M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. Il est presque dix-neuf heures, et nous n’avons encore examiné qu’un seul amendement…

Mme Monique de Marco. Un amendement essentiel !

M. Max Brisson. Il en reste trois cent trente-deux.

J’ai donc hésité à prendre la parole sur cet article, quand bien même je l’avais demandée, mais au vu du nombre de nos collègues qui ont souhaité le faire, j’ai décidé d’assumer, à moi seul, la diversité des positions… (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Guy Benarroche. Max Brisson est un contre-pouvoir !

M. Max Brisson. J’aimerais vous persuader d’une chose, mes chers collègues, même si je sais que je ne vous convaincrai pas : les sénatrices et les sénateurs du groupe Les Républicains sont très attachés à l’audiovisuel public. (Ah ! sur les travées du groupe SER.) Nous ne voulons pas le détruire, comme vous l’avez affirmé tout du long de vos prises de parole, qui n’ont manifestement d’autre but que l’obstruction ; nous voulons le rénover profondément.

En effet, force est de constater qu’il manque aujourd’hui d’habileté pour s’adapter à certaines mutations. Comme l’a très bien exprimé tout à l’heure Cédric Vial, la mise en œuvre des synergies, qui était attendue, se heurte à la volonté des présidents des différentes sociétés de conserver leur périmètre, réflexe tout à fait classique et intéressant, mais qui empêche actuellement les synergies, chacun défendant son pré carré. C’est bien contre les prés carrés défendus avec obstination par des présidents et des directions que nous essayons d’offrir à l’audiovisuel public l’outil de sa transformation.

Par ailleurs, nous reconnaissons que peuvent parfois se poser des questions relatives au coût de cet audiovisuel public, et qu’on peut y relever certaines pratiques qui s’éloignent quelque peu de la déontologie que l’on est en droit d’attendre de celui-ci.

À notre sens, il ne doit pas être, comme je l’ai entendu affirmer à plusieurs reprises, un contre-pouvoir : il doit plutôt être l’expression de la diversité de la France – diversité sociologique, politique et économique.

M. Max Brisson. Or, comme l’a bien exprimé Mme la ministre il y a un instant, quand on écoute certaines chaînes, on peine désormais à y trouver cette diversité. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Le dire n’est pourtant pas un crime de lèse-majesté, mes chers collègues ! Vous le considérez pourtant comme tel, car vous avez décidé qu’il fallait mettre l’audiovisuel public sous une cloche immunisante.

Pour nous, au contraire, l’audiovisuel public doit se réinventer pour s’adapter aux attentes que la Nation est en droit d’avoir, notamment en matière de déontologie, de programmation et de performance financière. (Marques dimpatience sur des travées du groupe UC.)

La mise en place de la holding est une première étape, qui ne réglera pas tout. Une grande loi aurait certainement été nécessaire, mais nous pensons que la holding sera l’outil de cette réorganisation, qui nous paraît indispensable. (MM. Roger Karoutchi et Antoine Lefèvre applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.

Mme Corinne Féret. L’audiovisuel public a 85 ans et son existence a toujours été un enjeu culturel et démocratique de premier plan. Depuis l’ORTF et sa tutelle étatique sur l’information, jusqu’au démantèlement du monopole par la loi du 7 août 1974, à la privatisation de TF1 et à la sanctuarisation de la concurrence privée en 1986, la place et la vocation de l’audiovisuel public ont toujours dû être âprement défendues.

Je veux insister sur l’importance de l’audiovisuel public pour les enjeux démocratiques dans notre société. Les antennes de France 3 et de France Bleu offrent un maillage territorial sans équivalent, permettant d’apporter à chaque citoyen une information de proximité, attrayante et fiable. À l’heure où l’on assiste à la prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux, ce journalisme de terrain est le meilleur des antidotes pour pouvoir continuer à partager ensemble une même réalité.

Avec cette réforme, les moyens seront moindres sur les territoires que nous représentons. Moins de moyens, cela peut signifier moins de présence sur le terrain, moins d’espace pour relayer les sujets, les débats qui animent nos communes, nos départements et nos régions, moins de temps d’antenne pour que les artistes, les acteurs associatifs, les élus, toutes celles et tous ceux qui font vivre nos communautés puissent s’exprimer et exister.

Ce sont les élus qui le disent, notamment ceux du Calvados : les maires de Saint-Aubin-sur-Mer, de La Cambe, de Cuverville, de Ducy-Sainte-Marguerite, de Mosles, d’Épron, de Fourneville, de Blainville-sur-Orne, de Bernières-sur-Mer, de Ver-sur-Mer, d’Authie, de Louvigny, de Giberville… (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Permettez-moi de poursuivre, mes chers collègues : moi, ces maires du Calvados, je les respecte ! Je les représente dans cet hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Ceux qui le disent, ce sont encore le maire d’Hérouville-Saint-Clair, des adjoints et adjointes aux maires d’Authie, du Molay-Littry, d’Esson et de Falaise, des conseillers municipaux de Cahagnes !

Non, madame la ministre, tous ces élus ne sont pas de gauche ! Je le dis parce qu’il me semble que vous le croyez.

Mme Rachida Dati, ministre. Je n’ai pas dit cela !

Mme Corinne Féret. Tous ne sont pas de gauche, mais tous s’inquiètent pour l’avenir de l’audiovisuel public. Et en tant que sénatrice du Calvados, je pense avoir la légitimité pour porter leur voix quand ils me le demandent.

M. le président. Merci de conclure, ma chère collègue !

Mme Corinne Féret. Permettez, monsieur le président : l’orateur précédent a largement dépassé son temps de parole !

L’audiovisuel public constitue l’un des garants de la vitalité démocratique dans notre pays.

M. le président. Non, madame Féret ! Pardonnez-moi, mais ce n’est pas ainsi que l’on fonctionne ici.

Mme Corinne Féret. Je rappelle qu’en juin 2024 les antennes régionales de France 3 et de France Bleu ont été exemplaires pour organiser les débats pendant la campagne des élections législatives anticipées. (La voix de loratrice tend à être couverte par celle de M. le président, qui tente en vain de linterrompre.)

M. le président. Madame Féret, laissez-moi mener les débats ! Si je reconnais que M. Brisson a dépassé son temps de parole de trente secondes, temps que je vous ai également laissé, vous avez ensuite persisté à parler, dépassant votre temps de parole d’une minute entière !

Mme Corinne Féret. Eh bien, j’ai terminé ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Nous voici obligés d’en revenir à un respect tout à fait strict des temps de parole.

M. Roger Karoutchi. On se croirait à l’Assemblée nationale ! Il faut des sanctions, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article, et pour deux minutes !

M. Yan Chantrel. Je vous rassure, monsieur le président : je respecterai mon temps de parole.

Les conditions d’examen de ce texte, que nous sommes nombreux à avoir dénoncées, en disent long sur la conception que certains se font du débat démocratique, conception qui rejoint d’ailleurs la philosophie du présent texte, sur l’idée qui s’y exprime du pluralisme, de ce que devrait être un audiovisuel public réellement indépendant.

Je tiens à le faire remarquer, parce que j’ai aussi entendu certains d’entre vous, mes chers collègues, affirmer que l’Assemblée nationale aurait « renvoyé la balle » au Sénat. Non ! l’Assemblée nationale a manifesté son rejet de ce texte. (M. Max Brisson sexclame.) Il faut quand même l’entendre. Je sais bien que ce gouvernement a tendance à s’asseoir sur le Parlement, à refuser de l’écouter, à passer en force ; c’est bien ce qu’il entend faire pour ce texte, au moyen de la session extraordinaire actuelle.

Pardonnez-moi, mais quand l’Assemblée nationale dit : « Nous n’en voulons pas ! », le réflexe immédiat ne devrait pas être de lui forcer la main, de courir au Sénat pour y trouver une majorité contre l’autre chambre. Cela n’est pas démocratique ! Votre tentative montre bien l’esprit qui est le vôtre, celui-là même qui s’exprime dans cette réforme.

Ce que vous ne dites pas, madame la ministre, ce que vous n’osez pas dire, M. Brisson le dit pour vous : il a dit et répété, en commission puis, sous une autre forme, aujourd’hui, que, selon lui, ce texte permettait de faire le procès du service public.

M. Max Brisson. C’est faux ! Je n’ai jamais dit cela ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai jamais dit !

M. Yan Chantrel. Vous l’avez dit en commission, monsieur Brisson, vous l’avez assumé, en vous faisant le porte-parole de Mme Dati. Ainsi, nous connaissons ses intentions réelles, que vous avez au moins le mérite d’exprimer clairement.

M. Max Brisson. Invention pure !

M. Roger Karoutchi. C’est du mensonge, des méthodes trotskistes pour mettre le bazar !

M. Yan Chantrel. En effet, que se passera-t-il avec la holding, dotée d’un président unique, que crée l’article 1er de ce texte : en cas d’ingérence de l’exécutif, par un simple effet de chaîne hiérarchique descendant vers les rédactions, l’audiovisuel public deviendra un audiovisuel d’État ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les interpellations personnelles sont prohibées par l’article 36 de notre règlement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il faut le dire à la ministre !

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, sur l’article.

Mme Colombe Brossel. Nos débats permettent tout de même d’éclairer la question. Nous sommes ici réunis pour examiner une « PPL Lafon » qui n’est plus du tout celle de M. Lafon,…

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !

Mme Colombe Brossel. … avec la mise en place d’une holding exécutive et la concentration des pouvoirs, aboutissant à une transformation radicale de l’audiovisuel public.

Et chaque fois revient par la fenêtre la question du pluralisme. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je n’ai toujours pas compris en quoi l’organisation de l’audiovisuel public avait le moindre rapport avec le pluralisme. Les avis peuvent diverger, on en débat, la démocratie est utile pour ce faire, mais enfin, croire que la mise en place d’une holding servirait, pour les uns à augmenter le pluralisme, pour les autres à le réduire, ou encore à faire que par magie les jeunes se mettent à regarder la télévision et à écouter la radio… Honnêtement, restons sérieux !

Mais je voudrais justement vous parler de pluralisme. En effet, les menaces que font peser les attaques menées de manière répétée contre nos modèles démocratiques par le biais de la manipulation de l’information et de la désinformation doivent susciter en Europe et au sein des États membres de l’Union un sursaut de défense de nos valeurs démocratiques, en particulier le pluralisme des médias.

Une telle situation s’est produite non loin de chez nous, mes chers collègues : en Hongrie, où le gouvernement Orban, à la suite – j’insiste sur ce point – d’une réforme de l’audiovisuel public, y a de fait mis en place un président de son obédience. Nous ne sommes pas, en France, à l’abri de telles dérives illibérales.

M. Roger Karoutchi. On n’est à l’abri de rien, après vos alliances avec LFI ! C’est n’importe quoi !

Mme Colombe Brossel. Alors, si vous voulez qu’on parle de pluralisme, parlons-en, mais de façon à aller vers plus de démocratie et à rejeter le populisme et l’illibéralisme. C’est bien pourquoi nous combattons cette réforme : tout en faisant appel au pluralisme, vous introduisez le ver dans le fruit.

Pour notre part, au contraire, nous défendons plutôt l’audiovisuel public et sa meilleure organisation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, sur l’article.

M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, faut-il le rappeler, la liberté et le pluralisme des médias constituent un élément essentiel de la démocratie et des droits fondamentaux des citoyens en Europe.

Ces principes sont garantis et contrôlés à l’échelle européenne. Le règlement européen sur la liberté des médias permet notamment de protéger ceux-ci contre les ingérences politiques dans les décisions éditoriales des fournisseurs de médias, tant privés que de service public.

M. Roger Karoutchi. Le sujet, c’est la holding !

M. Christian Redon-Sarrazy. Plus particulièrement, depuis le 8 février 2025, les autorités nationales n’ont plus le droit d’interférer avec les décisions éditoriales. Les médias publics doivent être financés selon des procédures transparentes et leurs objectifs de financement doivent être durables et prévisibles. Autant d’engagements auxquels la France a souscrit et qu’elle est tenue d’appliquer.

La protection des médias est également au cœur du plan d’action européen pour la démocratie que la Commission européenne a présenté en 2020 comme condition d’exercice de la démocratie.

Dans une démocratie saine et prospère, les citoyens européens doivent pouvoir avoir accès à des médias libres, exempts d’ingérence, que celle-ci soit nationale ou extérieure, en particulier durant les processus électoraux.

La protection des démocraties européennes contre les menaces et les effets néfastes de la désinformation, de la manipulation de l’information et des ingérences, en particulier de la part d’acteurs étrangers, a été l’une des priorités de l’Union européenne ces dernières années.

M. Max Brisson. C’est hors sujet ! Obstruction !

M. Christian Redon-Sarrazy. Les démocraties du monde entier sont confrontées à une prolifération d’opérations de désinformation et d’ingérence étrangère, susceptibles de déstabiliser les institutions démocratiques et d’exacerber les divisions de la société, sapant ainsi la confiance des citoyens et la garantie des processus électoraux démocratiques. Continuer à assurer un service public fort et de qualité doit être considéré comme une garantie contre ces manipulations de l’information et pour l’accès à une information éclairée et indépendante. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)

M. Max Brisson. Quel est le rapport avec l’article ?

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.

Mme Sylvie Robert. Nous entamons l’examen de l’article 1er, dont l’objet est de créer la société France Médias, « super-holding » dotée d’un « super-PDG ».

En agissant de la sorte, vous prenez vraiment le risque d’affaiblir la pluralité des voix et des lignes éditoriales de l’audiovisuel public, sous couvert d’une convergence, pour ne pas dire d’une uniformisation, aux contours très flous.

En effet, les professionnels nous le disent, la radio n’est pas la télévision. Chacune des entités de l’audiovisuel public, chaîne ou station, a développé une identité propre, respectueuse de ses spécificités et d’approches journalistiques tout à fait singulières ; c’est heureux. La radio, la télévision et l’audiovisuel public extérieur ont des lignes éditoriales distinctes, qui s’adressent à des publics différents. Il est essentiel de préserver cette diversité ; il faut éviter de la gommer par une approche tout simplement gestionnaire et uniforme.

C’est bien en cela que nous sommes en total désaccord avec vous. Comment cette super-holding pourrait-elle conserver cette diversité, ne pas aller vers l’uniformisation ?

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C’est dans le texte !

Mme Sylvie Robert. Le choix d’un PDG unique soulève également un enjeu démocratique majeur. C’est assez intéressant : Laurence Bloch est bien consciente de ce tiraillement dans la superstructure, puisqu’elle essaie de prévenir les dérives potentielles que causerait la « toute-puissance » de ce PDG, tout en précisant qu’il est impératif que celui-ci dispose de larges prérogatives et même d’un pouvoir de conviction, qui serait essentiel pour la réussite du projet.

Ne voyez-vous pas là une contradiction avec le modèle proposé ? En tout cas, l’idée de regrouper les diverses entités de l’audiovisuel public sous une holding témoigne d’une vision assez simpliste de la réalité, alors même que celle-ci est complexe.

Le rapporteur nous l’a dit, la radio et la télévision sont confrontées à des enjeux multiples. La mère des batailles, c’est sûrement le numérique, mais c’est surtout la production de contenu.

M. le président. Merci de conclure, ma chère collègue.

Mme Sylvie Robert. Et pour cela, il faut un budget. Nous verrons dans la suite du débat si vous êtes à la hauteur de cet enjeu. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l’article.

Mme Karine Daniel. L’article 1er instaure France Médias, une société holding, ou compagnie financière, chargée de coordonner France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA. Sur le papier : cohérence, mutualisation, complémentarité ; dans les faits : une recentralisation verticale, problématique pour le respect de l’indépendance et du pluralisme de l’information.

Le PDG de France Médias, nommé par l’Arcom sur la base d’un projet unique, concentrera tous les pouvoirs exécutifs. Mais quelle est la place des rédactions dans cette construction ? Où sont les contre-pouvoirs ? Quelles garanties y a-t-il face aux pressions politiques, dans un paysage déjà fragilisé par la suppression de la redevance ?

En affaiblissant les marges de manœuvre propres à chaque entité, cette réforme prend le risque de lisser les lignes éditoriales et de rompre avec l’exigence de diversité qui fonde le service public.

Kofi Annan le rappelait : une presse libre est l’un des piliers de toute société démocratique. Ce principe vaut aussi pour le service public audiovisuel. Et, comme le rappelle le Conseil de l’Europe, le pluralisme ne se résume pas à la coexistence de plusieurs médias : il implique une diversité de contenus, de voix et de regards.

Le pluralisme, mes chers collègues, ne se gère pas depuis un bureau central. Il se garantit en assurant l’autonomie des rédactions, en protégeant leur indépendance, en leur donnant les moyens de produire une information et des contenus libres, une information exigeante au service de toutes et tous.

Nous ne nous opposons pas par principe à une meilleure coordination, mais celle-ci ne saurait se faire au prix d’une gouvernance technocratique, concentrée et opaque. Oui à un audiovisuel public fort, non à un audiovisuel public plus vulnérable !

C’est pourquoi nous défendrons des amendements visant à encadrer la gouvernance, à renforcer les garanties d’indépendance et à faire de cette réforme, si réforme il doit y avoir, un projet plus démocratique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.

Mme Laurence Rossignol. J’essaie de comprendre quel est le lien entre, d’une part, les différentes ambitions, aspirations et critiques exprimées par ceux de nos collègues qui soutiennent cette proposition de loi et, d’autre part, la création d’une holding. Pardonnez-moi, mais la traduction n’est pas évidente !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Vous n’y connaissez rien !

Mme Laurence Rossignol. Je voudrais faire plusieurs remarques sur certains des arguments que j’ai entendus.

Premièrement, on nous dit qu’il faudrait être concurrentiel vis-à-vis d’autres regroupements. Et l’exemple invoqué était le rapprochement entre TF1 et Netflix. Pardonnez-moi, mais cela n’a rien à voir avec le service public de l’audiovisuel,…

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !

Mme Laurence Rossignol. … à moins que vous n’entendiez ensuite fusionner notre audiovisuel public avec des plateformes américaines, de manière à donner encore plus de place aux États-Unis dans la vie culturelle française !

Deuxièmement, vous nous avez accusés tout à l’heure de vivre dans la nostalgie du service public. Il se trouve que je suis une grande consommatrice de radio et de télévision. Sur la plateforme internet de France Télévisions, je trouve à la fois des séries, des documentaires, des magazines d’investigation et des films en grande quantité. J’écoute aussi les podcasts de Radio France. Et croyez-moi, il y a là de la diversité !

La question de l’attractivité des médias pour la jeunesse ne se réglera pas par la création d’une holding. Mais un autre sujet se pose, celui de l’impartialité et de la neutralité, sur lequel on reviendra probablement dans le débat. Je ne comprends pas en quoi la concentration que vous proposez garantirait plus d’impartialité et de neutralité. Celle-ci se trouve dans la diversité. Aujourd’hui, c’est la diversité des médias que sont les deux services publics audiovisuels France Télévisions et Radio France qui permet l’impartialité.

Ce que vous proposez, c’est la concentration : un chef, un rédacteur en chef de l’information pour l’ensemble des médias.

M. Max Brisson. Ce n’est pas vrai !

Mme Laurence Rossignol. Remarquez, c’est intéressant pour un ministre : il n’a plus qu’un seul coup de téléphone à donner quand il veut engueuler quelqu’un, au lieu d’en donner quatre !

M. Max Brisson. On ne peut pas dire n’importe quoi ! C’est de l’invention ! Il faut lire le texte !

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, sur l’article.

M. Thierry Cozic. Madame la ministre, certains de vos collègues considèrent que l’État de droit n’est ni intangible ni sacré. Or, en tant qu’ancienne eurodéputée, vous n’êtes pas sans savoir qu’il s’agit pourtant d’un des principes fondamentaux de l’Union européenne, que chaque État membre est tenu de respecter.

Je me permettrai de vous rappeler deux points. D’une part, aux termes de l’article 2 du traité sur l’Union européenne, l’État de droit fait partie des valeurs fondamentales de l’Union européenne. D’autre part, l’article 11, alinéa 2, de la Charte européenne des droits fondamentaux, dispose : « La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés. »

M. Max Brisson. C’est un cours de droit !

M. Thierry Cozic. La notion d’État de droit a certes longtemps été cantonnée au fonctionnement de la justice et à la prévention du risque d’arbitraire. Toutefois, en se référant à l’article 2 du traité sur l’Union européenne, l’article 7 du même traité en a élargi la définition, en la liant au respect des valeurs fondamentales, qui incluent le pluralisme des médias.

La Commission européenne qualifie désormais le pluralisme et la liberté des médias de « vecteurs essentiels de la primauté du droit, de la responsabilité démocratique et de la lutte contre la corruption ».

M. Max Brisson. Quel rapport ?

M. Roger Karoutchi. Application du règlement !

M. Thierry Cozic. Ils sont pris en compte dans son évaluation de l’État de droit dans chaque État membre, que ce soit en matière d’indépendance des autorités de régulation, de propriété des médias, de publicité publique, de sécurité des journalistes et d’accès à l’information.

Or, dans ses trois derniers rapports annuels sur l’État de droit en Europe, la Commission européenne épingle la France : certes, elle considère que la liberté d’information reste assurée dans l’état actuel des services publics de l’audiovisuel, mais elle s’inquiète de l’impact de la concentration des médias sur cette liberté, ainsi que de l’uniformisation de la ligne éditoriale et de l’information.

M. Max Brisson. Quel rapport avec l’article 1er ?

M. Thierry Cozic. Le projet de holding, tel qu’il est présenté aujourd’hui, madame la ministre, ignorerait donc ces recommandations formulées depuis plusieurs années déjà par la Commission européenne.

M. Max Brisson. Quelle imagination !

M. Thierry Cozic. C’est une mise en cause peu reluisante puisque les mêmes reproches sont adressés aujourd’hui à la Hongrie et à la Pologne. Nous ne pouvons accepter une telle fragilisation de notre modèle démocratique ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. David Ros, sur l’article.

M. David Ros. Je ne remets pas en cause l’ensemble du travail mené au Sénat sur l’audiovisuel public, sur les constats qu’il a faits, ni la volonté – que nous partageons tous – de garantir un service audiovisuel indépendant et fort.

Où réside donc le problème ?

Pour y répondre, permettez-moi d’évoquer deux coutumes.

La première est celle de la commission de la culture, présidée par notre excellent collègue Laurent Lafon. Cette commission se distingue habituellement par un travail ouvert, attentif aux amendements, soucieux d’entendre toutes les voix, dans un esprit de pluralisme et de diversité. Hélas ! cela n’a pas été possible cette fois-ci, non par sa faute, mais en raison de l’accélération de la procédure.

La deuxième coutume est celle du port de la cravate. Pour ma part, je la porte non parce que la coutume l’exige, mais parce que j’adore ça ! Elle me semble aussi une manière d’exprimer la diversité et le pluralisme. (Sourires sur les travées du groupe SER.)

La question posée est bien celle du pluralisme, garant de l’indépendance. Celui-ci se manifeste à travers plusieurs interrogations soulevées : la nomination d’un PDG, l’existence – assumée ou non – d’une ligne éditoriale unique, le budget, le coût de la structure.

À ce sujet, je m’étonne que mes collègues de la commission de la culture utilisent le mot « holding » pour qualifier cette organisation : n’existe-t-il aucun équivalent en français ?

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ce n’est pas faux…

M. David Ros. S’ajoute enfin le manque d’études d’impact.

J’ai entendu parler de fusion. En physique, la fusion est un instrument d’efficacité qui permet de produire de l’énergie. C’est évidemment une solution que je soutiens. Mais attention : la fusion produit une forme unique d’énergie, non une pluralité de formes.

Enfin, l’une des grandes forces de l’audiovisuel réside aussi dans le cinéma. L’un de nos collègues a convoqué Mary Poppins pour décrire la ministre, presque assimilée à une Wonder woman dans un spectacle de David Copperfield.

M. Max Brisson. Pas d’attaques personnelles !

M. David Ros. Prenons garde que cet article 1er ne se termine en Grande Illusion, voire en Grande Arnaque ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l’article.

M. Yannick Jadot. J’ai un véritable problème de partialité.