Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. D’abord, monsieur Jomier, c’est la commission qui a déposé cet amendement, après avoir constaté qu’il y avait un problème important à régler pour l’Acoss. Nous avons donc proposé au Gouvernement de transférer 15 milliards d’euros à la Cades, afin que ce ne soit plus l’Acoss qui emprunte directement. Nous avons en effet estimé qu’il fallait apporter des soins palliatifs à la sécurité sociale, pour éviter de devoir lui fournir plus tard une aide active à mourir… (Murmures sur les travées du groupe SER.) Et si ce que je dis vous gêne, je m’en fiche ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Ensuite, madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de dix minutes après la mise aux voix de ces amendements, afin que la commission et le Gouvernement puissent harmoniser le reste des amendements.
Mme la présidente. La suspension est de droit quand la demande émane du président de la commission, mon cher collègue.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1870 et 1871.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures cinquante.)
Mme la présidente. L’amendement n° 1455 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub, MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville et Kern, Mmes Romagny et Saint-Pé et MM. Dhersin, Duffourg, Longeot et Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le quatrième alinéa du I de l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale est supprimé
II. – Le 4° de l’article 6 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est abrogé.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement de notre collègue Michel Canévet vise à mettre fin à une dérive qui affaiblit notre système de retraite, à savoir le détournement progressif de la mission du fonds de réserve pour les retraites (FRR), comme l’a souligné Sylvie Vermeillet dans son rapport spécial sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d’affectation spéciale « Pensions ». Il s’agit donc de mettre fin aux versements du FRR à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, afin de restaurer la mission originelle de celui-ci.
Ce fonds, créé par la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel, avait pour mission initiale de constituer des réserves financières destinées à contribuer à l’équilibre du régime général de retraite et des régimes alignés, et à assurer la stabilisation du système de retraites face aux générations surnuméraires. Ce mécanisme devait permettre de lisser les effets démographiques à long terme et de garantir la soutenabilité du système par répartition.
Or, depuis la réforme des retraites de 2010, la mission du FRR a profondément évolué. Le fonds s’est vu confier la tâche de verser chaque année 2,1 milliards d’euros à la Cades pour participer à l’amortissement de la dette sociale, montant ramené à 1,45 milliard d’euros le 1er janvier 2025. Ces transferts, qui financent principalement des dépenses de la branche maladie, ont progressivement détourné le FRR de son objectif initial et ont conduit à une érosion significative de ses ressources : en dix ans, l’actif géré par le fonds a été presque divisé par deux.
Au travers de cet amendement, nous proposons de mettre fin à ces transferts et de restaurer la mission originelle du FRR : préparer l’avenir des retraites et non combler les déficits passés de l’assurance maladie. C’est une mesure de cohérence et de responsabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions prévoyant que le fonds de réserve pour les retraites alloue un peu plus de 1,4 milliard d’euros par an à la Caisse d’amortissement de la dette sociale ; ce montant était d’ailleurs beaucoup plus important voilà quelques années.
Toutefois, cette somme garantit la solvabilité de la Cades ; d’où l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous l’avez souligné, madame la sénatrice, depuis la réforme de 2010, la vocation du FRR n’est plus d’accumuler des réserves pour absorber un choc démographique, puisque ce fonds est chargé de gérer de manière performante les actifs qui lui ont été confiés ; et, de fait, c’est un fonds performant.
Toutefois, vous le savez, notre cadre organique relatif à la dette sociale limite notre capacité à réduire les recettes affectées à la Cades. Aussi, en cohérence avec l’amendement n° 1870 de la commission, qui vient d’être adopté, il me semble logique de vous demander de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je devrai émettre un avis défavorable à son sujet.
Mme la présidente. Madame Sollogoub, l’amendement n° 1455 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nadia Sollogoub. C’est un amendement d’appel, il va être retiré, madame la présidente.
Néanmoins, notre collègue Michel Canévet a raison d’appeler l’attention de tous sur une dérive préjudiciable, car l’avenir de notre système de retraite est compromis. Il est malheureux que ce système ait été détourné de sa vocation initiale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes bien d’accord !
Mme Nadia Sollogoub. Cela étant dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1455 rectifié bis est retiré.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je le reprends !
Mmes Émilienne Poumirol et Laurence Rossignol. Très bien !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 1455 rectifié ter, présenté par Mme Raymonde Poncet Monge et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 1455 rectifié bis.
Vous avez la parole pour le défendre, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il faut en effet revenir à l’objet initial du FRR : passer la bosse démographique, prévenir la dégradation du rapport démographique.
Remarquez d’ailleurs que le FRR – institué sous M. Jospin – fonctionnait, dans un système par répartition, comme le système par capitalisation que vous voulez établir : on faisait des réserves sous la forme d’actifs financiers que l’on plaçait et qui rapportaient des revenus. Simplement, il avait vocation à « passer la bosse » et devait à terme diminuer son activité à mesure que l’on passerait cette bosse.
Avec un tel système, on aurait largement évité de devoir instaurer une couche de capitalisation, parce que cela fonctionnait de la même manière. Du reste, il avait un rendement très important.
On a d’ailleurs calculé que, si l’on avait continué de l’alimenter au lieu de le piller pour faire autre chose, il aurait constitué un apport très important qui aurait permis de réduire massivement le déficit de la branche.
Ainsi, il fonctionnait selon le même principe qu’un système par capitalisation et je crois que c’est pour cela qu’on l’a pillé, parce que cela évitait de recourir à un étage de capitalisation. Et c’est cela que ceux qui étaient au pouvoir en 2010 ont voulu en quelque sorte supprimer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous voulions aussi reprendre cet amendement.
Le FRR a été créé par Lionel Jospin, qui, lui, avait anticipé la trajectoire des retraites et avait bien vu qu’arrivait le mur de vieillissement que nous connaissons. Aussi, il avait conçu en 2001 un fonds de réserve pour passer cette « bosse démographique » ; il s’agissait en effet d’argent placé, assurant un rendement, qui permettait à l’évidence de passer, au cours des années 2020-2025, le départ en retrait du baby-boom des années 1945-1950.
Je regrette vraiment que, en 2010, on ait choisi, voyant cet argent – « On ne sait pas ce qu’il fait, il dort » –, de le prendre pour alimenter le budget de la sécurité sociale. C’est un véritable détournement ! Je trouve donc normal que l’on veuille redonner au FRR son rôle premier.
La mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) avait entendu ses dirigeants en audition, au cours des travaux de la mission d’information sur le financement de la sécurité sociale dont Mmes Doineau et Poncet Monge étaient rapporteures. Ils nous avaient alors indiqué qu’ils n’avaient plus la capacité à passer cette bosse démographique, parce que le FRR a été pillé pendant quinze ans.
Il convient donc de lui redonner son rôle premier : c’est un fonds de réserve pour les retraites.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1455 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 16
Sont habilités en 2026 à recourir à des ressources non permanentes afin de couvrir les besoins de financement des régimes dont ils gèrent la trésorerie les organismes mentionnés dans le tableau ci-dessous, dans les limites indiquées :
(En millions d’euros) |
|
Encours limites |
|
Agence centrale des organismes de sécurité sociale |
83 000 |
Caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire |
360 |
Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines |
450 |
Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales |
13 400 |
– (Adopté.)
Article 16 bis (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L. 139-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « an », il est inséré le mot : « , prioritairement » ;
2° Après le mot : « consignations », il est inséré le mot : « subsidiairement ».
Mme la présidente. L’amendement n° 633, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet article a été ajouté par l’Assemblée nationale et nous proposons de le supprimer, car son dispositif ne correspond pas à l’intention de ses auteurs.
Ces derniers souhaitent que l’Acoss se finance prioritairement auprès de la Caisse des dépôts et consignations et subsidiairement sur les marchés. C’est ce qui est arrivé au moment de la crise sanitaire : quand la dette a été trop importante, l’Acoss s’est tournée vers la Caisse des dépôts et consignations et vers un pool, un groupement, de banques.
Toutefois, cela ne correspond pas à la rédaction de cet article, qu’il convient donc de supprimer. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La Caisse des dépôts et consignations est une entité publique assimilable à un établissement bancaire. Les conditions de taux actuellement proposées par les établissements bancaires, même la CDC, seraient plus coûteuses pour la sécurité sociale que l’émission de titres de court terme sur les marchés financiers. La charge des intérêts payés par l’Acoss étant répartie entre les branches de la sécurité sociale en fonction de leur solde prévisionnel, celle-ci a donc tout intérêt à recourir aux financements les moins coûteux.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur votre amendement, madame la rapporteure générale.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 16 bis est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Article 14 (précédemment réservé)
Pour l’année 2026 est approuvé le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
|
(En milliards d’euros) |
|||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
255,0 |
267,5 |
-12,5 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
17,1 |
18,0 |
-1,0 |
Vieillesse |
304,5 |
307,5 |
-3,0 |
Famille |
60,1 |
59,4 |
0,7 |
Autonomie |
41,8 |
43,5 |
-1,7 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
659,5 |
676,9 |
-17,5 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1188 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1569 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 1188.
Mme Marianne Margaté. Par cet amendement de suppression, nous exprimons notre très vive inquiétude quant au tableau d’équilibre prévu pour les différentes branches de la sécurité sociale en 2026. Avec de telles perspectives de dépenses et de recettes, nous sommes très loin de répondre aux besoins de financement de la sécurité sociale, comme aux besoins sociaux et de santé de la population.
Nous sommes très loin également d’un rétablissement pérenne des comptes sociaux, d’une remise à flot de nos hôpitaux et de nos Ehpad et d’une répartition équitable des efforts. De fait, le PLFSS pour 2026 repose sur une compression des dépenses de santé à hauteur de 6 milliards d’euros, sur un gel des prestations sociales et sur une sous-indexation des pensions de retraite. Nous refusons l’ensemble de ces choix, dépourvus de justice sociale, qui s’attaquent aux plus fragiles pour préserver les plus forts.
Pour toutes ces raisons et parce que nous savons pertinemment que ce budget exige d’être soutenu par une politique de santé publique et non d’être sous-tendu par la seule obsession de réduire un déficit public global, nous n’adhérons pas aux objectifs de dépenses et de recettes prévus pour 2026. Tel est le sens de notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1569.
Mme Anne Souyris. Par cet amendement de suppression, nous souhaitons nous opposer au tableau d’équilibre de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement. Les dépenses affichées ne permettent absolument pas de répondre aux défis auxquels la sécurité sociale est confrontée : vieillissement de la population, inflation ou encore hausse du nombre de maladies chroniques.
En réalité, c’est toute la trajectoire budgétaire pour 2026 que nous contestons. Le déficit annoncé pour l’année prochaine, de 17,5 milliards d’euros, n’est pas un hasard ; il est largement lié aux exonérations massives de cotisations sociales, souvent non compensées par l’État, qui affaiblissent les comptes sociaux.
Nous partageons l’objectif d’un équilibre des finances de la sécurité sociale, mais pas au prix d’une réduction continue des moyens indispensables au fonctionnement de notre modèle social. Il n’est pas possible d’invoquer l’amélioration du solde pour justifier des mesures de casse sociale comme le gel des prestations, la hausse des franchises ou encore le sous-financement des soins.
Au contraire, le groupe écologiste défend des mesures plus justes socialement. Pour n’en citer que deux, il propose de faire davantage contribuer les plus hauts revenus et de réduire le plus possible les niches sociales et les dispositifs d’exonération de cotisations sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Par ces amendements, vous proposez de supprimer l’article 14. Celui-ci, pourtant, doit figurer obligatoirement dans les lois de financement de la sécurité sociale. Si vous n’êtes pas d’accord avec le tableau d’équilibre qui vous est soumis, je respecte ce choix, mais une suppression vouerait l’ensemble du texte à une censure.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Il est défavorable. J’aurai l’occasion de revenir sur l’actualisation des tableaux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1188 et 1569.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1873, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(en milliards d’euros) |
|||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Maladie |
254,7 |
268,6 |
-13,9 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
17,2 |
18,1 |
-0,9 |
Vieillesse |
308,7 |
310,5 |
-1,8 |
Famille |
60,4 |
59,7 |
0,7 |
Autonomie |
42,0 |
43,5 |
-1,5 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
663,9 |
681,4 |
-17,5 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Cet amendement vise à assurer une première coordination des votes intervenus depuis le début de l’examen de ce PLFSS par la Haute Assemblée.
Le déficit résultant du texte transmis au Sénat, tenant compte des débats à l’Assemblée nationale, était de 23,5 milliards d’euros. Le solde tel qu’il résulte des amendements que vous avez adoptés serait proche de 17,5 milliards d’euros, soit un niveau qui ne serait pas éloigné du chiffre initial. Je tiens notamment compte du rétablissement de l’article 6, pour 300 millions d’euros, de l’article 7, avec un taux revu, pour un rendement de 1 milliard d’euros, et d’une partie des mesures de rationalisation sur les exonérations spécifiques, ainsi que de la suppression de l’article visant à rehausser le taux de la CSG sur les revenus du capital, chiffré à 2,8 milliards d’euros, et de plusieurs niches nouvelles, introduites par l’Assemblée nationale.
En toute transparence, j’indique que ce solde intègre également de manière forfaitaire la hausse du temps de travail que vous avez adoptée ce matin, soit environ 2 milliards d’euros d’« effet Robss ». Les répercussions, notamment macroéconomiques, d’une telle évolution n’ont pu faire l’objet d’une estimation fine en quelques heures ; nous essaierons d’améliorer l’évaluation d’ici à la fin des débats.
Toujours dans un souci de transparence, je précise que ce solde ne tient pas compte des votes qui interviendront ultérieurement, dans la troisième partie : le Gouvernement ne peut, par définition, anticiper. Il nous reviendra donc d’ajuster encore ces articles dédiés au chiffrage d’ici à la fin de l’examen du texte, mais je souhaitais vous donner l’état des soldes à ce stade.
M. le président. L’amendement n° 1760, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
I. – Deuxième colonne
1° Cinquième ligne
Remplacer le nombre :
60,1
par le nombre :
60,5
2° Dernière ligne
Remplacer le nombre :
659,5
par le nombre :
659,9
II. – Dernière colonne
1° Cinquième ligne
Remplacer le nombre :
0,7
par le nombre :
1,1
2° Dernière ligne
Remplacer le nombre :
– 17,5
par le nombre :
– 17,1
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Sans revenir sur le tableau d’équilibre ni sur le rejet de nos propositions induisant des recettes, je souhaite attirer l’attention, au travers de cet amendement, sur le niveau du fonds national d’action sociale (Fnas) de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), en supprimant le ralentissement de 0,4 milliard d’euros prévu pour 2026.
Ce ralentissement, qui découle de la contraction des crédits d’action sociale de la branche famille, fragilise directement les politiques menées par les communes et les intercommunalités. Je pense tout particulièrement à la petite enfance, à l’accompagnement des familles, à l’inclusion sociale ou encore au soutien à l’autonomie. Ce sont des politiques de proximité essentielles, des services concrets que les caisses d’allocations familiales (CAF) financent via le Fnas et dont les territoires dépendent fortement.
Les constats sont clairs. Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) Revue des dépenses du Fnas montre que ce fonds est un levier majeur de l’action sociale locale. Une grande partie de ces crédits est consacrée à la petite enfance, mais aussi aux centres sociaux, à la parentalité, à l’aide à domicile et à l’animation de la vie sociale, domaines d’intervention où l’on rencontre des difficultés à trouver des financements. Le Fnas soutient toute une architecture de solidarité sur laquelle reposent les communes et les intercommunalités.
Ce rôle essentiel est d’ailleurs pleinement reconnu à l’échelle nationale. Selon les rapports du Sénat et de l’Assemblée nationale, le Fnas doit être fortement renforcé dans les années à venir. À l’horizon de 2027, plusieurs milliards d’euros supplémentaires devront être mobilisés afin de garantir un service public de qualité pour les jeunes enfants et d’accroître le soutien aux structures locales.
Le ralentissement prévu irait donc, dès 2026, à contre-courant de cette trajectoire. Il affaiblirait des politiques publiques déjà en tension et mettrait en difficulté des services essentiels alors même que les besoins augmentent. Les communes ont besoin d’ouvrir de nouvelles places en crèche et des centres sociaux, pour accueillir toujours plus de familles en situation de précarité. Accompagner la parentalité est devenu un enjeu central de cohésion sociale.
Par conséquent, l’objet de notre amendement est simple : ajuster le tableau d’équilibre de la branche famille en rétablissant les ressources nécessaires au Fnas, sans modifier l’équilibre global des régimes pour respecter l’article 40 de la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 1873 du Gouvernement est un amendement classique d’actualisation du tableau d’équilibre. Il tend à montrer où nous en sommes au terme de l’examen de la deuxième partie du PLFSS en ce qui concerne le solde pour 2026.
Comme je vous l’ai indiqué, les propositions de la commission correspondent à un déficit de 15 milliards d’euros en 2026. Toutefois, ce chiffre implique la modification de l’article 40 du projet de loi de finances (PLF) pour annuler le transfert de la sécurité sociale vers l’État de 3 milliards d’euros, qui est une conséquence de la réforme des allégements généraux.
Compte tenu de leur nature très aléatoire, ces 3 milliards d’euros ne peuvent pas être pris en compte dans le tableau d’équilibre du PLFSS. Les propositions de la commission correspondent donc, en réalité, à un déficit d’environ 18 milliards d’euros. Les trois quarts d’entre elles portent sur la partie recettes.
Aussi, au terme de l’examen de ces dernières, les seules propositions de la commission devraient ramener le déficit à environ 20 milliards d’euros. Cet amendement indique pourtant un chiffre inférieur : 17,5 milliards. Ce résultat s’explique par deux amendements importants que nous avons adoptés.
En premier lieu, l’amendement n° 1678 d’Annie Le Houerou vise à abaisser à 6 000 euros le plafond d’exemption des compléments de salaire ; selon les informations dont nous disposons à ce stade, son rendement pourrait être de 400 millions d’euros pour la sécurité sociale et de 700 millions d’euros pour l’ensemble des administrations publiques.
En second lieu, l’amendement n° 572 rectifié septies d’Olivier Henno tend à hausser le temps de travail annuel de douze heures et donc à augmenter les recettes de la sécurité sociale d’environ 2 milliards d’euros, 5 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques.
Au compteur, le chiffre est donc un peu moins dégradé que ce que nous anticipions. Il s’agit maintenant de ne pas relâcher l’effort. Si nous faisons ce que nous avons prévu de faire dans la partie dépenses, nous pourrions parvenir à un déficit d’environ 16 milliards d’euros. Ce serait toujours beaucoup trop élevé, bien sûr, mais un peu inférieur aux 17,5 milliards d’euros du texte dans sa rédaction initiale et beaucoup mieux que ce qu’a proposé l’Assemblée nationale.
La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 1873.
L’amendement n° 1760 a pour objet de modifier l’article du tableau d’équilibre pour majorer les recettes de la branche famille de 400 millions d’euros. Il n’a pas d’effet juridique et fausse la prévision.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1760 ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Mme la rapporteure générale a déjà mentionné l’argument juridique. Le Gouvernement connaît évidemment le rôle central du Fnas, sur lequel vous voulez mettre l’accent, madame Le Houerou. C’est la raison pour laquelle ce fonds a été abondé de façon importante en 2025 et le sera en 2026.
Le financement des crèches est en deçà des attentes : on observe une atonie en matière de création de places. De fait, nous n’en sommes qu’au début du déploiement du service public de la petite enfance. Je précise que les collectivités, depuis le 1er juin dernier, doivent s’investir de plus en plus dans l’exercice de cette compétence. Il est donc normal que la montée en charge n’en soit qu’à ses prémices. La haute-commissaire à l’enfance et moi-même sommes bien décidées à accroître, en lien avec les collectivités, le nombre de places.
Le Fnas reflète l’activité constatée : si celle-ci était plus importante, son niveau le serait aussi. Consciente des difficultés que rencontrent les collectivités à augmenter le nombre de places, j’ai annoncé la semaine dernière l’augmentation de 2 % du plafond de la prestation de service unique (PSU) pour 2025. Cette bonne nouvelle était attendue des collectivités.
Pour ces raisons, je vous demande, madame la sénatrice, de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.


