Présidence de Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, en raison de l'indisponibilité de M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe, M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, demande le retrait de l'ordre du jour du mardi 16 décembre du débat préalable au Conseil européen des 18 et 19 décembre.

Le ministre Benjamin Haddad sera auditionné par la commission des affaires européennes le mercredi 17 décembre à seize heures trente. Cette audition sera ouverte à l'ensemble des sénateurs.

Y a-t-il des observations ?

M. Rachid Temal. Oui, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Je comprends que les agendas des ministres soient chargés, mais une audition n'a tout de même pas la même valeur qu'un débat réunissant l'ensemble de notre assemblée en séance publique, quand bien même celui-ci n'a de débat que le nom – il ne donne d'ailleurs même pas lieu à un vote. La tenue d'un tel débat est le minimum syndical, si je puis dire !

Mme la présidente. Acte vous est donné de ces observations, mon cher collègue.

Y a-t-il d'autres observations ?…

Il en est ainsi décidé.

2

Après l'article 77 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2026
Discussion générale (interruption de la discussion)

Loi de finances pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 138, rapport général n° 139, avis nos 140 à 145).

Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Défense

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'examen du budget de la mission « Défense » revêt cette année un caractère particulier, en raison tant de l'ampleur de la hausse des crédits proposés que du contexte géopolitique et stratégique.

Non seulement la trajectoire de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM) est respectée, mais l'effort initialement prévu, d'un montant de 3,2 milliards d'euros, est relevé de 3,5 milliards d'euros, ce qui porte les crédits à 57,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 6,7 milliards d'euros.

Ce budget revêt un caractère particulier pour une autre raison encore. Je veux parler de la manière dont le Parlement est informé des éléments qui le constituent et invité à les examiner et à les voter.

Vous ne m'en voudrez donc pas, madame la ministre, que je vous fasse part de nos interrogations ou réserves quant à la méthode du Gouvernement et à la sincérité de ce budget, même si je vous donne acte que, sur sollicitation du président de la commission des finances et de son rapporteur général, que je remercie de leur soutien, nous avons reçu hier, mais hier seulement, des éléments de réponse indispensables à la bonne compréhension de cette « surmarche » de 3,5 milliards d'euros.

Je m'arrêterai sur quatre points de vigilance.

Premièrement, la majoration des crédits, que vous justifiez par la perspective d'un projet de loi d'actualisation de la LPM, est bienvenue. En examinant de plus près la note explicative que nous avons reçue hier, je constate que vous faites une masse globale de la marche initiale de 3,2 milliards d'euros et de la surmarche de 3,5 milliards d'euros.

Ces 6,7 milliards d'euros supplémentaires contribueront certes à accélérer l'effort de réarmement et à amorcer une évolution de la programmation, mais ils permettront surtout de corriger ce que je nomme la faute originelle de la LPM, laquelle prévoyait en effet des financements insuffisants au regard des ambitions affichées. Démonstration est faite que les alertes émises depuis trois ans par le Sénat étaient justifiées.

Deuxièmement, la fin de gestion 2025 conditionne la bonne exécution du budget de l'année en cours et la sincérité des crédits prévus pour 2026. Or, entre les crédits gelés, dégelés, reportés ou annulés et les abondements finançant les surcoûts liés à notre présence militaire sur le flanc oriental ou à l'aide à l'Ukraine, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on n'y voit pas très clair. C'est tout de même près d'un milliard d'euros qui est en jeu !

Ce montant doit naturellement être considéré au regard du report de charges, qui est passé de 3,8 milliards d'euros fin 2022 à 8 milliards d'euros fin 2024, soit 24 % des crédits hors charges de personnel. Qu'en sera-t-il fin 2025 ? La perspective annoncée d'un report de charges de 8,6 milliards d'euros fin 2026, qui exploserait tous les compteurs, n'est pas pour nous rassurer. Une telle perspective interroge en effet la sincérité budgétaire, mais elle menace aussi la solidité de la base industrielle et technologique de défense (BITD), portant un coup rude au concept d'économie de guerre introduit dans la LPM.

On ne peut à la fois afficher des ambitions en loi de finances initiale et bricoler, comme ce fut le cas cette année, une fin de gestion reposant systématiquement sur le financement des surcoûts par des annulations de crédits d'autres programmes ou par des reports de charges sur l'année suivante.

Troisièmement, à l'opacité budgétaire s'ajoute une opacité relative à l'état réel de nos forces. Madame la ministre, à qui ferez-vous croire que nos adversaires attendent la présentation des indicateurs budgétaires de disponibilité des matériels et d'activités pour connaître la réalité de l'état de nos armées et leur degré de préparation ?

Vous ne pouvez pas demander au Parlement de vous allouer davantage de moyens, et, dans le même temps, restreindre son information. Le fait que, avec d'autres collègues, j'ai personnellement accès à un certain nombre d'informations ne peut être considéré comme une réponse satisfaisante, puisque nous ne pouvons pas faire état desdites informations publiquement.

Plus le budget augmente, plus l'information du Parlement doit être complète et sincère. Vous ne pouvez pas, au moment où vous demandez aux Français de faire des efforts et où vous souhaitez les sensibiliser à l'état des menaces – en témoignent les déclarations du chef d'état-major des armées devant les maires de France ou encore le kit de survie –, cacher le degré de préparation au combat, sauf à accréditer la thèse selon laquelle ces indicateurs seraient mauvais.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Quatrièmement, je ne trouve nulle trace, ni dans les présents crédits ni dans la note qui nous a été transmise hier, du service national volontaire, qui a fait l'objet d'une annonce récente du Président de la République. Quelle en est la traduction concrète dans le budget 2026 en termes d'infrastructures, d'encadrement ou de frais de fonctionnement, madame la ministre ?

En conclusion, madame la ministre, compte tenu de l'accentuation de la menace, nous adhérons à l'augmentation des crédits de la défense. Mais une augmentation ne fait pas une politique ! De ce point de vue, la réponse à la question que, avec votre prédécesseur devenu Premier ministre, vous avez posée hier aux députés – « Approuvez-vous le principe d'une augmentation du budget de la défense pour soutenir une montée en puissance plus rapide de nos forces armées dès 2026 ? » – ne saurait constituer un blanc-seing.

Pour être approuvé par le Parlement et compris par la population, l'effort de défense doit s'accompagner d'une véritable communication sur l'état des forces, notre capacité à les mobiliser et les objectifs quantitatifs et qualitatifs à atteindre.

Le Parlement est dans son rôle quand il contrôle l'action du Gouvernement : la défense n'échappe pas à ce principe constitutionnel et démocratique.

Présenter la menace sans la confronter à nos capacités de riposte, c'est prendre le risque de fonder l'effort demandé non pas sur l'adhésion raisonnée, qui serait de nature à rassembler la Nation autour de sa défense et de sa souveraineté, mais sur la peur, qui est bien souvent mauvaise conseillère.

En donnant un avis favorable au vote des crédits de la présente mission, nous faisons plus que souhaiter que vous déposiez au plus vite, devant le Parlement, une actualisation de la LPM, laquelle nous permettra de tracer une perspective crédible pour nos armées et de lever les non-dits de ce budget ; nous vous le demandons solennellement ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », qui rassemble les moyens dédiés au renseignement, à la prospective et à l'innovation de défense, connaîtra une hausse substantielle de ses crédits en 2026. Quelque 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,3 milliards d'euros en crédits de paiement sont en effet prévu, en hausse respectivement de 27 % et 10,5 %.

Les moyens consacrés à l'innovation atteindront 1,4 milliard d'euros, soit une augmentation de 127 millions d'euros par rapport à 2025. Cette progression permettra d'investir dans des domaines clefs – quantique, intelligence artificielle, hypersonique, robotique, spatial – et de financer des démonstrateurs aussi majeurs que le drone sous-marin océanique, les armes à énergie dirigée, ou encore l'avion spatial Vortex.

Au-delà de ces projets d'innovation planifiée, le retour d'expérience ukrainien nous a enseigné que l'innovation devait aussi plus que jamais s'inscrire dans le temps court. Cela suppose une subsidiarité accrue des crédits au profit des forces, une simplification du code de la commande publique, une adaptation du régime de responsabilité pénale des acheteurs publics et le recours aux architectures ouvertes pour intégrer rapidement de nouvelles technologies. Nous souhaitons que ces points figurent dans la prochaine actualisation de la LPM.

Les crédits du programme 144 visent également à soutenir une BITD innovante et résiliente. Or, en dépit de la LPM, les PME, qui portent souvent les innovations de rupture, demeurent sous-représentées dans les études menées en amont.

Nos alertes successives relatives à la frilosité des investisseurs privés commencent à produire des effets. Ces avancées au plan national contrastent toutefois avec la doctrine trop restrictive de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui continue de refuser tout financement aux entreprises produisant armes et munitions. Il convient de lever rapidement ce frein, madame la ministre, car cela envoie un mauvais signal aux investisseurs.

Enfin, au-delà des questions de financement, il semblerait que les entreprises de la BITD se voient opposer des refus d'assurance de plus en plus nombreux. Il nous faudra suivre l'évolution de cet inquiétant phénomène avec une grande vigilance.

Pour conclure, les crédits du programme 144 nous paraissent à la hauteur des enjeux. Nous estimons en effet qu'ils donneront à nos forces armées les moyens d'anticiper, d'innover et de se préparer au durcissement du contexte stratégique mondial. Nous appelons donc à l'adoption de ces crédits. (M. Bruno Rojouan applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Au bénéfice des observations que je ferai sur le volet renseignement du programme 144, je souscris à l'avis favorable que mon collègue Pascal Allizard, que je remercie, vient d'émettre sur les crédits de la présente mission.

Les deux services que ce programme finance, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), relatent la permanence d'un haut niveau de conflictualité, du fait du durcissement des crises tous azimuts, de la réévaluation du risque de prolifération, mais aussi de la résurgence des foyers de menace terroriste.

Ces axes d'effort du renseignement confirment les constats déjà établis par la délégation parlementaire au renseignement, dont j'ai l'honneur d'être membre et qui est présidée par notre collègue Cédric Perrin, dans son rapport d'activité pour l'année 2023-2024. Nous y évoquions en effet les défis devant lesquels les leçons tirées des conflits au Sahel ou en Ukraine, les stratégies nucléaires agressives, le retour d'expérience des jeux Olympiques de Paris 2024, ou encore le développement des menaces hybrides placent le renseignement français.

Loin de renvoyer à une réalité lointaine et diffuse, les menaces hybrides sont bien concrètes, puisque chaque citoyen peut être atteint, dans son quotidien, par des manipulations de l'information ou pâtir de la paralysie d'entreprises ou de services publics, et ce sans aucune déclaration de guerre.

Sur le plan intérieur, la DRSD est chargée de la défense des emprises militaires et des entreprises stratégiques de notre industrie de défense. Il faut sensibiliser le tissu de sous-traitants de la BITD, notamment les TPE et PME au risque d'attaques cyber et de menaces hybrides, telles que les survols de drones et les sabotages que l'on observe en Pologne et dans les États baltes frontaliers de la Biélorussie et de la Russie.

Ce contexte explique que les crédits de paiement prévus pour 2026 augmentent de 13 %, pour s'établir à 579 millions d'euros, à raison de 549 millions d'euros pour la DGSE et de 30 millions d'euros pour la DRSD.

Au total, en incluant les crédits de personnel du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », ce sont près de 1,3 milliard d'euros qui seront consacrés à la DGSE et à la DRSD.

Une attention particulière doit être accordée à la fidélisation des membres civils de leur personnel, car ils ne bénéficient pas des mêmes garanties de carrière que les militaires.

Prévu par la loi de programmation militaire 2024-2030, cet effort en faveur du renseignement a été confirmé par la revue nationale stratégique 2025. En effet, préserver l'autonomie d'appréciation de notre pays et garantir sa souveraineté décisionnelle constitue un objectif stratégique. À l'heure où la stratégie nationale de sécurité américaine ne garantit plus ni le partage de renseignement ni même une vision commune du monde, c'est même une priorité.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis. La France est maintenant le dernier pays de l'Union européenne à conserver une capacité autonome de renseignement. La crédibilité de notre dissuasion et la confiance que nous accordent nos partenaires et alliés dépendent de notre capacité à protéger cette exception française.

Mme la présidente. Il faut vraiment conclure !

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis. Au bénéfice de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d'adopter les crédits du programme 144 relatifs au renseignement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Cédric Perrin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis plusieurs années, la Nation consent des efforts considérables en faveur du renforcement de notre défense.

La progression des crédits de paiement du programme 178 « Préparation et emploi des forces », de près de 11 % en 2026 et de 50 % au cours des cinq dernières années, l'atteste.

Après des années durant lesquelles nous avons encaissé les dividendes de la paix, nous assistons donc à un vaste retour de balancier. Durant cette période rétrospectivement heureuse, nous avions, pour reprendre les mots de Raymond Aron, « oublié que l'histoire est tragique ».

Dans le contexte budgétaire actuel, cet effort doit être salué. La loi de programmation militaire a été complétée d'une surmarche de 3,5 milliards d'euros. Mme la ministre a par ailleurs annoncé que la LPM serait actualisée en début d'année 2026, ce qui, à la lumière des dernières déclarations américaines, mais aussi de l'agressivité russe, portée par un puissant courant impérialiste, se révèle de plus en plus nécessaire.

Les crédits alloués au programme 178 visent à relever ces défis. Hélas ! même avec plusieurs milliards d'euros, on ne saurait résoudre des années de sous-investissement d'un coup de baguette magique.

Les efforts consentis au profit du programme 178, cœur de la mission « Défense », si je puis dire, devront donc être menés avec constance. Il nous faut en effet créer les meilleures conditions d'entraînement des hommes et d'entretien des matériels afin de nous assurer que, le moment venu, nous serons prêts à mener des combats de haute intensité. De tels combats, que nous n'avons pas menés depuis des dizaines d'années, paraissent en effet redevenir la norme jusque sur notre continent.

Comme l'ont souligné les différents chefs d'état-major, les armées sont donc lancées dans une course contre la montre pour se tenir prêtes au choc. Elles ont ainsi mené une réflexion très structurée autour du maintien des équipements en condition opérationnelle, dont le coût représente un peu moins de la moitié des crédits du programme.

Le retour d'expérience du front ukrainien est en effet sans appel : la guerre moderne ressemble beaucoup à la guerre d'autrefois, mais elle est plus violente encore, avec des destructions de matériel et un champ de bataille dominé par des nuées de drones, où le moindre mouvement est immédiatement interprété à l'aide de l'intelligence artificielle. Telle est la nouvelle réalité.

Cette discussion budgétaire complexe ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel : nous ne sommes pas les agresseurs, mais il nous faut honorer la promesse républicaine, la plus élémentaire depuis la bataille de Valmy, qu'est la défense de notre territoire et de nos intérêts stratégiques les plus vitaux.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 178. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, au milieu de ce tourbillon guerrier, je tiens à rappeler qu'en dépit de la difficulté de cette mission, notre pays doit avant tout œuvrer à la paix et à la désescalade.

En tant que rapporteure pour avis, avec Olivier Cigolotti, des crédits du programme 178, je veux donc croire que les efforts budgétaires substantiels consentis en faveur des armées constituent moins une préparation à la guerre qu'une garantie de paix et de sécurité pour nos concitoyens sur notre territoire.

Les crédits destinés à la préparation opérationnelle des forces suivent en 2026 la trajectoire prévue par la LPM, ce qui doit permettre une montée en puissance progressive des forces terrestres, aériennes et navales. Nous devons à nos soldats les meilleures conditions possible, de sorte qu'ils soient en mesure de faire face le mieux possible aux défis de la haute intensité.

Des sujets d'inquiétude bien identifiés demeurent, en particulier la reconstitution des stocks de munitions nécessaires à l'entraînement. Comme l'a rappelé le chef d'état-major des armées devant notre commission, il faut en effet tirer à l'entraînement pour être prêt le jour du combat.

L'année 2026 devrait à ce titre se révéler riche d'enseignements, puisque l'exercice interarmées de très grande ampleur nommé Orion commencera en février. Cet exercice d'entraînement constituera également une démonstration de notre détermination face à nos grands compétiteurs, lesquels doivent parfaitement mesurer notre volonté de nous défendre contre toute attaque.

Les crédits du programme 178 sont également consacrés au bien-être des troupes et à la solidité de la préparation physique et morale des soldats.

Je tiens à ce titre à souligner la réorganisation du service de santé des armées (SSA), qui doit pivoter d'une logique de guerre lointaine, avec des pertes modérées, à une logique de guerre d'attrition, dont le front ukrainien offre, hélas ! chaque jour une illustration.

Souffrant d'un manque alarmant de médecins et d'infirmiers, le SSA est toutefois confronté aux mêmes défis que la médecine civile. En dépit des efforts engagés, la situation continue de se dégrader, puisque quelque 109 postes restent à pourvoir. Il faudra du temps pour revenir à un effectif satisfaisant, en ligne avec nos objectifs.

En tout état de cause, et même si j'estime qu'il nous faudra veiller avec une vigilance toute particulière à ce que ces crédits soient mis au service de la protection de la Nation, la commission a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ».

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, les crédits inscrits au programme 212 « Soutien de la politique de la défense » pour le soutien aux armées, sur lesquels porte l'avis que Marie-Arlette Carlotti et moi avons élaboré, s'élèvent en 2026 à 25,8 milliards d'euros en autorisation d'engagement et à 25,6 milliards d'euros en crédits de paiement, respectivement en hausse de 4,6 % et de 3 %.

Ces crédits servent d'abord à assurer la remontée en puissance de notre format d'armée.

Je rappelle que les schémas d'emplois fortement négatifs appliqués entre 2021 et 2023 ont creusé, en trois ans, un écart de 6,3 unités entre les cibles de recrutement et les effectifs réels. En 2024 et en 2025, l'exécution des schémas d'emplois s'est améliorée, si bien que l'on peut accueillir avec une confiance raisonnable l'objectif de création de 834 équivalents temps plein (ETP) en 2026, objectif conforme à la trajectoire de la loi de programmation.

Je regrette toutefois qu'au regard de ce contexte la surmarche budgétaire de 3,5 milliards d'euros ne concerne pas le volet ressources humaines du budget des armées. Un des enjeux de l'actualisation de la loi de programmation sera – nous l'espérons – le desserrement de l'enveloppe des dépenses de titre 2, de manière à financer concomitamment une trajectoire réaliste et des mesures d'attractivité ambitieuses.

Sur ce dernier point, la politique du ministère a déjà porté des fruits. Le niveau de recrutement est correct et les indicateurs de fidélisation s'améliorent. Les réformes indemnitaires et indiciaires récentes n'y sont pas pour rien. La refonte de la grille des officiers, mise en paiement en 2026, en est le dernier volet, très attendu.

Ne tardons pas à effectuer une évaluation complète de ces réformes, car l'inflation et la progression du Smic pourraient rattraper les indices d'entrée de grille plus rapidement que prévu, et la fiscalisation de certaines primes limiter les ambitions de soutien au pouvoir d'achat.

Quant à l'intégration d'une partie des primes dans le calcul de la pension, promise par le plan « fidélisation 360 », elle est hélas ! encore reportée.

Les crédits alloués aux infrastructures dont dépendent les conditions de vie et de travail du personnel et des familles sont encore en augmentation, ce qui est nécessaire, car il s'agit de chantiers de longue haleine. Il nous faut poursuivre les efforts pour combler le décalage entre les moyens engagés et le ressenti des militaires sur le terrain.

Le nombre de logements domaniaux disponibles étant appelé à baisser en raison des chantiers de rénovation programmés, nous resterons attentifs aux conditions de logement et de relogement en 2026.

En tout état de cause, nous saluons l'amélioration du service rendu aux familles logées, ainsi que de l'accompagnement offert aux familles de militaires à l'occasion d'une mutation, de même que les efforts de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les armées, qui ont fait l'objet d'un rapport d'inspection et d'un plan d'action ambitieux en 2024.

En conclusion, notre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de soutien aux armées du programme 212. (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, en cas d'affrontement majeur, nos 200 000 militaires ne pourront pas défendre le pays à eux seuls. Il faut de la masse combattante, disent les états-majors.

À la dégradation du contexte international s'ajoutent des problèmes démographiques, en particulier la baisse du nombre de naissances. Il nous faut donc réorganiser notre outil de défense pour nous orienter vers la construction d'une armée hybride : une armée de métier au statut conforté, des réservistes mieux intégrés et une cohésion nationale à renforcer.

Mon collègue Jean-Pierre Grand a rappelé les mesures de soutien aux militaires d'active qui, depuis quatre ans, ont été prises avec l'appui constant – je le souligne – de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

J'insisterai pour ma part sur le nécessaire renforcement du lien armée-Nation.

Le premier instrument en est naturellement le renforcement de la réserve opérationnelle. La doctrine d'emploi des réservistes a été clarifiée, de sorte qu'ils sont désormais mieux intégrés à notre stratégie de défense. De meilleures pratiques de gestion ont de plus été mises en place.

En matière de recrutement, la tendance est encourageante, puisque les objectifs pour 2025 ont été dépassés dès le mois d'octobre et que les crédits destinés à la masse salariale des réservistes seront fortement revalorisés en 2026, pour atteindre 319 millions d'euros.

Afin de renforcer la résilience de la société, il convient également d'insuffler un esprit de défense à nos jeunes. L'année 2025 a vu la réforme de la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui est devenue plus immersive, plus proche du quotidien des militaires et mieux orientée vers le recrutement potentiel.

Un lien numérique durable sera établi dès la JDC entre le ministère et la jeunesse ; il permettra, le moment venu, de solliciter les compétences nécessaires à la défense nationale.

Face à une menace potentielle, les armées ont besoin du soutien de la Nation. Il nous faut rompre avec l'idée que la guerre s'est éloignée et qu'elle ne nous concernerait plus. Nous devons parler aux Français de l'état du monde, des menaces hybrides, des risques dans l'espace et dans le cyberespace. Un grand débat national s'impose.

Dans les prochains mois, nos militaires engageront donc un débat avec la société civile. Entre une nécessaire mise en garde et des propos alarmistes, le chemin est toutefois étroit, si bien que la parole militaire doit être manipulée avec beaucoup de précautions.

Enfin, le Président de la République a proposé l'instauration d'un service militaire volontaire. Nombreux sont nos voisins qui ont tranché la question ou qui en débattent.

Le service militaire volontaire nous paraît souhaitable, dans la mesure où il contribuerait à renforcer le lien armée-Nation et offrirait aux jeunes citoyens l'opportunité de s'engager.

Afin d'éviter les écueils du service national universel (SNU), une telle initiative aurait toutefois dû être précédée d'une étude d'impact. En outre, cette annonce n'a pas été accompagnée de précisions quant aux modalités de financement de ce dispositif – je comprends que vos services estiment son coût à 116 millions d'euros, madame la ministre –, ce qui est très désagréable.

En tout état de cause, la préparation du prochain projet de loi de programmation militaire devra inclure le cadrage budgétaire précis de ce dispositif, ainsi que des éléments indiquant clairement son articulation. Nous allons donc y travailler.

Sachez toutefois que le financement du service militaire volontaire ne devra en aucun cas peser sur le soutien apporté aux militaires en activité ni sur l'amélioration des infrastructures des unités d'active.

La commission a néanmoins émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 212, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Cédric Perrin applaudit également.)