Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Briquet. L'article 7 est logique d'un point de vue comptable, et sa suppression ne changerait pas grand-chose. Mais j'insiste sur le fait que les comptes des années 2021, 2022 et 2023 n'ont pas été validés et que ceux de l'année 2024 s'apprêtent à subir le même sort. Il est temps de se poser certaines questions…

Pour notre part, nous voterons cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 n'est pas adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024
Article 9

Article 8

Le résultat patrimonial de l'exercice 2022, qui s'élève à -160,0 Md€, est affecté au report des exercices antérieurs du bilan de l'État.

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 n'est pas adopté.)

Article 8
Dossier législatif : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024
Article 10 (début)

Article 9

Le résultat patrimonial de l'exercice 2023, qui s'élève à -124,9 Md€, est affecté au report des exercices antérieurs du bilan de l'État.

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 n'est pas adopté.)

Article 9
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Article 10 (fin)

Article 10

Le solde créditeur du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce » clos au 1er janvier 2023 est arrêté au montant de 799 800 000,00 €.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en arrivons à l'examen de l'article 10.

Je vous rappelle que, si cet article n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble du projet de loi, dans la mesure où tous les articles qui le composent auraient été supprimés.

Or, en application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit sur l'ensemble du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024.

En conséquence, l'article 10 va être mis aux voix par scrutin public.

Quelqu'un demande-t-il la parole pour expliquer son vote sur l'article ou sur l'ensemble du projet de loi ?...

La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.

M. Pierre Barros. Madame la ministre, pour résumer vos propos de cette après-midi, le Gouvernement, droit dans ses bottes, a toujours raison ; ce sont la Cour des comptes, le Parlement, les collectivités territoriales et les corps intermédiaires qui se trompent...

Votre obstination a un coût. Elle désorganise les finances publiques tout en fragilisant les administrations centrales et locales. Elle contribue, de surcroît, au contournement démocratique.

Vous affirmez avoir « tenu les dépenses ». Ces dernières reculent en effet de 11,2 milliards d'euros par rapport à 2023, mais la baisse observée résulte presque intégralement de décisions prises hors du cadre parlementaire. Ainsi, 10 milliards d'euros de crédits ont été annulés par décret dès le mois de février dernier, les autres annulations ayant été effectuées en fin de gestion.

Cela étant, le cœur du déséquilibre ne réside pas là.

La dégradation des finances publiques est d'abord la conséquence directe des choix fiscaux que vous avez opérés depuis 2017 : suppression de l'ISF, création du prélèvement forfaitaire unique, suppression progressive de la CVAE, baisse de l'impôt sur les sociétés et allégement massif des cotisations. En résultent 310 milliards d'euros de pertes de recettes cumulées.

Selon vous, la baisse des impôts devait entraîner une hausse de l'investissement, de la croissance et donc des recettes. Cette stratégie est contredite par les faits.

En 2024, les recettes de l'État n'ont progressé que de 3,1 milliards d'euros. Elles sont inférieures de 23 milliards d'euros aux prévisions initiales.

La richesse produite ne bénéficie plus aux finances publiques : ce constat vaut pour l'État comme pour les collectivités territoriales, et vous reportez à nouveau cette dégradation de recettes sur le bloc communal en annonçant un effort de redressement de 2,2 milliards d'euros.

Or, selon l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales, ce sont en réalité près de 8 milliards d'euros d'efforts que l'on exige cette année du bloc communal, si l'on prend en compte l'effet cumulé du gel de la dynamique de TVA, du déploiement du Dilico, du Ségur de la santé, de l'augmentation des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, et de la hausse du point d'indice.

L'hiver dernier, le « dérapage » des collectivités territoriales était brandi comme un péril imminent. Le Gouvernement l'évaluait alors à 17 milliards d'euros. Il est aujourd'hui ramené à moins de 9 milliards d'euros, preuve que l'on a délibérément retenu des prévisions alarmistes pour mieux faire peser l'effort du redressement sur les collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre cette trajectoire budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour explication de vote.

M. Jean Pierre Vogel. Madame la ministre, je tiens à vous répondre rapidement au sujet des normes comptables.

Dans son rapport, la Cour des comptes précise sa définition des anomalies significatives : « Une anomalie est un écart entre le montant, le classement ou la présentation d'un élément dans les comptes audités ou les informations qui sont fournies à son sujet, et le montant, le classement, la présentation ou les informations exigés pour cet élément selon les normes comptables applicables. »

La Cour des comptes applique donc bien des normes comptables extrêmement précises. Si vos services ou ceux d'autres ministères sont en désaccord avec elle à cet égard, il n'est pas nécessaire d'engager un vaste travail de redéfinition des normes comptables : il suffit de retenir les règles existantes, et qui sont applicables, comme le signale la Cour des comptes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 331 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l'adoption 20
Contre 301

Le Sénat n'a pas adopté.

Les dix articles du projet de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu'un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire, puisqu'il n'y a plus de texte.

En conséquence, le projet de loi est définitivement rejeté.

Article 10 (début)
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3

 
Dossier législatif : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024
Discussion générale (fin)

Approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024

Rejet définitif en procédure accélérée d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024 (projet n° 729, rapport n° 756, avis n° 748).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai à présent l'honneur de vous présenter le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024, conformément aux exigences de la loi organique du 14 mars 2022.

Comme vous le savez, cette loi organique étend aux comptes de la sécurité sociale la logique appliquée de longue date aux comptes de l'État. Le but est d'assurer une plus grande transparence de nos comptes sociaux, donc d'approfondir et de renforcer le pouvoir de contrôle parlementaire, en s'appuyant notamment sur de nouveaux outils d'évaluation et divers indicateurs de performance.

Nous devons collectivement en tirer les enseignements et mesurer la portée de cet exercice budgétaire pour la soutenabilité de notre modèle social.

Constatons-le d'emblée : l'objectif fixé en mars 2022 n'a guère été suivi d'effet. À ce jour, aucune loi d'approbation n'a encore été adoptée. Les exercices 2022 et 2023 ont tous deux été rejetés, et l'Assemblée nationale a refusé d'adopter les comptes de l'année 2024. C'est dans ce contexte que je me présente devant vous, aujourd'hui, avec mon collègue Yannick Neuder.

Le projet de loi d'approbation des comptes a au moins une vertu, que je tiens à souligner : il permet de donner en toute sincérité et en toute transparence une vision complète de l'ensemble des dépenses et des recettes de sécurité sociale, qu'il s'agisse des comptes des régimes obligatoires de base ou du fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont la situation s'est fortement dégradée.

En 2024, le déficit atteint ainsi 15,3 milliards d'euros. C'est mieux que les 18 milliards d'euros redoutés en fin d'année dernière, mais c'est beaucoup plus que ce que l'on imaginait en décembre 2023 : les deux assemblées votaient alors la trajectoire des comptes de la sécurité sociale en espérant limiter ce déficit à 10 milliards d'euros – ce qui représentait tout de même une augmentation de près de 50 % en un an.

Pourquoi ? Comme vous le savez, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a dérapé de 1,5 milliard d'euros, tandis que les recettes ont été beaucoup moins dynamiques que prévu. Une raison en est que l'inflation, qui avait contribué positivement aux recettes en 2023, a aussi fortement pesé sur les revalorisations. Ainsi, sa forte baisse en 2024 a créé un effet ciseau entre les revalorisations passées, très dynamiques, et les recettes présentes, qui l'ont été beaucoup moins. En d'autres termes, en 2024, les recettes ont progressé de 4,6 % et les dépenses de 5,3 %. Il ne faut point être grand magicien pour comprendre que cela crée un déficit beaucoup plus important que prévu.

L'amélioration des comptes en 2022 et en 2023, significative, était liée à la sortie de la crise sanitaire. Malheureusement, comme nous le voyons, ce qui se produit en 2024 est beaucoup plus structurel.

Cela résulte, en premier lieu, d'une très forte augmentation des indemnités journalières. J'insiste sur ce point, puisque le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, la semaine dernière, a constaté une très forte hausse, de plus de 7 % sur une seule année, de ces dépenses. Celle-ci est largement tirée, comme vous le savez, par une augmentation marquée, depuis la fin du covid, des arrêts maladie sollicités par les jeunes générations, notamment les personnes âgées de moins de 30 ans, avec une croissance de près de 40 % du nombre de demandes. Nous ne savons quelle épidémie pourrait être à l'origine de telles hausses…

Le deuxième élément est hospitalier : le déficit des hôpitaux atteint près de 3 milliards d'euros à la fin de l'année 2024. Ce facteur est lui aussi très important, selon l'avis du Comité d'alerte de l'Ondam publié la semaine dernière. Cela nous amènera d'ailleurs, avec Catherine Vautrin, à nous présenter devant votre commission des affaires sociales cette semaine, mesdames, messieurs les sénateurs, afin de vous présenter la réalité de ces alertes.

Nous vous détaillerons également les décisions que nous prendrons et la manière dont nous entendons continuer à travailler dans l'intérêt des Français, non pas selon une vision budgétairo-comptable à courte vue, mais bien avec l'objectif de préserver l'acquis républicain, démocratique et constitutif de notre identité même qu'est une sécurité sociale efficace, universelle et donc bien financée, qui puisse perdurer.

Nous le reconnaissons aisément : les comptes 2024 sont le révélateur d'un déficit structurel croissant, de l'ordre d'un demi-point de PIB. Certaines recettes restent, malgré tout, dynamiques, mais nous devons nous réinterroger sur la soutenabilité de notre système. La situation exige de notre part détermination, responsabilité et esprit de justice.

Je le redis ici : nous sommes face à un enjeu de certification concernant la branche famille. Vous comme nous ne pouvons nous satisfaire de ces 6,3 milliards d'euros de risque résiduel. En effet, de tels montants ne peuvent à proprement parler être qualifiés de résiduels. Il s'agit d'indus, de rappels.

Heureusement, grâce à un travail structurel, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a commencé la mise en œuvre du préremplissage, désormais élargi à l'ensemble des départements. L'objectif est que, au 1er mars 2025, les demandes de revenu de solidarité active (RSA) et les demandes de primes d'activité soient préremplies. Ce mouvement se poursuivra, notamment pour certaines demandes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ou d'autres allocations. Comme pour l'impôt à la source, qui fonctionne bien, il s'agit d'assurer une plus grande qualité des données, une plus grande fiabilité pour l'État, et moins de fraudes et de non-recours. Réduire ces derniers est essentiel dans une démocratie qui fonctionne bien.

Enfin, c'est bien du risque sérieux de dérapage qu'il nous faut traiter, ainsi que de l'incompréhension des Français sur la raison dudit dérapage. Ainsi, ceux-ci doivent pouvoir identifier ce qui est lié à la croissance économique, à l'organisation du système, à de potentiels gaspillages et à des dépenses essentielles, ces dernières étant à préserver et à bien financer. Nous leur devons cette transparence et cette capacité à leur parler de leur vie quotidienne, où ils observent parfois, de concert et sur les mêmes sujets, les déserts médicaux comme le gaspillage, des droits nouveaux comme une insatisfaction quant au niveau des prestations.

Nous avons commencé en 2025, comme vous le savez, à anticiper les risques de dérapage. En effet, nous avons constitué, comme le Comité d'alerte de l'Ondam le rappelle, une réserve de précaution inédite. Cela ne suffit pas puisque, conformément à la procédure prévue par le code de la sécurité sociale, des mesures de freinage seront présentées et mises en œuvre sans délai, en s'appuyant notamment sur les propositions des caisses nationales pour sécuriser les économies prévues et redresser la trajectoire. Voilà ce que nous vous présenterons, avec Catherine Vautrin et Yannick Neuder, ministre chargé de la santé, ce mercredi.

Je conclurai en vous disant que l'enjeu n'est pas seulement le court terme. L'enjeu, c'est de retrouver une sécurité sociale à l'équilibre, comme elle l'était en 2019. Cela permettait aux Français de se projeter sur des questions aussi essentielles que celles de leur vie de famille, de leur vieillissement, de leur santé et de leur capacité à être protégés face à des accidents du travail ou au chômage. Il est de notre responsabilité de leur redonner confiance sur ces points.

La confiance a été au cœur de la discussion que nous avons eue collectivement au cours de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), le 3 juin dernier.

Nous devons travailler à ce retour à l'équilibre, sans quoi la sécurité sociale pourrait, dans quelques années, ne plus être tenable pour les Français, ne plus être soutenable pour nos finances publiques, et donc ne plus exister telle que nous la connaissons aujourd'hui. Ce serait regrettable. C'est pourquoi je compte sur notre capacité collective à résoudre cette situation pour les Français. (Mme la rapporteure générale applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la présidente, madame la ministre chargée des comptes publics, madame le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, en application de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a l'obligation de présenter une loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, c'est-à-dire de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Ce texte est l'équivalent de la loi de règlement, laquelle concerne le périmètre de l'État. Il participe à l'effort de transparence de nos comptes sociaux. Avec ses nombreuses pages d'annexes, ce projet de loi permet de renforcer l'information du Parlement, donc de l'ensemble des Français, comme vient de le souligner Mme la ministre chargée des comptes publics.

Ministre de la santé, mais aussi ancien rapporteur général du budget de la sécurité sociale, je connais bien ces enjeux et tiens à saluer les sénatrices et les sénateurs pour leurs travaux. Je connais la rigueur dont ils font preuve à chaque exercice budgétaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à un moment où chaque euro public doit être justifié, où la confiance dans nos institutions est scrutée de toutes parts, refuser la transparence budgétaire serait une forme de renoncement.

L'année 2024 a été marquée par l'effet retard de l'inflation : quand celle-ci redevient normale et repasse sous les 2 %, les recettes cessent d'être gonflées, mais les dépenses restent élevées, en raison des revalorisations de prestations fondées sur l'inflation passée. Ainsi, le ralentissement salutaire de l'inflation en 2024 n'a pas été favorable au rétablissement des comptes sociaux. Après trois années de baisse continue entre 2021 et 2023, le déficit de la sécurité sociale est donc reparti à la hausse en 2024 pour atteindre 15,3 milliards d'euros, soit 0,5 point de PIB. Le budget de la sécurité sociale représente donc 26,6 % du PIB en 2024.

Cette dégradation des comptes sociaux, que le Gouvernement avait anticipée, est inférieure à la prévision de 18,2 milliards d'euros inscrite dans la partie rectificative de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (LFSS 2025), grâce à des recettes plus dynamiques et des dépenses mieux maîtrisées.

Le déficit continuera à croître en 2025 et pourrait atteindre, si nous restons inactifs, 21,9 milliards d'euros selon la CCSS, montant proche des milliards d'euros que nous avons inscrit dans la LFSS 2025.

Je pose donc la question suivante : qui pense raisonnablement que nous pourrions éternellement financer notre modèle social par la dette ?

Parmi les différentes branches, la dynamique de la dépense est variable : très forte pour les branches maladie et autonomie, forte pour la branche vieillesse et faible pour les branches famille et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Cette dernière reste excédentaire. En revanche, en 2024, la dynamique des dépenses de retraite reste forte. La revalorisation du 1er janvier 2024, de 5,3 %, explique entre 60 % et 75 % de l'augmentation des dépenses. Celles de la branche autonomie progressent fortement, de 6,2 %, tandis que la branche famille, bien qu'excédentaire, souffre structurellement de la baisse de la natalité.

Depuis la crise sanitaire et le Ségur de la santé, les dépenses dans le champ de l'Ondam ont progressé, pour atteindre 256,4 milliards d'euros en 2024 contre 200 milliards d'euros en 2019, soit une hausse de 56,4 milliards en cinq ans. Ainsi, l'essentiel du déficit de la sécurité sociale est imputable à la branche maladie, à hauteur de 13,8 milliards d'euros sur un total de 15,3 milliards d'euros.

Ces chiffres nous préoccupent : la santé n'a pas de prix, mais vous comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'elle a un coût. Nous sommes vigilants. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons des outils de veille et de régulation.

En effet, mardi 17 juin, le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie a émis, pour la première fois depuis 2007, une alerte sur le dépassement prévisible de l'objectif voté par le Parlement. Il estime que ce dépassement pourrait excéder 1,3 milliard d'euros, soit plus de 0,5 % du montant de l'Ondam. Ce signal, s'il est inédit, n'est pas une surprise. Il est le reflet d'une tension devenue structurelle.

Le Comité d'alerte avait déjà signalé, en avril, les risques de dérapage, notamment à l'hôpital et dans les soins de ville : médicaments, indemnités journalières, comme Amélie de Montchalin l'a rappelé, et honoraires. Le Gouvernement a mis en réserve 1,1 milliard d'euros, un effort sans précédent, et prend acte de l'avis du Comité, qu'il examinera avec méthode et sérieux, avec les parlementaires, les caisses et les complémentaires santé.

La Cour des comptes, elle aussi, pointe des dérives durables. Il faut bien le dire : nous faisons face à un déficit structurel.

Je terminerai en évoquant la dette sociale. Le Premier président de la Cour des comptes a évoqué un risque de liquidité pour l'Urssaf. Les souplesses de gestion, si précieuses soient-elles, ne suffisent plus. Ce signal d'alerte ne peut être ignoré.

Ainsi, tout cela, bien loin de résulter d'un accident conjoncturel, est le symptôme d'un modèle à bout de souffle, qui demande une refondation. Mais ne nous y trompons pas : le financement de notre système de soins est un pilier de notre pacte républicain ; sa soutenabilité est la condition de sa pérennité.

Nous devons donc réformer, mais jamais au détriment de la qualité des soins et des professionnels, qui sont le cœur battant de notre modèle. Ainsi est-il question non pas de remettre en cause notre sécurité sociale, mais bien de repenser notre politique de santé. Autrement dit, prendre soin des Français, c'est aussi prendre soin des finances de notre système de santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous fêterons les 80 ans de la sécurité sociale en octobre. Pour que d'autres puissent fêter – pourquoi pas ? – ses 100 ans, nous devons agir maintenant.

Mon rôle de ministre de la santé et le vôtre, de parlementaires, ne se borne pas à constater : il suppose de corriger, ensemble. C'est tout le sens de la politique de santé que je vous propose.

C'est dans cette perspective que s'inscrit mon engagement en faveur de l'accès aux soins. Le pacte de lutte contre les déserts médicaux, que le Gouvernement a présenté, est une pierre angulaire de notre stratégie. Il s'agit de garantir une présence médicale effective dans chaque territoire, y compris les plus reculés. À cet égard, nous nous mobilisons pour former mieux et plus, et permettre à chaque Français de consulter un professionnel dans des délais raisonnables.

C'est aussi avec une nouvelle logique que nous devons avancer. Repenser notre politique de santé suppose d'amplifier le virage préventif en mobilisant tous les acteurs de la société : professionnels de santé, bien sûr, mais aussi entreprises, collectivités, complémentaires, ainsi que les acteurs de l'innovation et de terrain.

La santé ne se joue pas uniquement à l'hôpital et dans les cabinets médicaux : elle commence dans les écoles, les entreprises, notre alimentation, notre activité physique et notre environnement. Cette approche globale, dite One Health, est essentielle pour prévenir les maladies avant qu'il ne soit trop tard.

Plus tôt dans la journée, à l'Assemblée nationale, j'ai assisté à l'adoption de la proposition de loi de Mme la sénatrice de la Provôté visant à mettre en place un registre national des cancers.

La prévention ne doit pas être le slogan annoncé par tous les gouvernements qui se succèdent ; elle doit devenir une exigence. C'est cette bascule que je souhaite opérer.

Le meilleur des soins, c'est celui qui n'est pas prodigué. Mieux, c'est celui qui est anticipé, pour être évité. C'est ainsi que nous pourrons conjuguer soutenabilité des comptes sociaux, qualité de la prise en charge et, surtout, égalité de l'accès aux soins.

Il faut changer de paradigme : mieux anticiper les besoins de nos aînés, préparer les générations futures, investir dans l'innovation et faire de la prévention un réflexe collectif. Telle est l'ambition que nous portons. (Mme le vice-président de la commission des affaires sociales applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, après 10,8 milliards d'euros en 2023, le déficit est donc reparti à la hausse, pour s'établir à 15,3 milliards d'euros. Cette augmentation provient notamment, en raison de la forte inflation de 2023, des importantes revalorisations de prestations pour 2024.

Mais elle est aussi due au fait que, comme d'habitude, les dépenses au titre de l'Ondam ont dérapé. Nous aurons l'occasion, madame, monsieur les ministres, d'en reparler cette semaine lors de l'audition à laquelle procédera la commission des affaires sociales sur le récent avis du Comité d'alerte. Ce dernier estime qu'il existe un risque sérieux que l'Ondam 2025 soit dépassé de plus de 0,5 %, soit 1,3 milliard d'euros.

À partir de 2026, sans nouvelles mesures, la situation va continuer à se dégrader, même en retenant les hypothèses de croissance du Gouvernement. Selon le rapport de juin 2025 de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit atteindrait 24,8 milliards d'euros en 2029.

Urssaf caisse nationale, anciennement l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), indique que le besoin de trésorerie anticipé pour fin 2025, proche de son plafond de 65 milliards d'euros, la fait entrer en « zone de risque » et que la situation pourrait devenir critique en 2027, année où, du fait des déficits accumulés, le besoin de trésorerie devrait dépasser 100 milliards d'euros.

Comme vous le savez, la commission des affaires sociales a décidé de proposer au Sénat de rejeter le texte. Il s'agit essentiellement de tirer la conséquence de la non-certification des comptes de la Cnaf et de la branche famille pour la troisième année consécutive, et ce malgré la mise en œuvre du plan d'actions dit de « qualité transverse » (PAQT).

Toutefois, si le législateur organique a instauré les projets de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss), c'était avant tout pour instaurer un rendez-vous annuel, à la fin du printemps ou au début de l'été, lors duquel il serait possible de s'intéresser à l'efficacité et à l'efficience des politiques de sécurité sociale. L'objectif est, notamment, d'instaurer un chaînage vertueux avec la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) à l'automne. C'est pour cette raison que la loi organique prévoit que le rapport de la Cour des comptes sur l'application des LFSS, jusqu'alors publié à l'automne, doit l'être lors du dépôt du Placss.

Mes collègues rapporteurs de branche ont donc réalisé des travaux destinés à alimenter nos réflexions sur certains dispositifs. Puisque je suis formellement l'unique rapporteure du texte, je suis la seule à m'exprimer devant vous ès qualités. Il me semble donc important, plutôt que de rappeler des chiffres, rappelés par Mme et M. les ministres et que tout le monde connaît sur l'exécution 2024, de me faire la porte-parole de mes collègues, lesquels pourront, le cas échéant, préciser mes propos.

N'oublions pas que, dans l'esprit du législateur organique, c'est pour tenir de tels débats qu'ont été instaurés les Placss. Je vais, par conséquent, présenter brièvement ces travaux, en suivant l'ordre des branches tel qu'il figure dans les tableaux d'équilibre.

S'agissant de la branche maladie, notre collègue Corinne Imbert s'est intéressée à la réforme du financement des établissements de santé par la LFSS 2024. Cette réforme vise à diminuer la part de la tarification à l'activité (T2A) en créant un financement des établissements plus équilibré entre tarification, objectifs de santé publique et missions spécifiques, sous la forme de dotations.

En l'absence de simulation de ses effets et besoins d'accompagnement financier, cette réforme, bien que pertinente dans son principe et attendue par les acteurs, semblait initialement largement cosmétique et insuffisamment préparée. Force est de constater que les faits confirment les réserves sur le calendrier et les modalités de mise en œuvre exprimées par la commission lors de l'examen du texte.

Si le nom des blocs de financement a bien changé au 1er janvier 2025, la réforme n'a eu, à ce stade, aucun effet concret pour les établissements, faute de déclinaisons réellement opérationnelles. Ainsi, les réformes des activités de soins critiques et de soins non programmés, pourtant identifiées comme prioritaires et engagées il y a plus de dix-huit mois, semblent aujourd'hui à l'arrêt.

En conséquence, Corinne Imbert préconise, tout d'abord, d'adopter un calendrier réaliste de mise en œuvre de la réforme, de prioriser les chantiers et d'accompagner les acteurs. Ensuite, elle recommande de transmettre les études d'impact et les simulations aux acteurs hospitaliers. Enfin, selon elle, il conviendrait de prévoir les modalités d'évaluation et de révision des paramètres de la réforme.

Dans le cas de la branche AT-MP, notre collègue Marie-Pierre Richer s'est interrogée sur le frein à la prévention que constituent les modalités de tarification dérogatoire dans les secteurs du bâtiment et du médico-social. Elle formule ainsi plusieurs propositions, tendant notamment à s'acheminer progressivement vers la tarification de droit commun dans le secteur médico-social ; à mettre en œuvre une campagne de communication sur le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) auprès des employeurs des secteurs les plus sinistrogènes, tels le médico-social, le bâtiment et les travaux publics (BTP), ou encore l'intérim ; à créer un nouveau palier pour la tarification des AT-MP ayant provoqué une incapacité permanente dans le secteur du BTP ; enfin, à partager le coût des sinistres professionnels entre le donneur d'ordres et le sous-traitant.

Pour la branche vieillesse, notre collègue Pascale Gruny s'est intéressée aux inégalités de pension entre les femmes et les hommes retraités. Bien que celles-ci se réduisent du fait de l'amélioration des carrières des femmes, en 2021, le montant de la pension de droit direct perçu par les femmes était inférieur de 37 % à ce que reçoivent les hommes. Pascale Gruny fait plusieurs propositions, tendant tout d'abord à compenser les pertes de trimestres et de salaires liées aux interruptions de carrière pour l'éducation des jeunes enfants. Ensuite, il convient de mieux prendre en compte le temps partiel dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue. Enfin, il est nécessaire de retenir les trimestres de majoration de durée d'assurance pour l'éducation des enfants dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.

Dans le cas de la branche famille, notre collègue Olivier Henno s'est intéressé à la fraude aux prestations. Ainsi, sur 4,2 milliards d'euros d'indus estimés en 2023, seuls 400 millions d'euros d'indus frauduleux ont été détectés et 300 millions d'euros effectivement recouvrés. Certes, des progrès ont eu lieu, mais d'autres restent possibles. Olivier Henno fait plusieurs propositions, relatives au renforcement de l'harmonisation des pratiques territoriales en matière d'indus frauduleux au sein de la branche famille et la professionnalisation des acteurs ; à l'accélération de la modernisation informatique ; à la révision des seuils économiques applicables à la mise en recouvrement et à l'admission en non-valeur ; et à l'extension de la solidarité à la source.

Enfin, s'agissant de la branche autonomie, notre collègue Chantal Deseyne a étudié le recours à l'allocation journalière du proche aidant (AJPA) et au congé de proche aidant (CPA). Pour la première, sur les 350 000 personnes environ pouvant y prétendre, seulement 6 % en bénéficient. Les données relatives au recours ne sont pas disponibles pour le CPA. Chantal Deseyne préconise donc de simplifier le recours au CPA et à l'AJPA, de mieux cibler la communication sur le CPA et l'AJPA en s'appuyant sur le service public départemental de l'autonomie, et de renforcer l'harmonisation des pratiques territoriales et la professionnalisation des acteurs.

Peut-être les comptes 2025 de la Cnaf et de la branche famille seront-ils certifiés par la Cour des comptes. Le Sénat pourrait alors, éventuellement, reconsidérer sa position, et adopter le prochain Placss. Dans l'immédiat, il me semblerait utile, madame, monsieur les ministres, que vous apportiez quelques éléments de réponse sur les points que je viens d'évoquer.

J'ai visité aujourd'hui, pendant l'heure méridienne, le musée du Luxembourg, qui abrite actuellement une exposition sur Fernand Léger. Or ce dernier, avec notamment Niki de Saint Phalle, fait partie de la mouvance des nouveaux réalistes, lesquels considéraient le monde comme un tableau. J'ai donc dressé un parallèle, quelque peu osé, avec les tableaux d'équilibre, ou de déséquilibre, qui « nous donnent à voir le réel », pour reprendre les mots de Pierre Restany. Je souhaite donc que nous regardions le réel et réalisions enfin qu'il y a des progrès à faire : soyons les nouveaux réalistes des comptes sociaux ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, et Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)