D. DYNAMISER LA POLITIQUE DE SOUTIEN AUX EXPORTATIONS DES PME
1. Les PME encore trop à l'écart de l'internationalisation
Les
performances de la France à l'export sont, avant tout, celle des plus
grandes entreprises : près de 90 % de ces exportations sont
réalisées par 5.000 grandes entreprises. Les 15 premiers
grands industriels assurent, à eux seuls, le quart de nos exportations
de marchandises, soit autant que les 100.000 PME indépendantes
engagées à l'exportation.
Sur les 2,4 millions d'entreprises en activité sur le territoire
français, moins de 5 % participent aux exportations de biens.
C'est vers les 95 % restants que doit se tourner la politique
française du commerce extérieur car les grandes entreprises n'ont
pas besoin de l'appui public pour exporter.
Les PME indépendantes réalisent 73 % de leurs exportations
vers l'Union Européenne : elles investissent en premier lieu les
pays périphériques, mais également ceux présentant
une proximité culturelle ou linguistique avec la France. Ainsi, en 1999,
elles réalisaient 29 % de leurs exportations vers l'Afrique. Il
faut noter que les très petites entreprises -TPE- ont orienté une
plus grande part de leurs exportations hors de l'Europe que les autres PME.
Globalement, on observe que la propension à exporter croît avec la
taille et l'expérience de l'entreprise. Par ailleurs, les PME
françaises semblent plus tournées vers l'international que leurs
homologues britanniques, mais beaucoup moins que les allemandes, bien que ces
différences entre pays puissent provenir de différences de
spécialités sectorielles.
2. Simplification, fonctionnement en réseau et adaptation des aides financières : des correctifs indispensables pour accroître l'internationalisation des PME
Votre
rapporteur pour avis a souligné les initiatives engagées par le
secrétaire d'Etat au Commerce extérieur pour encourager
l'ouverture internationale des PME. Il s'en félicite et soutient la
poursuite de cet effort. Il tient toutefois à suggérer quelques
orientations complémentaires visant pareillement à élargir
le marché des PME françaises.
D'une part, il insiste sur la nécessaire poursuite de la
simplification du dispositif français de soutien au développement
international des entreprises, qui est complet mais complexe
, comme l'a
reconnu récemment le secrétaire d'Etat au commerce devant la
mission d'information sur les questions relatives à l'expatriation des
compétences, des capitaux et des entreprises
5(
*
)
.
La complexité l'emporte, du point de vue des très petites
entreprises, et brouille la lisibilité du dispositif, sur lequel il est
donc difficile de communiquer efficacement.
Les chefs d'entreprise ont avant tout une approche locale. Leur premier
réflexe est de s'adresser à la chambre de commerce et
d'industrie. Un certain temps d'apprentissage leur est nécessaire pour
comprendre que beaucoup d'autres acteurs entrent en ligne de compte, à
la fois au plan local (chambres régionales de commerce, régions,
services déconcentrés de l'Etat), au plan national (CFCE,
CFME-ACTIM, ...) et enfin à l'étranger (PEE, organismes
consulaires et, le cas échéant, représentations
régionales).
Comme l'a montré un sondage réalisé en 1998 par
CSA-opinion pour le Secrétariat d'Etat au commerce extérieur et
cité dans le rapport évoqué plus haut,
46 % des
PME ne savent pas clairement à qui s'adresser lorsqu'elles recherchent
un appui pour se développer à l'international
. C'est dire
combien l'absence de lisibilité du réseau d'information et son
manque de stratégie commune nuit à l'efficacité des
politiques mises en oeuvre.
Votre rapporteur pour avis estime donc qu'il convient, en se fondant sur le
réflexe premier des chefs d'entreprise, de miser sur les chambres
régionales de commerce pour donner un écho de proximité au
dispositif existant.
Les chambres paraissent le mieux placées pour
constituer des « guichets export », interlocuteurs uniques,
près du terrain et visibles, points d'entrée des demandes des
entreprises.
Dans leur rapport d'information, MM. Badré, président, et
Ferrand, rapporteur, appelaient de leurs voeux l'émergence de tels
« guichets export », dont ils imaginaient ainsi le
fonctionnement.
Ces guichets export, construits sur le modèle des
«
Business links
» britanniques ou des
«
One Stop Centers
» américains, devraient
pouvoir donner à l'entreprise un premier niveau d'information,
adapté à son activité, l'orienter vers le centre de
compétence apte à traiter sa demande, initier le suivi de son
projet puis l'informer de l'état d'avancement de ses demandes.
En contrepartie d'engagements sur des objectifs nationaux et locaux en
matière de prestations offertes aux PME, ils
bénéficieraient d'un soutien financier spécifique et d'un
accès illimité aux données, études et documents
dont dispose le réseau de la DREE.
Enfin, chaque guichet export devrait être doté d'un
droit
d'activation des autres acteurs du dispositif d'appui local
, à la
fois pour s'assurer de la prise en charge des demandes des entreprises et pour
suivre le degré d'avancement des réponses qui leur sont
apportées.
La mission préconise que chaque fois que cela sera possible,
ces
guichets export soient dirigés par des personnes ayant une solide
expérience de l'entreprise
. Il importe, en effet, comme l'avait
alors souligné M. Jean Daniel Gardère, directeur
général du CFCE, que les chefs d'entreprise y trouvent des
interlocuteurs proches, par leur expérience personnelle, de leurs
préoccupations.
Le profil des chambres de commerce, dirigées par des hommes du
privé et assumant un service public, semble particulièrement bien
correspondre à ce schéma, d'autant qu'elles s'appuient sur un
réseau à l'étranger
-on compte 86 chambres de
commerce et d'industrie françaises à l'étranger (CCIFE)-
offrant un écho direct des marchés étrangers.
Au niveau central, l'Assemblée des chambres françaises de
commerce et d'industrie, la chambre de commerce et d'industrie de Paris, la
direction des relations économiques extérieures et l'Union des
chambres de commerce et d'industrie françaises à
l'étranger ont entrepris une concertation régulière en vue
d'articuler et d'optimiser les moyens financiers, logistiques et techniques
existants et de rechercher les synergies opérationnelles.
Sur le terrain, avaient déjà été signées des
conventions-cadre entre chambres de commerce et d'industrie et postes
d'expansion proposant aux entreprises des prestations communes, voire un
catalogue commun de prestation, comme au Brésil, en Chine, au Mexique ou
au Royaume-Uni.
Votre rapporteur pour avis, suivant les conclusions de la mission d'information
à laquelle il a fait référence plus haut, estime
qu'
il
convient d'aller plus loin
. Il se félicite que les
discussions entre les différents partenaires du commerce
extérieur aient abouti à un
accord global pour mettre en
pratique un principe de non concurrence et de complémentarité
entre les deux réseaux
.
La direction des relations économiques extérieures a
établi une
distinction claire
, parmi les chambres
franco-étrangères, entre celles qui ont majoritairement une
fonction de représentation, de logistique et d'animation de la
communauté d'affaires franco-locale et celles qui fournissent des
prestations d'information et d'appui commercial aux entreprises, seules ces
dernières pouvant prétendre bénéficier de l'appui
des pouvoirs publics dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens.
Dans ce cadre,
une vingtaine de « pays cibles »
tels
que les Etats-Unis, les pays européens, certains pays d'Asie ou du
Maghreb ont été retenus. Des conventions de partenariat y seront
négociées entre les postes d'expansion et les chambres de
commerce, afin d'organiser la complémentarité de leur appui aux
entreprises.
Ce
renforcement des moyens publics au profit d'un nombre limité de
chambres de commerce
est un encouragement pour les autres chambres à
accroître leur rôle au sein de nos communautés d'affaires
à l'étranger.
Votre rapporteur pour avis, comme la mission d'information, se félicite
également que le financement des chambres à l'étranger
soit désormais fixé sur la base d'objectifs conjoints de
l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie,
de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, de la direction des
relations économiques extérieures, et de l'Union des chambres de
commerce et d'industrie françaises à l'étranger. Les deux
réseaux ont été invités à s'assurer que
l'aide publique, et notamment les coopérants, soient principalement
employés à des prestations directes d'appui aux PME et plus
particulièrement aux nouveaux entrants sur le marché, de
façon non concurrente et coordonnée entre le poste et la chambre.
Votre rapporteur pour avis estime qu'un
effort financier plus
conséquent en faveur des chambres de commerce françaises à
l'étranger s'impose pour les confirmer dans leur rôle d'appui au
commerce extérieur
.
D'autre part, votre rapporteur pour avis estime que seule une adaptation
des aides financières à l'internationalisation des entreprises
permettrait de répondre à leurs besoins.
L'initialisation d'une activité internationale est une démarche
souvent très longue. Elle nécessite une volonté constante
du chef d'entreprise et suppose une capacité à financer des
actions coûteuses dont la rentabilité n'est pas immédiate.
La création d'une structure, même légère,
chargée de consolider un développement international, coûte
entre 800.000 et 1 million de francs par an. Il s'agit d'un investissement
lourd et risqué pour une PME.
Les
PME qui souhaitent amorcer le développement de leurs
exportations
peuvent bénéficier de
plusieurs types
d'aides
: les aides au démarrage d'une démarche export
financées dans le cadre des contrats de plan Etat-région,
l'assurance prospection auprès de la COFACE, les garanties de cautions
export et de prêts bancaires ainsi que les dispositifs d'appui financier
de la Banque de développement des PME (BDPME).
Ces dispositifs d'appui financier ne suffisent pas pour inciter la
majorité des petites et moyennes entreprises à développer
leur activité à l'étranger et à créer une
structure dédiée au développement international.
Comme le souligne le rapport du MEDEF sur l'internationalisation des
PME
6(
*
)
, les assurances
prospection gérées par la COFACE sont insuffisamment
développées auprès des « primo
exportateurs ». La communication sur cet outil est à
amplifier, notamment au sein des agences bancaires, qui sont les premiers
interlocuteurs des patrons de PME.
Par ailleurs, ce même rapport ajoute que face à ces diverses
aides, les chefs d'entreprise critiquent le parrainage bancaire exigé
pour disposer d'une avance de trésorerie, le manque de transparence des
critères d'attribution, la timidité des prises de risque de la
COFACE et le manque d'information sur les aides régionales.
S'agissant des aides régionales, il est souligné qu'elles sont
souvent décriées, à la fois pour des questions de principe
et de mise en oeuvre :
- sur le principe : demander une aide n'est pas un réflexe
pour une majorité de chefs d'entreprise ;
- sur la mise en oeuvre : l'accès à l'information sur
l'existence des aides est jugé difficile, le champ d'application des
aides pas toujours clair.
Le MEDEF constate que les dispositifs d'appui financier ne suffisent pas pour
inciter les entreprises à créer une structure
dédiée au développement international. Il rappelle que
pour plusieurs milliers d'entreprises, le chiffre d'affaires
réalisé à l'export ne permet pas à lui seul de
rentabiliser une telle structure.
Dans ce contexte, le MEDEF propose de faire évoluer le système
actuel d'aide à l'export pour en faire un dispositif complet
d'accompagnement des PME couvrant l'ensemble des besoins.
Le soutien au développement international des entreprises devrait
être conçu comme un dispositif général
d'accompagnement :
- en aménageant la fiscalité pour inciter davantage les
entreprises à aller à l'export ;
- en développant la couverture des risques ;
- en favorisant l'accès au crédit bancaire ;
- en permettant aux entreprises d'avoir accès plus facilement au
conseil pour leur projet d'internationalisation ;
- en baissant le coût du travail pour les premiers postes à
l'export ;
- en soutenant la formation continue des dirigeants pour améliorer
la pratique des langues et favoriser l'ouverture à l'international.
Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis soutient les propositions du
MEDEF pour accroître la capacité financière des entreprises
qui veulent se développer à l'international :
- en
instaurant un Crédit d'Impôt Export
dans une
démarche similaire à celle du Crédit Impôt
Recherche, en exonérant d'impôts sur les société
pendant 5 ans la part de chiffre d'affaires réalisée à
l'export par les entreprises nouvellement exportatrices ou en instaurant une
franchise de charges sociales, sur le premier poste entièrement
consacré à l'export. Actuellement, il n'y a pas
véritablement d'incitation fiscale à exporter pour les petites et
moyennes entreprises. Cette proposition a pour but d'atténuer la
pression fiscale sur les premières démarches à l'export et
d'améliorer la capacité de financement et d'investissement des
entreprises nouvellement exportatrices ;
- en
facilitant la mise en oeuvre par les entreprises de
l'article 39-A-octies du code général des impôts
concernant les investissements effectués à l'étranger
.
Cette disposition permet aux entreprises d'amortir les dépenses
engagées pour l'implantation à l'étranger et les
investissements effectués, mais elle est, en pratique, difficile
à exploiter par les PME, à la fois par la complexité des
demandes d'agrément et par la lourdeur du suivi que cela implique, dont
la justification vis à vis du fisc français de la
réalité des exercices effectués.
Il soutient, en outre, qu'il serait utile d'étudier la
possibilité de
mettre à disposition des entreprises
exportatrices les volontaires internationaux en entreprises
pour assurer
des missions liées aux exportations à partir de la France. Cette
dérogation au principe selon lequel le volontaire international est
affecté à l'étranger permettrait aux PME basées en
France de recruter un premier cadre chargé du développement
international. Pour les très petites entreprises, on pourrait envisager
de mettre à leur disposition un volontaire international en entreprises,
qui se partagerait entre plusieurs d'entre elles.
Votre rapporteur pour avis suggère également que soit
étudiée la possibilité pour les sénateurs
d'être accompagnés dans leurs déplacements avec les groupes
d'amitié dont ils sont membres, de chefs de petites ou moyennes
entreprises. Ceci permettrait d'offrir à ces chefs d'entreprise
l'opportunité de nouer facilement des contacts à
l'étranger, à l'occasion des rencontres entre les
sénateurs et le poste d'expansion économique ou l'Ambassade du
pays visité, et faciliterait ainsi leurs premiers pas à
l'exportation.