ESPAGNE
I - LES INSTANCES DE REGULATION
1) Le cadre juridique de l'audiovisuel
a) La
Constitution
L'article 20 garantit la liberté d'expression et exclut toute forme de
censure :
" 1. On reconnaît et on protège le droit :
a) d'exprimer et de diffuser librement les pensées, les idées et
les opinions par la parole, l'écrit ou tout autre moyen de reproduction ;
(...)
d) de communiquer ou de recevoir librement une information véridique par
n'importe quel moyen de diffusion. La loi définira le droit à
l'invocation de la clause de conscience et au secret professionnel dans
l'exercice de ces libertés.
" 2. L'exercice de ces droits ne peut être restreint par aucune
forme de censure préalable.
" 3. La loi réglementera l'organisation et le contrôle
parlementaire des moyens de communication sociale dépendant de l'Etat ou
d'une entité publique et garantira l'accès à ces moyens
aux groupes sociaux et politiques significatifs, dans le respect du pluralisme
de la société et des différentes langues de l'Espagne.
" 4. Ces libertés trouvent leur limite dans le respect des droits
reconnus au présent titre, dans les préceptes des lois qui le
développent et, en particulier, dans le droit à l'honneur,
à l'intimité, à sa propre image et à la protection
de la jeunesse et de l'enfance.
" 5. On ne pourra procéder à la saisie de publications,
d'enregistrements et d'autres moyens d'information qu'en vertu d'une
décision judiciaire. "
b) Les lois sur l'audiovisuel
La loi du 10 janvier 1980 sur le statut de la radio et de la
télévision consacrait le principe du monopole de l'Etat,
exercé au nom de l'Etat par la R.T.V.E., établissement de droit
public.
Le monopole de l'Etat a pris fin en 1983 avec la création des
chaînes " autonomiques ", chaînes publiques
régionales qui bénéficient de concessions accordées
par l'Etat.
La loi du 3 mai 1988 sur la télévision privée affirme que
la télévision constitue un service public relevant de la
compétence de l'Etat, mais qu'il peut être concédé
à des sociétés privées.
2) Les organes de surveillance
Il
n'existe pas d'instance autonome de régulation
, mais la question
fait l'objet de nombreux débats.
a) Le secteur public
En application de l'article 20 de la Constitution,
la loi du 10 janvier 1980
portant
statut de la radio et de la télévision
publique
a créé, au sein du Congrès des
députés, une
commission parlementaire chargée du
contrôle permanent des chaînes publiques de
télévision.
b) Le secteur privé
La loi de 1988 sur la télévision privée charge le
ministère des transports, du tourisme et des communications
du
contrôle des sociétés privées concessionnaires du
service public.
Actuellement, c'est le ministère des travaux publics, des transports et
de l'environnement qui exerce cette compétence.
II - LA DEONTOLOGIE DES PROGRAMMES
1) Les principes posés par les textes
a) La
loi du 10 janvier 1980 portant statut de la radio et de la
télévision publiques
Elle énumère les
principes
que doivent respecter les
établissements du secteur public de l'audiovisuel :
- l'objectivité, l'exactitude et l'impartialité des informations ;
- la distinction entre informations et opinions ;
- le pluralisme politique, religieux, social, culturel et linguistique ;
- l'honneur, la réputation, la vie privée et tous les droits et
libertés reconnus par la Constitution ;
- la protection de l'enfance et de la jeunesse ;
- l'absence de discrimination "
pour des raisons de naissance, de race,
de sexe, de relation, d'opinion ou pour n'importe quelle autre condition ou
circonstance personnelle ou sociale
", conformément à
l'article 14 de la Constitution.
b) La loi de 1988 sur la télévision privée
Elle impose aux chaînes privées de télévision le
respect des principes auxquels sont soumis les établissements du secteur
public de l'audiovisuel
et qualifie
d'infraction très grave
le fait de ne pas les respecter.
c) La loi du 12 juillet 1994 transposant la directive
" Télévision sans frontières "
Elle reprend les dispositions de la directive sur la
protection des
mineurs
et prévoit que les émissions "
susceptibles
de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des
mineurs
", ainsi que celles qui comportent des scènes
pornographiques ou gratuitement violentes, d'une part, ne peuvent être
diffusées qu'entre 22 heures et 6 heures et, d'autre part, doivent faire
l'objet d'un avertissement visuel et sonore.
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Par ailleurs, tous les diffuseurs, publics et privés, ont signé en mars 1993 , à l'initiative du ministre de l'éducation , un accord sur des principes visant à protéger les enfants contre la violence, le sexe, l'emploi incorrect de la langue et la consommation de produits dangereux pour la santé. La R.T.V.E. a ensuite élaboré sur cette base ses " critères en matière de programmation et de contenu ".
2) Le rôle des instances de régulation
a) La
commission parlementaire de contrôle du secteur public
Une
résolution de 1983 du Congrès des
députés
fixe les règles de fonctionnement de cette
commission.
Elle se réunit en principe une semaine par mois en période de
session pour interroger le conseil d'administration ou le directeur
général de la R.T.V.E. Les questions sont déposées
entre le mardi et le jeudi de la semaine qui précède la
réunion. Le nombre de questions posées par chaque groupe est
proportionnel à son importance. Chaque question doit être
traitée en cinq minutes, partagées pour moitié entre
l'auteur de la question et celui qui y répond.
Par ailleurs, la commission peut tenir, notamment à la demande d'un
cinquième des députés, des réunions
spéciales d'information au cours desquelles un membre du conseil
d'administration de la R.T.V.E. ou le directeur général expose sa
politique d'ensemble ou développe un point particulier. L'exposé
est alors suivi de questions de représentants des différents
groupes politiques.
b) Le ministère des travaux publics, des transports et de
l'environnement
Les infractions " très graves " définies par la loi de
1988 sont sanctionnées par une amende comprise entre 15 et 50 millions
de pesetas (c'est-à-dire entre 600 000 et 2 millions de francs),
une suspension des émissions d'une durée maximale de quinze jours
ou un retrait de la concession. Cette dernière sanction est notamment
appliquée en cas de récidive. Le pouvoir de sanction appartient
au ministère des travaux publics, des transports et de l'environnement.
Les infractions qui sont définies par la loi de 1994 transposant la
directive " Télévision sans frontières " sont
sanctionnées par le ministère des travaux publics, des transports
et de l'environnement ou par le Premier ministre, selon qu'elles sont
" graves " ou " très graves ". Les sanctions sont
les mêmes que celles prévues par la loi de 1988.
Dans la pratique, ce pouvoir de sanction n'est pas exercé.
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Le conseil d'administration de la R.T.V.E. joue un vrai rôle d'autorégulation . En effet, la loi de 1980 le charge explicitement de veiller à ce que les programmes respectent les principes déontologiques qu'elle impose au secteur public.
3) Les travaux du Sénat sur la création d'une autorité de contrôle indépendante.
La
commission spéciale sur le contenu des émissions de
télévision, créée au Sénat en novembre 1993
à l'unanimité, a élaboré un rapport et une
proposition tendant à la création d'un "
Conseil
supérieur de l'audiovisuel
", approuvés respectivement
par l'assemblée plénière en avril et novembre 1995,
c'est-à-dire avant les élections législatives qui ont
amené un changement de majorité.
La commission spéciale proposait notamment de charger le futur
Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité administrative
indépendante, de veiller à la déontologie des programmes
:
- en s'assurant du respect de la loi et des codes déontologiques, et en
dénonçant les infractions à l'administration
compétente ou au ministère public ;
- en protégeant les droits fondamentaux des minorités, de
l'enfance et de la jeunesse, ainsi que la dignité de la personne ;
- en préservant la pluralité et l'objectivité de
l'information.