B. LES BÉNÉFICIAIRES DES AIDES À LA PERSONNE

Le nombre total de bénéficiaires des aides au logement a atteint 5,925 millions en 2006, soit une nette diminution des effectifs pour les trois prestations 23 ( * ) , évaluée à 149.000, par rapport à l'année 2005. En revanche, le volume des prestations servies a augmenté de 2,4 % en 2006 ( 14,142 milliards d'euros contre 13,804 milliards en 2005), en raison notamment de la revalorisation du barème des aides intervenue le 1 er septembre 2005, dont les effets ont plus que compensé la baisse du nombre d'allocataires.

C. L'IMPÉRATIF DE PRÉSERVATION DE L'EFFICACITÉ SOCIO-ÉCONOMIQUE DES AIDES AU LOGEMENT

1. Des réformes positives

Votre commission pour avis se félicite de la mesure adoptée dans le cadre de la loi DALO indexant les paramètres des aides sur l'évolution de l'IRL, qui va permettre de garantir le pouvoir solvabilisateur des aides au logement. De même, elle souhaite faire part de sa satisfaction quant à l'abaissement du seuil de « non versement » des aides au logement de 24 à 15 euros par mois 24 ( * ) . Votre rapporteur pour avis chargé des programmes « logement » rappelle d'ailleurs qu'à titre personnel il avait, de longue date, déjà défendu le principe de ces deux mesures à de nombreuses reprises à l'occasion de la discussion de différents projets de loi.

En revanche, il réaffirme sa volonté de voir supprimer la règle dite du « mois de carence » 25 ( * ) , qu'il juge très pénalisante pour les ménages les plus modestes, en particulier au moment de l'entrée dans les lieux d'un logement.

2. Les observations de la Cour des comptes

La Cour des comptes a consacré une partie de son rapport public annuel de 2007 à la question des aides personnelles au logement. Dans ce document, elle souligne tout d'abord que les aides au logement sont dégressives par rapport au revenu 26 ( * ) . A ce titre, elles font partie des prestations les plus efficaces en matière de redistribution grâce à leur adaptation très étroite à l'évolution des revenus et à la taille des familles. La Cour note cependant que l'efficacité sociale des aides s'est dégradée au cours des dernières années , en raison d'une insuffisante revalorisation 27 ( * ) des loyers-plafonds 28 ( * ) et du forfait charges 29 ( * ) des différentes aides, qui a contribué à un décalage conséquent entre la progression des loyers et celle des aides.

La Cour met également en évidence le fait que les différentes mesures d'ajustement décidées chaque année, comme l'augmentation de la participation minimale à la dépense de logement, se sont traduites par une diminution régulière des aides versées, alors que les économies budgétaires qu'elles ont suscitées ne sont pas nécessairement très significatives. Au total, la Cour des comptes estime que « la politique mise en oeuvre depuis les quinze dernières années a contribué à éroder de façon continue le pouvoir solvabilisateur des aides personnelles au logement face à l'évolution des loyers et charges réellement supportés par les bénéficiaires, sans faire de choix dans les priorités ».

Tout en estimant que le nombre élevé de bénéficiaires (six millions d'allocataires) n'apparaît plus soutenable dans un contexte de forte contrainte sur les finances publiques, la Cour des comptes présente plusieurs pistes de réflexion pour améliorer l'efficacité des aides. Le rapport propose tout d'abord de recentrer le bénéfice des aides sur les personnes qui en ont le plus besoin pour se loger et de supprimer progressivement les droits ouverts aux étudiants non boursiers .

Il relève ensuite qu'au regard de la proportion marginale d'accédants à la propriété parmi les allocataires (moins de 10 % en 2006), il pourrait être opportun de supprimer cette catégorie d'aide afin de « simplifier et de rationaliser les différents dispositifs existants ». Il critique également le zonage actuel -jugé insuffisamment fin pour assurer l'équité des allocataires au niveau national- déterminant le niveau des loyers-plafonds pris en compte pour le calcul des aides. Selon le rapport, ce zonage serait trop fruste pour corriger significativement les différences de loyers et ne tiendrait pas compte, au sein d'une même zone, de leurs disparités locales, notamment entre centre et périphérie. Enfin, compte tenu du décalage croissant entre la progression des loyers du secteur social et du secteur privé, le rapport préconise de découpler les loyers-plafonds de l'APL 30 ( * ) et de l'allocation logement 31 ( * ) , afin de fixer ceux de l'allocation logement à un niveau plus élevé. Une telle mesure permettrait ainsi de compenser le surcoût de loyer supporté par les locataires du parc privé .

Votre rapporteur pour avis chargé des programmes « logement » porte un jugement contrasté sur ces différentes pistes de réflexion. En particulier, il ne peut que souscrire aux observations de la Cour des comptes sur la dégradation du pouvoir solvabilisateur des aides au logement, qu'à titre personnel il dénonce régulièrement depuis plusieurs années. Même si cette tendance devrait s'atténuer avec l'indexation des paramètres des aides sur l'IRL, cette modification de la législation ne sera pas suffisante pour rattraper les pertes de pouvoir d'achat subies par les locataires au cours des dernières années. De même, il approuve totalement les réflexions de la Cour des comptes sur les problèmes liés au zonage actuel, qui n'est pas suffisamment fin pour prendre en compte la réalité locative de certains bassins d'habitat enregistrant de fortes tensions.

En revanche, votre rapporteur pour avis se déclare plus sceptique sur les autres propositions de réforme formulées par la juridiction financière. En premier lieu, il n'est pas persuadé qu'il soit très opportun de supprimer progressivement les droits à allocation des étudiants non boursiers . En effet, compte tenu de la pénurie de logements locatifs et de logements spécifiques dédiés aux étudiants, il estime peu opportun de réduire les aides à une catégorie de la population qui éprouve déjà de grandes difficultés à se loger. Certes, la Cour souligne que cette suppression des droits devrait s'intégrer dans une réflexion plus globale sur le statut des étudiants 32 ( * ) . Toutefois, aucune proposition de cette nature n'ayant, pour le moment, été élaborée, votre rapporteur pour avis chargé des programmes « logement » demeure persuadé qu'il y a d'autres priorités en matière de politique du logement que de pénaliser une catégorie de la population ne disposant pas de revenus réguliers.

Au demeurant, votre rapporteur pour avis chargé des programmes « logement » se déclare surpris par les analyses de la Cour des comptes qui estime que la « mise en oeuvre de cette proposition contribuerait à réduire la pression exercée par la demande sur les petits logements, pour éviter qu'elle ne se traduise par des hausses de loyers qui, au final, se retournent contre ceux que l'on a souhaité aider ». D'une part, il n'est pas solidement prouvé que les aides au logement aient un effet aussi mécaniquement inflationniste sur le niveau des loyers et que toute hausse des aides au logement se traduise automatiquement par une augmentation des loyers. D'autre part, votre rapporteur pour avis s'étonne du raisonnement qui sous-tend une telle affirmation, en vertu duquel la « désolvabilisation » des étudiants non boursiers 33 ( * ) permettrait de réduire la pression sur la demande de logements et donc sur les niveaux de loyer. Il considère que des perspectives plus ambitieuses doivent être présentées aux étudiants et que la garantie de leur autonomie nécessite d'abord de favoriser leur accès au logement.

En second lieu, s'agissant du recentrage des aides sur les ménages les plus défavorisés, votre rapporteur pour avis chargé des programmes « logement » tient à rappeler, comme l'a fait le gouvernement en réponse aux observations de la Cour des comptes, que près de 76 % des allocataires dans le secteur locatif ont des ressources inférieures au SMIC. Par ailleurs, 90 % de la masse des aides versées est consacré à des ménages dont les revenus sont compris dans les quatre premiers déciles de revenu de la population. Ce sont donc déjà les ménages les moins fortunés qui bénéficient très majoritairement des aides au logement. Dans ces conditions, il apparaît délicat de recentrer encore plus ces aides sur les ménages qui en ont le plus besoin, au risque de priver de leur bénéfice certaines catégories de la population qui en éprouveraient de graves difficultés.

* 23 - 3,3% pour l'APL, - 2,4 % pour l'ALS et - 0,8% pour l'ALF.

* 24 En application de plusieurs arrêtés publiés le 23 décembre 2006.

* 25 En vertu de laquelle il existe un décalage entre la date à laquelle un ménage se voit reconnaître par les services sociaux les droits au versement d'une aide au logement et la date du premier versement de cette aide. Cette règle conduit ainsi l'Etat à verser l'allocation uniquement à compter du premier jour du mois suivant l'entrée dans le logement, alors que les droits peuvent être reconnus depuis trois ou quatre semaines, ce qui prive le ménage du bénéfice des aides pendant ce laps de temps.

* 26 80 % du volume des prestations bénéficie à des ménages se situant dans les trois premiers déciles de revenu de la population française.

* 27 L'écart cumulé de 1991 à 2004 entre loyer-plafond et indice des loyers de l'INSEE s'élèverait ainsi à plus de 23 % et celui entre le forfait charges et le panier de charges locatives de l'INSEE à plus de 21 %.

* 28 Comme le rappelle la Cour, le loyer-plafond est le niveau maximum du loyer pris en compte dans le calcul de l'aide. Au-delà, le loyer reste entièrement à la charge du locataire.

* 29 Les charges locatives sont prises en compte de manière forfaitaire dans le barème des aides.

* 30 Aides versées aux locataires de logements conventionnés.

* 31 Désignation qui recouvre l'ALS et l'ALF qui sont versées aux locataires du parc privé.

* 32 Avec, par exemple, l'institution d'une allocation d'autonomie.

* 33 Ce qui implique donc leur maintien au domicile familial.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page