Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « absurde », « incohérent », « déséquilibré » : les mots ne manquent pas pour décrire l’examen chaotique de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale.
Avec leur concours Lépine de l’amendement le plus dénué de sens, les députés ont presque donné raison à ce gouvernement, qui a renoncé à soumettre son projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat au Parlement par crainte de ne pas réussir à dégager de majorité en raison de l’opposition dogmatique entre gauche et droite quant à la composition de notre mix énergétique.
Or, pendant ce temps, la trajectoire de décarbonation de la France a connu un ralentissement notable – elle a baissé de 1,8 % en 2024 –, la rendant incompatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Mes chers collègues, nous avons besoin d’un « sursaut collectif » pour relancer l’action climatique, avec une assise politique stable et robuste et des actions structurelles nous permettant de trouver l’équilibre entre ambition climatique, attractivité économique et justice sociale.
Nous ne pouvons continuer à opérer ces stop and go insupportables, sur fond de dogmatisme et d’électoralisme, alors que les acteurs du secteur de l’énergie réclament un signal politique clair pour accompagner le développement de leur filière.
Or, à ceux-là, que proposons-nous ? Un moratoire sur l’énergie éolienne terrestre !
Cette incapacité à débattre sereinement de la meilleure façon de sortir des énergies carbonées est, au mieux, inquiétante, au pire, irresponsable.
Comment en est-on arrivé à cette situation paradoxale, où une partie de la droite, à l’image de M. Retailleau, pourtant coauteur de ce texte, appelait dernièrement à cesser de subventionner les énergies intermittentes ?
Pendant combien de temps certains continueront-ils à nier les différents scénarios et études scientifiques de peur de perdre une partie de leur électorat ?
L’atteinte de la neutralité carbone nécessitera, dans tous les cas, un déploiement significatif des énergies renouvelables.
RTE, dans son étude sur l’avenir de notre système électrique, nous indique que, même dans son scénario le plus nucléarisé, le nucléaire n’assurerait que 50 % du mix électrique.
En revanche, et je me tourne désormais vers l’autre côté de l’hémicycle, se passer totalement du « nouveau nucléaire » ajouterait une contrainte très forte à l’atteinte de la neutralité carbone : les rythmes de développement devraient alors dépasser largement ceux que l’on a observés en France au cours des dix dernières années.
Les scénarios « 100 % renouvelable » nous poseraient un défi considérable, à la fois sur les plans financier et industriel et en termes d’acceptabilité sociale de ces projets.
Faire coïncider démocratie et écologie risque d’être d’autant plus compliqué que de nombreux projets de réouverture de mines de métaux rares, nécessaires à la production des énergies renouvelables, pourraient être bloqués par des oppositions citoyennes.
C’est pourquoi notre décarbonation comme notre souveraineté énergétique passeront par plus de sobriété et d’efficacité, autant que par un déploiement de tous les types d’énergies décarbonées.
Nous avons besoin d’une complémentarité entre nucléaire et énergies renouvelables pour faire face aux insuffisances d’une politique qui reposerait exclusivement sur l’un ou l’autre de ces piliers.
Se priver de l’une de ces filières reviendrait à exercer davantage de pression sur les autres, tout en nous rendant plus vulnérables à un aléa qui toucherait l’une d’entre elles.
Mon groupe, dont le vote était déjà partagé en première lecture, attendra la fin de l’examen du texte avant de se positionner, tant le vote de certains amendements nous semble nécessaire ou, à l’inverse, irréfléchi.
Je terminerai en reprenant les mots de Mme la ministre Pannier-Runacher (M. Stéphane Piednoir s’exclame.) : espérons que ce court-termisme électoral, déguisé en prétendu « bon sens » qui protégerait les classes populaires et la ruralité, ne triomphera pas de nos débats et qu’au contraire nous parviendrons à établir une trajectoire énergétique ambitieuse et cohérente qui protégera les Français des dangers du changement climatique.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce texte, le Sénat joue pleinement son rôle. En effet, depuis des années, les gouvernements successifs ont choisi de ne pas légiférer sur la programmation énergétique de notre pays. Dont acte ! Notre Haute Assemblée propose aujourd’hui son propre texte.
Je veux saluer le travail remarquable mené par notre collègue Daniel Gremillet, ainsi que celui des rapporteurs, qui ont œuvré avec leurs homologues de l’Assemblée nationale dans un contexte particulièrement difficile.
Le gouvernement actuel, pris de court par la menace de censure à la veille de la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie sans débat parlementaire programmé, a trouvé une porte de sortie en inscrivant la présente proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Cette dernière l’a dénaturée, pour finalement la rejeter.
Nous pensons que la programmation énergétique mérite un débat sérieux et de qualité.
À l’aune de l’examen, en seconde lecture, d’un texte qui trace une véritable stratégie énergétique pour notre pays, je tiens à rappeler deux convictions.
La première est que notre mix énergétique doit être plus compétitif et plus efficient. Cela implique, d’une part, de raisonner en coûts complets, en comparant objectivement toutes les énergies entre elles, et de les déployer selon les besoins et les équilibres économiques ; d’autre part, une plus grande optimisation, car le nombre de réacteurs faisant de la modulation sur une journée a doublé entre 2012 et 2024.
Ma seconde conviction est que ce texte s’inscrit dans le temps long. Il traduit la nécessaire relance du nucléaire, qui assurera une énergie abondante, stable en prix, décarbonée, indispensable à notre électrification.
Nous devons retrouver l’avantage concurrentiel dont nous disposions grâce à cette filière d’excellence, après tant d’années de déstructuration et de destruction méthodique, guidées par des combinaisons politiques de circonstance et court-termistes.
La relance du nucléaire doit redonner à notre économie sa compétitivité, condition indispensable à notre réindustrialisation.
Ce temps long exige d’anticiper la gestion et la sécurisation des déchets radioactifs. C’est tout le sens, dans nos départements de la Meuse et de la Haute-Marne, du projet Cigéo.
Le nucléaire ne doit pas servir de variable d’ajustement aux énergies renouvelables alternatives.
Notre rôle, aujourd’hui, est de porter une vision d’ensemble, une vision cohérente, laquelle devra être déclinée par la PPE et régulièrement actualisée selon l’évolution des besoins.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste soutient bien évidemment ce texte et la démarche qui le sous-tend. Il le votera ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe RDPI.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen en deuxième lecture de cette proposition de loi de notre collègue Daniel Gremillet, que je salue, présente à mes yeux plusieurs vertus.
D’abord, monsieur le ministre, c’est l’occasion de faire connaissance et de vous livrer, en tant que président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), quelques-unes de mes analyses sur ce qui est en train de se jouer au travers de nos travaux parlementaires.
C’est aussi l’occasion de vous entendre – du moins je l’espère – à la suite de la sollicitation de plus de 160 sénateurs qui, il y a quatre mois déjà, ont alerté le Gouvernement sur le contournement du Parlement par décret et réclamé la nécessaire reconsidération d’un certain nombre d’objectifs. Ce courrier n’a reçu aucune réponse à ce jour, ce que je regrette vivement.
M. Michel Savin. Bravo !
M. Stéphane Piednoir. Surtout, nous allons avoir l’occasion de montrer que nous sommes capables d’apporter un peu de rationalité dans un débat largement hystérisé autour d’une politique publique pourtant essentielle et stratégique pour notre pays et demandant du calme et de la lucidité.
Programmer sa production d’énergie de manières qualitative et quantitative, c’est, me semble-t-il, s’interroger sur nos besoins réels, d’abord pour permettre aux particuliers, aux collectivités et aux entreprises de disposer d’une énergie livrée à un prix abordable et, si possible, décarbonée – je veux croire qu’il y a consensus sur ces différentes nécessités.
L’énergie n’est ni un luxe ni une idéologie ; c’est le maillon indispensable de tout développement économique et social d’une civilisation, de toute production de richesses et même de confort pour nos concitoyens.
Il s’agit ensuite de considérer objectivement nos forces et nos faiblesses, en arrêtant de nous comparer avec d’autres pays aux caractéristiques et aux stratégies de long terme tellement différentes des nôtres. À cet égard, renier nos choix nationaux anciens et mettre au rebut l’outil industriel constitué de 57 réacteurs nucléaires en parfait état de marche n’a aucun sens, pas plus que démonter les 8 000 éoliennes déjà installées sur notre territoire.
Quand les extrêmes rivalisent d’ingéniosité dans le concours Lépine des propositions démago-électoralistes, le résultat est un vrai festival !
Après les choix stratégiques opérés par notre pays voilà plus de cinquante ans maintenant, la relance du nucléaire doit se confirmer. Nous en maîtrisons la technologie, et cette filière nous permet de produire une électricité décarbonée à 95 %.
Je m’associe pleinement à cette relance, et vous proposerai d’ailleurs tout à l’heure un amendement visant à ce que notre mix électrique comporte toujours une part de nucléaire d’au moins 60 %.
De manière tout aussi ancienne, la France a toujours regardé vers les énergies renouvelables, essentiellement avec les barrages hydroélectriques ; nous pouvons sans doute gagner quelques térawattheures en agissant de ce côté.
Les dernières décennies ont apporté de nouvelles sources de production intéressantes en soi, mais avec quelques dérives regrettables : des méthaniseurs XXL créant un intense trafic routier qui n’est pas sans conséquence sur les infrastructures locales ; des éoliennes implantées parfois sans concertation, voire à l’insu des élus ; des extensions de réseaux de distribution dont le coût est supporté par le contribuable.
La vérité oblige à dire que l’exigence aiguë à l’égard du nucléaire, notamment dans le débat public, ne connaît pas d’équivalent dans d’autres domaines de production, celui des énergies renouvelables en particulier. C’est un chantier que nous pourrions ouvrir.
Enfin, la transition que nous appelons de nos vœux – c’est-à-dire la « défossilisation » de notre société – suppose une accélération de l’électrification de nos usages, tout particulièrement dans l’industrie. Celle-ci n’est pas au rendez-vous, et l’instabilité politique du pays n’y est sans doute pas étrangère – l’investissement, chacun le sait, exige de la confiance en l’avenir.
Dans ce contexte, figer des quotas de production ne me paraît pas pertinent.
Il faut maintenant, dans le temps qui nous est imparti, trouver le chemin d’une cohérence énergétique.
La politique consiste à prendre des décisions pour l’intérêt général, lorsque c’est possible. Cela semble tellement facile pour ceux qui ne doutent de rien ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout nous impose de légiférer en matière de programmation énergétique.
Cet impératif est d’abord physique, car les conséquences du changement climatique se font un peu plus sentir chaque année, intensifiant l’urgence de décarboner notre consommation d’énergie primaire, dont 45 % des besoins sont encore satisfaits par des énergies fossiles.
Cet impératif est aussi juridique depuis la loi Énergie-Climat de 2019, qui pose le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie à partir de 2023. Nous avons donc deux ans de retard, mais mieux vaut tard que jamais…
En outre, le monde économique appelle de manière pressante le Parlement à finaliser ce texte, afin de lui donner la visibilité nécessaire pour entreprendre les investissements requis par la transition énergétique.
Enfin, ce débat est une exigence indispensable d’un point de vue démocratique : comment accepter que les objectifs énergétiques qui conditionneront le futur de notre pays ne soient pas débattus par ses représentants ?
Il faut donc se réjouir de cette proposition de loi, d’autant plus qu’elle se montre volontariste tant sur le nucléaire que sur les énergies renouvelables. En effet, si le premier représente la clé de voûte de notre mix énergétique et doit, à ce titre, se trouver conforté et soutenu, les secondes ne doivent surtout pas être négligées : elles sont essentielles pour répondre à l’électrification croissante de notre mix énergétique, car nos futurs EPR ne fonctionneront pas de sitôt.
Il m’apparaît aussi capital de réaffirmer le soutien de la Chambre haute à un secteur critiqué bien injustement ces derniers temps.
Les EnR, quelle que soit la technologie employée, ont le mérite d’offrir une transition énergétique au plus près des territoires, avec des emplois non délocalisables et une électricité de plus en plus compétitive. Elles ont assurément leurs limites, et il faut sans doute qu’elles améliorent leur acceptabilité, mais cela ne justifie en rien les propositions aberrantes de moratoire que l’on a pu voir émerger aussi bien à l’Assemblée nationale qu’ici.
La solution dégagée l’automne dernier au Sénat, privilégiant le renouvellement des éoliennes terrestres existantes pour se concentrer sur le développement de l’éolien offshore et du photovoltaïque, est non seulement plus crédible, mais aussi bien plus satisfaisante.
Le groupe Union Centriste, comme l’a dit mon collègue, votera en faveur de cette proposition de loi, qui trace un chemin ambitieux, mais réaliste, garantissant notre souveraineté énergétique tout en maintenant cet équilibre qui permet à la France d’afficher l’un des mix énergétiques les plus décarbonés d’Europe. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie
TITRE Ier
ACTUALISER LA PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE NATIONALE
Chapitre Ier
Fixer une programmation énergétique ambitieuse
Article 1er
Après le 3° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, sont insérés des 3° bis et 3° ter ainsi rédigés :
« 3° bis Garantir le maintien du principe de péréquation tarifaire, le maintien des tarifs réglementés de vente d’électricité, la recherche de prix stables et abordables en électricité, la détention par l’État de la totalité des parts du capital de l’entreprise dénommée “Électricité de France”, conformément à l’article L. 111-67, la propriété publique du réseau de distribution d’électricité conformément à l’article L. 322-4, la propriété publique du réseau de transport d’électricité, conformément aux articles L. 111-19, L. 111-41 et L. 111-42, la sécurité d’approvisionnement en électricité ainsi que la recherche d’exportations dans ce secteur ;
« 3° ter Garantir la possibilité d’un prix repère de vente de gaz naturel, publié par la Commission de régulation de l’énergie, la recherche de prix stables et abordables en gaz, la détention par l’État d’une partie du capital de l’entreprise dénommée “Engie”, conformément à l’article L. 111-68, la propriété publique du réseau de distribution de gaz conformément à l’article L. 432-4, la sécurité d’approvisionnement en gaz ainsi que la diversification des importations dans ce secteur ; ».
Mme la présidente. L’amendement n° 68, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau, Fagnen et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au 2° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, après le mot : « nécessité », sont insérés les mots : « notamment en favorisant une tarification sociale et progressive selon le niveau de consommation des ménages et leur composition ».
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Cet amendement vise à faire figurer dans le texte que « la tarification sociale est progressive selon le niveau de consommation des ménages et leur composition ».
Mes chers collègues, il ne vous a pas échappé qu’hier est paru un rapport de l’Insee qui témoigne d’une augmentation des inégalités et d’un renforcement de la pauvreté en France.
Il nous semble très important que, sur la consommation des biens essentiels, un signal soit envoyé aux ménages les plus pauvres.
Cela passe, évidemment, par la tarification sociale, mais aussi par une tarification progressive en fonction de la composition des ménages et de leur niveau de consommation, afin d’inciter à la réduction de celle-ci et au bon usage de l’énergie dans notre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’adoption de l’amendement proposé n’est pas souhaitable.
Tout d’abord, celui-ci est satisfait, car le 2° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie prévoit déjà de « garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ».
Par ailleurs, l’article 1er de la proposition de loi confère une base légale à plusieurs mécanismes de tarification : le principe de péréquation tarifaire et les tarifs réglementés de vente, pour l’électricité ; le prix repère de vente, pour le gaz.
Aller plus loin poserait une difficulté juridique : d’une part, pour l’électricité, la disposition déstabiliserait la construction des TRVE ; d’autre part, pour le gaz, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 7 septembre 2016 et une décision du Conseil d’État du 19 juillet 2017 ont mis fin aux tarifs réglementés de vente.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Bleunven, Delcros et Duffourg et Mmes Guidez, Jacquemet, Patru, Perrot, Romagny et Vermeillet, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le 3° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie est complété par les mots : « , notamment en optimisant l’utilisation des capacités de production variables grâce à la flexibilité des usages et au stockage ».
La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Cet amendement a pour objet de favoriser le développement du stockage de l’électricité, en particulier sur les sites de production d’énergie renouvelable.
Grâce au stockage, il est possible de réduire les impacts de la principale difficulté liée à l’électricité : l’obligation d’injecter à chaque instant autant d’électricité qu’on en soutire. Le stockage permet en effet de gérer plus facilement les multiples variations de consommation et de production au cours de la journée.
Ainsi, on augmente la valeur de l’électricité en la stockant aux heures de surproduction, où sa valeur est faible, et en l’injectant aux heures de pointe de consommation, où elle a une valeur importante pour l’économie et les consommateurs. On réduit, en conséquence, la volatilité des prix de l’électricité, les impacts des heures creuses et des heures pleines, la nécessité de moduler les réacteurs nucléaires et d’écrêter les énergies renouvelables.
Au lieu d’être un problème, l’abondance d’électricité bon marché aux heures de forte production devient une opportunité pour réduire la facture des consommateurs, en stockant les surplus.
Pour ces raisons, il est pertinent d’inscrire le développement du stockage à proximité des parcs de production comme un objectif des politiques énergétiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L’amendement proposé ne nous semble pas opportun.
Sur le fond, il serait pour partie satisfait, car le 4° bis de l’article L. 100-4 du code de l’énergie prévoit déjà de « favoriser le stockage d’électricité ».
Par ailleurs, l’article 4 de la proposition de loi assigne plusieurs objectifs tendant à favoriser ces flexibilités.
Sur la forme, l’adoption de cet amendement viendrait complexifier la rédaction de la proposition de loi, dont l’article 1er est consacré aux grands principes du système électrique et gazier, tandis que l’article 4 porte, comme je viens de le dire, sur les objectifs en matière de flexibilité. Nous souhaitons conserver cette répartition, plus claire.
En conséquence, nous émettons un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Il me semble que l’amendement est déjà satisfait.
Mme la présidente. L’amendement n° 174, présenté par MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
tarifs réglementés de vente d’électricité
insérer les mots :
définis en fonction des caractéristiques intrinsèques du mix de production français et des coûts liés à ces productions, des imports-exports, des coûts d’acheminement de l’électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale de l’activité de fourniture
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Au travers de cet amendement, il s’agit aussi de poser une question : comment allons-nous construire les prochains tarifs réglementés de l’électricité ?
Aujourd’hui, le tarif réglementé répond à plusieurs critères, dont le principe de contestabilité et une part d’Arenh.
Ce système s’arrêtant à la fin de 2025, il faut bien que nous débattions de la manière dont nous allons désormais calculer le tarif.
Nous sommes, pour notre part, favorables au retour à un principe simple : que ce tarif prenne en compte les coûts de production, de transport, de distribution et de commercialisation ; qu’il s’approche le plus possible des coûts de production ; qu’il corresponde non pas à un prix, mais bien à un tarif.
Monsieur le ministre, comment allez-vous calculer ce nouveau tarif réglementé ? Nous sommes à votre disposition pour en discuter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Notre collègue Fabien Gay est toujours pertinent. Cependant, l’amendement qu’il propose ne peut être retenu.
Sur le fond, il viendrait déstabiliser la construction des tarifs réglementés de vente d’électricité.
Il ne respecterait pas le cadre européen : l’article 5 de la directive sur le marché de l’électricité du 5 juin 2019 encadre strictement les interventions publiques dans la fixation des prix.
Il ne respecterait pas non plus le cadre national, puisque l’article L. 337-4 du code de l’énergie confie aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie, le soin de fixer les TRVE.
Sur la forme, l’adoption de cet amendement viendrait complexifier la rédaction de la proposition de loi : alors que l’article 1er est une disposition programmatique, qui modifie l’article L. 100-2 du code de l’énergie, l’amendement vise, en réalité, à insérer une disposition non programmatique, qui impacterait très directement la construction des TRVE, prévue à l’article L. 337-5 du même code.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur Gay, votre amendement vise à définir les TRVE en référence au coût du système électrique et de manière décorrélée du marché.
Je veux d’abord rappeler une nouvelle fois dans cet hémicycle que le Gouvernement soutient le principe même des TRVE : j’ai moi-même adressé un rapport à la Commission européenne pour défendre ce système, sur lequel des interrogations, des critiques et même des attaques se sont fait jour.
Je rappelle que le niveau des tarifs réglementés de vente de l’électricité – les prix qui sont fixés – a vocation à refléter les coûts des fournisseurs actifs en France. Comme vous le savez, ces coûts intègrent non seulement les coûts d’approvisionnement en électricité, mais également ceux du mécanisme de capacité, les frais d’accès au marché de l’énergie, l’espérance des risques quantifiables, les coûts d’acheminement des réseaux et les coûts commerciaux. C’est donc un ensemble de « briques » qui viennent composer ce prix.
Je tiens à vous dire que le Gouvernement est attaché à rapprocher les coûts d’approvisionnement en électricité des coûts du système électrique. C’est notamment l’objet du versement nucléaire universel, qui prendra la suite de l’Arenh et dont les modalités de calcul sont aujourd’hui en cours d’élaboration et donnent lieu à consultation (M. Fabien Gay s’esclaffe.), notamment devant la CRE et le Conseil supérieur de l’énergie, dans la transparence qui sied à l’élaboration de tels décrets.
Je vous redis que nous soutiendrons et défendrons les TRVE au niveau européen de manière constante.
L’avis du Gouvernement est défavorable.