La présente proposition de loi trouve son origine dans un constat de bon sens : les contraintes imposées par une procédure d'adoption ou un parcours d'AMP peuvent avoir un impact sur l'organisation du temps de travail. Elles sont souvent connues de l'employeur, ce qui peut, dans de rares cas, conduire à des attitudes discriminatoires.
L'article 1er étend la protection contre les discriminations, déjà applicable aux femmes engagées dans une AMP, à toutes les personnes, femmes et hommes, engagées dans un projet parental. Il s'agit d'inscrire dans le code du travail l'interdiction de tout refus d'embauche, de tout licenciement et de toute mutation qui seraient motivés par un tel projet, et d'appliquer à ces cas le régime probatoire protecteur prévu en matière de discrimination. Ainsi la charge de la preuve sera-t-elle inversée, ce qui est de droit commun en matière de discrimination.
Il est vrai que le droit actuel couvre déjà en grande partie ces situations via plusieurs motifs de discrimination. Mais l'inscription explicite dans la loi présente un double intérêt : renforcer la sécurité juridique des salariés concernés et affirmer clairement une orientation politique.
C'est une mesure à la fois symbolique et nécessaire.
Il me paraît important de rappeler que ce texte ne constitue en rien un procès fait aux employeurs. La grande majorité d'entre eux agit avec discernement et responsabilité. Il s'agit ici de mieux encadrer les pratiques et d'éviter les abus isolés.
L'article 2 va plus loin encore. Il étend le bénéfice des autorisations d'absence aux hommes en parcours d'AMP, à leurs partenaires en tant qu'accompagnants, ainsi qu'à toute personne engagée dans une procédure d'adoption. Cette mesure vise à faciliter la conciliation entre engagement parental et contraintes professionnelles.
Nombre d'entreprises ont déjà mis en place de telles dispositions par la négociation collective ou par bienveillance. Mais l'harmonisation légale permet de garantir une équité de traitement sur l'ensemble du territoire.
Mes chers collègues, si je vous invite à soutenir ce texte, qui a été adopté par la commission des affaires sociales dans sa grande majorité, c'est parce qu'il répond à une attente réelle et contribue à une société plus juste.
Mais cela ne doit pas nous dispenser d'une réflexion plus large sur la manière dont la loi traite des discriminations.
Depuis 2012, le code du travail a été modifié en moyenne tous les deux ans pour y ajouter de nouveaux motifs de discrimination. Il nous faut nous interroger : les discriminations sont-elles mieux combattues pour autant ?
En outre, une énumération trop longue des motifs de discrimination risque d'introduire des oublis, voire des contradictions entre les différents codes. Ce texte n'échappe pas à cet écueil, puisqu'il n'inscrit pas dans le code de la fonction publique le motif ajouté au code du travail.
Mais, plus fondamentalement, gardons-nous de donner à penser que seules les discriminations énumérées par la loi seraient interdites. C'est bien toute différence de traitement injustifiée, à situation comparable, qui doit être sanctionnée, quel qu'en soit le motif.
En dépit de ces réserves, et puisque le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée, le vote conforme reste le seul moyen de garantir une entrée en vigueur rapide. Cette avancée est attendue par les familles concernées. Elle mérite d'être inscrite sans tarder dans notre droit.
C'est donc sans modification que je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vouloir un enfant ne devrait jamais être un frein à la vie professionnelle : cette conviction simple, mais essentielle, inspire la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Elle traduit une volonté de mieux concilier deux dimensions fondamentales de la vie : travail et projet parental. Elle répond à une réalité de plus en plus visible dans notre société, celle de femmes et d'hommes engagés dans un parcours de procréation médicalement assistée ou dans une procédure d'adoption et confrontés à des difficultés professionnelles liées à cet engagement.
Ces parcours sont souvent longs, exigeants, parfois éprouvants, tant sur le plan physique que sur le plan émotionnel. Ils nécessitent des absences, des démarches, des traitements, et peuvent être à l'origine d'incompréhensions, voire de discriminations.
Aussi cette proposition de loi répond-elle à un objectif simple : mieux protéger les salariés qui vivent de telles situations.
L'article 1er élargit les protections accordées actuellement aux femmes enceintes ou engagées dans un parcours d'AMP. Ces garanties concernent l'embauche, la rémunération ou encore le maintien du contrat de travail. Le texte prévoit de les étendre aux hommes engagés dans un projet d'AMP et de les ouvrir aux salariés engagés dans une procédure d'adoption.
D'aucuns pourraient s'interroger sur l'opportunité d'adopter cet article. En effet, le code du travail interdit déjà les discriminations fondées sur la situation familiale, le sexe ou l'état de santé, et les juges en font une interprétation large. Mais l'extension explicite du régime de protection à l'ensemble des salariés engagés dans un projet parental, femmes et hommes, est une mesure symbolique et un signal envoyé aux employeurs.
L'article 2, quant à lui, élargit le régime des autorisations d'absence. Il permet aux hommes, comme aux femmes, de se voir accorder du temps pour les actes médicaux et les démarches administratives liés à leur projet parental. Il ouvre également ces droits aux agents publics.
C'est une mesure de bon sens ! Elle marque un réel progrès pour les hommes engagés dans une démarche d'AMP comme pour les futurs parents engagés dans une procédure d'adoption. Ils pourront ainsi s'absenter pour se rendre aux rendez-vous nécessaires, sans craindre de devoir poser un jour de congé ou justifier longuement leur absence.
Mais, comme l'a rappelé la rapporteure, encore faut-il que ce droit soit connu. Nombre de salariés ignorent encore l'existence de ces autorisations d'absence. L'effectivité du droit suppose une information claire, à destination des employeurs comme des salariés – voilà un point de vigilance.
Au fond, ce texte est porté par une idée simple : nul ne doit être pénalisé dans sa vie professionnelle pour avoir souhaité devenir parent. Il reconnaît que vouloir fonder une famille ne devrait jamais être un motif d'inquiétude au travail.
Le groupe du RDSE salue cette avancée. Il y voit une réponse équilibrée, respectueuse des droits individuels, et en phase avec les évolutions de notre société. Le droit du travail, en effet, ne doit pas rester figé : il doit accompagner les réalités de la vie en soutenant les parcours, en protégeant les choix et en encourageant une société plus juste, plus attentive, plus humaine.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE apportera son soutien à cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi peut-elle changer les comportements ? Il y a là, peut-être, un sujet de baccalauréat… (Sourires.) Quant à nous, nous le pensons, et nous y travaillons.
Le texte dont nous discutons aujourd'hui est une réponse à un phénomène qui fait peu de bruit, mais est bien réel : celui des difficultés rencontrées par certains de nos concitoyens lorsqu'ils s'engagent dans un parcours d'assistance médicale à la procréation ou dans un parcours d'adoption.
Le nombre de personnes engagées dans de tels parcours ne cesse de croître, pour ce qui est en tout cas de l'AMP, sous l'effet notamment de l'évolution des modèles familiaux et du recul de l'âge de la parentalité. En 2022, 158 000 tentatives d'AMP ont été recensées et, en 2021, 2 072 agréments ont été délivrés en vue d'une adoption. Il s'agit d'apporter une réponse claire aux discriminations, parfois subtiles, que peuvent rencontrer ces personnes.
Ces parcours, déjà éprouvants par leur complexité et par leur durée, ne devraient pas de surcroît exposer celles et ceux qui les empruntent à des obstacles supplémentaires dans leur vie professionnelle.
Certes, des protections contre les discriminations liées à la grossesse ou à l'état de santé, de même que des mesures spécifiques pour les salariées engagées dans une assistance médicale à la procréation, existent déjà dans le droit du travail et la fonction publique. Cependant, le « projet parental » n'est pas encore reconnu comme un motif autonome de discrimination.
La proposition de loi que nous étudions vise à combler cette lacune, par cohérence et par clarté, mais surtout par justice. Aucun salarié ne devrait avoir à choisir entre construire un projet familial et mener une carrière professionnelle. Il est de notre responsabilité de garantir à chacun un cadre protecteur, conforme aux principes fondamentaux de notre droit et aux aspirations légitimes de nos concitoyens.
Je tiens à saluer ici le travail rigoureux et constructif conduit par notre rapporteure au Sénat, Annick Petrus.
Je vais à mon tour revenir sur les apports de l'article 1er – on sait que la pédagogie est l'art de la répétition…
Mme Laurence Rossignol. À ce stade, c'est du dévouement !
Mme Élisabeth Doineau. L'article 1er consacre une avancée importante en matière de lutte contre les discriminations, en étendant explicitement la protection juridique au « projet parental ». Cette disposition vise à sécuriser les parcours de parentalité, qu'ils relèvent de l'assistance médicale à la procréation ou d'un projet d'adoption, ainsi qu'à garantir l'égalité de traitement des personnes concernées.
La nouvelle rédaction des articles du code du travail étend ainsi les protections spécifiques à la grossesse aux hommes et aux femmes engagés dans ces démarches. Par cette mesure, la législation française s'adapte aux réalités contemporaines et affirme sa volonté de construire un cadre professionnel plus inclusif et respectueux de la vie de chacun.
Pour prolonger et donner toute sa portée au principe de non-discrimination affirmé à l'article 1er, l'article 2 introduit des droits concrets et encadrés. Il permet aux conjointes et aux hommes engagés dans une AMP de bénéficier, au même titre que les femmes, d'autorisations d'absence. Il ouvre également ce droit aux personnes qui ont un projet d'adoption.
Enfin, il veille à garantir une stricte égalité entre agents publics et salariés du secteur privé, en assurant à chacun les mêmes droits, quel que soit le statut professionnel. Ce faisant, l'article 2 participe à l'élargissement des droits à l'ensemble des personnes engagées dans un parcours de parentalité, sans distinction de sexe ni de statut, renforçant ainsi l'effectivité du principe d'égalité et la reconnaissance des divers modèles familiaux.
Ce texte marque une avancée nécessaire, mais il ne réglera pas à lui seul l'ensemble des discriminations vécues.
Je pense notamment à celles que subissent encore de nombreuses femmes à leur retour au travail après leur congé de maternité. J'ai hier encore reçu par courriel le témoignage d'une femme dont le travail a été vidé de sa substance à son retour…
Ces pratiques sont illégales sur le papier. Pourtant, elles demeurent peu sanctionnées.
Comment rendre effectives les lois que nous votons ? Tel est l'objectif qui doit nous animer, en tant que législateur.
Si je soutiens cette proposition de loi, j'invite à une réflexion collective sur nos pratiques et à affronter ces réalités que la loi peine parfois à saisir et à encadrer. Trop souvent, les propositions de loi que nous examinons manquent d'une vision d'ensemble et apportent une réponse imparfaite à une situation précise. Nous sommes loin de l'esprit originel des lois !
Cependant, il faut aussi savoir faire preuve de pragmatisme et saluer les avancées quand elles sont devant nous.
À l'heure où la natalité redevient un enjeu central pour notre nation, aucun salarié ne devrait avoir à choisir entre construire un projet familial et mener une carrière professionnelle.
Aussi, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte, avec la volonté de poursuivre ce travail d'amélioration. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, déposée par l'ancienne ministre Prisca Thevenot, visait à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail.
Certainement en écho aux injonctions au réarmement démographique du président Emmanuel Macron, ce texte a souhaité s'attaquer à un sujet sérieux, dans un contexte de baisse de la natalité.
De fait, on constate un écart entre le nombre d'enfants désirés, qui s'établit à plus de 2 enfants par couple, et l'indicateur conjoncturel de fécondité, qui est de 1,62 enfant par femme. Cet écart témoigne des obstacles que rencontrent les couples pour concrétiser leur projet parental.
Cette situation conduit de nombreux couples à se tourner vers les techniques d'assistance médicale à la procréation ou à entrer dans un parcours d'adoption.
Or ces démarches constituent des parcours complexes, longs, physiquement et émotionnellement éprouvants et difficilement conciliables avec les exigences du monde professionnel.
Elles induisent des absences ou des retards au travail et entraînent une fatigue et des douleurs qui affectent les capacités, donc la productivité du salarié.
Dans ce contexte, l'ancienne ministre chargée du renouveau démocratique a déposé une proposition de loi qui prévoyait d'étendre la protection contre les discriminations au motif du « projet parental » et ajoutait explicitement celui-ci à la liste des motifs interdits de discrimination.
En commission, l'auteure a dû réécrire intégralement son texte, puisque, comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, non seulement le code du travail prévoit déjà l'application des dispositions protectrices spécifiques à la grossesse aux femmes bénéficiant d'un parcours de PMA, mais la rédaction d'origine était moins protectrice que la jurisprudence en la matière.
Elle a donc transformé la proposition de loi en étendant le bénéfice des dispositions protectrices aux conjoints.
L'extension aux conjoints de la protection des salariés contre les discriminations est en soi une bonne chose. Cette protection permet aux salariés de bénéficier des autorisations d'absence, donc d'améliorer l'implication des partenaires dans le projet parental.
Cependant, elle est déjà reconnue par la jurisprudence ! Au final, le texte ne crée donc pas de droits nouveaux pour les conjoints.
En réalité, cette proposition de loi a une portée essentiellement symbolique : elle inscrit dans le droit du travail une protection, en espérant que cela fera évoluer les mentalités plus rapidement dans les entreprises.
Toutefois, je tiens à préciser que cette protection ne sera effective que si elle s'accompagne d'un renforcement des capacités de contrôle de l'inspection du travail, ce qui, à ma connaissance, n'est pas prévu à ce jour.
En conclusion, le groupe CRCE-K votera, sans illusion et sans passion, en faveur de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mieux protéger des discriminations au travail les personnes engagées dans un parcours d'adoption ou de procréation médicalement assistée.
Le texte prévoit d'étendre aux hommes engagés dans un projet parental dans le cadre d'une AMP et aux personnes qui adoptent les dispositions protectrices qui existent dans le code du travail pour les femmes enceintes et les femmes en parcours AMP.
Nous approuvons surtout l'article 2, qui permettra aux hommes salariés suivant des traitements de bénéficier d'autorisations d'absence, aux femmes salariées d'accompagner leur conjoint recevant de tels traitements et aux personnes en parcours d'adoption de prendre part aux entretiens obligatoires à l'obtention de l'agrément.
Dans une perspective féministe, rappelons que l'infertilité est autant féminine que masculine, mais que ce sont les femmes qui doivent principalement assumer ses conséquences…
Cet article, en donnant une valeur législative aux autorisations d'absence des agents publics prévue par la circulaire du 24 mars 2017 relative aux autorisations d'absence dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation, permettra un alignement des droits des agents publics sur ceux des salariés du secteur privé.
À cet égard, nous partageons la remarque que nous avons entendue lorsque nous avons auditionné la direction générale de l'administration et de la fonction publique, à savoir que ces dispositions qui enrichissent le code du travail doivent trouver leurs modalités d'inclusion dans le code de la fonction publique.
En effet, dans le code du travail, ces dispositions s'appuient déjà sur le principe que toute décision en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation ne peut être prise sur le fondement du sexe, de la grossesse ou de la situation de famille.
Nous voterons cette proposition de loi. Notons néanmoins l'absence de contentieux qui l'aurait rendue nécessaire ! Nous devons encore et toujours veiller à ne pas rendre la loi bavarde. Notre rôle de législateur est d'éviter des lois peu pertinentes, car non justifiées par une nécessité législative.
Le texte présenté a d'ailleurs fait l'objet d'une réécriture complète à l'Assemblée nationale à la suite des auditions de la direction générale du travail et de la Défenseure des droits, qui ont fait valoir que la création d'un critère spécifique de discrimination était inutile et pourrait même s'avérer contre-productive.
De fait, on compte déjà vingt-cinq critères de discrimination interdits par la loi, dont plusieurs couvrent le projet parental. Par exemple, la cour d'appel de Douai a reconnu une discrimination liée à l'état de santé à une salariée inscrite dans un parcours d'AMP qui s'était vu reprocher ses absences par son employeur – la cour a condamné la société employeuse pour ce motif.
Attention à ne pas multiplier inutilement les motifs de discrimination, lesquels peuvent déjà être inclus dans une discrimination déjà énoncée – et jugée comme telle, à l'instar de la discrimination spécifique qui nous réunit aujourd'hui.
Bien que l'air du temps soit au « réarmement démographique », la motivation de cette proposition de loi doit rester de permettre aux personnes qui le souhaitent de mener à bien un projet parental.
À cet égard, ce texte s'insère implicitement dans ce que le Président de la République a nommé le « tabou du siècle » : l'infertilité masculine et féminine.
Je tiens d'ailleurs à dire que le tabou entoure aussi certaines des causes de ce mal ! En effet, il y a parmi celles-ci des facteurs environnementaux, à l'image de l'exposition aux perturbateurs endocriniens, à la pollution atmosphérique, aux métaux lourds, aux solvants et aux pesticides.
Dans un contexte de régression environnementale et sanitaire et de libération des règles encadrant l'usage des pesticides, au mépris des avis des agences de sécurité sanitaire française et européenne, qui alertent sur les conséquences de ces décisions sur la fertilité, la suppression des zones à faibles émissions, qui limitaient la pollution atmosphérique, nous semble, de ce point de vue, devoir être dénoncée.
Cela étant rappelé, nous voterons évidemment cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai toujours pas compris si cette proposition de loi créait réellement quelque chose de nouveau.
J'ai entendu nombre de mes collègues dire qu'elle était avant tout symbolique. Si j'ai bien saisi, elle permettra tout de même aux conjoints de bénéficier d'autorisations d'absence.
J'ai entendu plusieurs fois qu'elle allait bénéficier aux hommes qui accompagnent une compagne ou une épouse en parcours d'AMP, mais je tiens à rappeler qu'elle profitera aussi aux femmes qui se trouvent dans cette situation d'accompagnement – « les salariés » peuvent aussi bien être des hommes que des femmes.
Je précise, du reste, que les dispositions du texte ne concernent pas les personnes en parcours de gestation pour autrui (GPA), dont je rappelle qu'elle est illicite dans ce pays. J'en profite pour dire une nouvelle fois que nous sommes hostiles à l'exploitation reproductive du corps des femmes.
Cela étant dit, cette proposition de loi est assez symptomatique de ce que fait le Parlement depuis quelques mois : examiner des propositions de loi en attendant que le Gouvernement lui soumette des projets de loi.
Nous allons bien entendu voter celle qui nous est présentée ce soir. Nous, socialistes, sommes toujours favorables à tout ce qui vise à protéger et à conforter les droits des salariés !
Mais, aux députés qui ne sont pas à court d'initiatives pour protéger les femmes, en particulier les mères, au travail, je voudrais rappeler que la maternité nuit encore aujourd'hui à 74 % des femmes au travail, et particulièrement aux femmes ouvrières, puisque seulement 54 % de celles qui ont un enfant travaillent, contre 74 % pour celles qui n'en ont pas.
Faire progresser l'environnement de la maternité, ce n'est pas de faire de la cosmétique avec le code du travail ! C'est garantir des horaires adaptés aux deux parents ; c'est développer des modes de garde ; c'est protéger les crèches, contrairement à ce qui se passe, par exemple, dans mon département du Val-de-Marne, où le conseil départemental ferme des crèches départementales dans de nombreuses communes. J'en profite pour dire au Gouvernement que les élus sont très préoccupés par ces fermetures de crèche, qui vont impacter les femmes et les couples qui travaillent !
Le Gouvernement a été saisi de ce sujet par les maires. Nous espérons qu'il réagira et viendra au secours de ces communes, qui souhaitent développer le meilleur environnement pour les parents et pour les mères qui travaillent.
S'intéresser au travail des femmes, c'est aussi, bien sûr, s'intéresser au travail des femmes cadres, qui sont plus de 40 % à avoir indiqué qu'elles avaient réduit leur temps de travail une fois devenues mères, et s'intéresser à la situation et à la condition sociale des femmes ouvrières, préoccupation qui me paraît souvent absente des nombreuses propositions de loi cosmétiques que nous voyons arriver ici.
Je souhaitais interpeller le Gouvernement à ce sujet. Madame la ministre, préoccupez-vous de l'accueil des jeunes enfants ! Préoccupez-vous des crèches, notamment de celles du Val-de-Marne !
Bien entendu, nous voterons cette proposition de loi. En réalité, je ne vois vraiment pas comment nous pourrions voter contre…
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en principe, je ne suis pas particulièrement favorable à l'idée d'étendre sans cesse les motifs de discrimination possibles dans la loi. Si toutes les formes de discrimination doivent être activement et fermement combattues dans toutes les sphères de la vie, y compris la sphère professionnelle, je pense que les formulations prévues par le code du travail devraient rester suffisamment larges pour couvrir un maximum de cas.
Vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, vingt-sept motifs de discrimination sont aujourd'hui listés dans l'article du code du travail concerné. Pourtant, il en manque encore certainement ! Les motifs de discrimination possibles au travail sont si nombreux qu'ils ne pourront jamais tous figurer dans la loi.
Celle-ci prévoit déjà, par exemple, que la situation familiale, la grossesse ou l'état de santé ne peuvent faire l'objet de discriminations au travail.
Néanmoins, il est des cas particuliers qui nécessitent un traitement particulier. Je pense notamment à la grossesse, qui fait légitimement l'objet de dispositions spécifiques, mais aussi aux procédures d'AMP et d'adoption.
Ces deux procédures sont l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
La particularité de ces procédures, qui sont de vrais parcours du combattant pour ceux et celles qui s'y engagent, est qu'elles nécessitent de nombreux rendez-vous tout au long du processus. Ainsi, qui dit AMP dit examens, traitements, interventions, attente entre chaque étape de la procédure, qui, au total, peut durer deux ans, voire plus. Comme certaines femmes ont pu en témoigner, « l'AMP prend toute la place ».
Si ces procédures empiètent pleinement sur la vie personnelle, elles prennent aussi de la place dans la vie professionnelle : tous les rendez-vous médicaux ne peuvent pas toujours être organisés en dehors du temps de travail. C'est une réalité.
Il existe un régime d'autorisations d'absence des salariés qui leur permet de se rendre à ce type de rendez-vous médicaux sur leur temps de travail, mais le faire jouer est de nature à rendre le projet de parentalité du salarié ou de la salariée décelable par l'employeur.
C'est pourquoi la présente proposition de loi prévoit de protéger contre les discriminations les salariés ayant un projet parental d'AMP ou d'adoption de la même manière que les femmes enceintes.
À mon sens, la protection contre les discriminations liées à la situation familiale pourrait s'appliquer aux situations d'adoption ou d'AMP. À cet égard, si nous soutenons le dispositif de l'article 1er, ce n'est cependant pas dans celui-ci que réside, à nos yeux, le véritable intérêt du texte.
Ce dernier présente surtout l'intérêt d'étendre aux hommes le bénéfice des autorisations d'absence pour leur permettre de se rendre à des rendez-vous médicaux dans le cadre d'une AMP, et non plus seulement à titre d'accompagnant de leur partenaire.
Je rappelle que, dans le cadre d'une procédure d'AMP, les hommes aussi peuvent avoir à subir des examens ! C'est donc une question d'équité entre les femmes et les hommes que de reconnaître aux salariés des deux sexes cette possibilité d'absence.
La proposition de loi étend aussi ces autorisations d'absence pour les rendez-vous organisés dans le cadre d'une procédure d'adoption.
Par ailleurs, elle étend aux agents publics le système d'autorisations d'absence, dans le cadre d'une adoption comme d'une AMP, prévu pour les salariés du privé.
Notre groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra évidemment ces dispositifs.
Plus largement, je souhaite, pour terminer, rappeler qu'il est toujours difficile aujourd'hui pour une femme, dans certains milieux professionnels et dans certaines entreprises, d'être enceinte ou en congé de maternité. Cela aussi est une réalité !
Pour certaines d'entre elles, cette situation se traduit encore par une mise en retrait au sein de l'entreprise. D'autres, avant même de subir une éventuelle discrimination, ressentent une appréhension, voire une crainte profonde à l'idée d'annoncer leur grossesse à leur employeur et de partir en congé.
Pourtant, la loi les protège. Au-delà de modifications législatives, c'est donc encore sur les mentalités et les pratiques qu'il faut agir.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus de 3 millions de Français et de Françaises sont directement touchés par l'infertilité dans notre pays. Un couple sur quatre en désir d'enfant ne parvient pas à concevoir après douze mois d'essai, selon les données de l'Institut national d'études démographiques (Ined) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
S'il relève de l'intime, ce sujet est aussi un enjeu de société et de santé publique majeur, qui a des conséquences certes individuelles, mais aussi collectives, économiques, sociales et démographiques.
L'infertilité touche autant les hommes que les femmes. Ses causes sont multiples et en partie méconnues. L'âge est un facteur important pour les deux partenaires, et on peut regretter un réel manque d'information sur ce point. Les couples n'ont pas forcément le sentiment d'une urgence, alors que l'horloge biologique réduit rapidement leur possibilité d'avoir un enfant. Sont également mis en cause les modes de vie moderne, le tabagisme, la pollution de l'environnement et les perturbateurs endocriniens, ce qui pourrait expliquer que les personnes concernées soient de plus en plus jeunes.
Cette situation conduit de nombreux couples à se tourner vers les techniques d'assistance médicale à la procréation ou à entrer dans un parcours d'adoption.
Depuis la naissance d'Amandine, en 1982, premier « bébé-éprouvette » né en France par fécondation in vitro (FIV), la procréation médicalement assistée s'est largement développée grâce à la recherche médicale : 10 % à 15 % des couples y ont recours, et près d'un bébé sur trente naît aujourd'hui grâce à la cette technique.
Ces chiffres illustrent des chemins de vie souvent douloureux. Une tentative d'AMP ne conduit à une grossesse que dans 20 % des cas. Les parcours durent souvent plusieurs années. La plupart du temps, ils s'achèvent lorsque le nombre de tentatives prises en charge par la sécurité sociale est épuisé, soit six inséminations et quatre FIV.
Le sujet reste tabou et, derrière ces chiffres, la réalité vécue par les couples est toujours largement méconnue.
Le couple entre généralement dans une démarche d'AMP après une série d'examens concluant à une infertilité, dont l'annonce représente une première épreuve.
La procédure d'AMP est ensuite particulièrement lourde, surtout pour la femme, aussi bien physiquement que psychologiquement. Une fois la démarche engagée, il lui faut subir une série d'examens invasifs et de traitements hormonaux très contraignants, dont des piqûres quotidiennes, afin de procéder à une stimulation ovarienne, dans le but de prélever des ovocytes, puis une implantation d'un ou plusieurs embryons, quand il s'agit d'une FIV.
Tout au long du parcours, qui dure parfois de nombreuses années, des difficultés peuvent survenir, éprouvant le couple et le soumettant au doute et au découragement.
Ce parcours demande une grande disponibilité et entraîne une fatigue physique et psychique que la femme doit parvenir à concilier avec sa vie professionnelle, sans que son entourage, bien souvent, le sache.
Aussi notre droit a-t-il évolué afin de protéger ces femmes dans le cadre de leur travail. Le texte que nous examinons aujourd'hui représente une étape de cette évolution. Il comporte peu de mesures, le droit français étant déjà très protecteur.