailleurs conditionné la dérogation, prévue à l’article 6, permettant le changement de destination d’un lot de copropriété pour la transformation de locaux tertiaires en logements, à l’occupation des logements à titre de résidence principale pour une durée minimale de trois ans.
Le Sénat ayant supprimé cette disposition, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain était favorable à son rétablissement, qui permettra d’éviter que les locaux ainsi transformés ne soient versés au marché de la location de courte durée.
Enfin, avec ma collègue Florence Blatrix Contat, en commission mixte paritaire, j’ai regretté que le volet fiscal, qui a été retiré du texte et inséré dans la loi de finances pour 2025, n’assujettisse les opérations de transformation qu’à la part communale de la taxe aménagement, exonérant ces dernières de la part départementale de cette même taxe.
Cet assujettissement n’aurait pourtant eu qu’un effet très limité sur le coût des opérations et, partant, sur l’équilibre économique de ces dernières, alors qu’il aurait sans doute permis aux départements de financer notamment les CAUE.
Il est inutile de rappeler que les départements connaissent des difficultés et qu’ils ont besoin de ces ressources, comme il est inutile de rappeler que les communes ont besoin de l’ingénierie des CAUE. Je ne doute pas que nous en débattrons de nouveau, sans doute dès cet automne.
En tout état de cause, je vous invite à adopter cette proposition de loi, mes chers collègues. Ce texte pragmatique tente en effet d’apporter des réponses à la crise du logement. Il ne saurait toutefois se substituer – tant s’en faut ! – à la définition et à la mise en œuvre de la véritable politique globale du logement qui nous manque cruellement depuis 2017. Nous souhaitons donc que ce texte ne soit qu’une étape.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Claude Kern applaudit également.)
M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, le secteur du logement est actuellement à la peine. Les chiffres de l’Union sociale pour l’habitat sont alarmants : le nombre des demandes de logement social s’élève à 2,8 millions. Un nouveau record a ainsi été atteint cette année.
Face à ce profond marasme, si la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements renforce les outils laissés à la disposition des élus locaux afin d’organiser leurs territoires, elle ne pourra répondre à elle seule à la crise du logement. Néanmoins, des opérations de reconversion ont le mérite de constituer des solutions ponctuelles non négligeables et d’apporter de la flexibilité.
Aussi, ce texte présente un intérêt à bien des égards et sera suivi de deux autres initiatives parlementaires : d’une part, la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, que nous examinerons dans cet hémicycle le 17 juin prochain ; d’autre part, la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété, déposée par notre collègue Amel Gacquerre, qui sera débattue prochainement à l’Assemblée nationale.
Au cours des travaux de la CMP, je suis heureux que députés et sénateurs aient fait preuve d’un esprit de consensus en levant les divergences entre les deux chambres, afin de parvenir à une rédaction commune.
Cette proposition de loi transpartisane répond à un véritable besoin, clairement identifié dans de nombreux territoires. En effet, la situation du logement est très inquiétante, marquée par un énorme déficit de constructions et une insuffisance de l’offre telle que les demandes de logement social ne peuvent pas être satisfaites.
Aussi, ce texte est le bienvenu, car il permet, de façon pragmatique, d’augmenter l’offre, alors que le marché du logement est totalement figé. Il fait donc œuvre utile en accélérant et en simplifiant la transformation de bureaux en logements, transformation qui ne peut se faire sans les élus locaux, car ce sont eux qui connaissent le mieux les particularités de leurs territoires et les besoins des habitants.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Claude Kern applaudit également.)