M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez tous ici, la Loire est un département maritime important… (Sourires.) Du moins, c'est un département fluvial, doté de plusieurs ports, dont Briennon, Bully, Saint-Victor-sur-Loire, Roanne et le bien nommé port de la Caille, à Saint-Jean-Saint-Maurice-sur-Loire.

Certes, dans mon département, on parle plus de porcs que de ports, pour évoquer la charcuterie locale, notamment à l'heure de l'apéritif. (Sourires.) Mais nous ne nous désintéressons pas du sujet. Comme l'a dit M. le ministre, il s'agit d'un enjeu de souveraineté nationale et d'économie important pour notre pays.

Je serai très bref, car ce texte nous convient en tout point. Nous approuvons l'élargissement du dispositif de la société portuaire, le renforcement financier de ces sociétés au travers de l'entrée des collectivités au capital, l'autorisation de la double participation des collectivités et des CCI au sein des sociétés portuaires et, enfin, le fait que les collectivités pourront participer à la stratégie de développement de leurs ports.

Les ports sont des infrastructures stratégiques pour nos territoires, notamment au travers des emplois, directs et indirects, qui en dépendent. Ils sont des atouts d'attractivité pour nos territoires et notre pays.

Ce texte est excellent. Il offre de la souplesse aux collectivités locales et vise à accélérer les prises de décisions. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne peut que le soutenir, car il est la manifestation d'une décentralisation efficace. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda.

Mme Muriel Jourda. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous essayons tous de battre des records de brièveté, tant nous sommes d'accord sur le sujet qui nous réunit cette nuit, à savoir l'extension de la possibilité d'octroyer le statut de la société portuaire à tous les ports.

J'ai coutume de dire que le droit n'est qu'un outil à notre service. Les juristes sont d'une inventivité folle, notamment lorsqu'il s'agit de personnalité morale. Car, si nul n'a jamais vu de personne morale se promener dans la rue, de telles entités existent dans nos codes… (Sourires.)

Les sociétés portuaires offrent de grands avantages, notamment la possibilité de faire financer les ports à la fois par les CCI et par les collectivités territoriales et le recours au système de la quasi-régie, qui dispense d'un certain nombre de règles de mise en concurrence.

Cependant, cette option assez intéressante n'est pour l'instant réservée qu'à un petit nombre de ports, dont le statut découle de l'acte II de la décentralisation de 2004. Notre but, aujourd'hui, est donc de permettre à d'autres ports d'en bénéficier, notamment lorsqu'il s'agit pour les collectivités de les soutenir, ce dont ils ont besoin. En effet, la pêche et l'activité portuaires, comme toutes les activités économiques, sont essentielles pour notre pays.

Nous avons la possibilité, en étendant le statut des sociétés portuaires, de permettre à d'autres ports, notamment bretons, de contribuer à cette activité, si importante pour la Bretagne et pour la France, qu'est la pêche. Nous ne devons pas nous en priver.

Les membres du groupe Les Républicains voteront ce texte avec grand plaisir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'emblée je vous le dis : les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants voteront pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains.)

Nous le ferons non pas parce que ma collègue et amie Nadège Havet en est la coauteure et la rapporteure, mais parce que ce texte est utile pour nos collectivités et leurs ports.

Dans le contexte actuel, il est important que le droit permette à ces structures que sont les ports, souvent indispensables à la vitalité de certains de nos territoires, de se développer sur les plans économique, social et environnemental.

Ainsi, l'article 35 de la loi du 5 janvier 2006 a permis la création des sociétés d'exploitation portuaire entre les collectivités territoriales, leurs groupements et les chambres de commerce et d'industrie. Ce modèle est très utile pour gérer de manière plus souple les ports, là où les anciens ports autonomes étaient des établissements publics soumis à des règles administratives strictes.

La société portuaire fonctionne quant à elle selon un modèle de droit privé. Autrement dit, elle dispose de la personnalité juridique et peut embaucher du personnel sous contrat privé, signer des partenariats commerciaux et fixer librement certains tarifs d'utilisation des installations portuaires.

Avec ce modèle, il est possible d'ouvrir le capital à des acteurs privés et les collectivités territoriales peuvent participer à la gouvernance du port. Voilà qui est de nature à renforcer l'ancrage local du port et qui permet de mieux coordonner les projets portuaires avec ceux du territoire. Je pense notamment au transport multimodal ou aux enjeux de transition énergétique.

On pourrait donc penser que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pourtant, il n'en est rien.

Premièrement, le modèle actuel ne concerne que les dix-huit ports français mentionnés dans la loi du 13 août 2004, alors que notre pays dispose de plus de 500 ports décentralisés, dont celui de Valence, dans la Drôme.

Deuxièmement, depuis la loi NOTRe de 2015, d'autres ports ont été transférés aux collectivités. Or ces derniers ne peuvent bénéficier du modèle de société portuaire. Par conséquent, il devient nécessaire de modifier la loi, afin de permettre à toutes les collectivités et à leurs groupements d'avoir recours à ce modèle.

Tel est l'objectif qui sous-tend cette proposition de loi, que nous pourrions qualifier de bretonne. S'il n'a pas pour objet l'indépendance de la Bretagne, ce texte est bel et bien relatif à l'autonomie de nos élus locaux et au développement économique de nos ports.

Dans la mesure où les sociétés d'exploitation portuaire sont créées par un accord entre les collectivités territoriales, leurs groupements et les CCI, je suis convaincu que de nombreux ports pourront demain bénéficier de nouveaux moyens financiers. Particulièrement utiles à de nombreux égards, les CCI ont une capacité indéniable à collecter des fonds au niveau national et international.

Par ailleurs, il s'agit également d'améliorer les performances en matière d'économies budgétaires, dans un contexte où les finances de nos collectivités sont mises à rude épreuve, avec des coûts qui explosent et des rallonges liées aux travaux. Les autoriser à bénéficier de ce modèle, c'est leur permettre d'intégrer un expert de la gestion portuaire qui a une vision globale du sujet.

Mes chers collègues, adopté à l'unanimité en commission, ce texte présente donc des atouts indéniables pour nos élus locaux, les ports français et l'ensemble des personnes qui les font vivre. Il s'agit d'une proposition de loi utile, concise et transpartisane, dont l'article unique sera facilement mis en œuvre.

Voilà autant de raisons pour lesquelles notre groupe votera pour l'adoption de ce texte, en lui souhaitant bon vent ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la puissance économique de la France est intimement liée à celle de son réseau portuaire. Il suffit d'un regard à notre histoire pour s'en convaincre : à chaque grande mutation industrielle ou commerciale, les ports français ont su se réinventer.

De l'essor des grands ports commerciaux de Bordeaux et de Marseille au XVIIIe siècle au développement des complexes industrialo-portuaires dans les années 1960, sans oublier l'adaptation des terminaux portuaires à la conteneurisation du commerce maritime, nos ports ont profondément changé.

La décentralisation des ports, à l'œuvre depuis plus de quarante ans, a fait des collectivités locales et de leurs groupements des acteurs incontournables dans le développement des quelque 600 ports décentralisés de notre pays. Pourtant, leur implication reste inégale : certaines s'engagent résolument dans la modernisation de leur port, quand d'autres peinent à enclencher cette dynamique.

D'où vient une telle différence ? Le choix du mode d'exploitation permet de comprendre cette diversité des trajectoires. En effet, les collectivités locales ont tendance à davantage s'investir dans les orientations stratégiques de leur port lorsqu'elles en sont concessionnaires.

Surtout, les capacités de financement des investissements en infrastructures, de modernisation ou de transition des ports apparaissent radicalement différentes. Ainsi, aujourd'hui, deux situations se distinguent schématiquement : celle des ports qui arrivent à mener à bien des projets de modernisation et celle de ceux qui n'y parviennent pas.

Les collectivités qui sont parvenues à transformer en profondeur leur port sont celles qui ont eu recours au modèle de société portuaire créé par la loi du 5 janvier 2006. En effet, les dix-huit ports concernés ont pu bénéficier de deux avantages majeurs pour leur développement : l'expertise des chambres de commerce et d'industrie, d'une part, et les dérogations aux règles de la commande publique autorisées pour les gestions en quasi-régie, d'autre part.

Dans ce contexte, les avantages offerts par le recours au modèle de la société portuaire doivent pouvoir bénéficier à tous les gestionnaires de ports décentralisés qui en formulent le souhait. Le maintien du statu quo n'est plus justifié : de nombreuses collectivités locales et acteurs portuaires attendent aujourd'hui que la loi vire de bord.

À mon sens, cette ouverture est susceptible d'accroître à moyen et à long terme la compétitivité des ports décentralisés. C'est dans cet esprit que je rejoins les auteurs de la présente proposition de loi, laquelle supprime le verrou législatif qui empêchait d'étendre la possibilité de recourir au modèle de société portuaire à tous les ports décentralisés.

Cette proposition de loi apporte de la souplesse aux collectivités et une évolution attendue depuis longtemps par les acteurs du secteur. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera pour l'adoption du texte de la commission. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme Muriel Jourda applaudit également.)

M. Pascal Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objet de la présente proposition de loi relative à la gestion des ports pourrait sembler, à première vue, un peu aride ou, à tout le moins, exclusivement technique, puisqu'il s'agit, comme cela a été amplement rappelé, de permettre à tous les ports décentralisés de bénéficier de la possibilité de créer des sociétés portuaires pour assurer leur exploitation.

D'un point de vue strictement juridique, cette mesure est aujourd'hui incontournable.

Je ne remets pas en cause les options de gestion qui existent actuellement. Par exemple, en Normandie, trois types de gestion coexistent : dans le département de la Manche, la société publique locale, dans celui du Calvados, la société d'économie mixte à opération unique, et dans le département de mon cœur, la Seine-Maritime, la société d'économie mixte. Ainsi, le présent texte ne vise qu'à élargir le champ des possibles, en ajoutant une option, celle de la société portuaire, à l'arsenal des modes de gestion autorisés.

Je ne reviendrai pas longuement sur les raisons nous imposant de légiférer maintenant, puisqu'elles ont été parfaitement exposées par Michel Canévet et Nadège Havet, que je remercie d'avoir fait inscrire ce texte à l'ordre du jour de notre Haute Assemblée, ainsi que notre collègue du groupe Union Centriste Yves Bleunven, co-auteur de cette proposition de loi.

Alors que 600 ports décentralisés sur le territoire national pourraient être concernés par ce choix de mode de gestion, la loi de 2006, comme cela a été rappelé, a limité celui-ci à dix-huit d'entre eux, à savoir les seuls ports d'intérêt régional.

Pourtant, les avantages de ce statut sont incontestables. Comme le résumait très bien notre rapporteur, le modèle de société portuaire permettrait de renforcer l'implication des collectivités territoriales concédantes et leur participation dans la stratégie de développement de leurs ports en devenant concessionnaires.

C'est bien pour cela que la société portuaire est plébiscitée par les gestionnaires des ports décentralisés. D'après ce que j'ai pu constater, ils soutiennent très massivement cette proposition de loi.

Toutefois, allons au-delà. En réalité, la présente proposition de loi porte bien plus qu'une simple mesure technique. Au travers du mode juridique de gestion des ports, c'est tout simplement de leur avenir qu'il est ici question.

En effet, la société portuaire simplifiera leur gestion par les collectivités. Ainsi, plus besoin de procédures de mise en concurrence pour conclure un contrat de concession.

De plus, le financement des investissements d'infrastructures en sera facilité.

Enfin, la société portuaire permettra une approche partenariale, en impliquant toutes les parties prenantes locales, du secteur privé aux chambres de commerce et d'industrie.

Au-delà de la seule question du mode juridique de gestion des ports, c'est bien de tout cela qu'il s'agit aujourd'hui et dont les ports ont besoin : besoin de simplification, besoin d'investissement et, surtout, besoin d'une vision partagée, de la fixation d'un cap leur permettant de répondre aux défis de notre temps. Et Dieu sait si ces derniers sont nombreux !

Confrontés à des crises à répétition – Brexit, Covid, repli du commerce international –, tous nos ports souffrent. Confrontés à la nécessité de se moderniser à marche forcée pour rester dans la compétition technologique internationale et de se verdir, à la fois en se décarbonant pour honorer nos engagements climatiques et en participant à la préservation des écosystèmes marins, nos ports doivent absolument être accompagnés.

C'est d'autant plus vital que les ports constituent un atout majeur du développement économique et de l'attractivité de nos territoires.

M. Pascal Martin. J'en veux pour preuve le rôle essentiel que jouent les ports de Seine-Maritime dans l'économie locale. Ils contribuent à l'histoire, ainsi qu'au charme de la façade littorale de la côte d'Albâtre.

Je le dis avec un amical clin d'œil : peut-être nos collègues continentaux n'ont-ils pas toujours conscience que l'importance des ports dépasse très largement les seuls territoires littoraux… Qu'il s'agisse de plaisance, de transport ou de fret, les activités portuaires irriguent toute la croissance nationale.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera des deux mains la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec. (MM. Michel Canévet et Alain Cadec applaudissent.)

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation des installations portuaires ou leur transfert aux collectivités place ces dernières en situation de responsabilité pour relever un véritable défi, celui du développement de nos ports, notamment de commerce et de pêche.

Pour illustrer mon propos, je ne prendrai qu'un seul exemple. En application de la loi du 13 août 2004, communément appelée loi Raffarin, la Bretagne est devenue dépositaire des ports de Brest, Lorient et Saint-Malo. La région, devenue autorité concédante de ces ports, reçoit en tout et pour tout à ce titre une dotation générale de décentralisation (DGD) annuelle de 1,5 million d'euros. Cette dernière est calculée sur la moyenne des investissements réalisés par l'État au cours des dix années précédant le transfert. Peu d'investissements avaient été réalisés : cela explique à la fois l'importance des investissements que les collectivités ont dû désormais assumer et la faiblesse des compensations versées…

Comme l'État a tendance – pardonnez-moi de le relever, monsieur le ministre – à ne s'intéresser qu'aux grands ports maritimes (GPM) et que les collectivités sont en situation exsangue, il convient de créer les meilleures conditions pour permettre à nos collectivités de relever le défi de la gestion des ports.

Dans ce contexte brièvement rappelé, cette proposition de loi vient corriger une anomalie. Aux côtés d'Alain Cadec et d'autres parlementaires ici présents, j'avais déjà déposé un amendement en ce sens lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, il y a seulement quelques mois.

En devenant autorités portuaires, nos collectivités n'ont, de fait, que trois possibilités pour gérer leurs ports, qui sont actuellement administrés, en règle générale, par les CCI : soit la délégation de service public (DSP) ; soit la société publique locale ou la société d'économie mixte (SEM), qui prennent diverses formes selon les territoires ; soit la société portuaire, instituée par la loi du 5 janvier 2006.

Malheureusement, les ports qui ont été décentralisés en 2015 aux termes de la loi NOTRe, n'ont pas pu être gérés par le biais d'une société portuaire. C'est la preuve que nous légiférons parfois un peu vite…

Alors que nous nous apprêtons à offrir aux collectivités la possibilité de constituer des sociétés portuaires, il n'est pas juste de dire que ce dispositif inciterait à dépenser plus, bien au contraire ! Ce qui met la collectivité en situation de risque, ce qui l'oblige à mettre la main au portefeuille, ce n'est autre que la loi de décentralisation elle-même !

Une chose est sûre : la Bretagne, avec ses 2 700 kilomètres de côtes, ne peut pas se désintéresser de ses ports, d'autant que la société portuaire peut présenter un certain nombre d'avantages en matière partenariale et fiscale.

Enfin, le texte donne aussi la possibilité aux CCI de devenir actionnaires des sociétés portuaires, ce qui leur permet d'être intéressées au développement des ports.

C'est la raison pour laquelle j'avais contesté, à trois reprises, le motif d'irrecevabilité qui avait été opposé à nos amendements, en application de l'article 40 de la Constitution. Toutefois, mes efforts étaient alors restés vains.

Ce soir, je persiste et signe : la création d'une société portuaire peut constituer un moyen de réduire la charge supportée par la collectivité seule.

Le groupe CRCE-K votera donc en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons eu il y a une semaine sur la proposition de loi visant à mieux protéger les écosystèmes marins, déposée par ma collègue Mathilde Ollivier, a montré combien les activités des ports sont déterminantes pour assurer l'équilibre de la biodiversité et des milieux naturels marins, essentiels aux ressources de la pêche.

Environnement et économie : les deux causes sont liées. En effet, la protection des écosystèmes biologiques fait cause commune avec le nécessaire confortement des écosystèmes socioéconomiques de la filière pêche.

Nos ports ont un rôle à jouer. Nos ports de mer entendent le rester et le resteront, dirais-je sur un ton gaullien, bien que nous ne soyons plus tout à fait le 18 juin. (Sourires.)

La loi du 5 janvier 2006 a permis aux collectivités de recourir au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leur port. Ce dispositif a le double avantage d'assurer une gestion en quasi-régie, ce qui évite de passer par une procédure de mise en concurrence pour la conclusion du contrat de concession, et de permettre un apport en capital de la chambre de commerce et d'industrie.

À ce jour, seuls dix-huit ports, ceux qui étaient énumérés dans la loi de 2004, bénéficient de ce modèle. Celui-ci n'est donc pas accessible aux quelque 600 ports décentralisés de France, qui structurent pourtant de nombreux territoires, notamment en Corse, en Occitanie et en Bretagne. Je tenais à le rappeler ; même si je suis continental, je l'ai bien compris !

Ces ports ont d'ailleurs réalisé des investissements significatifs. Or tout l'intérêt des sociétés portuaires est justement de pouvoir investir.

En témoignent les ports de Brest et de Bayonne, qui ont une bonne capacité financière pour réaliser des investissements en matière d'infrastructures, de modernisation et de transition. Cela tombe bien, car les CCI, acteurs historiques, ne sont pas ou plus en mesure de porter seules ces investissements.

Nous comprenons donc que l'accès au modèle de société portuaire est un enjeu majeur pour les sept ports de pêche de la Cornouaille, qui sont à l'origine de cette proposition de loi. Des milliers d'emplois en dépendent.

La Cornouaille, cela a été dit, représente 20 % de la pêche nationale et la moitié de la pêche bretonne. Or ses ports ont traversé récemment de sérieuses crises. Cet affaiblissement explique d'autant plus le besoin de partage des risques pour les CCI, grâce à la participation des collectivités au modèle de société portuaire.

Il y a donc un fort enjeu, pour la Cornouaille, mais aussi, au-delà, pour bien des collectivités, à faire sauter ce verrou et à améliorer le lien avec leurs partenaires historiques, les CCI, tout en profitant des avantages d'un capital qui reste détenu à 100 % par des personnes publiques.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen. (M. Michel Canévet applaudit.)

M. Sébastien Fagnen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis ravi d'être le second Normand à m'exprimer à cette tribune, après mon collègue Pascal Martin. Il est bon de le rappeler : dans la vie, il y a la Bretagne, certes, mais il y a aussi la Normandie ! (Rires. – M. Pascal Martin applaudit.) Notre région est un acteur maritime de premier plan.

Je veux, à l'occasion des quelques minutes qui me sont imparties, faire allusion à un autre élément essentiel à la compétitivité des ports : pour être viables, monsieur le ministre, encore faut-il que ceux-ci soient reliés à des infrastructures, notamment ferroviaires, dignes de ce nom. Je suis certain que Pascal Martin sera d'accord avec moi. Ceux d'entre vous qui ont assisté cet après-midi aux questions d'actualité au Gouvernement l'auront deviné : je veux parler, bien évidemment, de la ligne nouvelle Paris-Normandie, un axe ferroviaire cher à notre cœur.

Le présent texte, quant à lui, offre aux collectivités locales la possibilité de créer des sociétés portuaires afin d'améliorer la gouvernance des ports et leur compétitivité.

La société portuaire est un véhicule juridique parfaitement adapté pour réactiver ce secteur et répondre aux besoins d'investissements et de développement.

Tous les sénateurs et sénatrices des départements littoraux peuvent en témoigner : les ports rencontrent d'importantes difficultés, en particulier les ports de pêche, qui sont en proie à des situations délicates.

Je pense notamment aux facteurs extérieurs que représentent les évolutions politiques récentes. Le Brexit, par exemple, a eu de nombreuses conséquences négatives sur la pêche, comme l'a très justement rappelé Mme la rapporteure.

Plus particulièrement, dans le département de la Manche, nous sommes inquiets de la situation dont souffre le port de Granville. Une des problématiques les plus sensibles est la raréfaction des bulots au sein de la baie, en raison de la hausse des températures de la mer induite par le changement climatique.

Alors que la baie de Granville a été la première zone française et européenne de capture au casier des bulots, une espèce historiquement labellisée, elle subit depuis une décennie une violente baisse de production. En outre, elle a récemment perdu sa certification « pêche durable ».

Plus généralement, notre objectif est de promouvoir la pêche artisanale française, qui garantit souveraineté et sécurité alimentaires, tout en respectant davantage les écosystèmes marins. Nous pourrons ainsi lutter contre la course au rendement et les risques de surpêche qui en découlent.

Je me réjouis que le présent texte permette d'adapter le schéma traditionnel des ports de pêche, afin de les inscrire dans une économie mondiale, processus dont ils n'ont pour l'heure pas pu pleinement bénéficier.

Il était important d'adapter enfin la loi à la réalité des territoires. C'est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient cette proposition de loi.

Toutefois, quelques questions demeurent, notamment celle de la gouvernance. Certains perçoivent une volonté, légitime, des CCI de préserver leurs interventions sur certains ports en recourant au modèle de la société portuaire.

Les collectivités territoriales, elles, peuvent d'ores et déjà mobiliser un certain nombre d'outils. Ainsi, les sociétés publiques locales, les syndicats mixtes, ou encore les régies dotées de l'autonomie morale et financière offrent une souplesse de fonctionnement tout en permettant de mobiliser des investissements.

Les SPL et syndicats mixtes nécessitent, pour les collectivités, d'organiser une entente territoriale plus large que la simple implantation portuaire. Ainsi, par exemple dans le cadre d'une SPL, on peut travailler avec des ports plus distants, mais reliés au sein d'une communauté de développement, qui irrigue toute l'économie locale, comme l'a bien rappelé Pascal Martin.

Ce travail en réseau est essentiel, nous devons veiller à le préserver. Nous devrons donc, en particulier, garantir la fluidité du dialogue entre l'ancien et le nouvel exploitant, dans le cadre de la mise à jour des dispositions de l'article 35 de la loi du 5 janvier 2006 relatives aux conditions de mise à disposition des agents publics affectés à la concession transférée.

Il conviendra tout particulièrement de veiller au respect des garanties sociales des agents transférés. C'est la condition sine qua non pour que cette initiative parlementaire porte pleinement ses fruits.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte avec enthousiasme et pragmatisme, tout en restant attentif aux conséquences qu'il pourrait avoir, à l'avenir, sur l'attractivité et la compétitivité de la pêche française. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Alain Cadec. (Applaudissements.)

M. Alain Cadec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi constitue une étape importante dans la modernisation de la gestion portuaire en France. Elle offre de nouveaux leviers pour dynamiser les ports locaux, renforcer leur compétitivité et mieux associer les acteurs du territoire à leur développement.

Rappelons qu'en France la gestion des ports est de longue date partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Le modèle de la société portuaire, qui permet la création d'une société dédiée à l'exploitation commerciale du port, est actuellement limité par la législation.

Ce modèle offre une plus grande souplesse de gestion, une capacité d'investissement renforcée et une meilleure association des acteurs publics et privés. Toutefois, les collectivités locales n'y ont qu'un accès restreint.

Aussi, la présente proposition de loi vise à lever ces restrictions en permettant à toutes les collectivités territoriales et à leurs groupements de créer une société portuaire ou d'y participer, afin d'exploiter un ou plusieurs ports relevant de leur compétence.

Ce texte vise également à sécuriser juridiquement le recours à ce modèle, en clarifiant les conditions de sélection des actionnaires, les modalités de transfert des concessions et les obligations de service public.

Par ailleurs, il consacre le rôle des collectivités territoriales comme acteurs majeurs du développement portuaire. Il encourage aussi l'association des entreprises, des chambres de commerce et d'industrie et des autres partenaires locaux à la gouvernance des ports, pour mieux répondre aux besoins des territoires et renforcer l'ancrage local des activités portuaires.

En clarifiant le cadre juridique, le texte vise à éviter les contentieux liés à l'attribution des concessions ou à la composition du capital des sociétés portuaires. Il prévoit des procédures transparentes et des obligations de reporting, notamment sur les investissements réalisés, la qualité du service et le respect des engagements environnementaux.

Ce modèle a fait ses preuves. Par exemple, la SPL que j'ai mise en place en 2018, en tant que président du conseil départemental des Côtes-d'Armor, pour assurer la gestion des ports départementaux, fonctionne très bien.

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, Gérard Lahellec et moi-même avions déposé un amendement en ce sens. Toutefois, il fut déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution – nous ne savons toujours pas pourquoi, mais c'est ainsi…

Quoi qu'il en soit, cette proposition de loi est bien en phase avec ce que nous défendons depuis longtemps. C'est pourquoi le groupe Les Républicains la votera résolument. (Applaudissements.)