Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous réglons nos comptes, ceux de 2024, mais également ceux de 2021, 2022 et 2023.

Inlassablement, la même question revient sur nos travées : les comptes publics de la France vont-ils mieux ? Et chaque année, force est de constater que la réponse reste insatisfaisante. Non, les comptes de notre pays ne vont pas mieux. Pis encore, les projections ne permettent pas d’espérer une amélioration significative à court terme.

Les chiffres sont sans appel : un déficit public qui s’élève à 5,8 % du PIB, une dette publique qui a poursuivi sa progression, atteignant 113 % du PIB à la fin de l’année et des recettes nettes du budget général qui s’établissent à 279,9 milliards d’euros. Ces résultats imposent lucidité et détermination.

Il serait pourtant injuste de ne pas souligner l’effort réel accompli par l’exécutif pour contenir la dynamique de dépenses, dans un contexte économique complexe et incertain. Vous l’avez rappelé devant l’Assemblée nationale, madame la ministre : oui, la situation s’est dégradée, mais l’État n’a pas baissé les bras. La gestion budgétaire a fait l’objet de choix rigoureux, parfois difficiles, mais nécessaires.

Certes, la pente est raide, mais, en tant que Réunionnais, je sais que les sentiers escarpés mènent parfois à des sommets qui méritent l’effort de les gravir. L’objectif de ramener le déficit sous les 3 % du PIB, que nous avons fixé à l’horizon 2029, doit rester notre boussole. Il s’agit non pas uniquement d’un objectif comptable, mais d’un impératif de crédibilité et de souveraineté.

Car tout n’est pas négatif : des signaux encourageants méritent d’être soulignés.

Par exemple, le solde budgétaire s’établit à moins 155,9 milliards d’euros, soit une amélioration de 6,5 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales.

De plus, les dépenses à visée environnementale progressent de manière notable pour atteindre 54,6 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort essentiel pour préparer l’avenir.

En outre, la croissance, modeste mais réelle, de 1,1 % a permis de garantir la continuité de nos services publics, ce qui est un signe tangible de la résilience de notre modèle.

Néanmoins, il serait irresponsable de se contenter de ces avancées. Les recommandations de la Cour des comptes, notamment sur la nécessité d’encadrer plus strictement les reports de crédits, ou encore d’apurer les autorisations d’engagement devenues obsolètes, doivent être prises au sérieux.

Enfin, mes chers collègues, je souhaite lancer un appel à la responsabilité collective. Ne cédons pas, une fois encore, à la tentation d’un rejet de principe du projet de loi d’approbation des comptes. Ce serait céder à un réflexe politicien, quitte à affaiblir notre parole budgétaire et compromettre notre crédibilité face à nos partenaires européens et aux marchés.

Je vous rappelle que ce projet de loi n’est pas un texte comme les autres. Il ne relève pas d’un exercice technique ou administratif. Il s’agit d’un acte politique fort : celui de la transparence. En l’adoptant, nous ne validons pas une orientation ou une politique, nous reconnaissons simplement la réalité des comptes publics de l’année 2024.

Oui, la situation est préoccupante, et nous nous associons pleinement aux alertes formulées par la commission. Toutefois, le débat sur les choix à venir et sur les réformes nécessaires devra avoir lieu à la rentrée, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.

Aujourd’hui, nous ne faisons rien de plus – ou plutôt rien de moins – que de prendre acte des faits. Adopter ce texte, c’est affirmer que notre démocratie est capable de regarder ses comptes en face. C’est aussi cela, être responsable !

Nous devons donc rompre avec ce cycle d’instabilité et d’ambiguïté budgétaire. Il est temps de tracer une voie claire, responsable et durable. Cela suppose du courage politique, de la cohérence, et une volonté affirmée de construire une trajectoire partagée.

C’est pourquoi, fidèle à sa ligne politique, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Madame la ministre, en 2020, alors que vous étiez ministre de la transformation et de la fonction publiques, vous déclariez que « l’État de demain est un État honnête et transparent sur les résultats qu’il obtient ». Au regard des résultats obtenus sur l’exercice budgétaire 2024, l’honnêteté et la transparence m’obligent à décerner à votre ministère le bonnet d’âne de la gestion budgétaire. (Sourires sur des travées des groupes GEST et UC.)

L’exécution du budget 2024 restera dans les annales pour la médiocrité dont ont fait preuve les précédents gouvernements pour la conduire. Le choix de recourir à des reports, à des gels, à des surgels et à des coups de rabots pour maîtriser la dépense constitue le degré zéro de la gestion budgétaire !

Évidemment, cela n’a pas suffi à éviter la Bérézina : les dépenses publiques ont augmenté plus fortement que les recettes, de 63 milliards d’euros, contre 45 milliards d’euros pour les recettes. Pire, les dépenses publiques ont crû plus vite que l’activité économique, alors que, à l’inverse, les recettes ont été peu dynamiques, et bien inférieures à la croissance du PIB.

Résultat : notre déficit reste très élevé et notre dette publique grimpe de trois points, pour atteindre 113 points de PIB. En 2024, la France est le pays européen dont le déficit est le plus important et le troisième du point de vue de la dette publique.

Comme nous pouvions nous y attendre, les résultats sont mauvais en ce qui concerne le volet recettes. En 2024, les recettes fiscales exécutées continuent d’être très nettement inférieures aux prévisions, comme c’est le cas depuis 2020. L’écart est cette année de 22,8 milliards d’euros, soit quatre fois plus que l’année précédente ; c’est considérable !

Les erreurs de prévision nous coûtent cher. Depuis 2023, notre assemblée implore le Gouvernement d’améliorer ses méthodes de prévision, ce qui a conduit vos prédécesseurs, madame la ministre, à installer en novembre dernier un comité scientifique, ce dont je me réjouis.

Sur la base des conclusions du rapport qu’il vous a remis en début d’année, vous avez présenté le 4 mars dernier un plan d’action visant, entre autres choses, à améliorer les outils et les méthodes de prévision. Le Sénat veillera à contrôler et à évaluer l’apport de ces nouveaux outils sur le calcul des prévisions.

En ce qui concerne le volet dépenses, la loi de finances pour 2024 tendait à l’inertie et au statu quo, à rebours de ce qu’exigeait la situation budgétaire de la France. Elle ne contenait aucune réforme structurelle et manquait cruellement d’ambition et de volonté politique. Pourtant, avec les revues de dépenses entamées depuis 2023, le Gouvernement avait de quoi être inspiré…

L’absence de vision politique et budgétaire et le manque de courage sont les conséquences directes de l’instabilité politique dans laquelle nous nous trouvons depuis 2022. Ainsi, pour contenir le déficit, on ressort de la boîte à outils l’instrument préféré de Bercy : le bon vieux rabot ! C’est regrettable… Notre action publique mérite d’être conduite autrement que par des tableaux Excel !

Madame la ministre, vous l’aurez donc compris, je n’approuverai pas ce texte, comme la majorité du groupe RDSE. La politique de rabot est incompatible avec une stratégie budgétaire pluriannuelle fondée sur la croissance et la justice fiscale. Dans la perspective de l’examen du projet de loi de finances pour 2026, le groupe RDSE appelle le Gouvernement à changer de logiciel budgétaire et à prendre de véritables mesures de croissance et de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Marc Laménie et Laurent Somon applaudissent également.)

M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette que nous ne passions pas plus de temps à examiner les comptes de l’année 2024, car, à mon sens, les comptes sont la réalité et non une technique comptable. Nous passons énormément de temps à établir un budget somme toute virtuel, et très peu de temps à discuter de son exécution réelle.

Madame la ministre, vous avez beaucoup communiqué, notamment à l’Assemblée nationale, sur le Printemps de l’évaluation. Nous allions voir ce que nous allions voir ! Or ce printemps a fait long feu et, malheureusement, nous n’avons rien vu venir. C’est dommage.

Vous regrettez que nous ne votions pas l’approbation des comptes de 2024, mais comment pourrions-nous le faire ? La Cour des comptes a émis seize réserves sur ces comptes, dont cinq fondamentales. Le Premier président de la Cour des comptes a même menacé de ne pas certifier les comptes de l’année 2025 – ce n’est pas rien !

Je vous rassure, le fait que nous ne votions pas ces comptes n’aura aucune conséquence. Tout du moins, c’est mon impression : depuis des années, le Parlement ne les approuve pas et, pour autant, il ne se passe rien !

En revanche, si la Cour des comptes décidait de ne pas certifier les comptes, peut-être se passerait-il quelque chose. Nous verrions alors que, dans ce pays, ce sont non pas les élus qui décident, mais plutôt l’administration, ce que je regrette fortement.

De même, je déplore les logiques successives de ces budgets, qui ont conduit à une dégradation progressive de nos comptes publics. Et comme nous avons eu quatre Premiers ministres en 2024, personne n’en assume la responsabilité !

Pendant des années, les services de Bercy nous ont privés des informations nécessaires pour bien découper les comptes entre ce qui relève de l’ordinaire et de l’exceptionnel. Finalement, nous sommes parvenus à comparer l’année 2019, qui précède les crises, et l’année 2024, qui, normalement, n’est pas une année de crise.

Ce faisant, nous nous sommes aperçus que la dépense publique avait augmenté de 10 %. Après tout, ce n’est pas grand-chose, 10 % ; pour certains, cela relève même de l’austérité… Mais enfin, cela représente tout de même 45 milliards d’euros ! En parallèle, les recettes ont baissé de 10 %. L’un dans l’autre, vous comprenez bien que nous creusons le trou !

Personne ne l’a dit – à part, peut-être, Marc Laménie, qui a trouvé une mine d’or dans les 1 450 pages de la première partie de la loi de finances (Sourires.) –, mais le déficit s’élève à 155 milliards d’euros ; je préfère indiquer la somme réelle plutôt que de citer des pourcentages, car 3 % ou 4 % du PIB ne représentent rien pour les Français.

En réalité, 35 % de nos dépenses ne sont pas couvertes par des recettes. C’est comme si un ménage qui gagne 2 000 euros mensuels dépensait chaque mois 3 000 euros !

M. Bernard Jomier. C’est ça !

M. Vincent Delahaye. Cela ne durerait pas longtemps…

Quant à la dette, elle atteint 3 400 milliards d’euros, soit – il faut le dire à nos compatriotes – plus de dix ans d’impôts ! Et je ne parle pas seulement de l’impôt sur le revenu, qui n’est payé que par la moitié des Français, mais également de la TVA, qui est payée par tout le monde.

Nous devons indiquer aux Français des ordres de grandeur pour leur faire comprendre le chemin d’efforts que nous leur proposons d’emprunter.

En 2024, nous nous sommes totalement trompés sur les recettes. Une mission d’information du Sénat a travaillé sur le sujet. J’espère, madame la ministre, que vous serez encore en poste au moment de l’examen du budget et que vous nous fournirez des informations détaillées sur les prévisions de recettes. Pour ma part, je considère que ces prévisions ne doivent pas être faites par des modèles informatiques, mais que le Gouvernement et les ministres doivent les assumer.

Le groupe Union Centriste votera, malheureusement, contre l’approbation des comptes de l’année 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 confirme que 2024 fut une annus horribilis. En effet, le solde public s’est dégradé de 20 milliards d’euros, le déficit s’établissant à 5,8 % du PIB, soit 1,4 point au-delà de la cible inscrite en LFI pour 2024. Dans le même temps, la dette publique a augmenté de près de 200 milliards d’euros, ce qui porte son montant à 3 305 milliards d’euros, soit 113 % du PIB.

Pour ce qui est du budget de l’État, les recettes sont en diminution de 22,5 milliards d’euros du fait des mauvaises rentrées fiscales. Si les dépenses ont été freinées de 7 milliards d’euros par rapport aux prévisions en LFI, c’est du seul fait – ou presque – de la sortie du bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie, c’est-à-dire de manière strictement conjoncturelle.

Le point le plus inquiétant est sans doute le niveau du besoin de financement de l’État, qui a conduit à une émission nette de dette de 285 milliards d’euros. Cela nous précipite vers des abîmes, ou plutôt des sommets !

Ainsi, la trajectoire d’évolution de la charge de la dette constitue une véritable explosion. En effet, les intérêts de la dette que nous devons rembourser atteindront 100 milliards d’euros en 2028 – et encore, si son coût n’augmente pas davantage d’ici là…

La situation est vertigineuse, et je veux souligner ce point : en 2028, notre pays brûlera un tiers de ce qu’il prélève sur les Français pour rembourser les intérêts de sa dette ! Chacun dans cet hémicycle et tous nos concitoyens doivent prendre conscience de cette réalité.

Il est question aujourd’hui de réaliser des économies – j’entends par là une réduction des dépenses, qui est le seul moyen de réduire le déficit et la dette – à hauteur de 40 milliards d’euros. On nous dit que ce sera difficile, peut-être même impossible. Pourtant, il ne s’agit que de 2,3 % du cumul de notre dépense publique.

En 2028, nous devrons donc consacrer 40 milliards d’euros de plus qu’en 2024 au remboursement de notre dette. Il nous faudra donc trouver deux fois 40 milliards d’euros d’économies, soit 80 milliards d’euros, et même probablement davantage pour répondre à l’effort de défense.

Mais cela n’a rien d’impossible. Le total de la dépense publique s’est élevé à 1 670 milliards d’euros en 2024. Vous nous avez annoncé, madame la ministre, un tendanciel à 1 750 milliards d’euros en 2026. La différence est exactement de 80 milliards d’euros ! Et encore, je ne remonte pas à 2019, quand le total de nos dépenses s’élevait à 1 350 milliards d’euros… La France dépense 300 milliards d’euros de plus qu’en 2019, et cela à crédit !

La maladie dont souffre notre pays est celle de l’addiction à la dépense publique sous toutes ses formes, bien souvent inefficace et financée par trois exceptions françaises : l’excès d’endettement ; le niveau de prélèvement obligatoire le plus élevé de l’OCDE, qui commence à poser question en matière de consentement à l’impôt ; le temps de travail – tout confondu – le plus faible du monde, ou presque.

Nous avons examiné ce projet de loi en commission des finances le 18 juin dernier, le jour du 85e anniversaire du fameux appel, et la situation de notre pays n’est pas très éloignée de celle de 1958… Alors, faisons enfin preuve de courage pour engager un véritable sursaut qui mette fin à l’interventionnisme d’État tous azimuts ! Pour cela, il nous faudra sans doute commencer par une véritable année blanche s’appliquant à tous sans exception. Il nous faudra même aller encore plus loin…

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Stéphane Sautarel. … et nous attaquer à la dépense fiscale pour offrir enfin une vision à ceux qui participent à l’effort. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Pierre Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

M. Jean Pierre Vogel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen du projet de loi portant approbation des comptes de l’État de l’année 2024, je souhaite attirer votre attention sur un problème majeur, trop souvent éludé dans nos débats : la qualité de la reddition des comptes publics.

Notre responsabilité de parlementaires est d’exiger que soient produits des comptes réguliers, sincères et respectueux des normes fondamentales de la comptabilité publique. Or force est de constater que tel n’est pas le cas.

La Cour des comptes, dans son opinion de certification pour 2024, a de nouveau exprimé des réserves en relevant cinq anomalies « significatives » affectant les comptes, ainsi que l’absence d’éléments probants, suffisants et appropriés pour fonder son opinion sur onze postes des états financiers, pour lesquels elle déplore le risque qu’ils comportent – là encore – des anomalies significatives.

Ces réserves ne sont pas des détails. Elles portent sur des montants, des incertitudes et des traitements comptables tels que, dans le secteur privé, elles auraient très probablement conduit à un refus pur et simple de certification, ce qui emporte de graves conséquences.

Année après année, l’État présente des comptes ne répondant pas aux standards qu’il impose pourtant aux autres acteurs économiques. En conséquence, je considère que l’article 47-2, alinéa 2, de notre Constitution, qui exige que les comptes soient « réguliers et sincères » et donnent une image fidèle de la situation financière, n’est pas respecté.

L’approbation des comptes suppose que ceux-ci soient suffisamment fiables. Or comment approuver des comptes dont les fondements sont fragilisés par des réserves aussi lourdes ?

Je pense notamment à un point très concret : le traitement de la dette certaine liée aux engagements de retraite des agents de l’État. Au 31 décembre 2024, ces engagements s’élevaient à 1 641 milliards d’euros. Pourtant, cette dette est seulement indiquée dans les annexes ; elle est invisible dans le bilan comptable de l’État. C’est une forme de dissimulation, que nous ne pouvons plus accepter ! Dans le secteur privé, de tels engagements doivent être provisionnés et intégrés au passif du bilan en qualité de dette.

Il est temps de cesser de présenter des comptes déconnectés de la réalité financière du pays, de cesser de masquer les véritables déséquilibres, alors même que les Français sont appelés à réaliser des efforts importants.

Le fait de rendre ces engagements visibles présenterait un double avantage : donner une image plus sincère de notre situation financière ; et souligner, avec honnêteté, l’urgente nécessité de conduire des réformes structurelles, en particulier sur le pilotage de la dépense publique.

Sur la question de la qualité de la reddition des comptes publics, l’État pourrait s’appuyer sur les réflexions des parties prenantes en s’inspirant, notamment, de deux colloques qui ont eu lieu au Sénat. Le premier, qui s’est tenu en février 2024, avait pour thème : « Reddition de comptes publics et démocratie ». Il était présidé par Jean Arthuis, ancien ministre de l’économie et des finances, et organisé notamment par l’association des Experts-comptables & mandats publics.

Mme Élisabeth Doineau. Très bonne référence !

M. Jean Pierre Vogel. Le deuxième colloque, organisé par l’association pour la fondation internationale de finances publiques, a eu lieu en juin, sur le thème : « La certification des comptes des collectivités locales ».

Je me permets d’insister sur le risque systémique qui pèse sur nous : un État, comme toute organisation complexe, doit pouvoir agir durablement sur ses dysfonctionnements par une bonne régulation de son système d’information, à commencer par son système comptable. Une meilleure appréhension des comptes de la Nation permettrait de réduire les coûts cachés liés à ces dysfonctionnements, et de contribuer durablement à la réduction du déficit par une meilleure maîtrise des finances publiques.

Il est urgent que le Gouvernement et la représentation nationale s’interrogent sur la nécessité pour le bon fonctionnement de notre démocratie de disposer de comptes réguliers et sincères, donnant une image fidèle de la situation budgétaire. C’est d’autant plus nécessaire que la sphère publique est soumise, comme le secteur privé, à des transitions puissantes dans les domaines du climat, du numérique, avec l’intelligence artificielle, et de la géopolitique, dans un contexte de surendettement chronique de la France.

Conformément à la Lolf, qui exige de l’État une comptabilité proche de celles des entreprises, celui-ci doit établir des comptes consolidés, en y agrégeant les comptes de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, le vote sur le compte général de l’État pour 2024 est non pas un acte purement formel, mais un acte de responsabilité démocratique. C’est pourquoi, en l’état, je voterai contre, non par posture, mais par exigence de vérité, de rigueur et de respect de nos principes, que nous devons à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je regrette que ces comptes ne fassent pas l’objet de votre approbation. Approuver les comptes, ce n’est pas approuver une politique, c’est simplement considérer que ceux-ci sont sincères.

Je suis gênée par votre vote, car si la photographie de la réalité qui vous est présentée n’est pas bonne, cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas sincère, comme vous semblez en être convaincus.

Vous avez évoqué de nombreuses questions portant sur l’avenir, et c’est bien normal : nous avons la responsabilité non seulement de regarder le passé, mais aussi de bâtir l’avenir.

Avant de vous répondre, je commencerai par exposer quelques faits qui, je l’espère, vous rassureront sur l’engagement de ce gouvernement et sur l’action qu’il conduit – je parle bien d’action et non de mots –, pour que nous retrouvions une trajectoire nous permettant d’atteindre un objectif de souveraineté allant bien au-delà des questions purement comptables.

En effet, si nous n’arrêtons pas l’augmentation de notre dette, nous savons d’ores et déjà que nous paierons en 2029 près de 100 milliards d’euros de charges d’intérêt, soit autant de crédits qui ne seront pas consacrés aux services publics, mais serviront à payer nos créanciers.

Monsieur le rapporteur général, vous nous appelez à travailler avec le Parlement et avec les Français. Vous l’avez dit, nous devons mieux prévoir. C’est pourquoi nous réunissons, depuis le mois de mars, un cercle des prévisionnistes mobilisant le Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes et l’ensemble des acteurs publics et privés pour mettre fin à tout soupçon sur les prévisions.

Par ailleurs, je vous remercie d’avoir abordé la question des reports de crédits. Cela me permet de souligner que nous avons remis un peu d’ordre sur ce point en divisant par deux le volume de reports au début de 2025. Comme je vous l’ai dit, mon intention est de diviser de nouveau ces reports par deux au début de l’année prochaine – si nous avons la chance de continuer de travailler ensemble.

Vous avez été nombreux à noter qu’une dépense a été particulièrement dynamique. En effet, la masse salariale est en forte croissance : elle a augmenté de 6,7 % en 2024. C’est le fruit, à la fois, des recrutements et des mesures catégorielles.

Puisque la question vous inquiète, je tiens à vous présenter un chiffre qui n’avait pas été divulgué jusqu’à présent : en 2025, sous la conduite de ce gouvernement, nous réduirons la croissance de la masse salariale de l’État à 1,5 % au maximum. À l’heure où je vous parle, nous avons pris des dispositions très fortes pour y parvenir. Une circulaire du Premier ministre a été distribuée à l’ensemble des ministères pour que les mesures catégorielles soient limitées aux cas impératifs.

En limitant à 1,5 % la croissance de la masse salariale – nous pourrions même parvenir à faire un peu moins –, nous nous limitons au glissement vieillesse technicité (GVT), qui est d’environ 1,5 % sur la masse salariale. Autrement dit, si des mesures catégorielles sont prises, elles seront financées par des réductions d’effectifs. Je tiens à le préciser, car cette décision ne vise pas à ce que les agents publics gagnent moins, mais à ce que les revalorisations interviennent dans la limite du finançable.

Je rappelle que la croissance de l’année 2025 devrait s’établir à 0,7 %, soit autant que l’inflation. La rémunération des agents publics augmentera donc selon les règles, mais nous contiendrons la masse salariale en fonction de la faible croissance, et donc des faibles recettes dont nous disposerons.

Monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez dressé un bilan de notre action depuis sept ans. Je vous en proposerai un autre :…

M. Pascal Savoldelli. Il y a combien de bilans ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. … baisse du chômage ; augmentation du taux d’emploi pour atteindre un niveau record ; 1 million d’apprentis ; zéro reste à charge sur les lunettes, les prothèses dentaires et les audioprothèses…

M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas sérieux !

M. Bernard Jomier. On en reparlera au sujet de la sécu !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. En ce qui concerne les recettes publiques, vous m’avez demandé quel était le niveau de prélèvements obligatoires. Je vous confirme qu’il est de 42,8 %. Je vous confirme également que le rapport des recettes publiques à notre PIB est de 51,3 %.

Si le rapporteur général a raison de dire que les recettes et les dépenses ont évolué, je pense que personne, au vu de la baisse du consentement à l’impôt, ne peut sérieusement penser qu’il serait raisonnable d’augmenter nos recettes publiques au-delà de 51,3 %. Plus de la moitié de ce que nous produisons est converti en recettes publiques, lesquelles comprennent – je le rappelle – les prélèvements obligatoires et toutes les redevances. Il convient de dire la vérité sur ce point !

M. Pascal Savoldelli. C’est incroyable ! On n’est pas à l’école…

Mme Amélie de Montchalin, ministre. À propos de la taxe Zucman, vous avez dit que nous avions refusé une taxe de 2 % sur les revenus des supermilliardaires.

M. Pascal Savoldelli. J’ai parlé des revenus économiques !