B. UNE PLUS GRANDE ÉQUITÉ VIS-À-VIS DES SALARIÉS DES AUTRES RÉGIMES

1. Un niveau des pensions versées globalement comparable

Le rapport Charpin (1999) avait montré qu'à salaires identiques dans les secteurs public et privé, les retraites étaient comparables, voire légèrement supérieures pour les salariés du secteur privé, dans l'hypothèse de carrières complètes avec bénéfice du taux de pension maximum, malgré une base de calcul (moyenne des vingt cinq meilleures années) et un taux de liquidation (50 %) nettement moins favorable dans le régime général que dans les régimes des fonctionnaires (respectivement, les six derniers mois et 75 %).

Cela s'explique évidemment par l'existence de régimes complémentaires obligatoires pour les salariés cotisant au régime général, et aussi par l'importance relative, pour les fonctionnaires, des primes qui ne sont pas comprises dans l'assiette de liquidation. Ainsi, il n'y avait pas lieu, en 1999, de prendre position, en terme d'équité, sur les taux de remplacement 27 ( * ) résultant des règles en vigueur dans le secteur public et dans le secteur privé, dans l'hypothèse de carrières complètes avec bénéfice du taux de pension maximum , même si la réforme du régime général intervenue en 1993 n'avait (et n'a toujours pas) produit tous ses effets 28 ( * ) .

2. La principale différence : l'absence de décote

En réalité, la principale iniquité ne réside pas dans le calcul de l'assiette, ni dans taux de cotisation, ni même dans la durée de cotisation requise, mais dans l' absence de décote en cas de carrière incomplète (c'est à dire, dans l'état actuel du droit, d'une durée inférieure à 150 trimestres).

Dans son rapport spécial précité sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2003, Notre collègue Gérard Braun notait encore : « Votre rapporteur spécial souhaite que la logique des réformes à venir soit celle de l'efficacité, et non celle d'une équité apparente . (...)

« Il est vrai qu'un allongement de la durée de cotisation à 40 ans dans le régime de l'Etat pourrait sembler, au premier abord, épuiser l'iniquité existante au regard du régime général qui prévoit déjà cette durée. Pourtant la véritable iniquité ne réside pas là, mais dans le mécanisme de décote supplémentaire par annuité manquante ».

Or, ainsi que la Cour des comptes l'a noté dans son rapport public particulier d'avril 2003 sur les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat , la fréquence des carrières incomplètes est particulièrement forte dans la fonction publique (38,4 % chez les hommes et 49,4 % chez les femmes retraités unipensionnés fonctionnaires civils de l'Etat en 2001), et il s'agit d'un « phénomène croissant » : « (...) la tendance observée traduit une appétence générale, dans le cadre des règles actuelles, à faire prévaloir sur l'objectif d'une carrière complète des considérations privilégiant les choix de vie individuels ».

Le tableau suivant, qui permet de comparer les principales règles de liquidation existantes dans le régime général et le régime de l'Etat, fait ressortir certains des points actuels d'asymétrie, en particulier celui de la décote.

Comparatif simplifié des règles de liquidation existantes
dans le régime général et le régime de l'État

REGLES DE LIQUIDATION

REGIME GENERAL

FONCTION PUBLIQUE

Âge normal de la liquidation

60 ans

60 ans 29 ( * )

Durée de cotisation nécessaire à l'obtention d'une retraite à taux plein

40 ans

37,5 ans

Base de calcul

Moyenne des 25 meilleures années

6 derniers mois hors primes

Taux de liquidation

50 %

75 %

Modulation

Proratisation de la pension en fonction de la durée de cotisation

La proratisation a lieu sur 37,5 ans (150 trimestres) : il est donc pratiqué un abattement de 2,66 % (= 100 / 37,5) sur la pension à taux plein par année manquante pour atteindre les 37,5 ans

Décote supplémentaire

Il est pratiqué une décote supplémentaire de 10 % par année manquante pour atteindre 40 ans (160 trimestres) de cotisation, ou 30 ( * ) 65 ans, cette décote étant plafonnée à 50 % .

non

Surcote

Au delà de 65 ans, une surcote de 10 % par an est appliquée ; le taux de liquidation ne peut toutefois excéder 50 %

non

Ainsi, dans le cas d'une carrière incomplète, la différence de traitement peut être très sensible entre le régime de l'Etat et le régime général. Elle atteint un maximum dans le cas d'une liquidation à 60 ans avec 35 ans de cotisation : dans le régime de l'Etat, l'abattement calculé sur la retraite à taux plein est de 2,5 x 2,66 %, soit 6,67 % ; dans le régime général, la réfaction totale résulte d'un premier abattement de 6,67 % qui est calculé de la même façon, et d'un deuxième abattement de 5 x 10 %, soit 50 % (cf tableau comparatif) , l'abattement total ressortant à 53,33 % (il est alors huit fois plus fort que dans le régime des fonctionnaires).

Le projet de loi prévoit l'instauration progressive d'une décote pour les régimes de la fonction publique, et le gouvernement a annoncé l'atténuation progressive de celle existant dans le régime général, de telle sorte que leurs mécanismes convergent. Ainsi, le facteur d'iniquité le plus flagrant est appelé à disparaître. Le tableau suivant, qui rend compte de cette évolution majeure, renforcée par l'allongement de la durée de cotisation à 40 ans pour les fonctionnaires.

Comparatif simplifié des règles de liquidation
après réforme dans le régime général et pour la fonction publique

REGLES DE LIQUIDATION

REGIME GENERAL après réforme

FONCTION PUBLIQUE après réforme

Âge normal de la liquidation

60 ans

60 ans 1

Durée de cotisation nécessaire à l'obtention d'une pension à taux plein

40 ans

40 ans 31 ( * )

Base de calcul

Moyenne des 25 meilleures années

6 derniers mois hors primes

Taux de liquidation

50 %

75 %

Modulation

Proratisation de la pension en fonction de la durée de cotisation

La proratisation a lieu sur 40 ans 32 ( * ) (160 trimestres) : il est donc pratiqué un abattement de 2,5 % (= 100 / 40) sur la pension à taux plein par année manquante pour atteindre les 40 ans

Surcote

Au delà de 60 ans et de 40 ans de cotisations , une surcote de 3 % par an est appliquée

Au delà de 60 ans et de 40 ans de cotisations , une surcote de 3 % par an est appliquée, dans la limite de 15 %

Maintien en activité au delà de la limite d'âge (65 ans sauf services actifs)

Sans objet

Si le pourcentage maximal de la pension n'est pas obtenu à la limite d'âge, possibilité de prolonger l'activité dans la limite de 10 trimestres

Parallèlement, l' instauration d'une surcote permet aux fonctionnaires souhaitant obtenir une meilleure retraite de travailler plus longtemps. La surcote existant dans le régime général doit être modifiée (article 17 du présent projet de loi) pour présenter des modalités proches de celles réservées aux fonctionnaires.

* 27 Le taux de remplacement est égal au montant de la première pension rapporté au dernier salaire.

* 28 Cette réforme avait décidé de l'allongement progressif de 150 trimestres en 1993 à 160 trimestres en 2003 du seuil de durée de cotisation en dessous duquel est pratiqué la décote, et de l'allongement progressif de 10 ans en 1993 à 25 ans en 2008 de la période de référence pour le calcul des pensions, l'effet de cette dernière mesure étant amplifié par le passage à une indexation sur les prix, et non plus sur les salaires, des « salaires portés en compte » (il s'agit des revenus passés, qui, actualisés, sont utilisés pour calculer la moyenne des meilleures années ; l'évolution des prix étant en moyenne moins forte que l'évolution des salaires, le choix d'une actualisation des salaires portés en comptes par référence à l'évolution des prix est moins favorable).

* 29 55 ans (exemple : policier) voire 50 ans (exemple : infirmière) pour les personnels classés en « service actif » (emplois dangereux ou pénibles).

* 30 Il est retenu le calcul le plus favorable.

* 31 Augmentation progressive de la durée de cotisation de 37 ans et demi en 2003 à 40 ans en 2008

* 32 La valeur de l'annuité ressort donc à 1,875 % ( = 75 % / 40).

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