EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une séance tenue le mardi 12 novembre 2002 sous la présidence
de M. Philippe Nachbar, secrétaire, la commission a examiné le
rapport pour avis de
M. Jacques Legendre sur les crédits de la
francophonie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003
.
Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a émis
un avis
favorable à l'adoption des crédits de la francophonie pour
2003
.
CONCLUSION
ANNEXE I
DISCOURS DE MONSIEUR JACQUES
CHIRAC,
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,
LORS DE LA
CÉRÉMONIE D'OUVERTURE DU SOMMET DE BEYROUTH
Lors
de la cérémonie d'ouverture
du IX
e
sommet des chefs d'Etat et de gouvernement
des pays ayant le français en partage
Beyrouth-Liban
Vendredi 18 octobre 2002
Monsieur
le Président de la République libanaise,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale libanaise,
Monsieur le Président du Conseil des Ministres du Liban,
Permettez-moi aussi de saluer les autorités religieuses, civiles et
militaires de notre pays hôte,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'État et de gouvernement,
Mesdames les premières dames,
Monsieur le Secrétaire Général de l'Organisation
Internationale de la Francophonie,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers Amis,
D'abord, Monsieur le Président, merci pour la chaleur de votre accueil,
de l'accueil du Liban, des Libanaises et des Libanais, auquel nous sommes
profondément sensibles. Merci aussi pour la qualité de
l'organisation et du travail de ce sommet.
Dans un monde travaillé par la violence et par la guerre ; dans un
monde où persiste la misère de masse, alors que la richesse
globale s'accroît à un rythme sans précédent dans
l'histoire ; dans un monde où l'homme mutile la nature, sans laquelle
pourtant il ne peut vivre ; dans un monde où
l'accélération des échanges et des connaissances devient
vertigineuse ; dans un monde à la recherche de sens et de
repères, la culture s'impose. Elle s'impose parce qu'elle est porteuse
d'espérance.
La culture, c'est le mouvement par lequel l'homme décide de dire non
à la fatalité, de maîtriser ses instincts, de comprendre ce
qu'il vit et de lui donner un sens. Manifestation de la force de l'esprit, elle
est l'arme de l'intelligence contre la force brute et les obstacles apparemment
insurmontables. Fruit d'expériences ancestrales, aspiration au bonheur,
elle ennoblit l'existence.
En ces temps où l'humanité doit s'inventer une destinée
commune, ces temps riches de promesses et de menaces à la fois, nous
francophones, ayant le français en partage, nous avons une mission.
Différents par l'origine, la race, la religion, rassemblés par
les tourments de l'histoire, nous voulons faire vivre et partager
l'idéal humaniste qui nous unit.
Où mieux qu'à Beyrouth, dans ce pays aux racines
millénaires où se sont succédé les peuples et les
civilisations, pouvions-nous célébrer le dialogue des
cultures ? Ici, nous pourrons méditer sur l'expérience
séculaire du peuple libanais. Un peuple qui a su conjuguer les
influences de l'Orient et de l'Occident. Un peuple doué du génie
du commerce qui, avant tous les autres, s'en est allé explorer le monde.
Un peuple qui a subi trop souvent l'amère expérience des
conflits, de l'invasion et de la discorde intérieure. Mais un peuple qui
s'est toujours redressé, que sa curiosité du monde et sa
capacité d'adaptation ont toujours maintenu parmi les nations
influentes. Un peuple que nous remercions pour la chaleur de son
hospitalité.
À Beyrouth, pour le progrès de nos peuples et pour un monde
meilleur, je souhaite que nous servions la cause du dialogue des cultures, la
cause de la paix et de la démocratie, la cause du développement
durable.
La Francophonie est par vocation au service du dialogue et de la
diversité des cultures. La mondialisation promet aux hommes plus de
liberté et de progrès. C'est vrai. Nous y voyons aussi le risque
de l'uniformisation et une menace pour nos identités. Mais le repli sur
soi mènerait au déclin aussi sûrement que le renoncement
à soi. L'un des défis du monde fluide où nous vivons
désormais est d'apprendre à mieux être soi-même pour
mieux accueillir l'autre. Nous désamorcerons ainsi ce qu'Amin Maalouf
appelle « les identités meurtrières ».
La réponse aux problèmes d'aujourd'hui passe, elle aussi, par le
dialogue des cultures car elle appelle une synthèse entre la recherche
d'efficacité de l'ère industrielle et la recherche d'harmonie des
sociétés traditionnelles. Veillons à ce que la place
croissante des échanges marchands dans nos vies s'accompagne d'une
intensification égale des échanges d'idées.
Voilà pourquoi il faut préserver la diversité du monde,
garante de l'avenir de l'humanité. Voilà pourquoi la France
demande aux francophones de rassembler les États conscients de cette
exigence pour soutenir à l'UNESCO une convention sur la diversité
culturelle. Voilà pourquoi il nous faut défendre avec plus
d'énergie le français et la diversité linguistique,
notamment dans les enceintes internationales où certains d'entre nous
ont l'insupportable sentiment, pour reprendre l'expression du Président
El Hadj Omar Bongo, d'être sourds et muets.
Ce que nous voulons pour le monde, nous le voulons pour la Francophonie.
À Beyrouth, donnons un exemple vivant de dialogue des cultures.
Apprenons à mieux nous connaître, mieux apprécier les
apports de chacun.
La France veut prendre toute sa part à cet effort. C'est pourquoi je
souhaite l'ouverture au Musée du Louvre d'un nouveau Département
consacré aux arts de l'Islam. Il viendra conforter la vocation
universelle de cette prestigieuse institution et il rappellera aux
Français et au monde l'apport essentiel des civilisations de l'Islam
à notre culture.
Je propose en outre que la France accueille à Paris, en 2006, un
festival des cultures du monde francophone. Cette saison exceptionnelle
rassemblerait des créateurs, des cinéastes, des scientifiques,
des musiciens, des poètes, des artistes de tous nos pays.
Démonstration éclatante de notre vitalité, elle serait une
fête, pour tisser entre nos peuples des liens les plus étroits.
Elle serait aussi l'occasion d'inaugurer une Maison de la Francophonie,
siège de prestige, accueillant au public aussi bien, naturellement,
qu'à nos opérateurs.
Mais il n'est pas d'authentique dialogue des cultures sans liberté, sans
démocratie, sans affirmation des valeurs universelles de la
déclaration de 1948. Il est temps de mettre pleinement en oeuvre notre
déclaration de Bamako, par l'observation courageuse et lucide de la
situation des droits de l'homme dans nos pays et par l'application des
mécanismes que nous avons créés. La démocratie est
certes un long chemin. Mais nous irons plus vite si nous allons ensemble et nul
ne peut prétendre appartenir à notre famille s'il récuse
ce fondement de notre héritage commun.
Il n'est pas non plus de dialogue des cultures sans accès universel
à l'éducation, pour les filles comme pour les garçons.
Parmi les pays les plus en retard dans la réalisation des objectifs de
Dakar, c'est-à-dire la scolarisation pour tous en 2015, figurent
hélas beaucoup d'entre nous. Je m'engage à ce que
l'éducation soit une priorité de l'importante augmentation de
l'aide publique au développement de la France à partir de cette
année. Je souhaite qu'une part importante des crédits nouveaux
que la France consacrera à la Francophonie bénéficie
à notre agence universitaire. J'invite l'Agence intergouvernementale
à préparer une stratégie nouvelle.
La Francophonie a vocation à faire progresser la paix. Le dialogue des
cultures, facilitant le partage des expériences humaines, est le
meilleur antidote au risque d'un choc des civilisations. Il nous aidera
à poser les fondements d'une paix durable. Mais il nous faut aussi agir
pour mettre fin aux conflits actuels.
À Beyrouth, réaffirmons ce credo fondamental : dans le monde
moderne, le recours à la force ne saurait être qu'un ultime et
exceptionnel recours. Il ne saurait être admis qu'en cas de
légitime défense ou de décision des instances
internationales compétentes. Qu'il s'agisse de faire respecter ses
obligations par l'Iraq, de relancer le processus de paix
israélo-palestinien ou de régler les conflits en Afrique, la
même logique du droit doit tous nous inspirer, car elle seule nous
garantira durablement contre les tentations aventuristes.
Depuis le sommet de Hanoi, les francophones ont commencé à agir
ensemble pour la prévention des conflits ou pour le
rétablissement de la paix dans leur espace commun. Et je rends hommage
à l'action du Secrétaire général et de ses
envoyés. Nous devons nous engager davantage encore. Nous inspirant du
précédent de la conférence de Bamako pour la
démocratie et les droits de l'homme, je suggère que la
Francophonie demande à son Secrétaire Général des
propositions en vue d'une conférence ministérielle
destinée à établir les instruments de notre dialogue et de
notre action au service de la paix.
Le monde a éprouvé toute l'horreur des attentats du
11 septembre, dont l'onde de choc se fait encore sentir. Le monde est
solidaire du peuple américain frappé par ces attentats. Le monde
s'est coalisé contre le terrorisme, dans le cadre de l'Organisation des
Nations Unies. Et nous devons aussi combattre ces injustices, ces frustrations
et ces fléaux qui servent de prétexte aux terroristes pour
perpétrer leurs crimes. Pour cela, il nous faut travailler davantage au
règlement des conflits, mais aussi à la réalisation des
objectifs du développement durable.
Pour lutter contre le sida et les autres pandémies, pour vaincre la
pauvreté, rétablir les équilibres écologiques,
prévenir les crises financières, un même besoin se fait
sentir. Comment organiser la cité planétaire afin que les plus
vulnérables y soient protégés, que la
sécurité y soit assurée, que la diversité et
l'égalité des chances y soient réalisées ?
Humaniser et maîtriser la mondialisation passe par l'invention d'une
gouvernance universelle, d'une démocratie planétaire.
Les francophones veulent orienter les débats mondiaux, ces
négociations où se dessine une partie de notre avenir. Qu'il
s'agisse de finances, de commerce, d'aide au développement ou de
protection de l'environnement, il nous faut nous concerter davantage afin de
mieux défendre nos intérêts et de faire entendre la voix de
la diversité.
La famille francophone est une solidarité, c'est donc solidaire qu'elle
doit oeuvrer à la réalisation des objectifs que le monde s'est
fixé lors des sommets du Millénaire et de Johannesburg.
Nous nous sommes engagés à réduire de moitié d'ici
2015 le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté. Nous
nous sommes engagés à avoir réduit de moitié
à cette date le nombre de celles et ceux qui n'ont pas accès
à l'eau potable et à l'assainissement. Nous nous sommes
engagés à ouvrir davantage le commerce international aux
productions du sud et à porter l'aide publique au développement
à 0,7 % du PIB des pays industrialisés. Certes, nous avons
placé la barre très haut, mais nous le devons à nos
concitoyens. Et ces ambitions sont à notre portée, à
condition naturellement de mobiliser nos forces.
Je salue, après Jean Chrétien, l'entreprise novatrice que
constitue à ce titre le NEPAD et je suis heureux que deux de ses
principaux promoteurs, le Président Bouteflika et le Président
Wade, soient présents parmi nous. L'Afrique prend en main son destin et
décide de s'engager sur la voie de la démocratie, de la bonne
gouvernance et du développement. La communauté internationale
unanime appuie ce projet ambitieux et exemplaire. Nous passons d'une logique
d'assistance, qui a montré ses limites, à une logique de
partenariat et de responsabilité mutuelle qui est infiniment plus
prometteuse.
Pour marquer la solidarité des francophones, je vous propose que nous
consacrions notre prochain sommet au développement durable. Nous
examinerions où nous en sommes de la réalisation des chantiers du
Millénaire et de Johannesburg. Pour cela, tenons ensemble le grand livre
de nos progrès vers le développement humain. Demandons à
nos opérateurs de s'organiser pour évaluer nos résultats
et pour nous aider à mieux accéder aux financements
internationaux nécessaires.
Mesdames et Messieurs, un homme incarne le mouvement francophone.
Boutros Boutros-Ghali est fils d'Égypte. Il est l'héritier d'une
des plus vieilles civilisations du monde, il est le dépositaire d'un
patrimoine irremplaçable, l'enfant de l'Afrique, de l'Arabie et de
l'Europe tout autant.
Par sa carrière, il est l'homme de la paix. En charge de
responsabilités éminentes dans la diplomatie égyptienne,
il y a travaillé avec courage et conviction. À la tête de
l'ONU, il a défendu l'ambition multilatérale autour de trois
idées-forces : la paix, le développement et la
démocratie.
Devenu le visage et la voix de la francophonie, il a ouvert notre mouvement au
vent du large en l'alliant aux cultures arabes, lusophones, hispanophones. Il
lui a insufflé sa fougue, son ambition et son exigence. Je lui exprime
notre reconnaissance et je lui rends hommage.
Quel plus bel hommage que de confirmer l'élan que nous lui devons. En
approfondissant la réforme et le renforcement de nos
opérateurs ; en les rapprochant des associations, des entreprises,
des collectivités locales ; en faisant entendre davantage notre
voix dans le monde, par le renforcement de notre présence audiovisuelle,
alors oui nous poursuivrons son oeuvre.
La Francophonie se veut force d'avenir. Pour peser dans le monde, elle doit
être à la pointe d'une des ambitions les plus fondamentales et les
plus urgentes de notre temps : l'invention d'une éthique
universelle, fondée sur trois principes cardinaux, maîtrise de
soi, respect de l'autre et solidarité.
La maîtrise de soi. À l'heure où l'homme détient une
puissance suffisante pour détruire la vie, son avenir exige qu'il domine
ses appétits et apprenne à mieux peser les conséquences de
ses décisions.
Le respect. Alors que les technologies nouvelles défient les distances
et le temps, vouant les communautés humaines les plus
éloignées à vivre ensemble ; alors que la science
permet de transformer la nature humaine qu'on croyait jusqu'ici inviolable, il
est essentiel de s'imprégner du caractère sacré de l'autre
et de la vie.
La solidarité enfin. Nos destinées sont liées. Nulle
nation, nul pays ne peut prétendre répondre seul aux défis
d'aujourd'hui et notre monde ne peut espérer poursuivre son expansion
sans répondre aux besoins, aux besoins légitimes des milliards de
femmes et d'hommes qui sont en fait aujourd'hui exclus du progrès. La
mondialisation de l'économie exige la mondialisation de la
solidarité.
Ces trois principes cardinaux, la culture francophone nous les rend familiers.
Reste à les incarner, à les faire partager. Telle est notre
mission et notre vocation. Telle est la noblesse de notre mouvement. Telle est
l'ambition de notre Sommet, vers cet « humanisme
intégral » où le Président Léopold
Sédar Senghor voyait l'avenir du monde.
Je vous remercie.