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Dossier législatif : proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI)
Article 1er

Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), présentée par Mme Anne Chain-Larché, M. Pierre Cuypers et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 416, texte de la commission n° 664, rapport n° 663, avis n° 659).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne Chain-Larché, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Chain-Larché, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à représenter des territoires qui ont été durement frappés, parfois à plusieurs reprises, par des inondations.

Ces épisodes météorologiques de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses ont des conséquences humaines, économiques et environnementales chaque fois plus lourdes. Mon département de Seine-et-Marne en offre un exemple, mais je pourrais aussi citer le Var, les Bouches-du-Rhône, le Pas-de-Calais, les Landes ou le Gers, pour ne citer que les cas les plus récents.

Ces catastrophes ne sont plus exceptionnelles : elles sont devenues structurelles. Elles bouleversent la vie de nos concitoyens, détruisent des infrastructures, paralysent l'activité locale et mettent à rude épreuve nos territoires et les élus locaux, qui restent désemparés.

L'État, les régions et les départements volent régulièrement au secours des collectivités en cas de sinistre. Aujourd'hui, il est l'heure de s'attaquer aux causes, plutôt qu'aux conséquences.

Force est de constater que l'organisation actuelle de la gestion des risques d'inondations a atteint ses limites. La répartition de la compétence Gemapi a été une avancée, mais elle reste encore aujourd'hui mal comprise et inégalement exercée. Elle peut être vécue comme une contrainte par des collectivités qui attendent plus de solidarité.

Les élus de terrain nous le disent : face à ce fléau, ils se sentent seuls et bien démunis devant de telles responsabilités, qui sont lourdes sur les plans tant technique que juridique, alors même qu'ils ne disposent pas des moyens humains, financiers et logistiques nécessaires. Ils demandent plus de clarté, de cohérence et de souplesse pour adapter les réponses à la réalité de leur territoire. C'est pourquoi il nous a semblé utile de faire évoluer la législation en vigueur.

Avec mon collègue Pierre Cuypers, je présente aujourd'hui une proposition de loi composée de quatre articles.

L'article 1er donne la possibilité aux intercommunalités de déléguer, avec l'accord des communes membres, tout ou partie de la compétence Gemapi aux conseils départementaux, redonnant ainsi une capacité d'action directe aux départements en matière de Gemapi, capacité supprimée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam.

Cet article ne bouleverse pas l'architecture des compétences ; il ouvre simplement une nouvelle porte vers une meilleure coopération, une plus grande subsidiarité et une mobilisation plus efficace des moyens et des expertises. Une porte que les collectivités concernées ne seront pas obligées d'ouvrir, et c'est là la force de cet article : ni contrainte ni obligation !

L'article 2, dont Pierre Cuypers vous parlera plus en détail, mes chers collègues, a pour objet d'ajuster le périmètre de la gestion des eaux pluviales urbaines, en y plaçant de manière explicite le ruissellement et l'érosion des sols, dès lors qu'il existe un lien avec la prévention des inondations. Là encore, il s'agit d'une demande forte des élus locaux.

L'article 2 bis permet aux communes de conventionner avec les départements pour obtenir une assistance technique dans la lutte contre le ruissellement.

Enfin, l'article 3 prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport sur la taxe Gemapi contenant des propositions en vue de la constitution d'un fonds de péréquation pour réduire les inégalités entre intercommunalités à l'échelle des bassins versants. C'est bien là que se situe l'enjeu : donner davantage de moyens aux territoires les plus touchés sans augmenter encore la pression fiscale des ménages qui y résident.

Avec mon collègue Pierre Cuypers, j'ai conscience que cette proposition de loi est une première étape. C'est ce qui a été rappelé en commission.

Le moment est venu pour moi de saluer le travail du rapporteur de la commission des lois, Hervé Reynaud, et du rapporteur pour avis de la commission des finances, Laurent Somon.

Ce texte est une première pierre que nous posons aujourd'hui ensemble pour bâtir, dans les mois à venir, une politique de prévention des inondations plus opérationnelle et mieux adaptée aux réalités locales. Tel est l'objet de la mission d'information flash relative à la compétence de gestion de l'eau et des milieux aquatiques, conduite depuis plus d'un an par nos collègues Rémy Pointereau, Hervé Gillé et Jean-Yves Roux, dont je salue le travail, qui devrait aboutir, à l'automne prochain, à un texte complémentaire.

Cette proposition de loi est un texte de liberté et de confiance envers nos élus locaux, que nous rendons maîtres de leurs choix. Elle est l'occasion d'ouvrir un débat sur la nécessaire solidarité des territoires pour mener une politique ambitieuse en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord saluer le travail mené en commission et remercier tout particulièrement nos rapporteurs, Hervé Reynaud et Laurent Somon, de leur implication constante dans cette proposition de loi.

Je souhaite également souligner l'apport crucial de notre collègue Mathieu Darnaud, rapporteur du texte fondateur de la Gemapi, qui a permis de créer cette compétence.

Je tiens aussi à saluer Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, auteurs d'un précieux rapport d'information sur la prévention des inondations, qui a largement contribué à documenter les enjeux actuels.

Enfin, à la suite d'Anne Chain-Larché, j'adresse un mot de reconnaissance à notre collègue Rémy Pointereau, dont la mission d'information flash en cours sur la compétence Gema produira des conclusions riches en recommandations, pour continuer à faire évoluer cette compétence plus que nécessaire.

Ma collègue et moi-même avons souhaité, ensemble, proposer une réponse pragmatique et efficace à une urgence territoriale bien évidente, que nous constatons sur le terrain : les inondations par ruissellement, qui frappent désormais bien au-delà des seules zones classiquement inondables.

Le ruissellement, ce sont ces pluies intenses qui ne pénètrent plus les sols, saturés, compactés ou imperméabilisés. Ce sont des coulées d'eau mêlée de boue qui descendent les pentes, inondent les caves, détruisent les habitations, créent des embâcles, emportent les cultures, bloquent les routes, détruisent les équipements publics d'eau et d'assainissement, détériorent nos monuments et dégradent le patrimoine. Ce sont des crues éclair, brutales, répétées et parfois plus destructrices que les crues fluviales elles-mêmes.

En Seine-et-Marne, nous avons connu cela. Des épisodes d'une intensité exceptionnelle ont semé la désolation chez les riverains. Je pense aux coulées de boue de septembre 2024, qui ont touché de nombreuses communes. Je pense également à la crue du Grand Morin, en octobre dernier, qui a dépassé, par son ampleur, celle de 2016, qui était déjà d'un niveau record.

Nos territoires ruraux sont en première ligne et sont en grand danger. Pourtant, les élus locaux nous le disent : ils n'ont pas toujours les outils, le personnel ou les dispositifs adaptés pour y répondre efficacement. C'est pourquoi cette proposition de loi ouvre des perspectives nouvelles et concrètes.

L'article 2 clarifie le périmètre de la compétence Gemapi, en y intégrant explicitement la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols dans les zonages des eaux pluviales. Cette précision est capitale : elle permettra aux intercommunalités d'agir de manière ciblée, juridiquement sûre, sur les zones sensibles – implantation de haies, bassins de rétention, fascines, fossés ou bandes enherbées. Oui, des solutions existent ! Encore faut-il pouvoir les mettre en œuvre.

L'article 2 bis vient en appui des communes, souvent isolées, quelle que soit leur taille, en leur permettant de bénéficier de l'assistance technique des départements pour définir et mettre en place ces actions.

C'est une mesure de bon sens, fondée sur la réalité de terrain. Elle ne crée pas de contrainte ; elle ouvre une possibilité. Et cette dernière donnera des moyens et des marges de manœuvre aux maires, notamment dans les communes rurales.

Mes chers collègues, ce texte n'est pas une réforme d'affichage. Il n'ajoute pas de strates, il n'alourdit pas les dispositifs : il rend simplement possible l'action, il clarifie, il soutient, il accompagne, il sécurise. Oui, ce n'est là que du bon sens !

C'est une étape, une nouvelle pierre à cet édifice que nous devons continuer à bâtir ensemble, pour mieux prévenir, mieux protéger et mieux préserver, pour armer nos territoires face à ces phénomènes météorologiques qui – et c'est regrettable – ne feront probablement que s'intensifier.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Reynaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient donc de vous présenter le fruit des travaux que Laurent Somon, au nom de la commission des finances, et moi-même avons menés conjointement sur cette proposition de loi relative à la Gemapi de nos collègues de Seine-et-Marne Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers.

Comme l'ont établi l'année dernière nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, les inondations sont aujourd'hui le premier risque naturel en France. Elles recouvrent une pluralité de phénomènes aussi violents et intenses que soudains et fréquents.

Depuis le 1er janvier 2018, les intercommunalités à fiscalité propre disposent principalement de la compétence Gemapi.

Pour mémoire, la loi Maptam a attribué aux communes une compétence ciblée et obligatoire relative à la Gemapi, avec un transfert obligatoire à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre auquel chacune d'entre elles appartient.

Par la suite, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a fixé au 1er janvier 2018 la date d'effet de ce transfert. Depuis lors, cette compétence est une compétence obligatoire et exclusive des EPCI à fiscalité propre.

Toutefois, face aux difficultés de mise en œuvre concrète du transfert de cette compétence, le législateur a introduit plusieurs ajustements à ce principe de transfert obligatoire et d'un exercice exclusif de la compétence Gemapi par les intercommunalités.

Tel était l'objet de la loi du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite loi Fesneau-Ferrand, dont notre collègue le président Darnaud était rapporteur.

En effet, les départements, les régions, les groupements et autres personnes morales de droit public qui assuraient des missions relevant de la Gemapi à la date d'entrée en vigueur de la loi peuvent continuer à les exercer, sans limite de durée, sous réserve de l'accord de l'EPCI, par le biais d'une convention conclue pour une durée de cinq ans renouvelables.

Selon la même logique, la loi de 2017 a autorisé les départements et régions qui le souhaitent à demeurer membres des structures syndicales exclusivement compétentes en matière de Gemapi auxquelles ils adhéraient avant le transfert.

La compétence Gemapi s'exerce également au niveau des bassins versants. C'est pourquoi de nombreux syndicats de communes et syndicats mixtes ont été constitués de longue date pour exercer ces missions à l'échelon pertinent : syndicat de rivière, établissement public de bassin, etc. Le législateur n'a pas voulu remettre en cause leur existence.

Enfin, le financement de la compétence Gemapi est assuré par une taxe, facultative, plafonnée et affectée, qui doit être assumée par les communes et les EPCI à fiscalité propre compétents.

Dans le même esprit d'adaptation, la proposition de loi qui vous est soumise a pour objet de répondre aux fortes demandes exprimées par les élus locaux, qui souhaitent bénéficier de nouvelles souplesses dans l'exercice de cette compétence.

Partant du constat de « réalités territoriales souvent complexes, [de] la diversité des acteurs concernés et [de] la nécessité d'une coordination accrue », les auteurs de ce texte, dont deux des articles entrent dans le champ de compétence de la commission des lois, proposent une évolution du cadre législatif de la Gemapi.

Ils souhaitent, à titre principal, instituer une nouvelle faculté de délégation de tout ou partie de la compétence Gemapi des EPCI à fiscalité propre aux départements, afin de « permettre une meilleure coordination et [de] tirer parti des expertises techniques et logistiques des acteurs départementaux ».

À titre plus subsidiaire, ils ambitionnent de clarifier la « répartition des responsabilités, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de ruissellement », en permettant d'introduire dans le zonage communal ou intercommunal d'assainissement des mesures relatives au ruissellement.

Au travers des auditions que nous avons menées, et comme le soulignent les différents travaux conduits par le Sénat en la matière, nous avons pu relever que, près d'une décennie après sa création, la compétence Gemapi ne satisfait pas complètement les élus locaux et mérite des correctifs, pour être adaptée aux réalités locales.

En particulier, nous avons pu mesurer le caractère parfois poreux des frontières entre la compétence Gemapi et la compétence gestion des eaux pluviales urbaines (Gepu). En effet, le ruissellement peut, suivant son ampleur et en fonction des caractéristiques du territoire concerné, relever de la gestion des eaux pluviales urbaines ou de la prévention des inondations.

Tout en approuvant l'économie générale de la proposition de loi, la commission des lois a souhaité clarifier et compléter les dispositions qui nous sont soumises.

Ainsi, nous avons aligné la procédure de délégation de la compétence Gemapi des EPCI aux départements sur la procédure de délégation de droit commun, en prévoyant l'accord de l'ensemble des communes membres de l'EPCI.

Par ailleurs, à l'article 2, nous avons explicité le lien entre les mesures de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols qui pourraient, à titre facultatif et en fonction des réalités territoriales de chaque intercommunalité, être intégrées dans les zonages relatifs à l'assainissement.

Enfin, nous avons souhaité compléter cette proposition de loi par un article additionnel visant à ajouter la lutte contre le ruissellement à la liste des domaines pour lesquels le département peut mettre à disposition des communes ou des EPCI, qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences, une assistance technique.

Moyennant ces modifications destinées à enrichir cette proposition de loi, la commission des lois a adopté cette dernière.

Mes chers collègues, je vous propose d'ajouter une nouvelle pierre à l'édifice des libertés locales et des souplesses offertes aux élus locaux en matière de Gemapi en adoptant ce texte, même si je n'ignore pas que ces travaux ont vocation à être poursuivis et complétés par ceux que mènent nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales, Jean-Yves Roux et Rémy Pointereau.

Je conclurai en m'adressant plus particulièrement à vous, madame la ministre, pour déplorer que le Gouvernement ne se soit pas saisi de ce texte pour faire évoluer l'exercice de la compétence Gemapi et pour accompagner les élus locaux, qui se trouvent souvent particulièrement démunis face à des risques naturels sans précédent, comme ils nous l'ont dit en auditions.

Ces élus réclament du législateur qu'il leur permette d'exercer plus efficacement la compétence Gemapi, avec une approche aussi pragmatique que possible, ainsi que des financements à la hauteur des enjeux de sécurité publique, reposant sur la solidarité nationale.

Sans vouloir empiéter sur les compétences de mon collègue Laurent Somon, nous pouvons profiter de ce débat pour interroger le Gouvernement sur la taxe Gemapi, qui n'apparaît pas comme un instrument à la hauteur des enjeux pour les collectivités, en raison de l'insuffisance des montants en jeu, mais aussi parce qu'aucune solidarité financière nationale ne s'y attache. De fait, le Gouvernement devra évidemment donner suite à l'article 3 de cette proposition de loi.

Je forme donc de nouveau le vœu que le Gouvernement prenne réellement en compte les aspirations des élus des collectivités territoriales en écoutant, ce soir, la voix du Sénat. (M. Pierre Cuypers applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (MM. Pierre Cuypers et Emmanuel Capus applaudissent.)

M. Laurent Somon, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin du mois de mai dernier, trois personnes sont mortes dans le Var à la suite d'un épisode orageux ayant causé d'importantes inondations. Au-delà des pertes humaines, irréparables, les territoires touchés déplorent des dommages importants, qu'ils soient matériels, financiers ou psychologiques.

Ce drame récent dans le Var s'inscrit dans une tendance à la récurrence et à l'intensification d'événements météorologiques extrêmes, tels que le Pas-de-Calais et la Somme en avaient connu à la fin de 2023 et au début de 2024, avec des conséquences terribles. J'ai également en tête l'épisode tragique de 2001, qui a duré plusieurs mois, dans mon département de la Somme.

Face à ces risques, les collectivités territoriales sont en première ligne. C'est le cas des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, qui exercent la compétence Gemapi. La création de cette compétence, en 2014, s'est accompagnée de la création d'un nouvel impôt local facultatif, une taxe dite Gemapi, codifiée à l'article 1530 bis du code général des impôts.

Bien que cette taxe constitue une ressource en croissance pour les collectivités, de nombreux élus indiquent qu'elle n'est pas suffisante. Les territoires fortement exposés aux inondations mobilisent bien souvent la taxe Gemapi à un niveau proche du plafond de 40 euros par habitant, tandis que des marges existent dans les EPCI moins exposés. L'insuffisance de la taxe Gemapi serait donc surtout liée à son inégale répartition sur le territoire.

L'examen de la présente proposition de loi a été renvoyé à la commission des lois, qui a traité les articles 1er et 2, cependant que l'examen au fond des articles 3 et 4 a été délégué à la commission des finances – il s'agit du volet fiscal de la proposition de loi, qui porte sur la taxe Gemapi.

L'article 3 prévoit la remise d'un rapport au Parlement par le Gouvernement sur la mise en œuvre de la taxe Gemapi, sur les modalités d'organisation d'une répartition plus équitable de son produit sur le territoire, ainsi que sur l'opportunité d'instaurer un fonds de péréquation de cette taxe.

Certes, le Sénat est généralement méfiant vis-à-vis des rapports demandés au Gouvernement : la dernière enquête de Sylvie Vermeillet sur l'application des lois a ainsi relevé que seuls 20 % des rapports demandés sont effectivement remis.

Il nous a toutefois semblé que ce rapport pouvait permettre d'engager une réflexion partenariale avec le Gouvernement, et, surtout, d'affirmer qu'il revient en priorité à celui-ci de prendre ses responsabilités en matière de solidarité nationale.

La commission des finances a donc décidé d'adopter cet article sans modification. Je vous invite, mes chers collègues, de faire de même en séance.

L'article 4, quant à lui, prévoyait que les recettes de la taxe Gemapi puissent désormais financer les actions menées dans le cadre de la compétence maîtrise des eaux pluviales en zone non urbaine, qui ne fait pas partie de la compétence Gemapi. Il permettait ainsi à l'EPCI ou, à défaut, au syndicat ou au département auquel la compétence Gemapi a été transférée de reverser la taxe, en partie ou en totalité, aux communes, afin de prendre en charge la compétence maîtrise des eaux pluviales en zone non urbaine.

Surtout, cet article me semble superflu pour ce qui concerne les départements. En effet, l'article 1er de la proposition de loi prévoit la possibilité d'une délégation, et non pas d'un transfert de la compétence aux départements.

Or il est déjà possible de reverser les financements aux communes dans le cadre d'une délégation – nous évoquerons peut-être la possibilité de procéder à un tel reversement lors d'un transfert de compétence, dans des cas très particuliers.

La commission des finances a donc supprimé cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le président, monsieur le rapporteur Hervé Reynaud, monsieur le rapporteur pour avis Laurent Somon, madame la sénatrice Anne Chain-Larché, monsieur le sénateur Pierre Cuypers, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi discutée ce jour dans cet hémicycle s'inscrit dans la réflexion que la Nation a engagée depuis plusieurs années déjà, par la voix de son Parlement, au sujet de la répartition de la compétence Gemapi entre les différents niveaux de collectivités.

Rappelons qu'il s'agit d'un sujet de première importance pour nos concitoyens. C'est en effet à la suite de la catastrophe Xynthia, qui avait causé la mort de 53 personnes, que cette compétence était entrée en vigueur le 1er janvier 2018, afin de mener une action publique de prévention plus efficace contre les risques d'inondation.

En raison du réchauffement climatique, ce sujet devient chaque année d'une actualité hélas ! de plus en plus dramatique, à mesure que les inondations gagnent en fréquence et en intensité et que les catastrophes naturelles s'aggravent.

Nous devons travailler ensemble pour apporter des réponses et réagir plus efficacement.

Les Français voient certains de leurs concitoyens, toujours plus nombreux, souffrir matériellement et humainement de ces dramatiques événements. Ces images catastrophiques, qui inspirent empathie et inquiétude dans tout le pays, nourrissent un besoin de réponses concrètes et rapides de la part des pouvoirs publics, couvrant un large faisceau d'interventions.

La loi du 30 décembre 2017 de Marc Fesneau et de Richard Ferrand a déjà permis aux EPCI à fiscalité propre, dits gémapiens, de se saisir de ces enjeux dans des conditions adaptées. Il existe déjà des possibilités de transfert ou de délégation à des structures regroupant les intercommunalités d'un même bassin versant, afin de mutualiser davantage les actions de lutte contre les inondations et de les rendre plus efficaces. Je détaillerai ce point tout particulièrement.

Il est également possible, pour un département historiquement impliqué dans ces actions, de les poursuivre par convention avec les gémapiens, pour éviter des ruptures préjudiciables à l'efficacité de l'action publique.

Aucune des deux chambres n'a remis en question ces modalités d'exercice de la compétence Gemapi, non plus que l'échéance du 1er janvier 2018.

En ce qui concerne la question du bon échelon d'intervention, et parce que les inondations peuvent franchir les limites administratives, la loi a déjà prévu, comme je l'ai souligné, des outils de coopération intercommunale avec la possibilité de regroupement des gémapiens au sein de syndicats mixtes spécialisés dans l'exercice des missions de la compétence Gemapi, et ce au niveau des bassins versants, considérés par les spécialistes comme le meilleur échelon pour agir.

Si les élus le décident, ces syndicats peuvent également prévoir dans leurs statuts des règles de partage des coûts assurant une solidarité notamment amont-aval.

Ces dispositifs nous paraissent souples et équilibrés. Cela ne réduit néanmoins pas la pertinence de la question du financement des dépenses d'investissement et de fonctionnement qui sont à la charge des gémapiens, ou du moins de certains d'entre eux.

Le Gouvernement comprend cependant, cela va de soi, la volonté du groupe Les Républicains d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour pour améliorer encore les outils juridiques que je viens d'évoquer, en particulier pour mieux articuler cette compétence avec l'autre compétence exercée à l'échelle intercommunale – mais elle peut l'être aussi directement par les communes –, à savoir la gestion des eaux pluviales urbaines.

Il y va d'un souci légitime de préservation matérielle de notre pays et de prévention des dégâts de toutes sortes, comme je le disais à l'instant ; il y va, de surcroît, d'une inquiétude de plus en plus partagée par les Français dans le contexte du changement climatique. Est en effet en jeu lors de ces catastrophes le destin des familles et des personnes frappées, celui des territoires concernés, ainsi que la crédibilité de la puissance publique.

Ces enjeux de mise en œuvre opérationnelle et de cohérence des compétences sont abordés aux articles 1er, 2 et 2 bis. Il est évident que le Gouvernement, comme par le passé, est ouvert à la discussion sur ces dispositions qui donnent lieu par ailleurs, rappelons-le, à des travaux d'information de la part des sénateurs Rémy Pointereau, Hervé Gillé et Jean-Yves Roux.

Si nous comprenons donc l'intention du texte, nous ne pensons pas que la délégation de compétence à l'échelon départemental, prévue à l'article 1er, permette d'en simplifier l'exercice, cet échelon n'étant pas le plus adapté à la gestion de l'eau.

Si le travail effectué en commission a permis de préciser opportunément cet article, la position du Gouvernement reste fidèle à l'idée selon laquelle, d'une part, l'EPCI à fiscalité propre demeure le bon échelon, et, d'autre part, la strate supérieure adéquate est davantage celle du bassin versant que celle du département.

Nous pensons que la flexibilité recherchée dans la présente proposition de loi, par nature ponctuelle, n'atteindra pas son but : elle ne permettra ni de réelles économies d'échelle ni une meilleure lisibilité de la compétence.

Le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse du Sénat sur cet article 1er.

Concernant l'article 2, nous partageons la volonté de cohérence dans la gestion des phénomènes de ruissellement, qu'ils soient diffus et gérés via la compétence de gestion des eaux pluviales urbaines, ou intenses, générateurs d'inondation et gérés via la compétence Gemapi. La rédaction proposée nous semble néanmoins nécessiter une adaptation pour atteindre pleinement cet objectif. Nous proposerons en ce sens un amendement rédactionnel à l'article 2.

Il en va de même pour l'article additionnel 2 bis.

Concernant l'article 4, sa suppression est à nos yeux une bonne chose, pour des raisons que je souhaite vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs. Cet article permettait à un EPCI à fiscalité propre ou, à défaut, au syndicat ou au département à qui la compétence a été transférée, de reverser une partie du produit de la taxe Gemapi à une commune membre pour le financement des charges de fonctionnement et d'investissement.

Or une taxe doit nécessairement être affectée au financement de la compétence pour laquelle elle a été créée. Aussi semble-t-il peu pertinent de déconnecter le produit de la taxe Gemapi de la compétence correspondante.

Globalement, le Gouvernement adopte une position prudente sur ce texte : comme je l'ai dit voilà quelques instants, pour légitime que soit l'intention, il convient de poursuivre l'accompagnement et la montée en compétences de nos territoires en ces matières en optimisant les outils qui sont déjà à disposition, sans remettre en cause les équilibres trouvés dans la loi Fesneau-Ferrand et, surtout, sans ajouter de complexité.

Prenant la mesure des enjeux, le Gouvernement travaille sur ce sujet et attend beaucoup tant de la concertation menée dans le cadre des conférences L'Eau dans nos territoires, pilotées par ma collègue Agnès Pannier-Runacher, que des propositions qui seront émises par la mission d'information évoquée précédemment.

Nous pourrions alors, en concertation avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, réviser ensemble le dispositif pour le parfaire dans l'intérêt de tous.