Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’énergie est un bien commun, elle est au cœur de notre souveraineté. Sur une question éminemment complexe, qui engage le pays pour le siècle à venir, il est pour le moins inquiétant qu’un gouvernement passe par une proposition de loi.
En premier lieu, nous regrettons les conditions de débat et le flou complet qui entoure cette proposition de loi.
Si nous divergeons largement sur la méthode et le fond, j’y reviendrai, nous partageons un constat : il est nécessaire de fixer une trajectoire claire, notamment pour les acteurs économiques et les filières industrielles, menacées par le retard de la publication d’une troisième programmation pluriannuelle de l’énergie. Je pense, en particulier, à la filière de l’éolien en mer. Pour la droite, qui affirme soutenir le monde de l’entreprise, il s’agit là d’un véritable sujet.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose fermement à l’objectif central, dépourvu de cohérence, qui acte une relance à l’aveugle du nucléaire, sans aucune étude d’impact ni avis du Conseil d’État.
Cette proposition de loi ne contient pas non plus de plan de financement, alors que la décision de construire d’ores et déjà six nouveaux EPR est un choix a minima à 80 milliards d’euros, selon la Cour des comptes. C’est un montant colossal pour une technologie qui n’a toujours pas fait la preuve de sa robustesse, loin de là.
Par ailleurs, vous devez bien admettre, malgré votre foi inébranlable dans l’atome, que le premier EPR2 ne délivrera pas ses premiers mégawattheures avant 2040, même en brûlant quelques cierges. Ce sera beaucoup trop tard pour répondre à la hausse significative de la demande en électricité attendue pour 2030-2035.
Quant au prix du mégawattheure, il n’est pas un facteur discriminant comme l’a indiqué à de nombreuses reprises Réseau de transport d’électricité (RTE) en prenant en compte l’ensemble du système énergétique. Nous sommes bien ici devant un véritable choix de société.
Le vôtre est clair : on abandonne les ambitions de souveraineté, de sobriété et d’efficacité ; on mise tout sur le nucléaire et les énergies renouvelables (EnR) sont cantonnées au rang de supplétif.
En attendant, vous maintenez de fait la France dans une dépendance suicidaire aux énergies fossiles et à l’uranium pour les décennies à venir.
Vous actez également un vrai recul de l’ambition climatique en renonçant à ce que la France s’aligne sur les objectifs européens que nous avons-nous même initiés : quelle crédibilité internationale notre pays aura-t-il en tournant ainsi le dos à l’accord de Paris ?
L’énergie la moins chère et la plus propre étant encore et toujours celle que l’on ne consomme pas, nous déplorons également l’abandon de tout objectif chiffré de rénovation globale de logements.
Désormais, le Sénat reprend à son compte l’abandon pur et simple décidé par le Gouvernement des rénovations globales. C’est un signal catastrophique adressé à toute une filière industrielle qui s’arrache les cheveux devant les renoncements incessants des pouvoirs publics. C’est un signal désastreux pour tous les Français dont le logement est doublement invivable, l’hiver à cause du froid et l’été à cause de la canicule.
Cette politique de rénovation, juste, vertueuse et souveraine devrait pourtant faire l’unanimité entre nous sur toutes les travées.
En définitive, cette proposition de loi est celle du déni et de la foi : déni de la gravité du changement climatique et de la responsabilité historique de la France ; déni quant aux réels bénéfices des EnR ; foi aveugle dans le technosolutionnisme atomique qui ne fait que retarder l’action de notre pays pour engager enfin une vraie transition énergétique. On entretient même le mirage que les agrocarburants pourraient décarboner de manière significative le secteur aérien.
Il y a urgence à faire tout autrement, urgence à prendre le chemin de l’intérêt général, de la bifurcation énergétique, de la reconquête de la maîtrise publique de l’énergie.
Pour construire cette stratégie crédible, ambitieuse et réaliste, la seule trajectoire possible pour les vingt prochaines années est la maîtrise structurelle de la consommation d’énergie, la flexibilité de la demande, l’efficacité énergétique dans tous les secteurs et le développement massif des énergies renouvelables.
Chers collègues, l’avenir énergétique du pays mérite une programmation pluriannuelle dans le cadre d’un projet de loi digne de ce nom. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis maintenant plus d’un an, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain appelle de ses vœux la discussion d’un projet de loi de programmation énergie climat permettant de débattre notamment de la PPE dans sa troisième version.
Nous voilà aujourd’hui saisis en seconde lecture d’une proposition de loi du groupe Les Républicains portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie.
La motion tendant à opposer la question préalable déposée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a permis de mettre en évidence les faiblesses et les manquements de cette façon de procéder tout à fait inadéquate – je n’y reviens pas.
Il nous faut avancer, dans l’intérêt de la Nation. La procrastination des gouvernements successifs n’a que trop duré.
Sur le fond, la méthode législative consistant à recourir à une proposition de loi pose question, d’autant que les différentes possibilités de mix énergétique de production doivent prendre en compte l’efficacité escomptée des politiques de sobriété touchant à l’habitat, au tertiaire, aux déplacements, à l’industrie et à la production en général.
L’efficacité de tous les process affecte aussi sensiblement le niveau de production nationale d’énergie nécessaire. Quel mix énergétique entend-on viser, pour quel niveau de production et à quel horizon ? Rien n’est précisé, alors même qu’il s’agit d’une question centrale et que RTE s’apprête à actualiser son bilan prévisionnel. Le premier comité de suivi des Futurs énergétiques 2050 se tiendra après-demain, en présence de certains parlementaires.
Fondamentalement, il manque à cette proposition de loi une solide étude d’impact qui permettrait de juger des conséquences à terme du mix énergétique proposé sur les coûts de production, de réseaux et de flexibilité ainsi que sur les prix de l’électricité payée par tous les consommateurs.
Quels sont les critères technico-économiques et environnementaux qui amènent à faire le choix de tel scénario de mix plutôt que de tel autre ?
C’est dans l’étude des Futurs énergétiques 2050 de RTE que l’on trouve des éléments de réponse aux questions qui conditionnent le choix des moyens de production. Le cadre général ne peut être éludé.
La politique française en matière de climat et d’énergie doit permettre d’atteindre les objectifs nationaux qui sont en pratique déjà fixés pour partie dans le cadre international et européen.
Quel scénario est-il préférable de retenir pour notre pays au regard des coûts moyens complets actualisés des différents modes de production, des niveaux de performance réels et escomptés des filières industrielles tels qu’ils sont appréhendés aujourd’hui, de l’acceptation des installations par les populations, des objectifs d’indépendance et de souveraineté nationale, de l’impact prix pour les consommateurs, des considérations géopolitiques que l’on ne peut ignorer et qu’un débat récent au Sénat sur les terres rares et les matériaux critiques a mises en lumière ?
La décision politique, in fine, doit être fondée sur un choix étayé rationnellement, dans le cadre d’hypothèses clairement explicitées, en rapport direct avec les politiques publiques de transition écologique nécessaires.
Cela étant, compte tenu de l’indécision gouvernementale en la matière et du flou préjudiciable à l’intérêt national qui en résulte, l’initiative des auteurs de cette proposition de loi peut se comprendre. Je salue ceux de nos collègues qui l’ont déposée et soutenue.
Je voudrais ici rappeler les positions de principe de mon groupe quant au mix énergétique et à sa mise en œuvre.
Au préalable il convient d’être aussi clair que possible sur les hypothèses de consommation nationale à moyen et long terme.
À ce propos, l’actualité d’ArcelorMittal et de très nombreuses autres entreprises françaises de toutes tailles, avec son cortège de licenciements et d’emplois supprimés, fait obligation au Gouvernement de nous dire quelles sont ses projections en matière industrielle sur le sol français.
Les décisions concernant le mix énergétique se prennent pour quarante ou cinquante ans, voire plus. Elles demandent de la visibilité et de la stabilité, éléments indispensables pour les filières industrielles concernées.
Les dépenses afférentes de l’État doivent aussi être optimisées, a fortiori dans un contexte budgétaire contraint avec une charge de la dette très dégradée.
À partir de quel scénario de mix à l’horizon de 2050 faut-il travailler ?
Les décisions annoncées à Belfort pour le nouveau nucléaire, la mise en œuvre du grand carénage et les déploiements d’énergies renouvelables non pilotables projetés sont proches du scénario N03 de RTE à 50 % de nucléaire et 50 % d’énergies renouvelables non pilotables.
Nous estimons qu’un scénario équilibré, reposant sur au moins 50 % d’énergie nucléaire, le reste étant assuré par des énergies renouvelables non pilotables, doit être privilégié.
Je précise – c’est un point très important – que ce scénario 50-50 optimise les coûts complets : ceux de la production, des réseaux de transport et de distribution, ainsi que des mécanismes de flexibilité, en comparaison des autres scénarios.
Il va sans dire qu’un moratoire sur le développement des énergies renouvelables non pilotables n’a pour nous absolument aucun sens.
Nous rejetons l’idée d’un nucléaire dit de transition et tenons à ce que les énergies renouvelables non pilotables puissent se développer en tenant compte, notamment, des progrès attendus dans le domaine du stockage à grande échelle de l’électricité.
La position de vote final du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain en seconde lecture de ce texte sera fonction du sort réservé à notre amendement n° 67, à l’article 3, qui vise à « tendre vers 52 gigawatts de capacités installées de production d’électricité nucléaire au moins, dont 27 gigawatts de nouvelles capacités, à l’horizon 2050 ». Ce dispositif est équilibré et réaliste en ce qu’il s’inscrit pleinement dans la nécessaire reconstruction de la filière nucléaire française, tout en donnant des signes positifs à la filière des énergies renouvelables non pilotables, qui en a grandement besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
M. Vincent Louault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’un moment qui aurait pu être historique, nous avons fait une polémique politicienne et caricaturale par manque d’écoute et de volonté politique.
Depuis quand passe-t-on par une proposition de loi et non par un projet de loi sur un sujet aussi important ? Aucune étude d’impact, aucune volonté politique, aucune vision gouvernementale : cette programmation méritait mieux.
Le Gouvernement s’est désengagé de la question, laissant prospérer une proposition de loi qui n’aurait dû être qu’un texte d’appel. À la fin, on dira que ce sont les parlementaires qui ne savent pas décider, ce qui justifiera, bien évidemment, un décret pris dans l’ombre et sans débat !
Mes chers collègues, oui, cette loi était une occasion historique. La dernière fois que nous avons adopté un vrai plan national sur l’énergie, c’était le plan Messmer, qui nous avait permis de produire six à huit réacteurs par an jusqu’en 1980.
À l’heure où le monde s’embrase, où la France traverse une période critique, marquée par des finances fragilisées, sa souveraineté énergétique s’effrite. Les industriels hésitent à investir, notamment dans la décarbonation, tandis que les Français subissent des prix instables, opaques et incompréhensibles.
Pendant ce temps, que faisons-nous ? Nous débattons, au travers d’un texte d’appel, d’une trajectoire nationale sans cap, sans cohérence et sans vision.
J’ai toujours considéré avec bienveillance cette proposition de loi, qui reconnectait notre nucléaire et le discours de Belfort, malgré mon peu d’espoir de voir cette initiative être reprise par le Gouvernement. Je n’y voyais dès lors qu’une proposition de loi de plus pour caler nos armoires, déjà surchargées.
Toutefois, après un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution et l’examen du texte à l’Assemblée nationale, nous avons voulu relever le défi – à cet égard, je remercie le député Henri Alfandari. Nous avons voulu croire à une vraie vision d’un État stratège pour nos entreprises et pour nos habitants.
Nous souhaitions une vision à soixante ans, qui prenne en compte la fin de vie du parc de réacteurs nucléaires, les nouvelles constructions, les petits réacteurs modulaires (SMR), l’éolien et toutes les technologies, sans discrimination, pour anticiper et donner une visibilité sur les investissements et les politiques à mener.
Ce n’est que du bon sens, tant attendu par l’ensemble des investisseurs, des industriels et des professionnels du secteur. Redonnons-leur de la confiance. Hélas, c’est apparemment trop compliqué !
Nous nous retrouvons aujourd’hui à regarder par le petit bout de la lorgnette. Nous continuerons donc de légiférer tous les cinq ans, au rythme des mandats électoraux. Nous en sommes là !
Le refus de vote de l’Assemblée nationale nous renvoie, en seconde lecture, un texte épuré par la commission. De surcroît, l’application de la règle de l’entonnoir limite considérablement notre capacité d’action.
Ce texte est important, car il permet non seulement d’éviter la fermeture des centrales existantes, mais aussi d’en construire de nouvelles. Tel est son principal atout. En revanche, aucune garantie d’équilibre entre le nucléaire et les énergies intermittentes n’est prévue, ce qui risque, à terme, d’avoir la peau du nucléaire.
C’est pourtant simple : trop d’intermittence injectée dans les réseaux diminue le taux de charge de nos centrales en les obligeant à surmoduler lors des pics de production photovoltaïque et d’éolien. Or si le taux de charge du nucléaire baisse, ce sont les coûts et les prix d’électricité qui augmentent.
Mon combat pendant le débat qui va s’ouvrir sera celui d’un mix équilibré et de la tempérance. Nous devons être prudents.
Or tel n’est pas le sens de vos décrets PPE, monsieur le ministre, qui visent à nous inonder de nouveaux gigawatts d’installations, alors que notre consommation stagne, voire baisse, et que nous exportons déjà beaucoup d’électricité. Voilà qui affaiblira nos réseaux, perturbera nos prix et, en définitive, mettra en difficulté notre filière nucléaire. Tout cela nous coûtera un peu cher…
Oui, nous devons avoir des énergies renouvelables, mais nous devons anticiper leur injection dans les réseaux pour équilibrer les productions.
Oui, nous devons avoir des énergies renouvelables, mais pourquoi saborder celles qui sont pilotables ?
Ce qui est valable en Allemagne et en Espagne en remplacement du gaz et du charbon n’est pas adapté à notre production nucléaire qui, je le rappelle, est déjà décarbonée à 95 %, ce que commence à reconnaître l’Europe – je remercie d’ailleurs les ministres du combat qu’ils ont mené sur cette question.
Non, nous ne voulons pas d’un moratoire sur les EnR, qui briserait certaines entreprises et détruirait des emplois. Il s’agit simplement de modérer le rythme des nouvelles installations d’énergie intermittente afin d’éviter une surproduction. Une telle dynamique engage trop lourdement le budget de l’État et alourdit la facture des habitants via les charges pour service public.
Nous attendons un cap clair et une véritable stratégie, à la fois en matière d’électrification des usages, de décarbonation et de constitution d’un mix énergétique équilibré. Attention au développement incontrôlé des énergies intermittentes, qui risque, à terme, de nous coûter très cher.
Mes chers collègues, nous sommes déçus de la mouture de ce texte. Nous sommes également déçus de la méthode. Un texte de programmation appelle un véritable engagement de l’État, une vision équilibrée à moyen et long terme. Nous aurions pu nous fixer de grandes ambitions.
Finalement, ce texte reste relativement modeste et l’équilibre n’est pas trouvé. C’est pourquoi nous resterons très attentifs aux débats qui vont s’ouvrir.
D’ores et déjà, monsieur le ministre, j’apprécie votre engagement d’adapter les décrets de la PPE à la suite de nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie.
Cosigné par la présidente de la commission des affaires économiques, par Bruno Retailleau, par Mathieu Darnaud, Stéphane Piednoir et plus de 110 sénateurs des groupes Les Républicains et Union Centriste, ce texte a été largement adopté au Sénat le 16 octobre 2024.
Cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour d’abord sur l’initiative du groupe Les Républicains puis sur celle du Gouvernement, est importante et attendue. Elle replace la programmation énergétique au cœur de l’agenda politique. Dans sa déclaration de politique générale du 1er octobre 2024, le Premier ministre Michel Barnier avait annoncé la reprise des travaux de programmation énergétique. Dans sa déclaration de politique générale du 14 janvier 2025, le Premier ministre François Bayrou a confirmé cette reprise.
Lors des débats sur l’énergie tenus à l’Assemblée nationale et au Sénat les 28 avril et 6 mai derniers, il a indiqué le report, d’ici à la fin de l’année, de la publication du décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, afin de permettre l’examen préalable de cette proposition de loi.
Le député Antoine Armand et moi-même avons été chargés d’accompagner l’aboutissement de ce texte, tant sur le plan législatif que réglementaire, au cours des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Le Gouvernement a donc clairement choisi la voie parlementaire pour actualiser notre programmation énergétique.
Pour le Sénat, c’est la seule voie possible pour conférer à notre stratégie énergétique la sécurité juridique et la légitimité démocratique qu’elle implique. C’est en effet notre responsabilité, en tant que législateurs, de fixer un cap à l’issue d’une délibération parlementaire, garante de l’intérêt général.
Je rappelle qu’un important travail de coconstruction a déjà été engagé en ce sens. En première lecture, au Sénat, la ministre Olga Givernet a soutenu la proposition de loi en l’amendant et en levant le gage. Puis, en première lecture à l’Assemblée nationale, le ministre Marc Ferracci et le rapporteur Antoine Armand se sont montrés à l’écoute des positions du Sénat.
La commission des affaires économiques et le Sénat, dans son ensemble, ont plaidé de façon constante pour légiférer sur notre programmation énergétique. Ce sont eux qui ont fixé le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie lors du vote de la loi relative à l’énergie et au climat de 2019.
Légiférer est une obligation légale : l’article L. 101-1 A du code de l’énergie dispose qu’une loi de programmation est prise tous les cinq ans et qu’elle prévaut sur le décret de la PPE. De plus, nos objectifs énergétiques nationaux ne sont pas à jour par rapport au paquet européen « Ajustement à l’objectif 55 ».
Légiférer est aussi une nécessité économique, car la filière du nucléaire a besoin d’une assise législative et d’une légitimité politique pour mettre sa relance à l’abri des contentieux et des soubresauts.
Trois ans après le discours de Belfort de 2022, la construction des quatorze EPR demeure à l’état de déclaration. Nous avons aujourd’hui l’occasion unique de corriger le tir en inscrivant cette relance directement dans la loi.
Si les débats conduits à l’Assemblée nationale ont été animés, ils ont fait apparaître une voie de passage parlementaire. Sur le fond, ils ont montré qu’il était possible de converger sur au moins deux points essentiels.
L’article 3, tel qu’adopté en séance publique à l’Assemblée nationale, est satisfaisant pour le Sénat, car il permet de garantir l’objectif que nous avions fixé en octobre 2024 d’engagement des 27 gigawatts de nouveau nucléaire d’ici à 2050, dont six EPR2 d’ici à 2026 et huit d’ici à 2030.
L’article 5, tel que voté en séance publique à l’Assemblée nationale, est tout à fait acceptable pour le Sénat, car il prévoit de maintenir les objectifs que nous avions aussi adoptés de 560 térawattheures de production d’énergie décarbonée, de 297 térawattheures de chaleur renouvelable et de 44 térawattheures de biogaz injectés d’ici à 2030.
Sur la méthode, ces débats ont aussi montré que seul un texte raccourci peut aboutir pour permettre au Gouvernement de publier ensuite le décret sur la PPE.
L’Assemblée nationale a procédé en commission au recentrage du texte sur sa partie programmatique. Ce recentrage est admissible pour le Sénat, à l’exception des mesures – très importantes – sur la simplification des projets nucléaires et la protection des consommateurs, qui pourraient être supprimées.
En adoptant vingt et un amendements, la commission des affaires économiques a réalisé un travail de rapprochement que j’approuve pleinement. C’est indispensable dans le cadre de cette deuxième lecture, en l’absence de procédure accélérée.
Au total, la proposition de loi constitue une base solide pour que la programmation énergétique soit véritablement structurée et planifiée.
Je me réjouis que le Premier ministre ait annoncé sa réinscription dès septembre prochain à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, avant une commission mixte paritaire début octobre.
Mes chers collègues, pour la France, pour sa souveraineté énergétique, saisissons cette opportunité et confirmons notre vote d’octobre dernier.
En conclusion, je remercie Alain Cadec et Patrick Chauvet, nos rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre d’un texte essentiel, à la fois pour notre avenir énergétique, pour notre souveraineté industrielle, mais aussi pour l’avenir de notre planète.
Soyons clairs : si la France veut réussir sa transition écologique, si elle veut redevenir une grande nation industrielle tout en sortant durablement des énergies fossiles, elle doit impérativement se doter d’une vision énergétique de long terme.
Cette vision, nous l’avons longtemps attendue sous la forme d’une véritable loi de programmation énergétique. C’était l’objectif fixé dès 2019 par la loi relative à l’énergie et au climat. Cinq ans plus tard, alors que nous aurions dû adopter un texte dès juillet 2023, cette question a connu bien des rebondissements.
Certes, une loi de souveraineté énergétique a été présentée fin 2023, mais le Gouvernement a ensuite renvoyé cette programmation à un décret, attendu d’ici à la fin de l’été – tout du moins, nous l’espérons.
Nous ne pouvons plus attendre sur ces sujets, eu égard aux investissements nécessaires pour assurer notre avenir énergétique. Rappelons-les faits : face aux records de chaleur des dernières années, il nous faut désormais accomplir en six ans ce que nous avons mis trente ans à faire si nous souhaitons atteindre nos objectifs climatiques. Dans ce contexte, laisser notre pays sans boussole énergétique n’est plus envisageable.
C’est dans ce cadre que le Sénat s’est saisi de cette proposition de loi dès l’année dernière. Je veux saluer ici le travail sérieux mené par la commission des affaires économiques, au printemps 2024, puis lors de l’examen en séance publique en octobre dernier.
Le parcours de ce texte à l’Assemblée nationale a été quant à lui bien plus chaotique. Vidé de ses objectifs à l’issue des travaux de la commission, il a ensuite été malmené en séance publique.
Nous avons vu plusieurs mesures insensées être adoptées : réouverture de Fessenheim ; moratoire sur les énergies renouvelables ; sortie des règles de fixation des prix du marché européen de l’énergie, proposition totalement inapplicable sans quitter l’Union européenne ; retour d’EDF à un statut d’établissement public industriel et commercial (Épic)… Toutes ces mesures démagogiques et idéologiques ont donc conduit au rejet du texte à l’Assemblée nationale, envoyant ainsi un très mauvais signal à tous les acteurs du secteur.
Heureusement, comme bien souvent ces derniers temps, le Sénat a su faire preuve de raison. En commission, la semaine dernière, deux évolutions majeures ont été apportées au texte que nous avions adopté en octobre dernier.
Premièrement, les articles 3 et 5, qui comportent les objectifs programmatiques sur le nucléaire et les énergies renouvelables, ont été réécrits selon la version adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale, qui paraît satisfaisante.
Certes, ces articles ne comportent plus certains objectifs chiffrés en pourcentage pour le nucléaire ni les sous-objectifs par filière renouvelable, mais cela permet d’avancer, en assumant un compromis réaliste et en attendant le décret PPE qui viendra compléter cette base dans les prochaines semaines.
Deuxièmement, la commission a choisi de supprimer quatorze articles du titre II pour ne conserver que les seules dispositions programmatiques ou presque. C’est un choix de cohérence pour faire de cette proposition de loi la véritable ossature de base du décret PPE à venir.
Le Gouvernement pourra ainsi s’appuyer sur ce socle législatif pour offrir aux acteurs de l’énergie métropolitains comme ultramarins une feuille de route stable pour nos territoires.
Mes chers collègues, à l’Assemblée nationale, nous avons vu ce qu’ont donné les débats, guidés par des postures plutôt que par la raison.
J’espère qu’ils n’auront, au Sénat, qu’un seul fil conducteur : le renforcement de la souveraineté énergétique de la France.
Pour ce qui le concerne, le groupe RDPI votera évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)