M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations dont peuvent être victimes les personnes engagées dans un projet parental, que ce soit par un parcours de procréation médicalement assistée ou dans le cadre d'une procédure d'adoption.
Je tiens à saluer d'abord le travail de ma collègue députée, Prisca Thevenot, à l'origine de ce texte qui répond à une réalité sociale souvent invisibilisée.
Il me semble opportun de le rappeler ici : notre société connaît un véritable bouleversement des schémas familiaux dits traditionnels. Or ces évolutions sont à la fois positives et porteuses de défis en matière de politique familiale.
Il n'existe plus aujourd'hui un seul modèle, mais bien une pluralité de schémas, incluant par exemple des familles recomposées ou monoparentales, qui présentent chacun des besoins propres.
Mon collègue Xavier Iacovelli a exprimé plusieurs fois sa volonté de lancer un grand plan national des familles, afin de remettre en question la pertinence de nos politiques publiques, encore trop souvent calquées sur un modèle unique et qui ne tiennent pas suffisamment compte des réalités et des besoins spécifiques de ces nouvelles configurations familiales.
Notre pays connaît un déclin démographique, incontestable. En 1973, la France enregistrait 888 000 naissances, contre seulement 663 000 en 2024, soit une baisse de 25 % en cinquante ans.
Le Président de la République a parlé d'un besoin de « réarmement démographique ». Et il a raison : il est temps d'agir, et nous pensons que ce texte s'inscrit pleinement dans cette logique. Derrière cette baisse, en effet, il y a aussi une réalité médicale souvent tue : celle de l'infertilité.
Aujourd'hui, un couple sur six consulte pour des difficultés à concevoir. En 2022, 158 000 tentatives d'assistance médicale à la procréation ont été réalisées, aboutissant à près de 28 000 naissances. Autrement dit, presque un enfant sur trente en France est aujourd'hui issu d'un parcours d'AMP.
Soyons clairs : les femmes sont majoritairement concernées par ce processus de projet parental.
Non seulement ce sont elles qui, pour l'essentiel, subissent les injections, les rendez-vous médicaux à répétition, les effets secondaires, mais elles sont aussi les plus touchées en matière de discriminations professionnelles. Or c'est précisément ce problème que nous touchons du doigt par ce texte.
L'article 1er inscrit dans la loi l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'existence d'un tel projet, envers tant les hommes que les femmes.
C'est une disposition que le droit actuel couvre déjà, en pratique, mais il nous paraît bienvenu à tous, au regard des discussions en commission et de l'absence d'amendements en séance, de l'affirmer clairement dans la loi.
Ce geste législatif, en effet, même s'il est symbolique, envoie un signal fort aux employeurs : celui du respect de tous les parcours parentaux, sans exception.
L'article 2, quant à lui, étend le bénéfice des autorisations d'absence aux hommes, et non plus seulement aux femmes, lorsqu'ils sont engagés dans une procédure d'adoption.
C'est un ajustement simple, qui va dans le sens de l'égalité entre les sexes, du partage des responsabilités parentales et d'une prise en compte réaliste des évolutions familiales.
En effet, si notre code du travail protège aujourd'hui les femmes enceintes, il reste encore des zones grises pour celles et ceux qui suivent un protocole d'AMP ou un processus d'adoption.
Quelques jours d'absence sont parfois autorisés, mais il n'existe aucune garantie contre un licenciement déguisé, une mutation subie ou une promotion qui s'éloigne.
Cette proposition de loi est également un impératif d'égalité entre les femmes et les hommes, car ce sont une fois encore les femmes qui paient le prix fort dans leur corps, dans leur emploi et dans leur avenir professionnel.
C'est aussi un enjeu d'émancipation, parce que le travail reste un levier d'indépendance, de liberté et de dignité. Or il est inacceptable que le choix de devenir parent, surtout par des voies aussi exigeantes, soit un frein à l'épanouissement professionnel.
Mes chers collègues, par l'adoption de cette proposition de loi, protégeons celles et ceux dont le projet parental passe par un parcours long, incertain et médicalisé, en leur évitant cette double peine, à savoir subir en outre de possibles discriminations à l'emploi. (Mme la rapporteure applaudit.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail
Article 1er
(Non modifié)
I. – (Supprimé)
II. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L'article L. 1225-3-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1225-3-1. – Les articles L. 1225-1 à L. 1225-3 et L. 1142-1 sont applicables aux salariés engagés dans un projet parental dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation définie à l'article L. 2141-1 du code de la santé publique ou d'une adoption au sens du titre VIII du livre Ier du code civil. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – À la première phrase de l'article L. 622-1 du code général de la fonction publique, après le mot : « parentalité », sont insérés les mots : « , notamment les autorisations d'absence prévues à l'article L. 1225-16 du code du travail, ».
II. – L'article L. 1225-16 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, au début, les mots : « La salariée » sont remplacés par les mots : « Les salariés » et le mot : « bénéficie » est remplacé par le mot : « bénéficient » ;
2° Au troisième alinéa, après la première occurrence du mot : « ou », sont insérés les mots : « de la personne » ;
3° Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés engagés dans une procédure d'adoption, au sens du titre VIII du livre Ier du code civil, bénéficient d'autorisations d'absence pour se présenter aux entretiens obligatoires nécessaires à l'obtention de l'agrément prévu à l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles. Le nombre maximal d'autorisations d'absence est défini par décret. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 23 juin 2025 :
À seize heures et le soir :
Trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :
Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname (procédure accélérée ; texte de la commission n° 751, 2024-2025) ;
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre sur la coopération lors des opérations d'évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre dans le cadre d'une situation de crise (procédure accélérée ; texte de la commission n° 728, 2024-2025) ;
Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 28 mai 1996 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Brésil (procédure accélérée ; texte de la commission n° 753, 2024-2025) ;
Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 (texte n° 718, 2024-2025) ;
Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024 (texte n° 729, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER