ANNEXE - AUDITION DE M. JEAN-PAUL BODIN, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL POUR L'ADMINISTRATION,
LE 26 OCTOBRE 2011
M. Jean-Louis Carrère, président - Monsieur le Secrétaire général, nous sommes heureux de vous accueillir au Sénat dans vos nouvelles fonctions de Secrétaire général de l'administration. Sachez que les parlementaires de notre commission ont pu apprécier votre disponibilité et votre compétence en tant que directeur-adjoint du cabinet du ministre de la Défense. Nous vous entendons aujourd'hui sur les crédits du programme « soutien » de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2012.
Je rappelle simplement quelques données de base : la moitié de ces dotations concerne la politique immobilière, et depuis plusieurs années, notre commission - en particulier notre collègue Didier Boulaud - s'est principalement inquiétée de la difficulté de cession des emprises parisiennes, qui conditionnent l'équilibre financier de la gestion du patrimoine immobilier de la Défense. Pour le profane, ces difficultés peuvent sembler paradoxales car il faut bien reconnaître que dans un environnement économique particulièrement difficile, s'il reste un secteur plus proche de la « bulle » que de la crise, c'est bien celui de l'immobilier parisien.
J'ajoute aussitôt que la logique de cessions immobilières se présente très différemment à Paris et dans le reste de la France : il revient naturellement au Sénat de souligner que nos collectivités territoriales, qui sont touchées par la diminution de l'activité économique et par la suppression des bases militaires, comptent parfois beaucoup sur des cessions de terrain à l'euro symbolique et sur des mesures d'accompagnement efficaces pour développer des projets de reconversion. Vous nous direz la politique qui est menée en la matière. Je laisserai à nos rapporteurs le soin de vous interroger de manière précise sur les évolutions de votre budget et sur sa trajectoire par rapport à la loi de programmation militaire.
M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration au ministère de la Défense - Je vous remercie de vos très aimables paroles de bienvenue. Je rappelle, à titre liminaire, que le secrétaire général pour l'administration (SGA) est responsable de trois programmes budgétaires. Le premier, au sein de la mission « défense », porte le numéro 212 et s'intitule « soutien de la politique de défense ». Les deux autres se rattachent à la mission « anciens combattants » : il s'agit des programmes 167 relatif aux liens entre la Nation et son armée et 169 « reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant »
Mon intervention portera aujourd'hui exclusivement sur le programme 212 qui dispose dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2012 de 3,4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) - en régression de 982 millions d'euros par rapport à 2011, car la dotation de 2011 comprenait les AE relatives au lancement de l'opération Balard - et de 1,17 milliard d'euros de crédits de paiement (CP) en augmentation de 140 millions d'euros par rapport à 2011.
Ce programme comprend neuf actions qui traduisent assez fidèlement les missions du secrétaire général pour l'administration au profit des états-majors, directions et services du ministère : la première « direction et pilotage » comprend les crédits destinés au soutien des cabinets et organismes centraux ; l'action 2 « fonction de contrôle » regroupe les crédits destinés au soutien du contrôle général des armées ; les crédits de l'action 3 « gestion centrale et d'organismes extérieurs » sont destinés au soutien de l'administration centrale d'une part, et au soutien des centres ministériels de gestion créés pour la gestion du personnel civil du ministère, d'autre part ; l'action 4 relative à la politique immobilière du ministère représente 47 % des crédits du programme ; l'action 5 consacrée au système d'information d'administration et de gestion concerne depuis 2010 non seulement les crédits relatifs à ces systèmes mais aussi ceux relatifs aux principaux systèmes d'information logistique ; l'action 6 est relative à l'accompagnement de la politique des ressources humaines ; l'action 7 a pour objet la promotion et la valorisation du patrimoine culturel ; l'action 9 est consacrée à la communication du ministère et, enfin, l'action 10 concerne les restructurations.
En ce qui concerne les bases juridiques des fonctions du secrétaire général pour l'administration, je rappelle que le décret du 15 juillet 2009 relatif aux attributions du ministre de la défense, du chef d'état-major des armées et des chefs d'état-major de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air indique que « le ministre est assisté par le Secrétaire général pour l'administration dans tous les domaines de l'administration générale du ministère, notamment en matière budgétaire, financière, juridique, patrimoniale, immobilière, sociale et de ressources humaines ». Un second décret du même jour, relatif aux attributions du délégué général pour l'armement et du secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense, précise que le SGA agit sur la base des besoins exprimés par le chef d'état major des armées, le délégué général pour l'armement ainsi que par les responsables des autres directions et services du ministère.
Pour mémoire, cette fonction a été crée en 1962 par le Général de Gaulle qui, d'après les témoignages écrits, la résumait par la formule « le secrétaire général administre ».
En pratique, le SGA a, en premier lieu, une fonction de pilotage et de coordination des politiques transverses exercées par des directions fonctionnelles en charge des secteurs financier, immobilier, juridique, du patrimoine culturel et éducatif ainsi que des ressources-humaines. Ces politiques sont également mises en oeuvre par des missions dédiées aux achats, aux partenariats publics-privés et aux systèmes d'information : dans le cadre de la réforme du ministère de la Défense, ces missions ont été créées pour rassembler les compétences utiles pour traiter efficacement de ces différents sujets. Le SGA exerce aussi dans ce cadre une fonction de conseil au sein du ministère et un rôle d'interface avec les autres ministères dans des domaines comme le budget, les ressources humaines, la comptabilité ou le contentieux.
En second lieu, le SGA offre des prestations de service en matière d'infrastructure, d'action sociale, de gestion du personnel civil et de soutien de l'administration centrale grâce à des directions et des services spécialisés, comme par exemple le service parisien de soutien à l'administration centrale (SPAC) créé en avril 2009 par fusion du service des moyens généraux relevant du SGA et de l'établissement central de soutien de la direction générale de l'armement (DGA).
Le SGA est enfin, par tradition, responsable de la modernisation de l'administration du ministère. A ce titre, il préside le comité pour la modernisation du ministère, qui pilote la réforme et réunit mensuellement ses principaux acteurs pour examiner l'avancement des projets. Enfin, le SGA est chargé de rendre compte au niveau interministériel de l'avancée des réformes du ministère.
Dans ce contexte de mutation, l'action du SGA répond à deux priorités qui s'expriment dans l'allocation des crédits budgétaires.
Le premier enjeu majeur, qui est d'accompagner les restructurations territoriales, comporte trois volets qui rejoignent les questions que le Président de la commission a bien voulu poser.
Tout d'abord, le volet de politique immobilière est géré par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) en lien avec le service d'infrastructure de la défense. Un des grands chantiers est celui des cessions immobilières prévues par la loi de programmation militaire. En 2011, le ministère envisage des encaissements qui avoisineront vraisemblablement 120 millions d'euros. Les prévisions pour 2012 avaient été fixées à 163 millions d'euros au moment où ont été élaborés les documents budgétaires mais elles pourraient, en définitive, avoisiner 181 millions d'euros en raison du décalage de la vente de la caserne de Reuilly en début d'année 2012 - les discussions sont en cours avec la Ville de Paris- et de la caserne Sully à Saint-Cloud. Ces ressources sont essentielles pour financer les opérations d'infrastructures liées à la mise en place du nouveau plan de stationnement des armées : ces opérations se sont élevées à 523 millions d'euros en AE et à 326,8 millions d'euros de CP en 2011. Il est prévu, pour 2012, des autorisations d'engagement à hauteur de 361 millions d'euros et des paiements pour 359 millions d'euros. Ces sommes inscrites à l'action 10 consacrée aux restructurations s'ajoutent à l'enveloppe des dépenses d'infrastructure prévues au sein de l'action 4 soit 1,2 milliards d'euros en AE et 841 millions d'euros en CP.
Ensuite, le volet d'accompagnement économique destiné à aider les territoires concernés à se reconvertir bénéficie, pour la période de programmation 2009-2015, d'une enveloppe de 320 millions d'euros dont 20 millions d'euros pour l'Outre-mer, financée aux deux tiers par le Fonds de restructuration de la défense (FRED) et pour un tiers par le Fonds national d'aménagement des territoires (FNADT). 225 millions d'euros seraient apportés dans le cadre des contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD) et 75 millions d'euros dans le cadre des plans locaux de redynamisation (PLR). La dotation prévue en 2012 s'élève à 62 millions d'euros en AE et 40,4 millions d'euros en CP. La délégation aux restructurations de défense est directement impliquée dans la négociation de ces contrats en liaison directe avec les Préfets concernés réunis périodiquement au niveau central. Je signale, à ce sujet, que le ministre en charge de la Défense a rappelé l'objectif qui consiste à parvenir à signer l'ensemble des contrats avant la fin de l'année 2011 : il sera, pour l'essentiel, atteint puisque seuls quatre ou cinq seront vraisemblablement signés au début de l'année 2012.
On constate que d'année en année, le Fonds de restructuration de la défense avait pu avoir tendance à ne pas consommer l'intégralité des crédits qui sont prévus, ce qui s'explique par l'allongement des procédures qui nécessitent à la fois des interventions de l'Etat et des collectivités territoriales. Toutefois, je constate une accélération des restructurations ces dernières semaines dont on peut se féliciter qu'elles aident la création d'emplois dans le secteur industriel, par exemple à Cambrai. Mon objectif est d'intervenir de façon encore plus active pour accompagner cette diversification économique de nos territoires.
L'accompagnement social est extrêmement important pour le ministère qui est très attentif à la dimension humaine des restructurations et s'attache à ce que l'intégralité des agents soit aidée à trouver une solution positive : tel a été le cas en 2009 et 2010. Pour 2011, 30 % des cas restent encore à régler, ce qui s'explique par la raréfaction des possibilités de reclassement du personnel dans des structures de défense susceptibles de les accueillir. 115 millions d'euros seront prévus pour 2012 en faveur de cet accompagnement social des restructurations : 109 millions d'euros seront affectés au fond d'accompagnement des restructurations stricto-sensu pour 6000 agents et près de 6 millions d'euros financent des dispositifs d'aide au départ en Polynésie (50 agents), au Sénégal (100 agents) et à Djibouti (121 agents).
La seconde priorité du SGA, qui trouve sa traduction dans le budget pour 2012, est de rationnaliser sa propre organisation. Pour cela, il convient tout d'abord d'asseoir les services du SGA dans leurs compétences en poursuivant le mouvement engagé depuis trois ans. Ainsi, la direction des ressources humaines sera confortée dans sa mission de pilotage ce qui se traduira, par exemple, par la création d'un centre d'expertise des ressources humaines avec un transfert entrant de 150 emplois venant du programme 178 et plus particulièrement du service du commissariat des armées. Les centres de gestion ministériels, qui sont en cours d'installation, voient également leurs effectifs augmenter afin d'élargir leur périmètre d'intervention à l'ensemble du personnel civil : ainsi 34 emplois lui sont transférés du programme 178 pour la gestion des personnels paramédicaux.
Le service d'infrastructure de la Défense (SID) achève le mouvement amorcé dès 2004 en reprenant les infrastructures industrielles de la DGA, notamment celle des centres d'essai, ce qui se traduit par un transfert de 193 emplois venant du programme 146. Il reprend également la maintenance des emprises des armées et services, ce qui se traduit par un transfert de 149 emplois ainsi qu'un transfert de 164 emplois venant de la Direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI) qui contribueront à rationaliser la maintenance et l'exploitation de l'énergie.
Le service parisien de soutien de l'administration centrale (SPAC) connaît lui aussi plusieurs transferts d'effectifs : il prendra en charge la gestion des frais de déplacement de la DGA pour le soutien de la base aérienne de Balard et sera appelé à prendre en charge l'intégralité de la rémunération des personnels de la DGA.
Enfin, il convient de poursuivre la clarification des missions au sein du SGA. Le principal mouvement prévu en 2012 concerne la fonction archives avec le transfert de 287 emplois du bureau central des archives administratives militaires (BCAAM) de la direction du service national inscrits précédemment au sein du programme 167 vers le service historique de la défense. Ces évolutions se traduisent par une réorganisation du travail et des réductions d'effectifs puisque 148 emplois relevant du BCAAM seront supprimés.
Globalement, alors que les services du SGA connaîtront sur l'ensemble de la période de programmation des réductions d'effectifs à hauteur de 20 % à structure constante, ils connaîtront en 2012 une augmentation de leurs effectifs de 554 emplois, ce qui s'explique par des transferts entrants. Par exemple le service parisien de soutien de l'administration centrale SPAC disposait de 1575 emplois en 2009 et doit connaître une réduction de 400 emplois dont 100 en 2012 à structure constante tout en en recevant 130 supplémentaires liés à des transferts d'attribution. Le pilotage de ces mouvements nécessite une réflexion précise sur les processus, les procédures et les métiers pour engager une démarche énergique et ambitieuse de simplification seul à même de permettre d'atteindre l'objectif de réduction d'effectifs de plus de 54 000 emplois et de mieux cerner les 4 000 à 4 500 emplois qui à l'heure actuelle demeurent difficiles à identifier.
En conclusions, le SGA est donc bien engagé dans la réforme globale du ministère, y compris au sein de ses propres services.
Mme Michelle Demessine - Je me félicite des propos de l'intervenant sur les efforts accomplis en matière de restructurations : pourrait-on les compléter par un bilan détaillé des mesures prises et du contenu précis des reconversions mises en oeuvre ?
Par ailleurs, en ce qui concerne le projet Balard, je note d'abord qu'il subsiste, dans la phase de lancement, une difficulté relative aux règles d'urbanisme et je m'interroge surtout sur les risques ultérieurs de dérive. La mise en oeuvre des contrats de partenariat public privé fonctionne parfois de manière satisfaisante mais l'exemple de l'hôpital sud-francilien montre que cette procédure peut induire des surcoûts considérables et des conflits juridiques inextricables.
Plus globalement, pouvez-vous chiffrer la place de l'externalisation dans les activités concernées par le programme 212 ? Ne faudrait-il pas introduire un indicateur budgétaire spécifique dans ce domaine ?
Je voudrais également vous interroger sur les résultats précis, dans cette période de chômage massif, de la politique de reconversion et d'allocations aux personnels civils et militaires ? Quelles sont, en particulier, les mesures prises pour prévenir le risque - souligné par les syndicats que nous entendrons bientôt- de « saupoudrage » des crédits de formation.
Enfin, où en est-on du transfert du Centre Territorial d'Administration et de Comptabilité (CTAC), qui est le centre payeur de l'armée de terre à Lille ?
M. Jean-Marie Bockel - Tout d'abord, je m'associe aux interrogations du Président Jean-Louis Carrère sur les cessions immobilières et à celles de Mme Michelle Demessine sur les aléas inhérents aux contrats de partenariat dits « PPP ».
A propos du sort de l'hôtel de la Marine : du point de vue patrimonial, touristique et culturel, la solution qui se dégage des travaux de la commission présidée par Valéry Giscard d'Estaing semble très satisfaisante. Du strict point de vue financier, l'opération de bail à long terme qui avait été envisagée devait apporter 300 millions d'euros dans les caisses de l'Etat : pouvez-vous chiffrer les nouvelles prévisions de recettes ?
Ma seconde question concerne le bilan des restructurations économiques pour les collectivités territoriales confrontées à des fermetures d'implantations militaires et qui souhaitent engager des projets de reconversion. J'ai vécu en tant que maire les difficiles négociations avec les services de l'Etat qui portent, en particulier, sur l'évaluation des biens cédés. Aujourd'hui, concrètement, certains élus s'inquiètent des incertitudes relatives à l'application du dispositif permettant de céder les terrains à l'euro symbolique. Ces opérations sont bien entendu complexes à la fois pour les collectivités et pour l'Etat. Où en est-on de la mise au point de clause de retour à meilleure fortune destinées à permettre aux collectivités territoriales d'améliorer leur marge de manoeuvre pour bâtir des projets de développement économique nécessairement risqués dans la conjoncture que nous subissons, sans pour autant priver l'Etat d'éventuelles recettes futures.
J'ajouterai une question relative aux systèmes d'information du ministère en charge de la Défense. La division par deux du nombre d'applications informatiques est un des objectifs majeurs de cette action : où en est-on ?
M. Jean-Paul Bodin - En ce qui concerne les restructurations, je pourrai vous communiquer ultérieurement des indications site par site. Globalement, au 13 octobre 2011, douze contrats de redynamisation (CRSD) et dix plans locaux de redynamisation ont été signés. Je rappelle que pour la plupart des CRSD, les emprises sont cédées à l'euro symbolique aux collectivités territoriales : tel a bien été le cas à Arras ainsi qu'à Barcelonnette et les discussions se poursuivent à Châteauroux. Un des seuls cas dans lequel les cessions n'ont pas pu être effectuées concerne Briançon, ce qui s'explique par la difficulté d'évaluer le Fort.
Des difficultés particulières se manifestent surtout pour la reconversion des bases aériennes. A Toulouse, une solution très satisfaisante a cependant été trouvée avec le maintien des activités aéronautiques. Il n'en va pas de même à Cambrai : nous avons cependant mis en place un projet d'installation des services du ministère de la défense avec 200 emplois dès 2012. A Limoges la cession à l'euro symbolique a eu lieu et une des casernes est reprise par le réseau consulaire.
Je rappelle l'importance du dialogue et de la coordination entre les élus et les services de l'Etat. On s'aperçoit également que les difficultés sont bien liées à la nature et à la localisation des emprises : à Metz, par exemple, la base aérienne constitue le seul point d'achoppement des discussions tandis que ces dernières se déroulent de façon satisfaisante pour la cession des emprises situées en centre ville.
Je souligne que les cessions à l'euro symbolique sont réalisées le plus rapidement possible pour éviter l'abandon, l'occupation illégale ou la dégradation des locaux. Pour éviter les errements constatés dans le passé, nous assurons depuis 2008 un service de gardiennage, en ayant recours à un marché public, ce qui est d'autant plus justifié que certains bâtiments sont laissés en bon état.
M. Didier Boulaud - C'est un progrès notable !
M. Jean-Paul Bodin - J'ajoute que les contraintes de dépollution imposées à l'Etat sont extrêmement fortes et prennent parfois une telle ampleur que le ministre de la Défense a décidé d'engager une réflexion sur les modalités d'application du droit en vigueur. Je note que certains trésoriers payeurs généraux contestent la légalité de certaines opérations prévoyant la prise en charge de la dépollution par les collectivités qui reprennent les emprises. Dans les Yvelines, si l'on mène les travaux de dépollution à leur degré ultime, leur coût pour l'Etat serait de 21 millions d'euros pour une opération qui doit en rapporter seize.
Nous avons donc demandé au Conseil d'Etat un avis sur l'interprétation des règles de dépollution : il nous répondra vraisemblablement d'ici la fin de l'année. Il serait souhaitable, dans ce domaine, d'harmoniser les obligations de l'Etat avec celles imposée aux autres propriétaires. Il conviendrait, en particulier, de faciliter la tâche de l'Etat lorsqu'il s'agit de dépolluer des terrains bombardés à plusieurs reprises au cours de la dernière guerre, et que les riverains polluent eux-mêmes.
En ce qui concerne les cessions d'emprises parisiennes, je rappelle qu'un projet de cession globale avait été envisagé au départ, par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts, et qu'il n'a pas pu aboutir car le prix proposé par cet établissement financier a été jugé insuffisant. L'Etat s'est donc engagé sur la voie des cessions au cas par cas. Plusieurs immeubles parisiens ont ainsi été vendus et plusieurs autres opérations sont en discussion. La principale difficulté est celle de la vente de l'Ilot Saint-Germain : la mairie de Paris prévoit d'y implanter des activités mixtes avec des bureaux et des logements d'habitation. Notre principal objectif est d'engager la procédure de cession dès 2012 pour éviter que ces locaux restent vides de tout occupant à partir de la fin de 2014.
Par ailleurs, pour faire écho à la remarque du Président Jean-Louis Carrère, effectivement, la « bulle immobilière » peut nous aider à céder certaines emprises parisiennes de taille modeste. Sur ce point, les discussions sont pilotées par les cabinets du ministère de la Défense et du ministère de l'Economie et des Finances.
S'agissant de l'Hôtel de la Marine, et pour schématiser la situation, l'Etat s'est aperçu que le projet initial suscitait des polémiques. En conséquence, les prévisions de recettes ont été rapidement été ramenées de 300 à 60 millions d'euros, puis à un chiffre proche de zéro. Il semble que certains services de l'Etat envisagent d'y implanter leurs bureaux : pour sa part, le ministère de la Défense s'efforce de préserver ses intérêts financiers, et pour l'instant nous sommes en phase d'incertitude relative.
Je rappelle également que les recettes des cessions d'emprises parisiennes n'ont été pas été prévues pour financer le projet Balard et je tiens à souligner que cette dernière opération de regroupement s'accompagnera de la suppression de 1 600 emplois, qu'elle permettra de réaliser de substantielles économies de fonctionnement ainsi que de loyers budgétaires.
Pour répondre à la question de Mme Michelle Demessine, je conviens que le reportage télévisé sur le contrat de partenariat ayant abouti à la construction de l'hôpital de Corbeil est de nature à susciter des inquiétudes, mais je précise que la méthode retenue par le SGA a été particulièrement rigoureuse et que son calendrier de mise en oeuvre est respecté au mois près. Les représentants de la Ville de Paris ont été, bien entendu, associés au projet. Mon prédécesseur a signé le contrat de partenariat et je m'implique désormais dans le pilotage de sa mise en oeuvre en mettant en place des équipes de suivi efficaces. Des groupes de travail ont été constitués sur les modalités de déménagement ainsi que sur le financement de l'opération et l'évaluation des économies qu'il permettra de réaliser. Nous mettons aussi en place une équipe de suivi : un directeur du site sera chargé du fonctionnement quotidien et une équipe de juristes sera en relation permanente avec le groupement pour vérifier que ce dernier remplit bien ses obligations.
Une modification du Plan local d'urbanisme est en cours pour résoudre la difficulté juridique relative à la hauteur des cheminées : nous sommes en discussion avec la mairie de Paris. En tout état de cause, personne n'est à l'abri d'une difficulté, mais le chantier débute en janvier et la procédure va s'accélérer dès février.
L'externalisation, je le rappelle, n'est pas une nouveauté au ministère de la Défense - l'externalisation de l'alimentation des Ilots de Saint-Germain a, par exemple, huit ans d'âge- et il me parait difficile d'affirmer que la réforme en cours l'a accélérée.
Certes, de nouveaux chantiers sont apparus, notamment dans le domaine de la maintenance bureautique et nous en discutons avec les organisations syndicales. Aujourd'hui on constate qu'entre l'externalisation totale et le maintien des structures en place, on peut trouver des solutions en conjuguant des phases de régie optimisée avec des externalisations partielles. Avec les syndicats, nous travaillons ainsi sur des projets qui reposent sur des évaluations préalables et portent sur le degré d'externalisation optimal ainsi que sur l'amélioration de l'efficacité de la régie. Notre méthode est donc pragmatique et négociée au cas par cas.
Enfin je précise à Mme Michelle Demessine que nous sommes en mesure d'apporter une réponse à l'ensemble des personnels concernés par le transfert du Centre Territorial d'Administration et de Comptabilité (CTAC) de Lille.
M. Didier Boulaud - Connaissant bien ce programme 212, pour l'avoir rapporté pendant plusieurs années, je suis bien placé pour témoigner de la difficulté de la mission de du SGA. Je souhaite formuler plusieurs remarques.
S'agissant du projet Balard, je rappelle que nous avons, avec la commission des finances, mis en garde le Gouvernement à l'égard d'une opération qui nous a semblé aventureuse, et je crains qu'on s'aperçoive, le moment venu, que nous avons eu raison un peu trop tôt. Nous verrons quelles conclusions tirera la Cour des comptes de cette opération, alors même que ses services seront peut-être implantés dans de nouveaux locaux à l'intérieur du très bel hôtel de la Marine. Pour ma part, je crains les surprises et je crois utile de citer l'exemple de la vente en 2003 puis du rachat en 2007 des locaux de l'Imprimerie nationale pour y installer le ministère des Affaires étrangères qui me vient spontanément à l'esprit.
Par ailleurs, je salue les propos de l'intervenant sur les progrès de l'accompagnement des restructurations. En tant que maire, j'ai pu constater combien l'abandon d'emprises militaires pouvait s'avérer catastrophique, avec des locaux en bon état initial mais fortement dégradés après leur abandon par les forces armées, pendant une période où rien de concret n'a pu être entrepris en raison de l'effet dilatoire des discussions conduites entre les services fiscaux de l'Etat et du département pour estimer la valeur des bâtiments et des terrains. Au final, le coût des rénovations s'est traduit par un inacceptable gâchis de ressources publiques.
En matière de dépollution, je mentionnerai également l'exemple, dans mon département, de pertes de temps imputables à la réalisation de longues études historiques effectuées pour tenter de confirmer l'évidence des bombardements ayant eu lieu en 1944. Au plan juridique, tant mieux si l'Etat parvient à assouplir les règles de dépollution. Encore faut-il veiller à ce que ces mêmes règles ne fassent pas l'objet, par la suite, d'une nouvelle interprétation par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de nature à compliquer la tâche et à alourdir la charge des collectivités territoriales ayant acquis ces emprises.
Il y a maintenant quinze ans que les collectivités territoriales font face à la désertification militaire et s'engagent dans des reprises immobilières. J'estime, dans ces conditions, qu'il conviendrait de tenir compte de l'effort consenti par ces collectivités au cours de la première phase de restructuration pour leur accorder plus généreusement le bénéfice des dispositions de cession à l'euro symbolique.
En ce qui concerne l'opération manquée de cession globale des emprises parisiennes à la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), je me demande si, en fin de compte, l'Etat ne regrettera pas la proposition initiale qui lui avait été faite, et ne devra pas se contenter de vermisseaux.
Mme Leila Aïchi - Je souhaiterais avoir des éléments d'information sur les cessions qui, au Sénégal, font l'objet d'une polémique à l'occasion de l'élection présidentielle.
M. Jacques Gautier - Je m'inquiète de la situation de la base militaire implantée au Gabon dont la partie aérienne semble mal positionnée : où en est-on ?
M. Jean-Paul Bodin - Je vous transmettrai des éléments précis sur tous ces sujets. De mémoire, le casernement du bataillon de l'armée de terre est en cours de cession. Nous faisons la même chose à Djibouti et en Polynésie. Au Sénégal, les négociations sont, en effet, assez difficiles : la France s'est efforcée de préserver ses intérêts et, en particulier, des installations adaptées aux besoins de nos forces armées.
M. Jean-Louis Carrère, président - Je conclurai en précisant, à propos de la problématique des externalisations, que nous ne découvrons pas le phénomène ni ne le contestons de manière systématique. Nous souhaitons, en revanche, vérifier et mesurer sa pertinence, car nous avons acquis la certitude qu'un certain nombre d'externalisations ne produisent pas les résultats escomptés. Il nous parait donc souhaitable que le ministère en charge de la Défense puisse nous en présenter une évaluation précise et un bilan à la fois social et financier.