TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le jeudi 7 novembre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l' audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur les crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2003.
Rappelant que le projet de budget du travail et de la solidarité s'inscrivait dans la stratégie gouvernementale visant à stimuler la croissance et l'emploi, M. François Fillon a tout d'abord présenté les grandes lignes du budget travail.
Il a indiqué que les crédits s'élèveraient à 15,7 milliards d'euros en 2003, tout en observant que ce chiffre ne rendait pas intégralement compte de l'effort en faveur de l'emploi, puisqu'il faut également y ajouter les baisses de charges sur les bas salaires, qui mobiliseront 1 milliard d'euros supplémentaires.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que ce budget participait d'une stratégie générale pour l'emploi reposant sur deux piliers : la revalorisation du travail et la restauration de la compétitivité des entreprises, mais aussi la priorité donnée à l'emploi dans le secteur marchand.
A cet égard, il a souligné le caractère emblématique de la politique menée en faveur de l'emploi des jeunes que traduit le présent budget. Il a ainsi indiqué que les crédits en faveur du contrat jeune en entreprise permettraient l'embauche de 90.000 jeunes et que les crédits en faveur de l'alternance devraient autoriser une progression de 8 % du nombre de contrats. Il a également indiqué qu'il serait progressivement mis fin au système des emplois-jeunes : mal ciblé, peu valorisant en termes de rémunération et de débouchés, il ne fera plus l'objet d'aucun recrutement même si, pour les associations dont les projets sont les plus utiles, des mesures d'appui seront mises en place durant trois ans, afin de rendre leurs activités viables au-delà des cinq années couvertes par l'aide initiale.
M. François Fillon a souligné que les emplois-jeunes seraient progressivement remplacés par les contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), indiquant que ce contrat sera plus resserré vers les jeunes les plus en difficulté et que le plus grand soin sera apporté à la formation proposée aux jeunes afin d'assurer leur insertion professionnelle à l'issue de leur contrat.
Concernant la promotion de l'emploi et les adaptations économiques, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le budget reflétait une double priorité. D'une part, le Gouvernement souhaite permettre aux entreprises dont l'existence est menacée de gérer très en amont, et dans les meilleures conditions possibles, les restructurations auxquelles elles doivent faire face, ce qui conduit alors le Gouvernement à privilégier les dispositifs en faveur des salariés des petites et moyennes entreprises et des entreprises les plus en difficulté. D'autre part, alors que le taux d'emploi en France des personnes âgées de plus de 55 ans est l'un des plus faibles d'Europe, la politique de retrait anticipé des salariés âgés et expérimentés du marché du travail est clairement contraire aux orientations du Gouvernement qui a décidé, dans le présent budget, de réduire l'impact du dispositif de cessation anticipée d'activité en prévoyant une augmentation de la participation des entreprises aux préretraites fonds national de l'emploi (FNE) et, surtout, aux préretraites progressives.
Il a également insisté sur la très forte hausse des crédits relatifs à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, dont le montant est presque décuplé et sur la création d'une cellule interministérielle visant à mieux anticiper les mutations économiques et industrielles.
S'agissant de la gestion des politiques de l'emploi, il a mis l'accent sur les efforts significatifs consentis au profit de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), dont les crédits progressent de 1,7 % dans chaque cas.
Au total, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a considéré que le projet de budget du travail reposait sur un double choix : la priorité aux mesures d'insertion dans l'emploi marchand, grâce aux baisses de charges, mais aussi grâce à des dispositifs plus ciblés, comme le contrat jeune en entreprise, et la priorité aux publics les plus en difficulté pour l'accès aux contrats aidés et aux différents instruments de soutien à la formation et à la recherche d'emploi. Il a jugé que ces priorités étaient de nature à affermir la situation de l'emploi dans un contexte économique particulièrement difficile.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail, s'est inquiété de l'évolution de la situation financière de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et s'est interrogé sur sa capacité à verser une contribution de 1,2 milliard d'euros au budget de l'Etat pour 2003.
Il s'est également interrogé sur une éventuelle majoration des crédits consacrés aux contrats emploi-solidarité après les récentes annonces du Gouvernement indiquant une augmentation du nombre de contrats et des dérogations pour rétablir le taux de participation de l'Etat.
Il a enfin souhaité avoir des précisions sur les dotations inscrites au projet de budget, à hauteur de 50 millions d'euros, et destinées à permettre la pérennisation des emplois-jeunes créés par les associations.
En réponse au rapporteur pour avis, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a déclaré que l'Etat n'était pas indifférent aux difficultés que rencontre le régime d'assurance chômage. Il a rappelé qu'à l'issue de l'accord du 19 juin 2002, le Gouvernement avait validé les mesures envisagées par les partenaires sociaux, en agréant l'ensemble des avenants à la convention d'assurance chômage et en acceptant de reporter en 2003 le versement de 1,2 milliard d'euros. Précisant que des négociations importantes s'engageront à la fin de l'année pour faire face au déficit prévu du régime, il a indiqué qu'il examinerait avec attention les solutions proposées par les partenaires sociaux, en fonction de la situation financière de l'UNEDIC, dans le cadre de la procédure d'agrément.
Rappelant que les contrats emploi-solidarité constituent un dispositif utile pour prévenir un chômage prolongé des publics présentant les plus grandes difficultés pour accéder à l'emploi, M. François Fillon a jugé nécessaire d'adapter le volume de ces contrats à l'évolution de la situation de l'emploi. Il a précisé que, conformément à l'arbitrage du Premier ministre, le Gouvernement entendait maintenir un rythme de création moyen, d'environ 20.000 contrats par mois sur 2003. Il a indiqué que les crédits disponibles permettaient actuellement de financer 160.000 contrats pour 2003 et qu'il faudrait donc sans doute inscrire un complément de crédits lors de l'examen du collectif pour 2003.
Il a fait part de son souhait de moderniser le dispositif, en annonçant son intention de fusionner les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé dans le cadre d'un contrat unique mais modulable, pour mieux répondre aux besoins des publics concernés. Il a toutefois souligné que ce dispositif de traitement social du chômage ne constituait pas une solution pour réduire le chômage, ni pour offrir une insertion durable sur le marché du travail. Il a en conséquence indiqué que le Gouvernement avait décidé de ne plus subventionner uniformément, à hauteur de 95 %, ces contrats et qu'il était prévu de ramener le taux de participation de l'Etat au niveau prévu par le décret du 30 janvier 1990, soit 65 % et 85 % pour les publics les plus en difficulté. Il a néanmoins estimé que la mise en oeuvre de ces règles ne devait compromettre ni la viabilité des structures d'insertion des plus fragiles, ni l'emploi des personnes les plus vulnérables. Il a alors indiqué avoir demandé à ses services de conserver, à titre temporaire, la possibilité de maintenir des taux de prise en charge majorés jusqu'à 95 % dans deux cas : les jeunes en grande difficulté et les chantiers d'insertion. Il a indiqué que le coût de ces mesures, soit 10 millions d'euros environ, pourrait être absorbé sans difficulté dans le cadre de la gestion 2003.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a toutefois souligné que la politique de l'emploi ne pouvait se réduire au soutien à l'emploi public ou parapublic et que le Gouvernement avait choisi de réorienter les dispositifs d'aide à l'emploi et à l'insertion vers le secteur marchand et notamment les contrats jeunes, dont les premiers résultats sont extrêmement encourageants.
S'agissant des emplois-jeunes, il a rappelé que le Gouvernement avait abordé avec pragmatisme le devenir de ce programme, soucieux avant toute chose du sort des jeunes concernés. A cet égard, il a observé que le poids budgétaire de ce programme s'élèverait à 2,7 milliards d'euros en 2003, ce qui est considérable. Rappelant qu'il s'était engagé à offrir des mesures de pérennisation des emplois créés, dans le but d'accompagner les associations dans la recherche de sources alternatives de financement, il a indiqué que, pour les associations qui, au terme de 5 ans n'auraient pas atteint leur autonomie, des conventions d'une durée de 3 ans pourraient, de manière dégressive, prolonger l'aide de l'Etat et que ces mesures de pérennisation seraient mises en oeuvre avec une exigence renforcée quant à la professionnalisation des jeunes.
M. François Fillon a précisé que les 10 millions d'euros de crédits consacrés au soutien financier exceptionnel visent à permettre la conclusion d'un petit nombre de contrats dont la procédure d'agrément est en cours, au moment où la décision de suspendre le programme a été prise.
Pour les collectivités locales, il a jugé que le maintien des missions remplies par les emplois-jeunes devait faire l'objet d'une évaluation, mais que leur consolidation et leur pérennisation relevaient toutefois de leurs seules compétences, conformément au principe de libre administration des collectivités locales, même si les services de l'Etat contribueront naturellement à les aider pour mettre en place des voies d'accès à la fonction publique territoriale.
S'agissant enfin des jeunes ne pouvant entrer dans le cadre des dispositifs de pérennisation des emplois et ne trouvant pas de solution immédiate sur le marché du travail, il a déclaré que le service public de l'emploi serait mobilisé en leur faveur.
M. Gilbert Chabroux a souligné l'ampleur des modifications intervenues depuis la présentation du projet de loi de finances, notamment quant au nombre annoncé de contrats emploi-solidarité, et à la participation de l'Etat. Il s'est alors interrogé sur la nature du vote demandé au Parlement, se demandant s'il s'agissait de voter des crédits ou d'approuver de simples perspectives.
Il a fait part de son impression d'une « navigation à vue » du Gouvernement en matière de politique de l'emploi, même s'il a reconnu que celle-ci devait s'adapter à l'évolution de la conjoncture. Observant la forte progression du chômage des jeunes, il s'est interrogé sur le sort du programme « trajet d'accès à l'emploi » (TRACE) et de la bourse d'accès à l'emploi. Il a souhaité avoir de plus amples précisions sur le nouveau CIVIS annoncé par le Gouvernement.
Mme Gisèle Printz a estimé que le projet de budget pour 2003 restait très vague et faisait peu de cas des actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
M. Roland Muzeau a regretté la diminution de 960 millions d'euros des crédits consacrés à l'emploi, et notamment la situation réservée par le budget aux contrats emploi-solidarité, au programme TRACE et aux emplois-jeunes. Il a alors estimé que le projet de budget marquait une forte réorientation de la politique de l'emploi vers le secteur marchand, alors même que les exonérations de charges ne produisent pas les effets escomptés et que les employeurs ne jouent pas le jeu de la lutte contre le chômage. Il a également souhaité avoir des précisions sur le CIVIS et sur les aides à la pérennisation des emplois-jeunes.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est déclaré favorable à la réorientation de la politique de l'emploi, mais a estimé que celle-ci ne produirait le résultat voulu qu'à la condition d'un important effort de communication en direction des structures d'insertion existantes. A cet égard, prenant l'exemple du nouveau contrat-jeune, il a souligné qu'il rencontrait dans sa commune une forte demande des entreprises, mais une absence d'appétence des jeunes, d'ailleurs peu orientés vers ce programme par les missions locales.
Il a également fait part de trois pistes en faveur d'une réorientation de la politique de l'emploi : accompagner l'arrêt du programme emplois-jeunes par le développement de l'apprentissage dans les collectivités locales, pénaliser le retrait anticipé des salariés âgés du marché du travail, et mettre en oeuvre rapidement le contrat d'intégration annoncé par le Président de la République pour favoriser l'accès à l'emploi des immigrés.
En réponse aux différents intervenants, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a souligné qu'à l'exception du nombre de contrats emploi-solidarité, le budget du travail n'avait en rien été modifié depuis sa première présentation. Il a, à ce propos, indiqué que la modulation du nombre de ces contrats en cours d'année était une pratique ancienne, que la fixation de leur taux de prise en charge n'était pas du domaine législatif et que le financement de tous les contrats serait garanti, soit en loi de finances initiale, soit en loi de finances rectificative.
Il a précisé que le programme TRACE n'était absolument pas abandonné puisque le projet de budget prévoyait 98.000 entrées pour 2003. Il a en revanche annoncé la suppression de la bourse d'accès à l'emploi, dans la perspective de la création à venir du CIVIS.
S'agissant du CIVIS, il a précisé que son objectif était de permettre sa mise en oeuvre à la mi-2003. Il a indiqué que ce contrat s'adresserait aux jeunes de 18 à 25 ans, de niveau baccalauréat, et serait géré de manière décentralisée, les missions locales évaluant les capacités des jeunes et leur proposant un contrat personnalisé. Il a déclaré que ce contrat pourrait notamment prévoir une bourse d'accès à l'emploi, une aide à la création d'entreprise ou le financement d'actions humanitaires et ouvrirait la possibilité d'une prise en charge, sur 3 ans, de 80 % du salaire des jeunes travaillant dans une association ou dans l'éducation nationale. Il a enfin indiqué que ce contrat ouvrirait une part importante à l'intervention des collectivités locales, et notamment aux régions pour son volet formation.
En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, M. François Fillon a reconnu être conscient de la nécessité de mobiliser plus encore le service public de l'emploi à l'occasion de la réorientation de la politique de l'emploi. Il a toutefois observé une forte demande des entreprises pour le nouveau contrat-jeune.
En réponse à M. Roland Muzeau, il a insisté sur le nécessaire changement d'orientation de la politique de l'emploi. Il a constaté, de fait, que si les crédits diminuaient de 969 millions d'euros pour l'emploi aidé, ils augmentaient d'un milliard d'euros pour les allégements de charges.