M. Adel Ziane. Oui !
Mme Sylvie Robert. Mais ce n'est pas une fatalité. Au Royaume-Uni, le ministre d'État de la culture, des médias et du sport, Ian Murray, a ainsi sonné le tocsin pour « sauver la BBC ». Il a répondu de manière limpide aux attaques de Reform UK, le parti d'extrême droite de Nigel Farage : « [...] Nombreux sont ceux qui souhaitent la disparition de cette chaîne. Ils préféreraient voir Fox News sur BBC One, plutôt que BBC News. Mais si nous suivons cette voie, notre Nation s'en trouvera amoindrie. Ce combat sera difficile à gagner, mais l'écosystème audiovisuel doit nous soutenir. »
Quel dommage, madame la ministre, que vous n'ayez pas fait preuve du même volontarisme politique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Jérémy Bacchi applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits qui nous sont présentés aujourd'hui actent un retrait structurel de l'État du champ médiatique et culturel ; un retrait organisé, voire méthodique, qui transforme en profondeur l'écosystème public de l'information, de la création et de la diffusion culturelle en France.
Ce budget est le vecteur silencieux, mais déterminé, d'une politique revenant à considérer les médias, la culture et le livre non plus comme des biens communs, mais comme des secteurs économiques ordinaires, soumis aux seuls impératifs de rentabilité et de concurrence.
Le PLF pour 2026 réduit les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » de 70,85 millions d'euros, soit de 1,79 % par rapport à 2025. Or dans un contexte d'inflation, même modérée, chaque euro en moins marque une perte de capacité d'action.
La trajectoire pluriannuelle est encore plus révélatrice : France Télévisions voit ses crédits baisser de 4,93 % en 2026 ; puis ces derniers diminueront de 2,54 % en 2027, et de 1,71 % en 2028. Radio France, l'Institut national de l'audiovisuel et France Médias Monde sont tous pris dans la même spirale descendante. C'est une véritable asphyxie budgétaire que vous organisez, madame la ministre !
France Télévisions perd 65 millions d'euros, Radio France 4,1 millions d'euros, l'INA 1,43 % de sa dotation, et France Médias Monde voit son budget gelé. Comment garantir la qualité et la diversité, la création et l'information quand on réduit mécaniquement la capacité de produire ?
Les premières victimes sont connues : le débat, la culture, l'éducation, la fiction et le documentaire – en résumé, tout ce qui ne se vend pas immédiatement, mais construit sur le temps long une Nation.
Pis encore, depuis 2024, aucun contrat d'objectifs et de moyens n'a été signé, en violation de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le Gouvernement prive les opérateurs de visibilité, les place sous une dépendance totale au « robinet budgétaire ».
Une telle instabilité stratégique fragilise le service public et peut entrer en contradiction avec le droit européen sur la liberté des médias.
Cette situation n'est pas neutre, puisqu'un service public dont les règles changent chaque année est un service public vulnérable et potentiellement soumis aux pressions politiques.
Face à ces baisses, le Gouvernement prône le développement des ressources propres, ce qui signifie davantage de publicité, de coproductions privées et d'externalisations. Or cette logique est déjà à l'œuvre. France Télévisions externalise des émissions d'information et de débat, qu'elle délègue à des sociétés comme Mediawan, Banijay Entertainment ou Newen Studios, parfois détenues par des fonds internationaux. L'argent public finance ainsi des profits privés pendant que l'État se désengage. L'austérité devient, de fait, un outil de la privatisation.
Ensuite, les aides à la presse diminuent d'environ 6 %, alors même que les coûts de production – papier, énergie, distribution, etc. – explosent. Les titres les plus fragiles, ceux de la presse locale, ceux de la presse indépendante et les journaux « critiques », sont directement menacés. Dans un paysage déjà dominé par cinq méga-acteurs – LVMH, Bolloré, Dassault, Altice et le Crédit Mutuel –, toute baisse d'aide publique renforce mécaniquement la dépendance aux annonceurs et aux actionnaires tout en affaiblissant le pluralisme.
En outre, le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale subit la première baisse de ses crédits depuis une décennie, et la plus brutale de son histoire : près de 10 % en un an. Cela signifie 780 radios à financer en 2026 avec un budget en diminution ; des radios qui perdent en moyenne 3 500 à 5 000 euros, soit 3 % à 4 % de leur budget total.
Ces montants sont modestes pour l'État, mais vitaux pour ces radios qui assurent l'expression locale, la diffusion des cultures minoritaires et l'accès à l'information dans les territoires laissés à l'écart des grands médias. Affaiblir de telles antennes, c'est renforcer encore la domination des groupes privés et appauvrir la diversité culturelle.
Enfin, le PLF pour 2026 réduit, ou encadre fortement, plusieurs dépenses fiscales qui soutiennent historiquement le cinéma, l'audiovisuel et les métiers d'art.
Le crédit d'impôt cinéma baisse à moins de 7 millions d'euros et les sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica) sont réduites. Or ces secteurs indépendants – documentaires, artistes, cinéma d'auteur – sont précisément ceux qui n'ont ni plateforme, ni capital, ni grand groupe derrière eux.
En fragilisant la création indépendante, le PLF pour 2026 affaiblit la diversité des récits, des formes et des imaginaires. Il substitue une logique d'efficacité commerciale à une logique d'intérêt général.
Ce PLF organise ainsi une triple dynamique : une austérité, qui réduit la capacité du service public à remplir ses missions ; une mise en concurrence, qui pousse les opérateurs vers la publicité et la rentabilité ; et une concentration, qui laisse toujours plus de pouvoir à quelques groupes privés.
Nous voterons contre ces crédits, parce qu'ils affaiblissent le service public, menacent la démocratie culturelle et ouvrent la voie à une marchandisation totale de l'espace médiatique et artistique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans une émission récente du service public, des journalistes s'interrogeaient : « Sommes-nous tous drogués à l'urgence ? » En parallèle, un médecin expliquait que l'urgence conduit souvent à des erreurs d'analyse.
C'est plutôt vrai : la démocratie a besoin de temps pour fonctionner, pour permettre à l'esprit critique de se développer. Elle a besoin de médias à même de nourrir cet esprit critique.
Cette année encore, alors que nous nous apprêtons à voter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je ressens une grande inquiétude à l'égard du monde qui vient : un monde dominé par les médias d'opinion ; un monde où la presse indépendante est fragilisée ; un monde où les multinationales menacent les acteurs culturels, qu'il s'agisse des librairies, des cinémas ou des festivals.
Le secteur du livre se porte particulièrement mal.
Amazon cherche, par tous les moyens juridiques, à contourner la taxe sur les frais de port instaurée pour préserver nos librairies ; et, récemment, c'est TikTok qui s'est mis sur le marché de la vente en ligne de livres. Que restera-t-il, demain, de la politique du livre en France ?
Les auteurs demandent un maximum de garanties non amortissables, et les éditeurs une taxe sur les ventes de livres d'occasion. Madame la ministre, qu'attendez-vous pour nous présenter un texte qui permet les deux à la fois et contente ainsi tout le monde ?
Sur un autre sujet, je garde le souvenir de votre première intervention sur France Inter en tant que ministre de la culture. Le lendemain de votre nomination, vous parliez de votre relation affective avec le service public. Or ce dernier n'a jamais été tant fragilisé que depuis votre arrivée. Où sont donc les preuves d'amour faisant suite à cette déclaration ?
Nous avons perdu des heures à débattre, dans cet hémicycle, de la création d'une holding – une idée fixe pour certains, avec pour objectif non pas le renforcement, mais la mise au pas de l'audiovisuel public et l'affaiblissement de ses ressources.
Madame la ministre, quel sera votre bilan au service du renforcement de l'information des citoyens français ?
Il manque aujourd'hui 5 millions d'euros à l'Agence France-Presse (AFP) pour faire face à la dégradation de la couverture médiatique internationale. Laisserez-vous l'AFP remplir ses missions d'intérêt général en lui accordant les recettes dont elle a besoin ?
Quant aux suites qu'il convient de donner aux États généraux de l'information, nous les attendons toujours. On nous a promis un texte de loi, mais cette promesse n'a pas encore été tenue. Il s'agit pourtant d'un sujet transpartisan : la proposition de loi de Sylvie Robert a été soutenue ici par toutes les sensibilités politiques. (MM. Max Brisson et Olivier Paccaud le contestent.)
Ce texte est en partie écrit : pourquoi ne pas s'appuyer sur les rares initiatives parlementaires qui font consensus ?
Puisque nous parlons de sujets consensuels, j'espère que nous trouverons un terrain d'entente en faveur des radios associatives locales.
Tout le monde pourra le confirmer ici, j'ai peu de points communs avec le Président de la République... (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Max Brisson. C'est vrai !
Mme Monique de Marco. Mais depuis ces récentes déclarations, j'ai au moins celui-ci : je crois fermement que la valeur de l'information journalistique doit être restaurée et qu'une opinion doit être clairement distinguée d'une information vérifiée.
M. Olivier Paccaud. On croirait entendre Élise Lucet ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Bonne remarque !
Mme Monique de Marco. À celles et ceux qui craignent que leur liberté d'expression ne soit atteinte, je veux rappeler ces mots du professeur de droit public Thomas Hochmann, extraits de son ouvrage On ne peut plus rien dire..., disponible dans toutes les bonnes librairies : « Une chose est de dire que les débats sont devenus vifs, que les invectives vont plus vite, que la polarisation du champ politique et l'essor des réseaux sociaux ne favorisent pas une discussion apaisée. Mais ce constat ne traduit nul affaiblissement de la liberté d'expression. Le problème touche à autre chose : la décence, la patience, la décence de la controverse. Lorsqu'une affirmation déclenche une avalanche de réponses courroucées, ce n'est pas une restriction de la liberté d'expression qui est à l'œuvre, mais une multitude de ses usages. L'idée selon laquelle “on ne peut plus rien dire” signifie que l'on ne peut plus rien dire sans être contredit. C'est effectivement une évolution remarquable, mais elle n'a rien à voir avec un quelconque développement de la censure, sauf à confondre interdiction et contradiction. La liberté d'expression n'est pas la liberté de parler sans être contredit. »
Madame la ministre, vous qui ne manquez ni de civilité, ni de patience, ni de décence dans la controverse, soutenez-vous cette idée du Président de la République selon laquelle il faut agir pour distinguer le vrai du faux, ce venin qui fait la désinformation ? Et comment comptez-vous agir ? (Mme Colombe Brossel applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes très chers collègues, les crédits de l'audiovisuel public s'élèvent à 3,878 milliards d'euros, en baisse de 71 millions d'euros, après avoir déjà diminué de 78 millions d'euros l'an dernier.
Ces choix s'inscrivent dans le cadre d'efforts auxquels tout le monde est aujourd'hui soumis, mais également dans une politique de maîtrise et de réduction budgétaire enclenchée il y a maintenant dix ans. Je rappelle qu'entre 2016 et 2023 le budget de l'audiovisuel public n'a pas augmenté, sauf en 2024, et seulement pour compenser la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP).
En dépit des efforts louables fournis par France Télévisions, qui supportera l'essentiel de la baisse prévue – le reste est réparti entre Radio France, qui engrange toujours de belles audiences, et l'INA, dont les missions sont indispensables –, la Cour des comptes souligne que les réformes structurelles nécessaires tardent, plaçant l'entreprise en situation de grande fragilité.
À la décharge des entreprises, la tutelle, qui est en l'occurrence l'État, a été ces dix dernières années velléitaire et changeante quant à la mise en œuvre, à l'ère du tout-numérique, d'une réforme globale, ambitieuse et cohérente. Cette réforme, préconisée de longue date par notre commission, doit ajuster les missions, les charges et les moyens, ainsi que le modèle économique et la gouvernance.
Demander des économies et supprimer du jour au lendemain, sans solution de substitution, la contribution à l'audiovisuel public, cela ne fait pas une politique. Il a d'ailleurs fallu que le Parlement intervienne pour assurer l'avenir du financement de l'audiovisuel public, au travers de la loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, que j'ai défendue avec mon collègue rapporteur Cédric Vial.
En dehors de la question du financement, comme le souligne M. le rapporteur spécial, les adaptations sont lentes. Nous ne voyons encore aucune réforme stratégique aboutir, et la proposition de loi de Laurent Lafon relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, qui vise à moderniser la gouvernance de l'audiovisuel public, attend sa réinscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. De même, nous ne savons pas quand nous pourrons légiférer sur les propositions des États généraux de l'information, qui devraient contribuer à redéfinir les missions spécifiques de l'audiovisuel public.
Les réflexions se poursuivent à Bruxelles dans le prolongement du règlement sur la liberté des médias, avec le bouclier démocratique. Il nous faudra bien, comme ont su le faire les autres pays européens, réformer l'audiovisuel public de manière cohérente et en profondeur pour assurer l'avenir de ses missions spécifiques et irremplaçables : la création, l'information et l'éducation.
Lors d'une réunion à Bruxelles, lundi dernier, avec les parlementaires des États membres engagés face aux enjeux de l'intelligence artificielle, qui – on le sait – est en train de tout bouleverser, j'ai plaidé pour la stricte application du règlement sur l'IA, afin de protéger les droits d'auteur et les droits voisins. J'ai également insisté sur l'importance d'un plan stratégique de soutien, affirmé et concret, de la Commission européenne à nos entreprises.
En attendant, j'espère que le plan d'économies n'aura pas de conséquences dommageables sur le secteur de la création. À cet égard, où en sont les COM, toujours inexistants pour la prochaine période budgétaire ?
Je donnerai tout de même une note positive à ce budget sur un point : la sanctuarisation des crédits de l'audiovisuel public extérieur, qui sont même en hausse pour France Médias Monde, grâce à un apport supplémentaire de l'aide au développement, à hauteur de 10 millions d'euros. La dotation d'Arte et de TV5 Monde demeure, quant à elle, stable.
Dans un contexte de guerre hybride, qui inclut la guerre de l'information, on ne le dira jamais assez : notre audiovisuel extérieur, dans toutes ses composantes, joue un rôle majeur pour diffuser une information libre, indépendante, équilibrée et vérifiée, en français et en plusieurs langues étrangères, à l'échelle du monde, pour démystifier les infox et déjouer les manipulations.
Le contexte international n'a fait que s'aggraver au cours des derniers mois. Il est donc essentiel de conforter ces moyens, déjà largement inférieurs à ceux des concurrents à l'international, face à ceux qui, hostiles aux démocraties occidentales, à l'image de la Russie, mènent une stratégie d'influence et de désinformation particulièrement agressive à des fins de déstabilisation et de manipulation.
Les élus du groupe Union Centriste voteront le budget de l'audiovisuel public pour 2026. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Else Joseph. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons en ce début d'après-midi va bien au-delà de la question des moyens financiers, qui sont certes en baisse ; elle concerne la lecture, nos bibliothèques publiques, le livre, l'avenir de notre presse ou encore l'industrie musicale.
La lecture, tout d'abord, est une véritable porte d'entrée du savoir. Le soutien à la Bibliothèque nationale de France (BNF) et à la Bibliothèque publique d'information (BPI) est maintenu. Mais qu'en est-il du volet local, où la bataille de la lecture se joue ? Je veux que l'on continue à tourner des pages, et non que l'on tourne la page du livre ! Pardonnez-moi cette métaphore... Par ailleurs, les usages de l'intelligence artificielle prennent des proportions sans cesse plus inquiétantes.
Surtout, les crédits de la mission soulèvent la question de l'avenir du pluralisme, qui doit être garanti.
D'ambitieuses réformes sont prévues, notamment pour l'AFP et les aides à la distribution, lesquelles sont en hausse. Mais la question de la survie de certains journaux est posée. Je pense notamment à la presse quotidienne régionale (PQR), sur laquelle j'interpelle, encore et toujours, le Gouvernement ! Face à la concurrence de l'océan numérique, nous avons besoin d'une presse locale forte et soutenue.
J'attire également l'attention sur l'avenir des radios locales. Je regrette que l'on soit timoré lorsqu'il s'agit de ce secteur et que l'on fasse même parfois montre d'ignorance à son égard. Ces médias, écoutés, sont des pépinières de talents, qui contribuent aussi à l'insertion de publics en difficulté.
Un amendement en faveur des radios associatives a été déposé, mais sera-t-il suffisant ? On s'inquiète de certains médias nationaux au nom du pluralisme ; or ce pluralisme a aussi son cœur battant dans nos territoires.
Il ne saurait y avoir d'ambition pour le livre sans un franc et fort soutien apporté aux auteurs, qui sont les véritables artisans du livre. Le droit d'auteur doit être respecté.
Pour rémunérer nos auteurs, on annonce une hausse de la contribution de l'État relative aux prêts dans les bibliothèques. Ce moyen sera-t-il suffisant à l'heure où le rapport des Français à la lecture se dégrade ?
S'y ajoute la concurrence que représentent les livres produits grâce à l'IA : vendus à bas prix, ces ouvrages sont fort alléchants, mais ils induisent le lecteur en erreur et créent un véritable préjudice pour nos éditeurs. Cette concurrence déloyale doit cesser. Plus que d'un cadre juridique, nous avons besoin d'actions.
Madame la ministre, comment comptez-vous réagir pour que les plateformes soient transparentes quant aux sources qui entraînent ces IA ? Il existe un règlement européen sur l'intelligence artificielle, qui détaille diverses obligations, mais ces clauses ne sont pas appliquées – le cinéma fait d'ailleurs face aux mêmes difficultés.
J'en viens à la situation de la filière musicale.
En 2025, la subvention du CNM a déjà baissé, à périmètre inchangé. Sa capacité d'intervention a donc été réduite, à rebours des engagements du ministère. La dotation continue de reculer et la hausse des plafonds ne garantit rien, compte tenu de l'enjeu que constitue le soutien à l'ensemble de la filière.
Nous avons besoin de clarté, de lisibilité et de visibilité quant à la répartition des fonds. Certaines attributions restent peu précises. À l'évidence, nous sommes parfois face à des tours de passe-passe comptables, voire à de véritables trompe-l'œil. Nous y sommes habitués ! En un sens, je peux le comprendre, car il faut faire preuve de responsabilité budgétaire pour assurer l'équilibre de nos finances publiques. Mais la gestion comptable, qui tient plutôt de l'artifice dilatoire, est dérisoire au regard du véritable enjeu : le soutien à toute la filière, et surtout la survie de toutes les musiques.
Le CNM a montré ce qu'il savait faire pendant la crise sanitaire pour assurer le sauvetage du spectacle vivant. Il doit pouvoir continuer à agir pour la musique dans nos territoires.
Nous avons besoin d'un soutien franc et massif. Entre ce que l'on nous annonce et ce que l'on voit sur le terrain, il y a parfois un véritable gouffre. Pour moi, le juge ultime est le maintien de tous nos festivals et du spectacle vivant qui animent nos territoires.
Toute question relative au CNM doit être jaugée au regard de la création et de la culture dans nos territoires.
N'abandonnons pas nos territoires et rappelons la véritable signification de la réorganisation du CNM. Dans le cas contraire, nous appliquerions un énième cautère sur une jambe de bois : la réforme serait inutile, car dépourvue de véritable sens. Or les priorités de notre action doivent être rappelées.
Madame la ministre, j'attends de votre part des réponses, et je ne doute pas que vous me les donnerez. (Mme la ministre sourit.)
Les élus du groupe Les Républicains voteront les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Gérard Paumier. Madame la ministre, vous avez dit : « Je sais ce que je dois au livre. »
Le livre, évidemment, c'est l'outil de l'ouverture à l'autre, celui qui nous permet d'accéder à l'humanité, à la citoyenneté, au respect de l'autre, et de nous ouvrir au monde. Je souscris donc pleinement à votre propos, surtout à l'heure où le rapport des Français à la lecture ne cesse de se dégrader.
Le livre et la lecture représentent la première politique culturelle du bloc communal et intercommunal, avec 16 000 bibliothèques et 60 000 bénévoles.
Dans son enquête intitulée Les Français et la lecture en 2025, le Centre national du livre fait état d'une baisse historique de la lecture en France : cette pratique culturelle est à son plus bas niveau depuis dix ans. Pis encore, 30 % des 16-19 ans déclarent ne pas lire et ne pas vouloir lire. À l'heure où le développement de l'intelligence artificielle bouleverse les métiers de l'édition, cette situation ne peut que nous interpeller.
Les réseaux sociaux, très prisés des jeunes générations, dévorent leur temps libre. Ils empiètent sur la pratique de la lecture et du sport, d'où le concept, développé aux États-Unis, d'obésité mentale et physique.
Les moins de 25 ans passent en moyenne vingt-cinq heures par semaine devant les écrans. Les États généraux de la lecture pour la jeunesse, que vous avez lancés, ont confirmé ce phénomène grâce aux 36 000 contributions recueillies, dont 6 000 émanaient de jeunes.
Leurs conclusions, dont vous avez fait état au Salon du livre et de la presse jeunesse, à Montreuil, font écho aux résultats du baromètre du CNL : entre 7 et 19 ans, les jeunes passent en moyenne dix fois plus de temps devant un écran que devant un livre. Cette étude rappelle aussi que l'accès à la lecture reste fortement marqué par les inégalités géographiques, culturelles et sociales.
Pour combattre cet état de fait, vous menez une action, que je tiens à saluer, en faveur du livre et de la lecture, au travers de votre plan culture et ruralité. Ainsi, trente-huit des cinquante-six départements ruraux de notre pays sont couverts par des contrats départementaux lecture (CDL), déployés par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et les départements, pour renforcer l'action des bibliothèques départementales.
Les communes et les intercommunalités font un effort particulier, avec des bibliothèques et des médiathèques en réseau dans tous les territoires et plus de 10 000 boîtes à livres installées un peu partout, contre 2 000 en 2017.
Pour contrer l'omniprésence des réseaux sociaux, notamment chez les jeunes, nous pourrions peut-être réfléchir à une évolution du cadre juridique, comme viennent de le faire l'Australie et la Suède. La technique suivra la loi si la loi est claire.
Madame la ministre, il y a toutefois quelques ombres au tableau, que je tiens à relever.
Ainsi, le fonds de roulement du Centre national du livre baisse de 4,3 millions d'euros, même si ses dépenses d'intervention en faveur des territoires ont été préservées.
Cette ponction pour 2026 peut se comprendre, car le Centre doit concourir à l'effort de redressement qui est demandé à tous ; mais elle ne saurait devenir une habitude. Sinon, l'on risque de déséquilibrer durablement le CNL, ainsi que les politiques contractuelles de l'État avec les collectivités territoriales visant à promouvoir la lecture.
Je n'oublie pas non plus la situation préoccupante de la BNF, dont le site de Tolbiac exige des travaux urgents.
J'évoquerai, enfin, la ponction annoncée sur le FSER : sur ce point, vous vous êtes montrée rassurante lors de votre audition en commission. Vous savez combien ces radios associatives sont précieuses pour nos territoires.
Si j'ai tenu à insister sur la nécessité d'apporter une réponse à l'effondrement de la lecture, c'est parce qu'il faut que nous mobilisions l'ensemble des outils à notre disposition. Il y va de la santé de nos enfants, de nos industries culturelles et de la langue française, tant la lecture contribue au développement de l'orthographe, du vocabulaire et de l'esprit critique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, monsieur le rapporteur spécial, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous le savons tous, l'examen du projet de loi de finances pour 2026 s'inscrit dans un contexte budgétaire extrêmement contraint.
Le redressement de nos comptes publics est un impératif, que le Gouvernement, en toute responsabilité, s'est engagé à faire respecter. Le ministère de la culture contribue légitimement, et à sa juste mesure, à l'effort demandé à tous.
Ainsi, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » diminuent d'environ 4 % par rapport à 2025. Je tiens toutefois à l'affirmer clairement : le Gouvernement est pleinement conscient du contexte particulièrement adverse auquel font face les acteurs de la culture.
Je pense singulièrement aux médias et à la presse : ils sont soumis à un marché publicitaire de plus en plus difficile, subissent la concurrence des grandes plateformes, comme Mme Joseph l'a rappelé, et ne parviennent pas toujours à assurer une juste rémunération de leurs contenus, comparé à ces nouveaux acteurs.
Les industries culturelles, dont la contribution à la création de valeur et au rayonnement de la France n'est plus à démontrer, doivent être préservées.
Mon action et celle du Gouvernement tout entier tiennent pleinement compte de ces enjeux. La philosophie de ce projet de budget est de répondre à la contrainte du redressement des comptes tout en préservant les priorités, par un accompagnement des secteurs culturels.
J'en veux pour preuve, tout d'abord, le programme consacré à la presse.
Dans un paysage médiatique bouleversé, nos médias traditionnels, sous toutes leurs formes, représentent plus que jamais des acteurs clefs de notre vie démocratique. L'enjeu, c'est que chacun puisse disposer d'une information pluraliste, fiable et de qualité. En outre, il convient d'assurer la qualité du débat public.
Pour préserver durablement cet élément indispensable de notre pacte démocratique, j'indique, en réponse à M. Karoutchi et à Mme Robert, que je présenterai très prochainement le texte issu des États généraux de l'information.
Ce projet de loi devra garantir les conditions de production par nos médias d'une information de qualité, fiable et indépendante, et relever l'enjeu économique dans un contexte qui – je le disais – est de plus en plus adverse.
Ces difficultés affectent particulièrement les éditeurs de presse. Les aides au pluralisme seront maintenues à hauteur de 23,2 millions d'euros. Quant à l'aide à la distribution, en baisse l'an dernier, elle augmentera de 4,5 millions d'euros. Nous pourrons ainsi accompagner la modernisation des réseaux de distribution et mettre en œuvre une réforme de l'aide visant à mieux tenir compte d'une logique industrielle.
Préserver notre presse imprimée suppose d'ajuster un outil industriel qui, en l'état actuel des ventes, est devenu trop coûteux. Le Gouvernement a ainsi déposé un amendement visant à aider les éditeurs à restructurer l'impression en accompagnant les salariés des imprimeries. Il propose de financer ce dispositif à hauteur de 5 millions d'euros pour 2026.
Monsieur le rapporteur spécial, je sais l'émoi légitime suscité par la baisse prévue de 50 % des crédits du FSER.
Les radios associatives, nous le savons tous, jouent un rôle essentiel pour le pluralisme et la communication de proximité. Je m'étais engagée devant vous à poursuivre les discussions sur ce sujet et, grâce à votre contribution à ce débat, il me semble que nous pouvons trouver aujourd'hui des solutions positives.
J'en viens au programme 334, « Livre et industries culturelles ». Dans un contexte où les réseaux sociaux prennent une place de plus en plus grande chez les jeunes – je l'évoquais précédemment –, les politiques publiques du livre et de la lecture sont une nécessité absolue.
Ce programme est doté de 343 millions d'euros. La baisse des crédits, limitée à 2 %, ne remet absolument pas en cause les grands projets évoqués par Mme Darcos : la construction du pôle de conservation de la BNF à Amiens, le relogement de la BPI durant la fermeture du centre Pompidou, ou encore la création de la maison du dessin de presse, dont les travaux viennent de s'ouvrir et se poursuivront en 2026.
Ce projet de budget ne remet pas non plus en cause notre engagement en faveur du livre et de la lecture, monsieur le sénateur Paumier. J'ai lancé, en lien avec le ministre de l'éducation nationale – vous étiez d'ailleurs présent –, les États généraux de la lecture pour la jeunesse afin d'enrayer la baisse continue du temps passé à lire.
Ces États généraux ont constitué la plus grande consultation jamais dédiée à la lecture des jeunes. Ils ont mobilisé plus de 36 000 participants partout en France, dans l'Hexagone comme dans les outre-mer, parmi lesquels plus de 6 000 jeunes.
Leurs conclusions, présentées le 1er décembre dernier, s'articulent en trois axes d'action collective : renouer avec le plaisir de lire ; faire de la lecture et des textes une présence continue dans la vie des jeunes ; faciliter et systématiser les coopérations entre les professionnels de la jeunesse. L'objectif est de réduire le temps d'écran. La sénatrice Agnès Evren entend faire de même avec sa proposition de loi.