Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous procédons ce matin à l'examen des crédits de la mission « Défense ». Leur hausse inédite témoigne du basculement historique qui est à l'œuvre.

Avec 57 milliards d'euros, dont 14 milliards d'euros exclusivement dédiés à l'armement, ce budget pour 2026 croît encore de 6,7 milliards d'euros par rapport à 2025, soit une augmentation de 13 %.

Cette accélération du réarmement – 3,2 milliards d'euros prévus dans la LPM, auxquels le Président de la République a ajouté 3,5 milliards d'euros en juillet dernier – engage la France sur une trajectoire qui devrait, d'ici à 2030, la voir consacrer 100 milliards d'euros à sa défense chaque année.

Dans le même temps, on supprime 4 000 postes d'enseignants, on coupe dans les dotations de l'État aux collectivités locales, à hauteur de 7,6 milliards d'euros, et, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, on fait payer aux malades et aux plus vulnérables un impôt épouvantable de 3,6 milliards d'euros.

Pour faire avaler ce surarmement aux travailleurs, vous n'hésitez plus à créer un climat anxiogène, inédit pour notre jeunesse, avec des références au réarmement « accéléré ». Certains chefs militaires en appellent même à « accepter le risque de perdre des enfants »…

Ces discours ne garantissent pas la sécurité des Français : ils servent l'obsession guerrière d'Emmanuel Macron, car c'est son dernier moyen d'exister dans un pays qui le rejette !

Pourtant, cette stratégie militariste ne se fonde sur aucune rationalité stratégique. Les États européens membres de l'Otan dépensent trois fois plus pour leur défense que la Russie – 454 milliards de dollars contre 141 milliards en 2024. Ils disposent de quatre fois plus de navires de guerre, de trois fois plus de chars de combat, de véhicules blindés et d'artillerie que la Russie !

La position de notre groupe reste constante. Oui, la France a besoin d'une armée dissuasive, solide et compétente, mais elle ne doit servir qu'à la stricte défense de notre territoire national, de nos infrastructures et de nos populations.

Or ce budget organise un surarmement, dans une logique de projection extérieure et d'escalade permanente au-delà des besoins réels de défense du territoire. C'est cette dérive stratégique que nous dénonçons.

Les commandes ou livraisons prévues – avions A400M, porte-avions de nouvelle génération… – montrent que ce budget prépare une armée de haute intensité et de projections.

Dans le même temps, le volet humain ne représente que 3 % de la hausse totale. Le plan Fidélisation 360 reste symbolique, et plus de 80 % des crédits nouveaux bénéficient en réalité aux industriels et non aux militaires ou à leurs familles.

Relevons ensuite que les mots « désescalade » et « stabilisation » ont disparu des documents budgétaires, ce qui témoigne de ce basculement doctrinal. En effet, la doctrine française reposait depuis trente ans sur trois piliers : dissuasion, prévention, projection. Désormais, nous ne parlons plus que de réactivité, de puissance et de résilience. Notre pays ne cherche plus à éviter les conflits : il se prépare à les mener.

Notre opposition aux crédits de cette mission est renforcée par la hausse disproportionnée de la contribution française à l'Otan, de 10 % à 25 % selon les lignes, alors même que des faits de marchés truqués au sein de l'organisation sont documentés. Peut-on encore parler de courage, si la représentation nationale n'est plus capable de demander des comptes ? L'Europe parle d'autonomie stratégique, mais c'est une chimère !

Madame la ministre, à votre vision d'une France qui s'accroche à l'Otan, dépend des États-Unis et contribue aux profits du complexe militaro-financier, notre groupe oppose celle d'une France souveraine, libérée de l'Otan, s'appuyant sur la puissance publique et tournée vers la paix, l'innovation civile plutôt que militaire, et la justice sociale.

Nous voterons contre les crédits de cette mission et nous défendrons des amendements visant à améliorer la protection des femmes et des hommes qui incarnent nos armées. C'est leurs conditions de vie que nous proposerons en premier lieu d'améliorer. De même, nous plaiderons pour une meilleure prise en compte des enjeux de santé mentale et une revalorisation des moyens du service de santé des armées.

Je terminerai par une image simple. Une nation, c'est comme un arbre : il lui faut de la sève pour grandir, et des racines pour tenir. La sève, ce sont nos services publics, nos jeunes, nos travailleurs. Les racines, ce sont notre diplomatie et notre universalisme. Aujourd'hui, le budget de cette mission gonfle le tronc ; il alourdit les branches ; mais il assèche la sève et étouffe les racines.

Un arbre comme celui-là finit par casser. Nous voulons une France forte, une France qui construit la paix et donne des perspectives de fraternité à nos enfants ! (MM. Thierry Cozic et Mickaël Vallet applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)

M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, en complément de l'intervention de mon collègue François Bonneau, il me semble important de rappeler que l'année 2026 marque la troisième annuité de la loi de programmation militaire, dans un contexte géostratégique profondément déstabilisé par de nombreux conflits, notamment la guerre en Ukraine.

Les crédits de la mission « Défense » sont ceux qui enregistrent la plus forte progression dans le PLF 2026 ; la défense devient la première politique publique de l'État en autorisations d'engagement. Dans un contexte général où des efforts significatifs de redressement des finances publiques sont consentis, il convient de saluer cet effort important.

Comme le Président de la République l'a déjà précisé cet été, au moment de la publication de la revue nationale stratégique actualisée, nous sommes à un point de bascule : la permanence d'une menace russe aux frontières de l'Europe, le recours de plus en plus désinhibé à la force dans de nombreuses régions du monde, la remise en question de nos alliances historiques et la révolution technologique modifient en profondeur la logique du champ de bataille.

Le contexte géopolitique dégradé dans lequel nous évoluons oblige l'armée à se tenir prête, car elle pourrait être mobilisée à tout instant et endurer une violente guerre d'attrition. Aussi nos armées doivent-elles pouvoir s'appuyer sur une base industrielle et technologique de défense solide pour se fournir en équipements en nombre accru et d'une meilleure qualité.

Si notre BITD compte des groupes importants, qui ont permis à la France d'être le deuxième exportateur mondial d'armes en 2024, elle compte aussi quelque 4 500 petites et moyennes entreprises, qui produisent un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros. Ces entités manquent souvent de fonds propres et hésitent parfois à se tourner vers des solutions de financement extra-européennes au risque de perdre leur indépendance.

Le financement des entreprises de la BITD est un enjeu de souveraineté. Elles doivent être soutenues et protégées, car elles constituent un maillage essentiel pour notre défense comme pour nos territoires.

À ce titre, nous nous félicitons de la création du fonds Bpifrance Défense en octobre dernier. Madame la ministre, lever les obstacles au financement de la BITD doit constituer une priorité pour votre ministère.

Par ailleurs, il serait intéressant que la proposition de loi relative au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense française de notre excellent collègue Pascal Allizard, qui a été votée au Sénat, soit examinée par l'Assemblée nationale.

Je m'associe à l'alerte de notre collègue Gisèle Jourda sur la baisse des moyens de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). En effet, cet acteur majeur du renseignement et de la sécurité des entreprises voit ses effectifs passer de 1 691 équivalents temps plein (ETP) à 1 609, alors que nos entreprises ont plus que jamais besoin d'être protégées contre toutes sortes de menaces hybrides : cyberattaques, sabotages, ou encore prises de participation hostiles.

Si les grands groupes ont les moyens de lutter contre ces menaces, il nous faut préserver notre réseau de petites et de moyennes entreprises de la BITD. Elles ont besoin d'être accompagnées.

Enfin, comme le démontrent de nombreuses études économiques, les investissements de défense ne sont pas des coûts improductifs. Ils peuvent favoriser la croissance à court et moyen terme, mais aussi augmenter la productivité à long terme grâce aux technologies dites duales.

De plus, ces investissements sont une forme d'assurance contre les risques de déstabilisation, de terrorisme, voire de conflits, et contre les effets économiques qu'ils emportent. Voilà une raison de plus pour sanctuariser le budget de la défense ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Républicains et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre des armées et des anciens combattants. Madame la présidente, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à vous remercie de votre engagement sur la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2026.

Je tiens également à remercier la ministre déléguée Alice Rufo, qui représentera le Gouvernement dans cet hémicycle ce soir, lors de l'examen des crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».

Vous l'aurez compris, le cap de ce projet de budget dépasse largement nos sensibilités : il s'agit de la défense de la nation, de la protection des Français, de la préservation de notre liberté. Vous avez été très nombreux à brosser la situation stratégique internationale. Nous tirons la même conclusion : les dividendes de la paix appartiennent au passé.

Dans le contexte actuel, nous devons être au rendez-vous, car nos partenaires comme nos compétiteurs jaugent à la fois notre endurance, notre cohésion et notre crédibilité. Chaque jour, les nations réévaluent leur propre niveau d'exposition et de préparation.

Je dirai tout de suite un mot d'un moment qui a incontestablement constitué une bascule : le déclenchement, en 2022, de la guerre en Ukraine.

L'aide que nous apportons à ce pays s'élève à plus de 3 milliards d'euros. Elle prend la forme de cessions de matériel, d'aides à la formation, ou encore d'aide au maintien en condition opérationnelle, mais aussi d'un soutien politique et stratégique.

Nous avons également envoyé des soldats en mission sur le flanc oriental de l'Europe, dans le cadre des opérations Lynx et Aigle. Ces missions impliquent des surcoûts, qui ont été couverts en fin de gestion.

M. Temal a évoqué à l'instant l'accord de sécurité signé le 17 novembre dernier par le Président de la République et le Président Zelensky. Il porte sur l'équipement de l'Ukraine à court terme, mais aussi à plus longue échéance. En effet, nous souhaitons que lorsque, comme nous l'espérons tous, un accord de paix durable aura été signé, l'Ukraine soit en mesure d'assurer durablement sa protection.

Pour ce qui concerne l'Otan, la position du Gouvernement est très claire : nous disons oui à un pilier européen de l'Otan ! Pour le dire sans détour, en matière d'acquisition de matériel, au programme Purl (Priority Ukraine Requirements Lists), je préfère le programme « Curl » ; en d'autres termes, l'argent des Européens doit aller à la base industrielle et technologique de défense européenne. L'ensemble des pays de ce futur pilier européen doivent converger sur cette question importante.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Par ailleurs, la France a refusé l'idée d'une BITD transatlantique. Ce n'est absolument pas concevable.

Le réarmement n'est pas une singularité française : c'est la norme dans tous les pays européens. Je vous épargne le catalogue, car je peux vous le dire en une phrase : tous les pays se réarment, en consentant des efforts financiers plus ou moins importants.

Les pays baltes, qui sont en première ligne au vu de leur voisinage, augmentent leur budget de défense, dans des proportions allant de 23 % à 38 %. Le voisin en question, la Russie, consacre 40 % de son budget à l'effort de guerre !

Il est fondamental que nous soyons d'accord pour affirmer que la stratégie de défense de notre pays est une compétence souveraine. La souveraineté de la Nation en dépend. La France a d'ailleurs fait des choix à cet égard, et elle est la seule à continuer de s'y tenir : je rappelle que la France est le seul pays européen à articuler une stratégie de dissuasion nucléaire, aussi bien aéroportée que navale, avec une stratégie de défense conventionnelle. Cette doctrine, dont le Président de la République est le garant, demeure inchangée depuis 1964 ; tous les exécutifs s'y sont tenus.

Rappelons aussi que notre pays est une grande puissance maritime. À ce titre, je veux réaffirmer l'importance de la protection de nos territoires ultramarins. Plusieurs mesures vous seront proposées à cet effet dans ce projet de loi de finances.

Vous êtes plusieurs à m'avoir interrogée sur nos grands projets ; certains ont mentionné le porte-avions de nouvelle génération. Concrètement, une puissance maritime doit être dotée d'un porte-avions. Il me semble important de le rappeler.

Vous le savez tous, notre pays a pris le chemin du réarmement depuis 2017. La loi de programmation militaire 2019-2025 avait une vocation de réparation. La LPM 2024-2030, qui a été conçue et défendue devant vous par celui qui est devenu Premier ministre, Sébastien Lecornu, et votée par le Parlement, a justement pour objet le réarmement.

Pourquoi cette stratégie ? Le général de Gaulle répondait déjà à cette question, à Saint-Cyr, en 1959 : « Le Gouvernement a pour raison d'être, à toute époque, la défense de l'indépendance et de l'intégrité du territoire. » Je crois, si vous me permettez cette familiarité, que cette phrase n'a pas pris une ride. Elle décrit le sens de notre engagement.

L'année 2026 sera la troisième année de mise en œuvre de la loi de programmation militaire en vigueur. La trajectoire de celle-ci a été actualisée et rehaussée à 413 milliards d'euros après que le Président de la République a pris acte, le 13 juillet dernier, de la situation internationale que vient de décrire M. Temal. C'est ce qui explique que nous proposions, dès cette année, une rallonge de 3,5 milliards d'euros.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire, mais je le répète devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs : oui, le Gouvernement présentera, dans les toutes premières semaines de l'exercice 2026, un texte pour détailler les surmarches. Cela nous donnera l'occasion de travailler ensemble sur ces sujets.

Ainsi, en additionnant budget initial et surmarche, nous aboutissons à un effort inédit de 6,7 milliards d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Les crédits du programme 146 « Équipement des forces » sont ainsi portés à 22,9 milliards d'euros ; ceux du programme 178 « Préparation et emploi des forces », à 15,9 milliards d'euros ; ceux du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », à 2,3 milliards d'euros ; enfin, ceux du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », à 16,1 milliards d'euros.

Notre première priorité est de consolider le socle de nos capacités militaires. Cela inclut l'entraînement de nos forces, la gestion des effectifs et le renforcement de nos soutiens logistiques, que vous avez été nombreux à évoquer. Olivier Cigolotti et Michelle Gréaume l'ont bien noté dans l'avis qu'ils ont présenté : les trois armées doivent « durcir les conditions d'entraînement des hommes afin de les préparer le mieux possible » à l'éventualité d'un conflit de haute intensité.

Notre deuxième priorité est de protéger nos forces et nos territoires, ce qui passe par le développement de notre défense sol-air, par la lutte contre les drones et la lutte anti-sous-marine, et par la protection face aux menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC).

La troisième priorité est d'opérer une montée en puissance de nos capacités offensives. Cela implique d'assurer à nos forces un approvisionnement suffisant en munitions, tout en développant nos capacités de frappe dans la profondeur.

Vous avez été plusieurs à mentionner notre quatrième priorité : renforcer nos capacités de renseignement. C'est un élément clé de notre stratégie, qui suppose d'investir dans des drones d'observation et dans le spatial.

J'ajoute que nous passerons pour plus de 30 milliards d'euros de commandes en 2026, hors dissuasion, pour nos grands programmes. Madame la sénatrice Conway-Mouret, les frégates, les Rafale, les drones et les blindés ne sont en aucun cas négligés. L'acquisition de tels matériels constitue pour nous un objectif majeur.

Monsieur le rapporteur spécial, comme plusieurs de vos collègues, vous m'avez interrogée sur le niveau et le détail des surmarches et sur la gestion 2025. Je rappelle à cet égard que nous n'avons procédé à aucun gel, régulation ou annulation de crédits sur l'exercice 2025. Au contraire, nous avons exécuté 1 milliard d'euros de plus que le plafond fixé en loi de finances initiale.

Le report de charges est en baisse par rapport à l'exercice 2024, il se stabilise à 20 %, et c'est exactement la même lecture pour l'exercice 2026.

Vous avez été nombreux à insister sur le montant des commandes passées par la DGA. En 2025, celle-ci aura passé pour 40 milliards d'euros de commandes et aura acquitté 24 milliards d'euros cette même année.

Comme vous, je suis élue de terrain ; comme vous, je suis préoccupée par les délais de paiement. Ce sur quoi nous devons travailler ensemble, c'est à faire en sorte que ces investissements ruissellent, notamment en veillant à accompagner les sous-traitants. En effet, les entreprises qui traitent avec la DGA mettent en avant la capacité de paiement de celle-ci, mais les sous-traitants rencontrent plus de problèmes en la matière.

Je mesure comme vous l'importance de l'activité et de l'emploi dans nos territoires, dont vous êtes ici les représentants.

Les surmarches que j'ai mentionnées nous permettront d'exécuter davantage de crédits que prévu.

Grâce à elles, nous allons accroître nos capacités offensives, en commandant des milliers de munitions supplémentaires, ce qui est incontestablement le défi de l'année 2026. Nous allons également tripler les livraisons d'obus d'artillerie de 155 millimètres et doubler les livraisons de nos missiles de croisière.

Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avons parfaitement en tête la question du successeur du lance-roquettes unitaire (LRU). J'ai déjà présidé un premier comité ministériel d'investissement sur le sujet.

Il n'est pas question de brader quoi que ce soit. Nous irons au terme des essais prévus pour garantir la préservation de notre souveraineté, selon les termes que nous nous sommes fixés. Nous ne prendrons pas de décision avant ce terme à tout le moins.

De la même manière, j'ai présidé un comité ministériel d'investissement sur les missiles balistiques terrestres, qui sont extrêmement importants pour renforcer notre protection conventionnelle.

Nous acquerrons également de nouveaux systèmes de défense sol-air et nous renforcerons nos moyens de lutte anti-drones, avec des kits de protection contre les drones, des munitions téléopérées pour le char Leclerc rénové, et des brouilleurs au profit de la marine.

En outre, les surmarches nous permettront de développer nos moyens de souveraineté : nous commanderons ainsi quatre satellites pour compléter notre observation spatiale, en complément des futurs satellites Iris2.

Nous allons également pouvoir renforcer notre réserve opérationnelle. Celle-ci comptait 40 000 contrats en 2024 ; l'objectif est d'atteindre 52 000 contrats en 2026. Vous le voyez, madame Carlotti, nous ne sacrifions en rien notre stratégie en la matière.

En ce qui concerne le nouveau service national, 3 000 jeunes y auront accès en 2026, pour un coût de 100 millions d'euros : 50 millions d'euros pour l'équipement, 40 millions d'euros pour les infrastructures et 10 millions d'euros pour les soldes des volontaires.

Le budget 2026-2030 en la matière est chiffré à 2,3 milliards, dont 1 milliard d'euros pour les infrastructures. En effet, nous devrons être en mesure d'accueillir les volontaires. Ces derniers suivront un mois de formation sur le territoire national, et passeront neuf mois à se rendre utiles dans les trois armées. À l'issue de ces dix mois, ils seront versés pour cinq ans dans la réserve opérationnelle.

Il s'agit donc d'une démarche extrêmement importante pour faire de notre armée une armée hybride. Armée active, réserve opérationnelle et service national : voilà l'architecture de nos armées pour les années à venir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de ces démarches, nous devons évidemment améliorer les conditions de vie des femmes et des hommes qui composent nos armées, après des décennies de baisses de crédits et de suppressions de postes.

En tant qu'élue locale, j'ai assisté, à une époque que je n'ai pas oubliée, aux suppressions de régiments et aux fermetures de bases militaires qui sont intervenues dans de nombreux territoires. Aujourd'hui, nous devons avoir le courage de reconnaître que les temps ont changé.

Comme l'a fait remarquer le rapporteur pour avis Jean-Pierre Grand, nous devons aller plus loin en matière de fidélisation. Ainsi, 159 millions d'euros y seront consacrés, au travers d'une augmentation de 7 % des crédits de soutien, de 10 % pour les bases de défense et de 13 % pour le commissariat des armées. Le logement est une question majeure, qui n'est pas réglée et sur laquelle je souhaite aller plus loin. Nous avons besoin de logements neufs et d'un véritable accompagnement.

Une enveloppe de 1,8 milliard d'euros sera dévolue au service de santé des armées, afin de développer les recrutements dans les écoles, mais aussi d'aligner les rémunérations sur celles de la fonction publique. Il s'agit d'un élément d'attractivité fondamental.

En ce qui concerne l'innovation, le ministère des armées travaille avec Bercy pour créer des ponts entre investissement public et investissements privés. Bpifrance propose ainsi un fonds Definvest et un fonds Innovation Défense. C'est ce qui permettra à notre base industrielle et technologique de défense de progresser.

Celle-ci représente 220 000 emplois et plus de 4 000 entreprises sur l'ensemble de nos territoires. Elle est un élément très important de notre indépendance. Nous avons été capables de relocaliser la production de poudre à canon sur notre territoire. Nous devons aller plus loin en accompagnant d'autres entreprises du secteur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, notre volonté est que la France, première armée d'Europe, soit considérée comme telle par le reste du continent, par nos alliés comme par nos compétiteurs. Ce budget n'est pas un budget de circonstances ; c'est un budget de responsabilité.

Les moyens supplémentaires que nous engageons impliquent une mobilisation totale de nos industriels pour relever nos ambitions en matière d'exportations. Il y va de notre souveraineté et de notre modèle de civilisation.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, madame la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Pour nos soldats, auxquels je redis notre attachement, pour notre indépendance et pour la France, je vous demande d'approuver les crédits de cette mission. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l'état B.

Nous avons dix-sept amendements à examiner. Pour ce faire, nous avons jusqu'à treize heures. Je vous prie donc, mes chers collègues, de faire preuve de concision et de respecter le temps de parole qui vous est imparti.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Défense

93 078 480 008

66 725 476 236

Environnement et prospective de la politique de défense

2 753 690 638

2 293 659 614

Préparation et emploi des forces

17 314 435 277

15 919 288 057

Soutien de la politique de la défense

25 841 664 436

25 628 629 926

dont titre 2

23 831 227 901

23 831 227 901

Équipement des forces

47 168 689 657

22 883 898 639

Mme la présidente. L'amendement n° II-1736 rectifié bis, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet et MM. Delahaye, Menonville, Duffourg, Longeot, Mizzon et Maurey, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

 

 

 

 

Préparation et emploi des forces

 

1 700 000 000

 

1 700 000 000

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

 

 

 

 

Équipement des forces

 

 

 

 

TOTAL

 

1 700 000 000

 

1 700 000 000

SOLDE

- 1 700 000 000

- 1 700 000 000

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Je n'aurais eu aucun d'état d'âme à soutenir une très forte augmentation des crédits consacrés à la défense si la situation de nos comptes publics n'était pas aussi dégradée.

J'appelle l'attention de l'ensemble de notre assemblée sur la situation réelle de nos comptes publics, d'autant que nous avons décidé il y a deux ans, dans un contexte géopolitique que chacun connaissait, d'une trajectoire d'évolution des dépenses militaires pour les années 2024 à 2030.

À peine deux ans après, nous sommes appelés à revoir totalement la trajectoire prévue… Cela signifie que nous avons voté il y a deux ans, dans un contexte d'imprévisibilité totale, une loi de programmation militaire qui était largement sous-estimée. Cela pose tout de même un problème d'appréhension des enjeux !

Par ailleurs, nous parlons certes de sujets militaires, mais il est tout de même étonnant que les parlementaires que nous sommes votent, le doigt sur la couture du pantalon, ce que le chef a décidé, sans aucune concertation ! Il conviendrait que nous puissions remettre en cause certaines des orientations qui ont été prises, ou, à tout le moins, que nous en discutions.

Nous devons trouver le meilleur chemin pour concilier la situation très dégradée de nos comptes publics et les besoins de notre défense, que je ne conteste pas.

Dans cette optique, je propose de diminuer de 1,7 milliard d'euros les crédits de la mission, car je considère qu'un effort supplémentaire doit être consenti pour tenir compte de la réalité de nos comptes publics.

M. Christian Cambon. C'est irresponsable…

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Monsieur Canévet, vous souhaitez que le ministère des armées participe à l'effort de réduction de la dépense publique. Il se trouve qu'il le fait depuis soixante ans, et au-delà de vos espérances.

Je vous donnerai simplement quelques chiffres : en 1960, le budget de la défense représentait 5,43 % du PIB ; en 1980, ce chiffre était tombé à 3,18 % ; enfin, à l'heure actuelle, il est à peine au-dessus de 2 %. Si nous revenions au niveau de 1980 en pourcentage de PIB, nos dépenses militaires s'élèveraient à plus de 110 milliards d'euros.

Il me semble donc que le ministère a très largement contribué à la résorption de la dépense publique, et peut-être même trop, voire beaucoup trop !

Mme Jocelyne Guidez. Tout à fait !