Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ah bon ?

M. Pascal Savoldelli. Une telle exagération a préparé le terrain politique pour des coupes telles que le gel de la dynamique de TVA ou le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) élaboré avec la droite.

En ce qui concerne les recettes, les 17,4 milliards d'euros annoncés reposent en grande partie sur du sable : la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus a rapporté 1,4 milliard d'euros de recettes, loin des 4 milliards d'euros attendus, tandis que la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises n'a rapporté que 8,5 milliards d'euros, contre les 12 milliards d'euros promis. Et conformément à ce que la droite souhaitait, ces dispositifs ne seront pas reconduits.

Par ce texte, il nous est demandé non pas d'approuver un bilan, mais d'avaliser un aveuglement. Nous ne le ferons pas ! L'Assemblée nationale a rejeté ce projet de loi, et si le Sénat en faisait autant, ce serait un événement politique.

La droite sénatoriale avait voté la première partie et l'article d'équilibre du projet de loi de finances pour 2024. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky avait, pour sa part, proposé d'adopter une motion de rejet, mes chers collègues. En toute cohérence, nous voterons donc contre le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'approbation des comptes de l'année n-1 est l'occasion, dans le cadre du pouvoir parlementaire de contrôle, d'appréhender l'exécution de la loi de finances pour 2024 et de confronter le Gouvernement à la réalité de sa gestion. Et quelle réalité ! Un déficit public de 5,8 % du PIB, soit quasiment 170 milliards d'euros, une dette s'établissant à 113 % du PIB et près de 23 milliards d'euros de recettes fiscales manquantes.

Comment en sommes-nous arrivés à une situation aussi catastrophique, au terme d'une période de huit ans qui a vu se succéder des gouvernements se targuant d'être de bons gestionnaires ?

Année du septième budget exécuté sous les mandats du Président de la République, 2024 marque la faillite sans appel d'un système reposant, d'une part, sur une politique fiscale du « toujours moins d'impôts et moins de taxes » qui, chaque année, sabre un peu plus la capacité d'agir de l'État, et, d'autre part, sur des coupes budgétaires aux effets récessifs qui amoindrissent encore les recettes de l'État, notamment les rendements de l'impôt sur les sociétés (IS) et de la TVA.

De ce projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, nous retenons un double renoncement.

Le premier renoncement est l'absence de réponse aux défis posés par l'ampleur des dérèglements climatiques. L'urgence est là. Les scientifiques, les chercheurs mais aussi les habitants et les élus locaux des zones particulièrement exposées aux risques et aux catastrophes naturelles s'épuisent à le répéter. L'urgence, aujourd'hui, est de préserver les conditions d'habitabilité de notre pays et de préparer un avenir viable pour les générations futures.

En 2024, ce sont pourtant 4,2 milliards d'euros de dépenses favorables à l'environnement, dont 3,7 milliards d'euros alloués au bâtiment et 1,1 milliard d'euros à la protection des ressources naturelles, qui ont été annulés en cours d'exercice.

« Le climat change très vite. Nous avançons lentement derrière. » Par ces mots, la climatologue Valérie Masson-Delmotte nous alerte, comme d'autres chercheurs, sur notre incapacité à contenir le réchauffement climatique à 1,5°degré, comme le prévoient les accords de Paris. Les gouvernements Macron en portent la lourde responsabilité – ce sera une marque indélébile sur les mandats du Président de la République.

Le second renoncement est celui de la lutte contre les inégalités, ou plutôt le choix politique, conscient et assumé, du creusement de celles-ci.

Le président Macron voulait plus de millionnaires. Une fois n'est pas coutume, cet engagement a été tenu. Il n'y a jamais eu autant de millionnaires dans notre pays, qui en comptera bientôt 3 millions. Durant la seule année 2024, plus de 20 000 personnes le sont devenues. Notre pays monte sur la troisième marche mondiale. Cocorico !

Mieux encore, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes françaises est passé de 570 à 1 225 milliards d'euros depuis 2017. En France, quand on possède plus de 100 millions d'euros de patrimoine, on paie proportionnellement moins d'impôts que tous les autres. L'enrichissement à folle vitesse permis par l'évitement à l'impôt est consacré dans notre pays ! Et il faut, surtout, ne rien changer...

Depuis huit ans, les gouvernements successifs ont multiplié les cadeaux fiscaux sans condition. La Cour des comptes relève du reste que le coût des dépenses fiscales a bondi de 5 milliards d'euros, passant de 90 à 95 milliards en 2024. Or ce sont autant de dépenses favorables au climat ou bénéficiant aux personnes les plus éloignées de l'emploi qui sont systématiquement sacrifiées.

En ce qui concerne la TVA, sur les 90 milliards d'euros de recettes escomptées cette année, 3 milliards d'euros manquent à l'appel. Les coupes budgétaires effectuées au début de l'année 2024 ont eu un effet récessif qui a emporté une baisse de la consommation, et, partant, une baisse de la croissance et des recettes de TVA.

Une partie des recettes de TVA étant reversée aux collectivités pour compenser les taxes et impôts locaux supprimés, d'une part, et à la sécurité sociale pour compenser les exonérations de cotisations, d'autre part, ce détournement de la TVA vers des dépenses fiscales appauvrit l'État et obère ses moyens d'agir. Vous aurez décidément tout fait pour que nous allions droit dans le mur, madame la ministre !

Pour les écologistes, un autre chemin budgétaire est impératif, d'autant que de l'argent, il y en a dans ce pays. Près de 100 milliards d'euros de dividendes ont en effet été versés en 2024.

Respectons donc l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et faisons contribuer chacun selon ses facultés, mes chers collègues. Menons le combat de la justice fiscale, investissons massivement pour le climat – cela créera de l'activité et des emplois qui ont du sens dans un monde qui en manque tant –, investissons dans l'école publique, la santé, la recherche, et aussi dans nos services publics que vous persistez à abandonner alors qu'ils ont fait la fierté de nos compatriotes pendant des décennies.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet d'approbation des comptes de 2024 que nous examinons aujourd'hui n'est pas un simple texte comptable : il constitue l'aveu d'une gestion désastreuse des finances publiques et de l'incapacité du Gouvernement à tenir les engagements pris devant la représentation nationale.

Le groupe socialiste votera contre ce texte, non par esprit d'opposition systématique, mais parce qu'il symbolise ce que nous dénonçons depuis des mois : une politique budgétaire erratique, un désarmement fiscal de l'État qui nous a conduits dans l'impasse et un refus obstiné de prendre en considération les propositions alternatives que nous avons formulées.

Cette situation n'est malheureusement pas nouvelle. L'analyse des budgets successifs révèle une constante particulièrement préoccupante : l'instabilité chronique des prévisions budgétaires et l'écart récurrent entre les objectifs affichés et la réalisation de l'exécution.

Les prévisions de recettes ou de croissance sur lesquelles s'appuient les lois de finances sont régulièrement trop optimistes. Parallèlement, les dépenses sont souvent sous-évaluées. Cette double erreur d'appréciation se traduit mécaniquement par un creusement du déficit supérieur aux prévisions initiales.

Les données publiées par l'Insee dressent un tableau particulièrement sombre de l'état de nos finances publiques. En 2024, le déficit public s'élevait à 5,8 % du PIB et la dette publique à 113 % du PIB. Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques abstraites, mes chers collègues. Ils traduisent le dérapage budgétaire que nous connaissons.

Pour mesurer l'ampleur de cette dégradation, il convient de rappeler qu'en 2019, avant la crise sanitaire, notre dette publique s'élevait à 98 % du PIB. En l'espace de cinq ans, nous avons donc assisté à une augmentation de plus de 15 points de cette proportion. Cette progression, si elle peut en partie s'expliquer par la crise du covid-19 et par la crise énergétique, révèle surtout l'incapacité du Gouvernement à redresser la barre une fois la crise passée.

Dès la fin de l'année 2023, les remontées de l'administration fiscale étaient mauvaises : l'impôt sur les sociétés reculait fortement, la TVA ralentissait et l'impôt sur le revenu stagnait. Malgré les alertes internes, aucune information n'a été transmise au Parlement par les ministres Bruno Le Maire et Thomas Cazenave.

Quelques mois plus tard, en mai 2024, les mêmes ministres, entendus cette fois par la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, menée par la commission des finances du Sénat, présidée par Claude Raynal et rapportée par Jean-François Husson, affirmaient encore que les données transmises étaient alors trop incertaines pour agir et qu'il leur fallait encore attendre.

Le choix des ministres d'en rester là ne fut pas un accident. C'était une stratégie de non-dit et d'inaction. L'exécutif a écarté le collectif budgétaire qui s'imposait, par calcul politique, pour éviter un débat et une motion de censure. Et qu'a fait le Gouvernement à la place ? Il a annulé 10 milliards d'euros de crédits par décret, sans transparence, sans débat.

Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, les groupes de gauche proposaient pour leur part des recettes nouvelles, des alternatives concrètes. Celles-ci ont été systématiquement rejetées, parce qu'elles venaient de la gauche et qu'elles remettaient en cause le dogme fiscal de ce gouvernement.

Les effets de cette politique se font sentir partout sur le territoire. La rigueur imposée sans débat se traduit par une asphyxie progressive des services publics, mais aussi par un transfert de charges vers les collectivités territoriales. Celles-ci sont aujourd'hui victimes de cette situation. Désarmées fiscalement, rendues dépendantes des dotations, elles n'ont plus les moyens nécessaires pour assurer la solidarité et les services de proximité.

Les conséquences pour les Français sont concrètes : des communes contraintes de fermer des piscines ou des bibliothèques, des départements qui ne peuvent plus répondre aux besoins des personnes les plus fragiles, des régions qui voient leurs capacités d'investissement amoindries pour la formation professionnelle ou les mobilités.

Au-delà des territoires, ce sont aussi nos services publics nationaux qui subissent les contrecoups directs de cette stratégie d'évitement et d'inertie budgétaire.

Et que dire de la transition écologique ? Le Haut Conseil pour le climat (HCC) et les associations environnementales alertent. La France est en retard sur ses engagements climatiques. Le logement social, la rénovation thermique, les transports du quotidien, l'agriculture durable sont autant de chantiers qui nécessitent des investissements massifs. Et que fait-on ? On annonce des milliards d'euros, puis on les reporte ou on les sous-finance.

Cette politique gouvernementale du stop and go emporte une instabilité chronique et une perte de lisibilité de la trajectoire adoptée pour les collectivités et les entreprises.

Notre groupe refuse cette logique d'austérité qui ne dit pas son nom. Nous portons une autre vision : celle d'un redressement par l'investissement.

Nous ne nions pas la nécessité d'ajuster, d'évaluer et de mieux calibrer les politiques publiques, mais nous refusons de réduire le débat budgétaire à un exercice arithmétique déconnecté du réel.

Le modèle voulu par le Gouvernement, construit autour de l'obsession de la dépense publique, est un modèle biaisé. Il n'envisage qu'une moitié du problème. Il analyse les dépenses, mais il refuse d'interroger les recettes. Il scrute le moindre euro versé aux hôpitaux ou aux écoles, mais il ignore les dizaines de milliards d'euros perdus dans les niches fiscales et dans les exonérations sans condition.

La France – rappelons-le – consacre plus de 160 milliards d'euros par an aux dépenses fiscales, un chiffre qui dépasse largement les budgets de l'éducation nationale ou de la santé. Combien de niches sont-elles réellement utiles ? Combien bénéficient aux ménages modestes ? Combien favorisent la transition écologique ? La Cour des comptes l'a dit, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) l'a répété, le Sénat lui-même l'a documenté : il est temps de remettre à plat l'ensemble des dépenses fiscales. Il est temps d'exiger une évaluation systématique, publique, indépendante.

C'est aussi cela, la sincérité budgétaire : ne pas laisser dans l'ombre une part croissante des finances publiques ; ne pas tolérer que des milliards d'euros échappent aux débats parlementaires.

Sur ce point, la comparaison européenne est éclairante. La France est l'un des pays de l'Union européenne où la part des dépenses fiscales rapportées au PIB est la plus élevée. C'est aussi l'un des rares pays à ne pas assortir chaque niche fiscale d'un objectif chiffré et d'un calendrier d'évaluation.

Sur la fiscalité du capital, là encore, les comparaisons internationales sont sans appel. En France, le taux de prélèvement effectif sur les revenus du capital est inférieur au taux de prélèvement sur les revenus du travail. C'est une anomalie. Depuis 2018, avec l'instauration de la flat tax et la suppression de l'ISF, les plus hauts patrimoines ont vu leur contribution se réduire.

Ces mesures censées stimuler l'investissement et la croissance n'ont pas produit les effets escomptés. Les études menées a posteriori montrent que les effets de ces baisses d'impôts sur l'activité économique ont largement été surévalués et leur coût budgétaire, sous-estimé.

Nous nous trouvons donc dans une situation paradoxale, puisque nous avons réduit nos recettes sans obtenir, en contrepartie, les gains de croissance annoncés. Or, dans le même temps, la charge fiscale pesant sur les classes moyennes, sur les jeunes actifs et sur les retraités modestes est restée lourde.

Cette situation n'est plus tenable. Elle creuse les inégalités, et nourrit les fractures territoriales et sociales. Le Gouvernement continue pourtant de refuser une plus juste contribution des hauts patrimoines. Nous avons encore pu le constater, il y a dix jours, lors de l'examen de la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches, dite proposition de loi Zucman.

Au début de l'année 2025, nous avons fait le choix de ne pas censurer le Gouvernement. Ce geste, les socialistes l'ont fait au nom de la stabilité de nos institutions, de la gravité du moment et de l'intérêt supérieur du pays. Nous attendions non pas une récompense, mais un changement de méthode.

Si nous avons évité au Gouvernement une crise institutionnelle majeure au début de l'année 2025, cette attitude de responsabilité ne nous oblige pas à une complaisance aveugle. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Christian Bilhac applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, qui est à l'État ce que le compte de gestion est aux collectivités territoriales.

Ce texte n'est que le résultat comptable de l'État pour l'année 2024. La lecture en est certes assommante, mais il constitue une véritable mine d'or. Le présent texte, tout comme le projet de loi portant approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024, est en effet un document à la fois très dense et de grande qualité. La première partie de la loi de finances pour 2024 – il m'est facile de le vérifier, car je conserve de nombreux documents papier – comptait à elle seule pas moins de 1 450 pages.

Nous savons bien qu'il est possible de faire dire ce que l'on veut aux chiffres, mes chers collègues. Nous apprenons dans ce projet de loi que le déficit de 2024 fut inférieur de 10 % au déficit de 2023, et que si l'on prend comme repère la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, les dépenses ont baissé et les recettes ont augmenté.

En 2024, les recettes fiscales nettes se sont élevées à 325 milliards d'euros et les dépenses nettes à 435 milliards d'euros. Ce n'est pourtant là qu'une partie de l'histoire, mes chers collègues, et si je ne vous disais que cela, je ne vous dirais pas nécessairement la vérité.

La vérité est que les comptes de l'année 2024 furent moins mauvais que ceux de l'année 2023, mais que les prévisions budgétaires furent toutefois défaillantes. Les hypothèses sur lesquelles nous nous sommes fondés pour adopter le projet de loi de finances pour 2024 se sont en effet révélées en décalage avec la réalité, en ce qui concerne tant les recettes que les dépenses.

L'impôt sur les sociétés en est un très bon exemple. La collecte de cet impôt est en décalage de 14,6 milliards d'euros par rapport à ce que la loi de finances initiale avait prévu, soit un montant supérieur à celui du budget de la justice.

La cause profonde des difficultés budgétaires de notre pays tient au constat suivant : nous cherchons à pressuriser nos concitoyens et les acteurs économiques pour en tirer toujours plus d'impôts, espérant ainsi rendre notre population plus heureuse ; mais à force de faire reposer l'ensemble de notre vie nationale sur l'impôt et de vouloir en prélever chaque année davantage, nous en recevons moins qu'escompté.

De grands économistes, comme l'Américain Arthur Laffer, et, bien avant lui, le Français Jean-Baptiste Say, nous avaient pourtant prévenus que trop d'impôt tue l'impôt. En 1803, dans son Traité d'économie politique, l'économiste français prévenait qu'« un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte » et que « par une raison contraire, une diminution d'impôts, en multipliant les jouissances du public, augmente les recettes du fisc et fait voir aux gouvernements ce qu'ils gagnent à être modérés ».

Les faits montrent que Jean-Baptiste Say avait raison, mes chers collègues. Mais depuis 1981, la plupart des politiques ont préféré lire un autre économiste du XIXe siècle, Karl Marx, qui nous invitait, lui, à tuer le grand méchant capital à coups d'impôts. Le précurseur du communisme aura malheureusement eu plus de succès dans notre pays que Jean-Baptiste Say.

Mais ne désespérons pas de nous départir des idées de Marx et de continuer à baisser de nombreux impôts qui entravent l'activité des acteurs économiques et brident la consommation et l'investissement des ménages, mes chers collègues. Il n'y a que de cette manière que nous pouvons espérer augmenter les recettes de l'État.

J'en viens maintenant aux dépenses de l'État en 2024. Elles furent, elles aussi, en décalage complet avec ce que nous avons voté en loi de finances initiale, mais cette fois-ci à la hausse, évidemment – cela a été rappelé notamment par le rapporteur général.

Les dépenses de l'État ont été supérieures de 9,8 milliards d'euros à ce que le Parlement a voté à l'automne 2023, soit le montant de près de quatre-vingts avions Rafale supplémentaires. En cette période de disette budgétaire, c'est dire si ce montant nous aurait été utile.

Il nous faut donc d'urgence baisser durablement nos dépenses, non par dogmatisme, mais par nécessité. Nos politiques régaliennes ont besoin d'être renforcées, quand d'autres politiques, que l'État est moins légitime à mener, doivent être rationalisées.

La conséquence de cette baisse de nos recettes et de la hausse de nos dépenses – vous la connaissez, mes chers collègues – est la dette. La loi de finances initiale pour 2024 prévoyait de stabiliser la dette à 109,7 % du PIB. Notre dette au sens au sens de Maastricht s'établissant à 113 % du PIB en 2024 – contre environ 110 % en 2023 –, l'écart avec l'exécution sera de 3,3 points de PIB.

Notre dette repart à la hausse, mes chers collègues. Il nous faudra donc examiner le prochain projet de loi de finances avec sérieux et sans dogmatisme. Des solutions existent pour que les prochains projets de loi portant approbation des comptes soient plus réjouissants à adopter : baisser les dépenses d'abord, puis les impôts ensuite.

Pour l'heure, les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires s'abstiendront sur ce texte. (MM. Vincent Capo-Canellas et Christian Bilhac applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 1830, le baron Louis, brillant artisan du redressement des finances publiques françaises au lendemain de la chute de l'Empire – il siégea du reste, au sein de ce palais, à la Chambre des Pairs de France – déclarait, à l'occasion d'un conseil des ministres : « Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances. »

Il semble qu'en 2024 nous n'ayons eu ni les unes ni les autres. Ce projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 nous renvoie en effet à l'incapacité du Gouvernement à mettre en place les mesures attendues pour redresser nos comptes publics.

L'année 2024 a été marquée par la confirmation d'un dérapage extraordinaire de nos finances publiques. La cause en est directement la mauvaise gestion d'un gouvernement qui, alors qu'il était conscient de la situation, n'a pas voulu ou n'a pas su – nous ne le saurons jamais – prendre ses responsabilités.

Des erreurs dans les prévisions – 170 milliards d'euros de déficit constaté, contre les 128 milliards d'euros prévus – ont pourtant rapidement été relevées au début de l'année par le Sénat. Ces erreurs ont par la suite emporté un léger resserrage de boulons de la part du Gouvernement – le décret d'annulation du 21 février 2024 –, mais sans méthode et sans le Parlement, qui aurait pu aider davantage le Gouvernement et l'accompagner dans une réflexion plus large et plus efficace sur la manière d'améliorer la régulation de nos finances publiques.

Un positionnement fort du Gouvernement était particulièrement attendu en ce qui concerne les dépenses des administrations de sécurité sociale et des collectivités locales. En dépit d'un dépassement de 15 milliards d'euros des dépenses sociales, aucune mesure significative n'a été prise. De même, la hausse des dépenses contraintes des collectivités locales, couplée à la baisse des recettes locales, notamment des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), n'a donné lieu qu'à une attitude attentiste, puis à des mesurettes paramétriques, sans vision de long terme ni réforme de structure ou de gouvernance des finances locales.

Pour quelle raison ? On ne le sait toujours pas. Pourquoi aucun projet de loi de finances rectificative n'a-t-il été présenté au Parlement ? On ne le sait pas non plus.

La responsabilité du gouvernement d'alors au regard de ce dérapage et de cette méthode est évidente. Elle doit être soulignée par notre assemblée tout entière, comme elle l'a déjà été par la commission des finances.

Je souhaite utiliser le temps qu'il me reste pour revenir sur la mission « Cohésion des territoires », et, partant, sur le logement et la politique de la ville, sujets qui me tiennent particulièrement à cœur.

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » a été sous-budgété. Une telle sous-budgétisation étant chronique, il est urgent de rendre la prévision budgétaire plus sincère en revoyant la méthode de calcul des prévisions d'aide au logement.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » a quant à lui pâti en cours d'année de nombreuses annulations de crédits, relatifs notamment à la rénovation énergétique des logements. Sur 3 milliards d'euros de crédits ouverts en loi de finances initiale, seul 1 milliard d'euros a été réellement dépensé.

Il en va de même pour le programme 147 « Politique de la ville », pour lequel on a fait voter d'importants crédits par le Parlement, avant d'en annuler une grande partie. Ce programme, dont le taux d'exécution s'établit à 81,9 %, a fait l'objet tout au long de l'exercice d'un désinvestissement progressif organisé par l'État.

L'enjeu porte aujourd'hui sur la participation de l'État au nouveau programme de renouvellement urbain (NPRU). Celle-ci ayant été nulle en 2014, elle est en effet reportée de fait aux années à venir.

Ne faisons pas de ces programmes cruciaux pour nos territoires la variable d'ajustement d'une régulation budgétaire qui ne reflète rien d'autre que l'incapacité à prendre des mesures fortes pour redresser nos comptes publics. Vous souhaitez retrouver une souveraineté durable et changer de méthode, madame la ministre. Dont acte.

Compte tenu des raisons précédemment exposées, comment, dans cette attente, ne pas être contre ce projet de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous réglons nos comptes, ceux de 2024, mais également ceux de 2021, 2022 et 2023.

Inlassablement, la même question revient sur nos travées : les comptes publics de la France vont-ils mieux ? Et chaque année, force est de constater que la réponse reste insatisfaisante. Non, les comptes de notre pays ne vont pas mieux. Pis encore, les projections ne permettent pas d'espérer une amélioration significative à court terme.

Les chiffres sont sans appel : un déficit public qui s'élève à 5,8 % du PIB, une dette publique qui a poursuivi sa progression, atteignant 113 % du PIB à la fin de l'année et des recettes nettes du budget général qui s'établissent à 279,9 milliards d'euros. Ces résultats imposent lucidité et détermination.

Il serait pourtant injuste de ne pas souligner l'effort réel accompli par l'exécutif pour contenir la dynamique de dépenses, dans un contexte économique complexe et incertain. Vous l'avez rappelé devant l'Assemblée nationale, madame la ministre : oui, la situation s'est dégradée, mais l'État n'a pas baissé les bras. La gestion budgétaire a fait l'objet de choix rigoureux, parfois difficiles, mais nécessaires.

Certes, la pente est raide, mais, en tant que Réunionnais, je sais que les sentiers escarpés mènent parfois à des sommets qui méritent l'effort de les gravir. L'objectif de ramener le déficit sous les 3 % du PIB, que nous avons fixé à l'horizon 2029, doit rester notre boussole. Il s'agit non pas uniquement d'un objectif comptable, mais d'un impératif de crédibilité et de souveraineté.

Car tout n'est pas négatif : des signaux encourageants méritent d'être soulignés.

Par exemple, le solde budgétaire s'établit à moins 155,9 milliards d'euros, soit une amélioration de 6,5 milliards d'euros par rapport aux prévisions initiales.

De plus, les dépenses à visée environnementale progressent de manière notable pour atteindre 54,6 milliards d'euros. Il s'agit d'un effort essentiel pour préparer l'avenir.

En outre, la croissance, modeste mais réelle, de 1,1 % a permis de garantir la continuité de nos services publics, ce qui est un signe tangible de la résilience de notre modèle.

Néanmoins, il serait irresponsable de se contenter de ces avancées. Les recommandations de la Cour des comptes, notamment sur la nécessité d'encadrer plus strictement les reports de crédits, ou encore d'apurer les autorisations d'engagement devenues obsolètes, doivent être prises au sérieux.

Enfin, mes chers collègues, je souhaite lancer un appel à la responsabilité collective. Ne cédons pas, une fois encore, à la tentation d'un rejet de principe du projet de loi d'approbation des comptes. Ce serait céder à un réflexe politicien, quitte à affaiblir notre parole budgétaire et compromettre notre crédibilité face à nos partenaires européens et aux marchés.

Je vous rappelle que ce projet de loi n'est pas un texte comme les autres. Il ne relève pas d'un exercice technique ou administratif. Il s'agit d'un acte politique fort : celui de la transparence. En l'adoptant, nous ne validons pas une orientation ou une politique, nous reconnaissons simplement la réalité des comptes publics de l'année 2024.

Oui, la situation est préoccupante, et nous nous associons pleinement aux alertes formulées par la commission. Toutefois, le débat sur les choix à venir et sur les réformes nécessaires devra avoir lieu à la rentrée, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.

Aujourd'hui, nous ne faisons rien de plus – ou plutôt rien de moins – que de prendre acte des faits. Adopter ce texte, c'est affirmer que notre démocratie est capable de regarder ses comptes en face. C'est aussi cela, être responsable !

Nous devons donc rompre avec ce cycle d'instabilité et d'ambiguïté budgétaire. Il est temps de tracer une voie claire, responsable et durable. Cela suppose du courage politique, de la cohérence, et une volonté affirmée de construire une trajectoire partagée.

C'est pourquoi, fidèle à sa ligne politique, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)