Le texte consacre par ailleurs la notion de consultation, en s'appuyant sur les quelque 277 diagnostics infirmiers existants et déjà au cœur du raisonnement clinique infirmier. Je l'ai déjà clairement affirmé, mais je le redis sans ambiguïté : la consultation infirmière n'a nullement vocation à concurrencer la consultation médicale.

La philosophie de cette proposition de loi, comme celle de toutes les réformes que je porte, c'est de faire progresser tout le système de santé et d'utiliser toutes les compétences dont notre système est riche et dont nous avons tant besoin pour produire un effet de levier. Il n'est pas question – et il n'en a jamais été question – d'opposer les professions entre elles ; il s'agit bien de faire progresser tout le monde, chacun dans son champ propre de compétences.

C'est exactement dans cet état d'esprit constructif que nous avons cheminé sur l'article 2 du texte. La rédaction, qui a été préservée par la commission mixte paritaire, est, elle aussi, le fruit d'un important travail collectif, réalisé avec vous, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, avec les députés et tous les représentants des différentes spécialités infirmières.

Cet article ouvre la voie à la définition d'une pratique avancée pour chacune des trois spécialités infirmières – de bloc, d'anesthésie et de puériculture –, tout en préservant leurs spécificités. Nous avons atteint notre objectif : que les avancées bienvenues de l'article 2 répondent le plus possible aux attentes des professionnels comme aux impératifs de sécurité des soins.

Je m'en réjouis, car j'ai toujours soutenu la pratique avancée, que je considère comme un levier permettant à la fois de renforcer l'accès aux soins et de dynamiser les carrières infirmières. C'est d'ailleurs moi qui ai signé, en janvier 2025, le décret mettant en œuvre l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) dans les établissements de santé et dans les structures d'exercice coordonné. De même, j'ai également signé l'arrêté leur ouvrant la primoprescription, le mois dernier.

Nous continuons donc, avec réalisme et ambition, de renforcer et d'accompagner la montée en charge de la pratique avancée en elle-même, comme dans le champ spécifique de l'exercice spécialisé. Sur ce point également, je l'affirme clairement : il n'est pas et il ne sera jamais question d'opposer les infirmiers en pratique avancée et les infirmiers spécialisés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai tenu à rendre hommage à la profession, ainsi qu'au rôle essentiel des infirmiers auprès des patients dans tous les territoires. Ce texte de reconnaissance et de confiance est la traduction en actes de la priorité que nous leur accordons et de leur place centrale dans le système de santé. Il est un jalon majeur dans la transformation de ce métier qui est à l'œuvre ; aussi, je veillerai à ce que les textes d'application de cette loi ambitieuse suivent rapidement.

Les concertations avec la profession aboutiront prochainement à la publication d'un décret en Conseil d'État, qui définira l'exercice du métier d'infirmier au travers des cinq domaines d'activité et de compétence. Un arrêté tendra notamment à fixer la liste de soins concernés. Les autres textes réglementaires devront suivre le même rythme. J'y serai personnellement très attentif, pour que soient traduites dans les faits les nouvelles missions.

M'adressant à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux dire à tous les professionnels que je suis pleinement mobilisé pour que ces mesures fortes puissent rapidement se déployer sur le terrain afin de produire leur plein effet dans leur quotidien et dans celui des Français.

Je tiens aussi à préciser que le travail continue. Je suis tout autant impliqué dans la réingénierie de la formation infirmière qui est en cours, en collaboration avec M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. En effet, elle est tout à fait nécessaire pour traduire dans les cursus les avancées de cette loi et pour moderniser avec la même ambition les études de la prochaine génération d'infirmières et d'infirmiers qui soigneront nos concitoyens.

Depuis toujours, le métier d'infirmier est innovant, sujet à de constants progrès. Il a accompagné toutes les transformations de notre système de santé depuis son origine et nous avons plus que jamais besoin d'infirmiers et d'infirmières pour relever les défis multiples de l'accès aux soins.

Pour cette raison, le Gouvernement continuera de construire avec détermination l'avenir de ce beau métier, un métier si essentiel pour la prise en charge des patients. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi sur la profession d'infirmier

Article 1er

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 4161-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « ou aux infirmiers » sont supprimés ;

b) Après le mot : « vaccinations », sont insérés les mots : « , ni aux infirmiers qui effectuent des consultations infirmières dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État ou qui prescrivent les produits de santé et les examens ou effectuent les actes professionnels et les soins figurant sur les listes prévues à l'article L. 4311-1 » ;

2° L'article L. 4311-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-1. – I. – L'infirmier exerce son activité, dans le respect du code de déontologie, dans le cadre de son rôle propre ou sur prescription et en coordination avec les autres professionnels de santé.

« Dans l'exercice de sa profession, l'infirmier entreprend, réalise, organise et évalue les soins infirmiers. Il effectue des consultations infirmières et pose un diagnostic infirmier. Il prescrit les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l'exercice de sa profession. La liste de ces produits de santé et de ces examens complémentaires est établie par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Académie nationale de médecine. Elle est mise à jour au moins tous les trois ans. Les avis mentionnés au présent alinéa sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois.

« II. – Les missions de l'infirmier sont les suivantes :

« 1° Dispenser des soins infirmiers préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels ou destinés à la surveillance clinique, procéder à leur évaluation et contribuer à la conciliation médicamenteuse ;

« 2° Contribuer à l'orientation de la personne ainsi qu'à la coordination et à la mise en œuvre de son parcours de santé ;

« 2° bis Dans le cadre de son rôle propre, en accès direct, et dans le cadre de son rôle prescrit, participer aux soins de premier recours définis à l'article L. 1411-11 ;

« 3° Participer à la prévention, aux actions de dépistage, à l'éducation à la santé, à la santé au travail, à la promotion de la santé et à l'éducation thérapeutique de la personne et, le cas échéant, de son entourage ;

« 4° Concourir à la formation initiale et à la formation continue des étudiants, de ses pairs et des professionnels de santé placés sous sa responsabilité ;

« 4° bis (Supprimé)

« 5° Exploiter les données probantes dans la pratique professionnelle et concourir à la recherche, notamment dans le domaine des sciences infirmières.

« III. – L'infirmier participe à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions fixées à l'article L. 6314-1.

« IV. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis des représentants des professionnels concernés, précise les domaines d'activités et de compétences de l'infirmier.

« Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe, pour chacun des domaines d'activités, la liste des actes et soins réalisés par les infirmiers. »

II. – (Non modifié)

III (nouveau). – La promulgation de la présente loi donne lieu à une négociation sur la rémunération des infirmiers afin de tenir compte, en fonction des différents lieux d'exercice, des évolutions de compétences envisagées. Cette négociation prend aussi en compte la pénibilité du métier.

Article 1er bis A

Après le premier alinéa du V de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le personnel des établissements mentionnés aux I et IV bis peut comprendre un infirmier coordonnateur exerçant en collaboration avec le médecin coordonnateur et en lien avec l'encadrement administratif et soignant de l'établissement. Les conditions d'exercice de l'infirmier coordonnateur sont définies par décret. »

Article 1er bis

Au dernier alinéa de l'article L. 1411-11 du code de la santé publique, le mot : « cités » est remplacé par le mot : « mentionnés » et, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « et les infirmiers ».

Article 1er ter

Après l'article L. 4311-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4311-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-3-1. – Les infirmiers titulaires d'un diplôme, d'un certificat ou d'un titre de formation mentionné aux articles L. 4311-3 et L. 4311-4 et les infirmiers titulaires du diplôme de formation en pratique avancée mentionné au II de l'article L. 4301-1 informent le conseil départemental de l'ordre dans le ressort duquel se situe leur résidence professionnelle lorsqu'ils interrompent leur activité pour une durée supérieure à un seuil défini par décret. Ce seuil ne peut excéder trois ans.

« Les infirmiers mentionnés au premier alinéa du présent article ayant interrompu leur activité pendant plus de six ans et souhaitant reprendre leur exercice peuvent procéder à une évaluation de leur compétence professionnelle. Lorsque les résultats de l'évaluation le justifient, l'autorité compétente peut proposer à l'infirmier d'effectuer, avant toute reprise d'activité, les mesures d'accompagnement ou de formation qu'elle juge adaptées.

« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »

Article 1er quater A

Après l'article L. 4311-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4311-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-4-1. – Les infirmières et infirmiers du corps de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur constituent une spécialité infirmière autonome pouvant être sanctionnée par un diplôme de niveau 7.

« À ce titre, ils exercent des missions spécifiques définies par leur cadre statutaire. Leur rôle, principalement éducatif et préventif, s'inscrit dans la politique générale de l'éducation nationale, dont l'objectif est de contribuer à la réussite de tous les élèves et étudiants.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. »

Article 1er quater

I. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans et dans cinq départements, dont un département régi par l'article 73 de la Constitution, dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, dans les établissements et les services médico-sociaux mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 344-1 du code de l'action sociale et des familles et dans le cadre des structures d'exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11- 1, L. 6323-1 et L. 6323-3 du code de la santé publique, l'État peut autoriser les infirmiers à prendre en charge directement les patients pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre. Un compte rendu est adressé au médecin traitant et reporté dans le dossier médical partagé du patient.

II. – Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Académie nationale de médecine, précise les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation mentionnée au I, les départements retenus ainsi que les conditions d'évaluation de l'expérimentation en vue d'une éventuelle généralisation. Les avis mentionnés au présent II sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois.

III. – Au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation. Ce rapport se prononce notamment sur la pertinence d'une généralisation.

Article 2

I. – L'article L. 4301-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés des 2° bis et 2° ter ainsi rédigés :

« 2° bis Au sein de l'équipe pluridisciplinaire d'un service départemental de protection maternelle et infantile coordonnée par un médecin ;

« 2° ter Au sein d'une équipe pluriprofessionnelle dans un établissement scolaire, en lien avec un médecin ; »

b) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° En assistance d'un médecin référent dans un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ou un établissement d'accueil du jeune enfant. » ;

c) (Supprimé)

c bis) Au septième alinéa, les mots : « qui peuvent » sont remplacés par les mots : « , qui peuvent être définis selon une approche populationnelle et » ;

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les avis mentionnés au présent I sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois. » ;

2° (Supprimé)

bis. – L'article L. 4301-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la première phrase du II, après le mot : « avancée », sont insérés les mots : « , à l'exception de ceux mentionnés au III du présent article, » ;

2° Il est ajouté un III ainsi rédigé :

« III. – Par dérogation à l'article L. 4301-1 et au I du présent article, les infirmiers anesthésistes, de bloc opératoire ou puériculteurs titulaires d'un diplôme figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé peuvent exercer en pratique avancée selon des modalités propres à leur spécialité définies par décret en Conseil d'État. »

II. – (Supprimé)

Article 2 bis

L'article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Les conditions de facturation des indemnités kilométriques, incluant notamment une définition nationale de l'agglomération. »

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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui au terme d'un long chemin pour des professionnels indispensables à notre système de santé : les infirmières et les infirmiers de France. Cet accord, trouvé en commission mixte paritaire le 3 juin dernier, était attendu depuis maintenant plus de deux ans par les concernés. Reconnaissons-le : il était temps de répondre au mal-être grandissant, à la perte d'attractivité et à l'essoufflement de la profession, pourtant au cœur de nos soins.

Comme dans de nombreux métiers du médico-social, une part importante des professionnels soignants, tels que les infirmiers, envisage de quitter la profession dans les prochaines années. Cette réalité, déjà largement décrite, reste à mes yeux assez alarmante. Elle illustre avec force la crise d'attractivité qui touche le secteur en raison de formations insuffisantes, d'une rémunération peu valorisante et de conditions de travail de plus en plus difficiles. À cela s'ajoute la question des déserts médicaux, face auxquels nos politiques publiques peinent encore à apporter des réponses à la fois efficaces et acceptées par les territoires.

D'abord, ce texte permet de refonder le socle législatif de la profession. Six grandes missions viennent désormais définir clairement le métier d'infirmier : les soins, la coordination, la mise en œuvre du parcours de santé, la prévention, la formation et la recherche.

Pour la première fois, la loi reconnaît formellement les « consultations infirmières » et le « diagnostic infirmier », deux actes pourtant déjà largement pratiqués, mais jusqu'ici invisibles dans notre droit.

Le changement de paradigme est réel pour la profession : il permet enfin de sortir d'une logique d'actes techniques pour aller vers une approche par compétences et responsabilités.

Ensuite, ce texte ouvre de nouveaux horizons professionnels.

Premièrement, les fameux infirmiers en pratique avancée pourront désormais exercer dans de nouveaux champs : la santé scolaire, la protection maternelle et infantile et l'aide sociale à l'enfance. Force est de constater que nous en avons terriblement besoin.

Deuxièmement, le statut d'infirmier coordonnateur, particulièrement dans les Ehpad, est enfin reconnu dans la loi.

Troisièmement, les infirmiers scolaires sont désormais considérés comme une spécialité infirmière à part entière.

Quatrièmement, mon groupe salue l'expérimentation dans cinq départements, dont au moins un en outre-mer, de l'accès direct à un infirmier, c'est-à-dire sans passer par le médecin traitant, au sein de structures d'exercice coordonné. Nous soutenons pleinement la mesure pour améliorer l'accès aux soins, notamment dans les zones sous-dotées.

Cinquièmement, grâce à un amendement sénatorial, une forme de pratique avancée par spécialité pourra se développer. Je pense aux blocs, à l'anesthésie et à la puériculture. C'est une reconnaissance supplémentaire.

Enfin, par ce texte, le législateur ne s'arrête pas à des questions de structuration : il touche aussi à la vie concrète des professionnels. Ainsi, une procédure facultative est prévue pour la reprise d'activité après une interruption de carrière, une mesure bienvenue dans une profession très féminisée.

La proposition de loi permet également d'engager la discussion sur la pénibilité du métier, un point crucial qu'il faut continuer à faire vivre dans les négociations salariales.

De plus, elle contient l'harmonisation des indemnités kilométriques pour les infirmiers exerçant en milieu rural. Cette mesure de bon sens est enfin à la hauteur des contraintes réelles de terrain.

L'accord trouvé en CMP conserve les grands équilibres : il respecte l'avis de l'Académie nationale de médecine sur les prescriptions tout en consolidant l'autonomie professionnelle des infirmiers ; il permet de clarifier le cadre de l'accès direct sans remettre en cause le rôle du médecin traitant.

Ce compromis est utile, solide et respectueux du travail parlementaire. Il compte parce qu'il reconnaît enfin les compétences réelles des infirmiers, sur lesquelles repose en grande partie notre système de santé, parce qu'il soulage les médecins dans un contexte de forte tension et, surtout, parce qu'il offre des perspectives de carrière attractives, à un moment où le pays a besoin de recruter 80 000 infirmiers supplémentaires d'ici à 2050 afin d'assurer une couverture complète des besoins dans nos territoires.

Comme l'avait mentionné mon collègue Dominique Théophile, je tiens à saluer une nouvelle fois l'esprit de responsabilité qui a présidé à l'élaboration et à l'adoption de ce texte. (Mme Maryse Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de pénurie de soignants et de vieillissement de la population, nous sommes nombreux à constater que les infirmiers occupent une place essentielle auprès des patients – comme cela a toujours été le cas. Ils ont la main qui rassure, le regard qui veille et le geste qui soigne.

La proposition de loi que nous nous apprêtons à voter vise à reconnaître pleinement la réalité de leur exercice, tel qu'il a évolué au fil des années. Elle répond à des attentes anciennes et légitimes de toute une profession, qui agit avec compétence, engagement et discrétion auprès des patients.

Le cadre juridique actuel, fondé sur un décret de 2004, est devenu inadapté. Il ne reflète plus la diversité ni la richesse des missions accomplies quotidiennement par ces professionnels, que ce soit en établissement, en libéral ou dans les structures médico-sociales.

Dans cet esprit, ce texte a pour objet de redéfinir les contours du métier d'infirmier au travers de plusieurs avancées majeures.

Premièrement, il consacre les missions socles de la profession et introduit deux nouvelles notions jusqu'ici réservées au champ médical : la consultation infirmière et le diagnostic infirmier. Par ailleurs, il ouvre un droit de prescription de certains produits de santé et d'examens complémentaires, et autorise l'accès direct pour les soins de premier recours.

Deuxièmement, le texte renforce le rôle des infirmiers en pratique avancée, qui pourront désormais exercer dans des secteurs jusque-là fermés : protection maternelle et infantile (PMI), santé scolaire, aide sociale à l'enfance. Les infirmiers spécialisés – anesthésistes, de bloc, puéricultrices – auront accès à la pratique avancée tout en conservant leur spécialité, suivant leur demande.

Pour ce qui concerne les IPA, le vrai enjeu est de développer le nombre de ces praticiens et leur action en médecine de ville.

Troisièmement, saluons la reconnaissance comme spécialité infirmière des infirmiers coordonnateurs en Ehpad, conformément aux recommandations du Sénat, ainsi que des infirmiers scolaires et universitaires. Je me félicite que la commission mixte paritaire ait finalement choisi de maintenir cette avancée.

Les infirmières scolaires exercent, en effet, une mission singulière, au plus près des élèves, qui va bien au-delà des soins. Elles sont en première ligne, notamment face aux fragilités psychologiques des élèves, sujet cher au groupe du RDSE. Leur rôle est profondément ancré dans l'écoute, la prévention et l'accompagnement. Reconnaître une spécialité dédiée revient à répondre à une attente ancienne de la profession, mais aussi à adresser un signal de reconnaissance indispensable à l'heure où le métier peine à attirer.

Quatrièmement, une expérimentation d'accès direct est lancée dans cinq départements : pendant trois ans, les patients pourront consulter une infirmière en première intention pour des actes ne relevant pas de son rôle propre. En première lecture, le Sénat avait adopté deux amendements identiques, portés par notre groupe et les rapporteurs, visant à réserver l'accès direct, en ambulatoire, aux seuls infirmiers exerçant dans les structures d'exercice coordonné les plus intégrées.

Je me réjouis que la CMP ait conservé la rédaction issue du Sénat. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), en raison de leur grande diversité, ne garantissent pas toujours un niveau de coordination suffisant entre les professionnels de santé. J'appelle toutefois à la vigilance sur les modalités concrètes de l'expérimentation hors champ de compétences, notamment sur la fluidité de la transmission des informations entre infirmier et médecin, sur le maintien du rôle pivot du généraliste et sur l'évaluation impérative du dispositif avant une éventuelle généralisation.

Cinquièmement, une procédure de reprise d'activité, pour les professionnels ayant interrompu leur carrière, complète utilement la proposition de loi en conciliant exigence de qualité et accompagnement adapté.

Ce texte consensuel est attendu depuis longtemps par les professionnels eux-mêmes. Toutefois, soyons lucides : cette reconnaissance s'accompagne de deux exigences impératives.

En premier lieu, les décrets d'application devront être publiés rapidement. Le précédent de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, nous l'a appris : un texte sans décret est une promesse sans effet !

En second lieu, la question de la revalorisation financière ne peut plus être éludée. Le partage des compétences doit s'accompagner d'un partage de la reconnaissance. Cela passe par une meilleure rémunération.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE apportera son soutien à ce texte en souhaitant qu'il contribue à renforcer un système de santé en souffrance, qui tient grâce au dévouement de ces professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour le groupe Union Centriste. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteure aux côtés de Jean Sol, marque une étape décisive et bienvenue dans l'évolution et la reconnaissance de la profession d'infirmier.

Je concentrerai mon propos sur les dispositions que j'ai plus particulièrement suivies en tant que rapporteure.

L'article 2 de la proposition de loi permet d'apporter au statut de la pratique avancée des évolutions attendues par les professionnels.

D'abord, il a pour objet de fixer le cadre législatif nécessaire à la reconnaissance d'une forme de pratique avancée chez les infirmiers de spécialité : anesthésistes, de bloc opératoire et puériculteurs. De fait, un amendement adopté sur notre initiative en première lecture au Sénat a permis de clarifier la rédaction retenue en indiquant que chaque spécialité pourrait se voir reconnaître, en temps voulu, une forme de pratique avancée spécifique, qui ne se recoupe pas avec celle des IPA.

Ensuite, il est prévu à l'article 2 que les domaines d'intervention en pratique avancée puissent « être définis selon une approche populationnelle », ce qui répond à une demande forte des IPA.

Enfin, l'article 2 ouvre l'exercice en pratique avancée à de nouveaux lieux, notamment aux établissements scolaires, afin de permettre aux infirmiers de ces structures d'évoluer professionnellement, s'ils le désirent. Comme dans l'ensemble des terrains d'exercice reconnus pour l'instant, la pratique avancée s'y exercera en lien avec un médecin, ainsi que l'a souhaité notre assemblée.

Le texte de l'article 2 issu du Sénat est équilibré. Il satisfaisait à la fois les infirmiers en pratique avancée, les infirmiers de spécialité et l'Ordre. Aussi la CMP n'y a-t-elle apporté que des modifications d'ordre rédactionnel.

Inséré par le Sénat, l'article 1er quater A a été maintenu à l'issue de la commission mixte paritaire. Il confère un statut d'infirmier de spécialité aux infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, et ouvre la voie à un diplôme de niveau bac+5 pour ces professionnels, dont la formation connaît actuellement de trop grandes disparités entre les académies.

En reconnaissant que l'exercice d'infirmier scolaire requiert des qualités et des compétences spécifiques, le législateur envoie un message fort de confiance à ces professionnels qui œuvrent sans relâche pour la santé de nos enfants, dans des conditions de plus en plus dégradées.

L'article 1er ter, qui renforce l'accompagnement à la reprise d'activité, a connu des modifications substantielles lors de la commission mixte paritaire.

En premier lieu, il y est prévu une procédure d'évaluation des compétences pour les infirmiers souhaitant reprendre leur activité après une interruption d'au moins six ans. L'évaluation et, le cas échéant, les formations ou stages complémentaires étaient rendus obligatoires dans le texte issu du Sénat. Sur notre initiative, la CMP a réécrit ce dispositif pour l'inscrire dans une démarche d'accompagnement, fondée sur le volontariat.

Rendre cette procédure contraignante aurait, en effet, envoyé un signal de défiance aux professionnels, contraire à l'esprit du texte. L'objectif est de fluidifier le retour à l'activité en offrant aux infirmiers qui douteraient de leurs compétences la possibilité de les faire évaluer, à leur demande, et de bénéficier s'ils le souhaitent de mesures de formation théorique ou pratique afin d'aborder avec davantage de sérénité leur reprise de fonctions.

En second lieu, afin d'améliorer le suivi de la démographie infirmière, l'article 1er ter dans sa rédaction issue du Sénat faisait obligation aux infirmiers de déclarer à l'ordre toute interruption d'activité excédant une certaine durée, fixée à six ans sur l'initiative du Gouvernement à la suite du débat en séance publique. Comme la commission l'avait alors signalé, ce choix n'aurait pas permis à l'Ordre de disposer d'une visibilité satisfaisante sur les interruptions d'activité. La CMP a donc souhaité renvoyer à un décret la fixation exacte du seuil et borner celui-ci à trois ans.

Enfin, l'article 2 bis, inséré au Sénat et adopté sans modification lors de la CMP, renvoie aux partenaires conventionnels la conception d'une définition uniforme de l'agglomération, afin d'assurer une meilleure équité dans la facturation des indemnités kilométriques.