M. Roger Karoutchi. Le sujet, c'est la holding !

M. Christian Redon-Sarrazy. Plus particulièrement, depuis le 8 février 2025, les autorités nationales n'ont plus le droit d'interférer avec les décisions éditoriales. Les médias publics doivent être financés selon des procédures transparentes et leurs objectifs de financement doivent être durables et prévisibles. Autant d'engagements auxquels la France a souscrit et qu'elle est tenue d'appliquer.

La protection des médias est également au cœur du plan d'action européen pour la démocratie que la Commission européenne a présenté en 2020 comme condition d'exercice de la démocratie.

Dans une démocratie saine et prospère, les citoyens européens doivent pouvoir avoir accès à des médias libres, exempts d'ingérence, que celle-ci soit nationale ou extérieure, en particulier durant les processus électoraux.

La protection des démocraties européennes contre les menaces et les effets néfastes de la désinformation, de la manipulation de l'information et des ingérences, en particulier de la part d'acteurs étrangers, a été l'une des priorités de l'Union européenne ces dernières années.

M. Max Brisson. C'est hors sujet ! Obstruction !

M. Christian Redon-Sarrazy. Les démocraties du monde entier sont confrontées à une prolifération d'opérations de désinformation et d'ingérence étrangère, susceptibles de déstabiliser les institutions démocratiques et d'exacerber les divisions de la société, sapant ainsi la confiance des citoyens et la garantie des processus électoraux démocratiques. Continuer à assurer un service public fort et de qualité doit être considéré comme une garantie contre ces manipulations de l'information et pour l'accès à une information éclairée et indépendante. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)

M. Max Brisson. Quel est le rapport avec l'article ?

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l'article.

Mme Sylvie Robert. Nous entamons l'examen de l'article 1er, dont l'objet est de créer la société France Médias, « super-holding » dotée d'un « super-PDG ».

En agissant de la sorte, vous prenez vraiment le risque d'affaiblir la pluralité des voix et des lignes éditoriales de l'audiovisuel public, sous couvert d'une convergence, pour ne pas dire d'une uniformisation, aux contours très flous.

En effet, les professionnels nous le disent, la radio n'est pas la télévision. Chacune des entités de l'audiovisuel public, chaîne ou station, a développé une identité propre, respectueuse de ses spécificités et d'approches journalistiques tout à fait singulières ; c'est heureux. La radio, la télévision et l'audiovisuel public extérieur ont des lignes éditoriales distinctes, qui s'adressent à des publics différents. Il est essentiel de préserver cette diversité ; il faut éviter de la gommer par une approche tout simplement gestionnaire et uniforme.

C'est bien en cela que nous sommes en total désaccord avec vous. Comment cette super-holding pourrait-elle conserver cette diversité, ne pas aller vers l'uniformisation ?

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C'est dans le texte !

Mme Sylvie Robert. Le choix d'un PDG unique soulève également un enjeu démocratique majeur. C'est assez intéressant : Laurence Bloch est bien consciente de ce tiraillement dans la superstructure, puisqu'elle essaie de prévenir les dérives potentielles que causerait la « toute-puissance » de ce PDG, tout en précisant qu'il est impératif que celui-ci dispose de larges prérogatives et même d'un pouvoir de conviction, qui serait essentiel pour la réussite du projet.

Ne voyez-vous pas là une contradiction avec le modèle proposé ? En tout cas, l'idée de regrouper les diverses entités de l'audiovisuel public sous une holding témoigne d'une vision assez simpliste de la réalité, alors même que celle-ci est complexe.

Le rapporteur nous l'a dit, la radio et la télévision sont confrontées à des enjeux multiples. La mère des batailles, c'est sûrement le numérique, mais c'est surtout la production de contenu.

M. le président. Merci de conclure, madame la présidente.

Mme Sylvie Robert. Et pour cela, il faut un budget. Nous verrons dans la suite du débat si vous êtes à la hauteur de cet enjeu. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l'article.

Mme Karine Daniel. L'article 1er instaure France Médias, une société holding, ou compagnie financière, chargée de coordonner France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA. Sur le papier : cohérence, mutualisation, complémentarité ; dans les faits : une recentralisation verticale, problématique pour le respect de l'indépendance et du pluralisme de l'information.

Le PDG de France Médias, nommé par l'Arcom sur la base d'un projet unique, concentrera tous les pouvoirs exécutifs. Mais quelle est la place des rédactions dans cette construction ? Où sont les contre-pouvoirs ? Quelles garanties y a-t-il face aux pressions politiques, dans un paysage déjà fragilisé par la suppression de la redevance ?

En affaiblissant les marges de manœuvre propres à chaque entité, cette réforme prend le risque de lisser les lignes éditoriales et de rompre avec l'exigence de diversité qui fonde le service public.

Kofi Annan le rappelait : une presse libre est l'un des piliers de toute société démocratique. Ce principe vaut aussi pour le service public audiovisuel. Et, comme le rappelle le Conseil de l'Europe, le pluralisme ne se résume pas à la coexistence de plusieurs médias : il implique une diversité de contenus, de voix et de regards.

Le pluralisme, mes chers collègues, ne se gère pas depuis un bureau central. Il se garantit en assurant l'autonomie des rédactions, en protégeant leur indépendance, en leur donnant les moyens de produire une information et des contenus libres, une information exigeante au service de toutes et tous.

Nous ne nous opposons pas par principe à une meilleure coordination, mais celle-ci ne saurait se faire au prix d'une gouvernance technocratique, concentrée et opaque. Oui à un audiovisuel public fort, non à un audiovisuel public plus vulnérable !

C'est pourquoi nous défendrons des amendements visant à encadrer la gouvernance, à renforcer les garanties d'indépendance et à faire de cette réforme, si réforme il doit y avoir, un projet plus démocratique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l'article.

Mme Laurence Rossignol. J'essaie de comprendre quel est le lien entre, d'une part, les différentes ambitions, aspirations et critiques exprimées par ceux de nos collègues qui soutiennent cette proposition de loi et, d'autre part, la création d'une holding. Pardonnez-moi, mais la traduction n'est pas évidente !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Vous n'y connaissez rien !

Mme Laurence Rossignol. Je voudrais faire plusieurs remarques sur certains des arguments que j'ai entendus.

Premièrement, on nous dit qu'il faudrait être concurrentiel vis-à-vis d'autres regroupements. Et l'exemple invoqué était le rapprochement entre TF1 et Netflix. Pardonnez-moi, mais cela n'a rien à voir avec le service public de l'audiovisuel,…

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !

Mme Laurence Rossignol. … à moins que vous n'entendiez ensuite fusionner notre audiovisuel public avec des plateformes américaines, de manière à donner encore plus de place aux États-Unis dans la vie culturelle française !

Deuxièmement, vous nous avez accusés tout à l'heure de vivre dans la nostalgie du service public. Il se trouve que je suis une grande consommatrice de radio et de télévision. Sur la plateforme internet de France Télévisions, je trouve à la fois des séries, des documentaires, des magazines d'investigation et des films en grande quantité. J'écoute aussi les podcasts de Radio France. Et croyez-moi, il y a là de la diversité !

La question de l'attractivité des médias pour la jeunesse ne se réglera pas par la création d'une holding. Mais un autre sujet se pose, celui de l'impartialité et de la neutralité, sur lequel on reviendra probablement dans le débat. Je ne comprends pas en quoi la concentration que vous proposez garantirait plus d'impartialité et de neutralité. Celle-ci se trouve dans la diversité. Aujourd'hui, c'est la diversité des médias que sont les deux services publics audiovisuels France Télévisions et Radio France qui permet l'impartialité.

Ce que vous proposez, c'est la concentration : un chef, un rédacteur en chef de l'information pour l'ensemble des médias.

M. Max Brisson. Ce n'est pas vrai !

Mme Laurence Rossignol. Remarquez, c'est intéressant pour un ministre : il n'a plus qu'un seul coup de téléphone à donner quand il veut engueuler quelqu'un, au lieu d'en donner quatre !

M. Max Brisson. On ne peut pas dire n'importe quoi ! C'est de l'invention ! Il faut lire le texte !

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, sur l'article.

M. Thierry Cozic. Madame la ministre, certains de vos collègues considèrent que l'État de droit n'est ni intangible ni sacré. Or, en tant qu'ancienne eurodéputée, vous n'êtes pas sans savoir qu'il s'agit pourtant d'un des principes fondamentaux de l'Union européenne, que chaque État membre est tenu de respecter.

Je me permettrai de vous rappeler deux points. D'une part, aux termes de l'article 2 du traité sur l'Union européenne, l'État de droit fait partie des valeurs fondamentales de l'Union européenne. D'autre part, l'article 11, alinéa 2, de la Charte européenne des droits fondamentaux, dispose : « La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés. »

M. Max Brisson. C'est un cours de droit !

M. Thierry Cozic. La notion d'État de droit a certes longtemps été cantonnée au fonctionnement de la justice et à la prévention du risque d'arbitraire. Toutefois, en se référant à l'article 2 du traité sur l'Union européenne, l'article 7 du même traité en a élargi la définition, en la liant au respect des valeurs fondamentales, qui incluent le pluralisme des médias.

La Commission européenne qualifie désormais le pluralisme et la liberté des médias de « vecteurs essentiels de la primauté du droit, de la responsabilité démocratique et de la lutte contre la corruption ».

M. Max Brisson. Quel rapport ?

M. Roger Karoutchi. Application du règlement !

M. Thierry Cozic. Ils sont pris en compte dans son évaluation de l'État de droit dans chaque État membre, que ce soit en matière d'indépendance des autorités de régulation, de propriété des médias, de publicité publique, de sécurité des journalistes et d'accès à l'information.

Or, dans ses trois derniers rapports annuels sur l'État de droit en Europe, la Commission européenne épingle la France : certes, elle considère que la liberté d'information reste assurée dans l'état actuel des services publics de l'audiovisuel, mais elle s'inquiète de l'impact de la concentration des médias sur cette liberté, ainsi que de l'uniformisation de la ligne éditoriale et de l'information.

M. Max Brisson. Quel rapport avec l'article 1er ?

M. Thierry Cozic. Le projet de holding, tel qu'il est présenté aujourd'hui, madame la ministre, ignorerait donc ces recommandations formulées depuis plusieurs années déjà par la Commission européenne.

M. Max Brisson. Quelle imagination !

M. Thierry Cozic. C'est une mise en cause peu reluisante puisque les mêmes reproches sont adressés aujourd'hui à la Hongrie et à la Pologne. Nous ne pouvons accepter une telle fragilisation de notre modèle démocratique ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. David Ros, sur l'article.

M. David Ros. Je ne remets pas en cause l'ensemble du travail mené au Sénat sur l'audiovisuel public, sur les constats qu'il a faits, ni la volonté – que nous partageons tous – de garantir un service audiovisuel indépendant et fort.

Où réside donc le problème ?

Pour y répondre, permettez-moi d'évoquer deux coutumes.

La première est celle de la commission de la culture, présidée par notre excellent collègue Laurent Lafon. Cette commission se distingue habituellement par un travail ouvert, attentif aux amendements, soucieux d'entendre toutes les voix, dans un esprit de pluralisme et de diversité. Hélas ! cela n'a pas été possible cette fois-ci, non par sa faute, mais en raison de la l'accélération de la procédure.

La deuxième coutume est celle du port de la cravate. Pour ma part, je la porte non parce que la coutume l'exige, mais parce que j'adore çà ! Elle me semble aussi une manière d'exprimer la diversité et le pluralisme. (Sourires sur les travées du groupe SER.)

La question posée est bien celle du pluralisme, garant de l'indépendance. Celui-ci se manifeste à travers plusieurs interrogations soulevées : la nomination d'un PDG, l'existence – assumée ou non – d'une ligne éditoriale unique, le budget, le coût de la structure.

À ce sujet, je m'étonne que mes collègues de la commission de la culture utilisent le mot « holding » pour qualifier cette organisation : n'existe-t-il aucun équivalent en français ?

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ce n'est pas faux…

M. David Ros. S'ajoute enfin le manque d'études d'impact.

J'ai entendu parler de fusion. En physique, la fusion est un instrument d'efficacité qui permet de produire de l'énergie. C'est évidemment une solution que je soutiens. Mais attention : la fusion produit une forme unique d'énergie, non une pluralité de formes.

Enfin, l'une des grandes forces de l'audiovisuel réside aussi dans le cinéma. L'un de nos collègues a convoqué Mary Poppins pour décrire la ministre, presque assimilée à une wonder woman dans un spectacle de David Copperfield.

M. Max Brisson. Pas d'attaques personnelles !

M. David Ros. Prenons garde que cet article 1er se termine en Grande Illusion, voire en Grande Arnaque ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l'article.

M. Yannick Jadot. J'ai un véritable problème de partialité.

M. Jean-Raymond Hugonet. Ce n'est pas la première fois !

M. Yannick Jadot. Ce matin, à huit heures vingt, en écoutant la matinale de France Inter, Anne-Catherine Loisier intervenait sur les feux de forêt.

Mme Annick Billon. Elle n'était pas seule !

M. Yannick Jadot. Elle n'était pas seule, certes, mais aucun élu écologiste n'était présent. N'y a-t-il pas là un problème majeur ? Eh bien non ! Elle est compétente, elle s'exprimait, et c'est très bien. Qu'elle soit membre du groupe Union Centriste ou d'un autre, elle avait toute légitimité à être là.

Un deuxième point, déjà évoqué, mérite d'être souligné. J'entends, et je partage pleinement, l'idée selon laquelle la radio et la télévision doivent toucher l'ensemble de la société, en particulier les classes populaires. Pourtant, amorcer une réforme en créant une holding – un mot qui, dans l'esprit du grand public, évoque bien davantage la finance que le service public de l'audiovisuel – constitue, reconnaissons-le, un mauvais début.

Enfin, point essentiel qui touche à la conception de la démocratie, confondre contre-pouvoir et opposition est une sacrée interprétation de la démocratie et de l'État de droit ! Un contre-pouvoir n'est pas forcément une opposition. C'est plutôt une instance indépendante, non soumise au pouvoir : c'est ça l'enjeu !

Avec cette réforme, projetons-nous en 2027 et envisageons le pire : Marine Le Pen ou Jordan Bardella accède à la présidence de la République.

M. Roger Karoutchi. Mélenchon, pareil ! J'en ai plus peur !

M. Yannick Jadot. Vous aurez alors mis en place une ligne directe. Le Président de la République appellera le dirigeant de votre holding, qui mettra au pas l'ensemble des rédactions. Ils auront le groupe Bolloré et ils auront, par votre fait, l'audiovisuel public.

C'est précisément pour cette raison que nous nous y opposons. Nous réclamons l'indépendance, des contre-pouvoirs, une information de qualité et non une ligne directe avec l'Élysée ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l'article.

Mme Émilienne Poumirol. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été brillamment exposés par Sylvie Robert, mais également par la quasi-totalité de mes collègues, concernant le risque d'atteinte au pluralisme et les dangers démocratiques qui se cachent derrière la constitution d'une holding.

Après Laurence Rossignol, je m'interroge également sur la manière dont la création d'une holding permettra à la jeunesse – dont vous dites qu'elle n'écoute plus la radio – de quitter TikTok avant de se précipiter pour écouter Radio France. J'avoue que le lien ne me paraît pas très évident…

M. Max Brisson. Caricature !

Mme Émilienne Poumirol. Par cette intervention, je souhaite surtout aborder le volet financier et pointer l'ineptie budgétaire que représente la mise en place de cette nouvelle structure.

D'un côté, l'étude d'impact – qui n'en est pas vraiment une – de la DGMIC Réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public : évaluation de sa mise en œuvre indique que la création de la holding n'occasionnera aucun surcoût, les coûts RH globaux des équipes n'étant pas directement impactés.

De l'autre, le rapport de l'ancienne directrice de France Inter, Laurence Bloch, avance un chiffre de 30 millions d'euros liés à l'harmonisation sociale nécessaire au sein de cette même holding, s'appuyant sur un rapport de l'inspection générale des finances.

Dans un cas comme dans l'autre, nul besoin d'être grand mathématicien pour constater qu'il s'agit de calculs au doigt mouillé, qui sont rarement les plus fiables.

Les estimations des syndicats, obtenus lors des auditions, paraissent bien plus pertinentes. Le coût de la réforme est évalué à un minimum de 150 millions d'euros : 50 millions pour le fonctionnement, 30 millions pour la nécessaire convergence des systèmes informatiques et 70 millions pour le nécessaire rattrapage salarial.

Ces chiffres doivent être mis en perspective avec le bilan d'Emmanuel Macron. Depuis 2017, l'audiovisuel public a perdu 776 millions d'euros. Cette année encore, le budget a été amputé de 80 millions d'euros. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, sur l'article.

Mme Monique de Marco. Je souhaite répondre au rapporteur lorsqu'il a évoqué le vote, en urgence et en dernière minute, au mois de décembre, d'un financement de l'audiovisuel public par une fraction de TVA. Nous vous l'avons dit : ce vote a été unanime, certes, mais nous avons aussitôt considéré cette solution comme injuste. Elle est plus injuste sur le plan fiscal que ne l'était la contribution à l'audiovisuel public, car chacun contribuera désormais au financement. En outre, le montant affecté à l'audiovisuel public demeure fixé par le Parlement, dans le cadre du vote du projet de loi de finances.

Je m'abstiendrai d'aborder les aspects financiers, ma collègue Mme Poumirol les ayant parfaitement exposés.

Je souhaite plutôt revenir sur un élément découvert en relisant les débats de juin 2023. Votre prédécesseure, madame la ministre, Mme Rima Abdul-Malak, déclarait au sujet de l'article 1er de la proposition de loi de M. Lafon : « Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'indiquer lors de la discussion générale, je suis favorable aux amendements de suppression, puisque je suis défavorable à la création de cette holding. Oui à une nouvelle ambition de l'audiovisuel public pour les cinq prochaines années ! […] Oui à plus de souplesse, de concertation, d'avancées pragmatiques et ambitieuses ! Mais non à la bureaucratie ! » Ce ne sont pas mes propos !

Qu'est-ce qui, aujourd'hui, justifie un tel revirement de la position gouvernementale ? Qu'est-ce qui explique cet empressement soudain ? J'écoute, j'essaie de comprendre. Mais, je l'avoue, mon imagination s'épuise. Depuis le début des débats, vos intentions apparaissent pourtant assez clairement.

Lorsque j'entends, madame la ministre, des attaques portées contre ce qui se dit sur France Culture, ou M. Brisson critiquer je ne sais plus quelle émission, tout cela traduit bien l'objectif de ce texte : bâillonner l'ensemble de l'audiovisuel public. (MM. Roger Karoutchi et Claude Kern s'impatientent.)

M. Max Brisson. Pas du tout !

Mme Monique de Marco. Ce nouveau PDG ne sera pas un chef d'orchestre, ce sera un gendarme !

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter votre temps de parole. À défaut, je vous interromprai à la première seconde où celui-ci sera dépassé.

La parole est à Mme Annick Billon, sur l'article.

Mme Annick Billon. J'interviendrai brièvement pour réaffirmer que le groupe Union Centriste est attaché à l'audiovisuel public et au pluralisme. C'est précisément parce que nous y sommes attachés que nous souhaitons enfin débattre de ce texte.

Il est dix-neuf heures vingt-trois, nous avons dû subir trois heures d'obstruction – car c'est bien de cela qu'il s'agit. (M. Roger Karoutchi acquiesce. – Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Nous avons fait preuve de patience, espérant qu'à l'issue de la discussion générale nous pourrions entrer dans le vif du sujet.

Après quelque quinze prises de parole sur l'article 1er, auxquelles s'ajouteront encore plusieurs autres, force est de constater que nous faisons du surplace.

Mes chers collègues, nous voulons avancer sur ce texte, qui a fait l'objet d'un travail approfondi en amont, sous l'impulsion du président Laurent Lafon et d'autres avant lui. Il a d'ailleurs été adopté une première fois en 2023. On conviendra donc qu'en matière de précipitation, on a connu pire ! De fait, il n'y a pas de précipitation !

Oui, l'audiovisuel public doit être réformé afin d'être correctement outillé pour faire face à une concurrence nouvelle, inédite. Refuser de le réformer, c'est lui assurer une petite mort ! (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Oui, Anne-Catherine Loisier était ce matin sur France Inter pour débattre d'un sujet qu'elle connaît bien. Il n'y avait pas d'élu écologiste, mais l'écologie n'est pas le monopole d'un seul parti. Il est parfaitement possible d'en débattre sans avoir nécessairement un représentant du parti écologiste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l'article.

M. Simon Uzenat. Pour faire suite aux propos de notre collègue, je veux dire qu'il est tout à fait possible de parler de réforme sans suivre la même direction ni partager les mêmes ambitions pour l'audiovisuel public.

Depuis 2009, chacun peut constater le chemin que certains ici s'évertuent à emprunter. Les réformes sont claires, les choix aussi : on fusionne, on centralise, on réduit les moyens et l'on affaiblit, de fait, l'indépendance de nos médias publics. Les conséquences sont immédiatement vérifiables sur le terrain.

Je prendrai l'exemple des antennes régionales, notamment celle de France 3 en Bretagne, mais le constat vaut également pour d'autres régions – nombre de mes collègues, sur toutes ces travées, sont aussi attachés que moi aux cultures régionales et à leur valorisation à travers les médias. Qu'en sera-t-il demain, avec la création de cette holding, alors que les réformes engagées depuis 2009 ont déjà entraîné une compression des effectifs, une réduction des moyens et un recul de la couverture territoriale ? Les programmes en langue bretonne, par exemple, ont été très singulièrement réduits, voire ont quasiment disparu. Ces tendances sont à l'œuvre depuis plusieurs années et ne feront que s'amplifier avec la réforme que vous portez.

Nous sommes ici dans la chambre des territoires. À ce titre, il nous revient de donner à voir les cultures régionales. Peut-on sérieusement penser que le secteur privé remplira cette mission ? Est-ce lui qui valorisera nos langues et nos cultures régionales ? Cela est-il rentable ? Bien évidemment, non. Est-ce indispensable à la cohésion nationale et à la vie de notre pays ? Oui, nous le redisons avec force ! C'est l'une des missions de l'audiovisuel public.

L'organisation que vous proposez aujourd'hui éloignera définitivement des dirigeants de cet objectif, car ils n'auront absolument rien à faire de ces réalités territoriales que nous devons, en tant que parlementaires représentants des territoires, défendre avec la plus totale résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, sur l'article.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. On nous présente cette réforme, la création de cette fameuse holding France Médias, comme une simple organisation, un réajustement technique visant une meilleure coordination. En réalité, ce que nous avons sous les yeux est un procès à charge contre l'audiovisuel public : un procès idéologique, politique, budgétaire et presque culturel.

Mme Annick Billon. C'est faux !

M. Claude Kern. Pas du tout !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. On nous explique qu'il faut moderniser, rationaliser, mutualiser. Derrière ces mots se cache une volonté claire : mettre au pas, resserrer les boulons et faire taire ceux qui dérangent.

Ce projet part non pas d'un amour du service public, mais d'une suspicion permanente à son égard. Il part du postulat que les journalistes coûtent trop cher, que les reportages sont trop libres, que les rédactions échappent au contrôle et qu'il faut y mettre de l'ordre !

Pour cela, on invente cette holding, une structure hiérarchique et centralisée, où l'État prend encore plus de place, où un président tout-puissant aura le dernier mot sur des directions jusqu'alors autonomes, où la logique de l'entreprise s'imposera à celle de l'indépendance.

Ce texte, mes chers collègues, n'est pas une réforme : c'est une mise sous tutelle. C'est un signal envoyé aux rédactions pour leur dire : « Tenez-vous bien ! »

C'est une réponse autoritaire à des journalistes qui veulent encore faire leur travail et à des antennes qui résistent aux injonctions des puissants.

Le service public n'est pas une variable d'ajustement : c'est un pilier, c'est une voix indépendante, critique et ancrée dans les territoires. Ce texte cherche à l'étouffer. Nous ne pouvons donc que nous y opposer frontalement.

La proximité existe, et France Télévisions joue cette carte dans l'ensemble des outre-mer. Et vous, vous tentez aujourd'hui de l'effacer. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, sur l'article.

M. Rémi Cardon. Ce texte fait l'unanimité contre lui. (Marques de contestation sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Cinq anciens ministres de la culture, issus de sensibilités politiques diverses – Rima Abdul-Malak, Roselyne Bachelot, que vous connaissez très bien, Fleur Pellerin, Renaud Donnedieu de Vabres et Jacques Toubon – se sont opposés à cette réforme. Ce n'est pas rien : ce sont des voix d'expérience, venues de la gauche comme de la droite. Je n'y peux rien…

Les salariés de l'audiovisuel public, eux-mêmes, tirent la sonnette d'alarme. Plus de 100 000 citoyens ont déjà signé une pétition. Plus de 2 000 élus locaux – maires, conseillers municipaux, départementaux, régionaux, présidents de région – ont exprimé leur refus. Ce rejet s'est également traduit par l'adoption de nombreux vœux de soutien à l'audiovisuel public dans les assemblées locales.

Non, ce débat n'est pas une posture. Ce n'est pas non plus une question purement technique réservée aux spécialistes : il s'agit d'un enjeu démocratique majeur. Derrière cette réforme, il existe un risque concret d'affaiblir des médias indépendants – cela a été dit –, de menacer la diversité culturelle et de rompre le lien entre nos concitoyens et leur service public. D'ailleurs, vous avez déjà ouvert cette brèche en supprimant la redevance.

C'est la raison pour laquelle il nous faut nous battre et débattre, ce soir, demain, après-demain, aussi longtemps qu'il le faudra, car le sujet est trop important.

M. Max Brisson. On a tout le temps !

M. Roger Karoutchi. Comme vous voudrez ! Je ne pars pas en vacances.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, sur l'article.

Mme Mélanie Vogel. Je souhaitais répondre brièvement à Annick Billon. Je me réjouis qu'elle soit finalement en parfait accord avec Yannick Jadot, qui a déclaré qu'il était heureux que la matinale de France Inter ait eu lieu et qu'il trouvait tout à fait normal que notre collègue Anne-Catherine Loisier ait pu y débattre d'écologie.

Je me permets néanmoins de rappeler que le parcours législatif de ce texte a été, jusqu'à présent, une véritable catastrophe. Il a été reporté à trois reprises à l'Assemblée nationale, puis rejeté par cette même assemblée, dénoncé par plusieurs anciens ministres de la culture issus de tous les horizons politiques.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Blablabla !