EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen des crédits de la Mission Défense : programme 212 « soutien de la politique de la défense » lors de sa réunion du 23 novembre 2011.
M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur - Je voudrais rappeler d'emblée ma conviction de la nécessité des mutations en cours et, comme vous le savez, j'ai été associé à la définition des grandes orientations de notre politique de défense.
En vous présentant ce budget pour 2012, je m'attacherai cependant à souligner les efforts destinés à limiter les inconvénients de ces transformations. Dans le cadre de nos auditions, nous avons entendu des propos rassurants à ce sujet, notamment de la part du secrétaire général pour l'administration au ministère de la Défense. Il a d'abord manifesté l'intention de privilégier une démarche pragmatique en matière de cessions d'emprises aux collectivités territoriales : cette méthode consiste à tenir compte des difficultés rencontrées dans le passé et à prendre des mesures concrètes comme celle du gardiennage des locaux inoccupés pour éviter les dégradations accélérées et les coûteuses remises en état. Je vous suggère également de marquer notre extrême vigilance à l'égard de la dimension humaine des restructurations. Je me félicite que M. Jean-Paul Bodin ait réaffirmé l'engagement du ministère de la Défense à procéder au suivi personnalisé et attentif qui doit permettre à l'intégralité des agents de trouver une solution positive.
Voici les principales observations que je tire de l'analyse du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » qui est le reflet budgétaire des mutations en cours.
Ce qui frappe d'emblée, c'est la chute en 2012 des autorisations d'engagement par rapport à 2011 : - 21,1 % avec 3,4 milliards d'euros contre 4,4 en 2011. L'évolution des crédits de paiements suit une pente moins heurtée et progresse de 4 % (3,1 milliards d'euros en 2012). Techniquement, je rappelle que ce programme 212 connaît un déséquilibre structurel entre les autorisations d'engagements et les crédits de paiement. L'explication réside pour l'essentiel dans la politique immobilière, qui représente près de la moitié des dotations de ce programme et qui engage des programmes d'infrastructures dont le financement est ensuite étalé dans le temps. La chute constatée en 2012 s'interprète donc comme un retour à la normale après la hausse ponctuelle des AE consacrées en 2011 au lancement de l'opération Balard (plus de 900 millions d'euros). A cette explication traditionnelle s'ajoute le fait que seule une part résiduelle des dépenses immobilières est financée par le compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » en raison de l'insuffisance des cessions d'emprises parisiennes attendues depuis 2009 et qui ne devraient être réalisées qu'en 2013.
Dans sa totalité, ce programme 212 comprend neuf actions : les crédits liés à la politique immobilière (47 % des crédits de paiement du programme) et aux restructurations (16 %) en constituent les deux principaux piliers. Jean-Paul Bodin a également eu raison de souligner, lors de son audition, les deux principales priorités qui s'expriment dans l'allocation des crédits budgétaires : le premier enjeu majeur est d'accompagner les restructurations territoriales et le second consiste pour le SGA à rationaliser sa propre organisation.
Les crédits de paiement du titre 5 consacrés à l'investissement se stabilisent en 2012 à un haut niveau (1 milliard d'euros).
Je laisse, par ailleurs, le soin à Mme Michèle Demessine de commenter la progression de 13,7 % des dépenses de rémunération et charges sociales du titre 2 (1,17 milliard d'euros en 2012). Je rappelle que la tendance générale est bien la baisse des effectifs de la Défense mais que l'évolution du périmètre du programme 212, liée à la réorganisation des services, se traduit par des transferts entrants d'emplois supérieurs aux transferts sortants, ce qui explique cette hausse.
Je rappelle que le premier « rabot » adopté par l'Assemblée nationale se traduit par une minoration de 0,9 % des autorisations d'engagement et de 1,42 % des crédits de paiement du programme 212. Ce sont d'abord les crédits dédiés aux opérations d'infrastructures qui sont diminués (de 30 millions d'euros en AE et de 34 millions d'euros en CP). Il s'agit de décaler dans le temps des opérations et non de les abandonner. D'autre part, le ministère nous a rassurés à propos de la diminution de 10 millions d'euros des CP destinés au Fonds pour les restructurations de la défense (FRED). Il s'agit de « jouer » sur le décalage entre la signature des contrats et les décaissements et je propose de demander en séance publique au Gouvernement de garantir que le « rabot » ne portera pas atteinte au plan de financement économique des restructurations (dont 213 millions d'euros sont financés par le FRED).
Quelques indications sur le financement des dépenses immobilières et d'infrastructure par des recettes exceptionnelles plus faibles que prévu et des économies de fonctionnement, qui seront, je l'espère, au rendez-vous.
La fragilité des prévisions de recettes issues des cessions immobilières a été soulignée avec pertinence et conviction par notre collègue Didier Boulaud dès 2009, puis en 2010.
Où en est-on aujourd'hui en matière d'encaissements et de prévisions de recettes immobilières ?
Les encaissements se sont chiffrés en 2009 à 65 millions d'euros dont 50 millions d'euros au titre d'emprises situées en province et, en 2010, à 102 millions d'euros dont 88 millions au titre d'emprises régionales. Pour 2011, de nombreux chiffres circulent, mais je m'en tiens aux précisions apportées par le SGA. Les encaissements avoisineront vraisemblablement 120 millions d'euros et non pas 160 ; en revanche, les prévisions pour 2012 qui avaient été fixées à 163 millions d'euros sont réévaluées à 181 millions d'euros. Il s'agit tout simplement du décalage de la vente de la caserne de Reuilly qui devrait être finalisé début d'année 2012.
À Paris, le regroupement des administrations centrales à Balard doit libérer fin 2014 des emprises de grande valeur. En 2013, le montant prévisionnel des cessions est évalué à 672 millions d'euros avec la vente, d'un certain nombre d'emprises parisiennes comprenant l'Îlot St Germain, l'Hôtel de l'Artillerie l'Hôtel du Génie, l'Abbaye de Penthemont, l'Hôtel de Penthemont et la caserne de la Pépinière.
Ces biens seront vendus séparément, en fonction de la date de leur libération, ce qui évitera au ministère de la Défense d'avoir à régler des loyers.
Un seul constat final sur ce point : en dépit de toutes les critiques qu'on peut lui adresser, ce processus de cession pourrait finalement aboutir à vendre de l'immobilier parisien dans une conjoncture favorable.
S'agissant des ventes d'emprises régionales, l'analyse la plus utile, à mon sens, consiste à déterminer le meilleur point d'équilibre entre l'intérêt de l'Etat et celui des collectivités territoriales.
Je rappelle que la moitié des emprises cessibles est éligible au dispositif de cession à l'euro symbolique, assorti de la clause de retour à meilleure fortune, prévu par l'article 67 de la loi de finances pour 2009. C'est un progrès considérable par rapport à la situation que nous avons connue dans le passé. A ma demande, on nous a communiqué le bilan détaillé de l'application de ce dispositif au 20 octobre 2010 : il en résulte que depuis 2009, 43 emprises d'une valeur estimée à 92,3 millions d'euros (16,1 millions en 2009, 24,5 en 2010 et 51,6 en 2011) ont été cédées à l'euro symbolique, principalement à des communes éligibles au dispositif et dont les moyens financiers sont extrêmement limités.
La première priorité, à la fois pour l'Etat et les collectivités territoriales est d'éviter de laisser s'installer des zones de « friches militaires » qui s'accompagnent trop souvent d'une dégradation très rapide des immeubles et donnent lieu à de regrettables épisodes de pillages. Cela permet à l'Etat de réaliser des économies en termes de coûts d'entretien et aux collectivités territoriales de participer à la mise en oeuvre de projets susceptibles de générer de nouvelles recettes pour l'Etat.
Une brève remarque sur le projet du regroupement de l'administration centrale à Balard qui donne lieu à de très nombreux échanges d'arguments contradictoires et, parfois, à des polémiques. Il s'agit d'une expérience à la fois importante et inédite d'installation de 9 300 personnels en 2014 sur un site nouveau dont la construction, l'acquisition et le fonctionnement, dans toutes ses composantes, seront couverts par une redevance de 150 millions par an jusqu'en 2041. Elle sera versée à un opérateur qui a remporté un marché public sans qu'aucun de ses concurrents ne conteste la régularité de la procédure, ce qui constitue à tout le moins un indice du sérieux de cette opération.
Un certain nombre de critiques portent sur l'aspect financier de ce projet et le Gouvernement me semble avoir, en toute clarté, présenté la décomposition exacte de cette redevance. A mon sens, la raison qui justifie que ce pari vaut d'être pris est de nature plus économique que financière : Balard sera payé pour une somme correspondant au coût actuel de fonctionnement de l'administration du ministère, et par ailleurs, l'impact de l'ensemble du projet de janvier 2012 à juin 2014 est estimé à environ 2 000 emplois dans les bureaux d'études, cabinets d'architectes et entreprises du BTP.
Un mot, enfin, sur le sort de l'hôtel de la Marine. Comme vous le savez, le ministère de la Défense avait envisagé 300 millions d'euros de recettes supplémentaires en ayant recours non pas à une vente mais à un dispositif de bail à long terme mais il a, compte tenu des polémiques suscitées par cette opération, très vite ramené ses prévisions de recettes de 300 à 60 millions d'euros puis, plus récemment, à « epsilon » : aujourd'hui, « nous sommes en phase d'incertitude » a précisé le SGA lors de son audition.
Il me semble opportun de saluer les perspectives d'affectation de ce monument exceptionnel tracées par la commission de réflexion sur l'avenir de l'hôtel de la Marine présidée par Valéry Giscard d'Estaing. A partir d'une analyse de la vocation historique et architecturale de l'hôtel de la Marine, cette commission propose d'en faire un trait d'union entre, d'une part le Louvre, l'Orangerie, le Musée d'Orsay, le Jeu de Paume et d'autre part le Grand et le Petit Palais et autres grands musées de la rive droite. Une telle orientation ne peut que rendre Paris encore plus attractif, mais l'essentiel, du point de vue de notre commission, est la préservation du lien de ce bâtiment avec la marine.
Plusieurs questions méritent à mon sens d'être posées et de faire l'objet d'un suivi attentif. Elles portent, tout d'abord, sur les modalités juridiques du dispositif de préfiguration. Dans la phase de lancement, la mise en place d'un établissement public est envisageable, suivie, dans un second temps, de celle d'une société publique de capitaux dont il reste à déterminer l'actionnariat, le rôle que pourrait y jouer la Caisse des Dépôts et Consignations et les modalités de gouvernance.
On peut également se demander si la gestion immobilière de l'hôtel de la Marine sera filialisée et si les travaux, puis le fonctionnement courant, pourront être financés par des cessions domaniales des futurs occupants - comme la Cour des comptes, par des produits de baux commerciaux ou de locations de bureaux. On peut enfin se demander quelle sera la contribution du mécénat d'entreprise à cette opération.
Il s'agit là de questions très concrètes auxquelles les réponses seront déterminantes pour la réussite de ce projet.
Mme Michelle Demessine, co-rapporteur - Le 9 novembre 2011, et pour la première fois, semble-t-il, notre commission a entendu les représentants des syndicats des personnels civils de la défense à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances. Je tiens à souligner cet événement très positif et la richesse des échanges auquel il a donné lieu. A l'évidence, il faudrait multiplier le nombre de telles auditions car de très nombreux points restent à approfondir, mais, en deux heures, les syndicats sont parvenus à nous faire entrevoir l'envers du décor de la réforme de la Défense. Leur approche réaliste incite à lire avec un oeil plus critique les 608 pages du Bleu budgétaire consacré à la mission Défense. C'est d'ailleurs en m'appuyant assez largement sur les analyses pertinentes des syndicats que je suggérerai à la commission de mettre un terme à la très longue série d'avis favorables qu'elle a pu émettre au cours des dernières années sur les crédits de la Défense.
Mon seul regret a été de constater qu'une seule et unique femme faisait partie des intervenants et j'ai noté qu'elle n'avait pas beaucoup pris la parole. C'est, pour moi un révélateur. Permettez-moi de rappeler qu'un certain nombre d'études de « management » concluent que la parité et la participation accrue des femmes aux fonctions de direction d'une structure renforce son efficacité et sa « rentabilité », tout en réduisant les conflits. Je souligne ce constat des effets positifs de la féminisation en rappelant, en revanche, que la voie de l'externalisation ne semble pas avoir apporté au ministère de la Défense tous les avantages qu'il en espérait.
J'observe également que le présent projet de budget met en avant un certain nombre de mesures favorables à l'implantation de crèches dans les bases militaires, notamment dans le projet Balard. Je m'en félicite, mais je souhaite aussi et surtout que l'on aborde le problème majeur de la parité et de la lutte contre les discriminations de genre dans nos armées : j'y vois un axe essentiel de renforcement de son efficacité et aussi du lien entre la Nation et son outil de défense. Je suggère donc, dans un premier temps, de demander au Gouvernement d'introduire des indicateurs chiffrés sur la place des femmes dans la Défense de notre pays car on ne trouve rien de tel dans la profusion de chiffres et de données qui accompagnent la présentation du budget de la défense.
J'en viens aux conclusions que je tire de l'analyse des crédits alloués au programme 212 et aux arguments qui, à mon sens, justifient le rejet des crédits de la mission Défense.
Méthodologiquement, et comme vient de l'indiquer, avec beaucoup de pertinence, M. Jean-Marie Bockel, les évolutions chiffrées qui nous sont présentés sont souvent difficiles à interpréter. C'est ainsi que la baisse des effectifs est totalement masquée, dans le programme 212, par la hausse des dépenses de rémunération. Par ailleurs, et pour prendre un exemple très précis, les crédits de l'action 6 « Accompagnement de la politique des ressources humaines » prévus pour 2012 s'élèvent à 505,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, en hausse de 27,2 % par rapport à 2011. Il s'agit de financer l'action sociale, la formation, le reclassement professionnel, l'allocation de cessation anticipée d'activité liée à l'amiante, l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que l'indemnisation du chômage. Certains députés se sont offusqués de cette hausse en faisant observer que les effectifs de la mission Défense diminuaient. Je déplore, au contraire, la baisse des effectifs et je constate la nécessité de la progression de ces crédits qui correspond, dans la réalité, à une situation de pénurie et de détresse pour les personnels en activité et, plus encore, pour ceux qui ne trouvent plus de solution de reclassement, ni dans l'administration ni dans le secteur privé.
Financièrement, ma principale inquiétude concerne le projet Balard : on peut se demander si le Gouvernement n'a pas amorcé, en apposant sa signature sur le PPP, une sorte de bombe à retardement budgétaire. Je me contenterai de quatre remarques à ce sujet.
Premièrement, c'est un contrat d'une durée de trente ans, ce qui par nature expose les deux signataires de ce PPP à un nombre incalculable de risques : il engage l'Etat et les générations futures pour une durée manifestement excessive et incorpore une nouvelle augmentation du niveau d'endettement de notre pays dans un environnement financier incertain ; on peut véritablement craindre le pire en cas d'évolution brutale des taux d'intérêt.
Deuxièmement, l'expérience du partenariat public-privé pour la construction de l'hôpital sud-francilien, qui, je le rappelle avait initialement été présentée comme une démarche exemplaire, s'est révélée, en pratique, catastrophique avec des malfaçons et des surcoûts inacceptables. Je ne suis pas certaine qu'on en ait tiré toutes les leçons.
Troisièmement, on nous dit que la redevance de 150 millions d'euros par an pour le PPP Balard sera financée par des économies de fonctionnement : personne à l'heure actuelle ne peut prouver avec exactitude la pertinence d'une telle affirmation puisque les dépenses de fonctionnement observées dans le passé correspondaient à un périmètre et donc à des effectifs plus nombreux qu'à l'avenir. Si toutefois cette hypothèse se vérifie, tant mieux, mais on pourra alors rétrospectivement s'interroger sur l'efficacité de la gestion des crédits de ce ministère. Je signale que, dans un tout récent rapport, la Cour des comptes vient de tenir un raisonnement analogue à propos de l'évolution des systèmes d'information de la défense : elle s'interroge d'abord sur l'optimisme excessif des prévisions de gains de productivité dans ce domaine. La Cour des comptes constate ensuite la réduction effective du nombre d'applications informatiques et souligne enfin « par contraste, l'ampleur des redondances » auxquelles ont conduit la gestion et les cloisonnements antérieurs.
Enfin, je suis réservée à l'égard de la fascination excessive pour les « grands projets » - catégorie à laquelle se rattache explicitement l'opération Balard. Leur caractère supposé futuriste est parfois très rapidement pris en défaut : je rappelle qu'un rapport du Sénat avait, par exemple, calculé que la Bibliothèque nationale de France consommait, à elle seule, autant d'électricité qu'une ville de 30 000 habitants. Je me demande quel regard on portera dans une dizaine d'années sur ce « Pentagone à la française » ou « Hexagone ».
Plus généralement, je souligne le décalage important entre l'affichage budgétaire et la réalité humaine ainsi que celle des territoires.
Au Sénat, comme en témoignent les débats que nous avons pu avoir en commission des Affaires étrangères sur le présent projet de budget ou lors des travaux de la mission d'information consacrée à la révision générale des politiques publiques, les difficultés des collectivités territoriales sont souvent bien analysées et relayées dans le débat public. Je saisis l'occasion pour citer le cas du territoire du Cambrésis-Arrageois qui doit aujourd'hui faire face aux bouleversements liés à la fermeture programmée pour l'été 2012 du site de la base aérienne 103 de Cambrai-Epinoy. Cette fermeture intervient dans un contexte économique particulièrement difficile, sur un territoire qui a déjà subi les effets des crises successives de plusieurs filières industrielles (les mines de charbon, la sidérurgie et le textile) puis une première vague de restructurations militaires (celles de la base aérienne OTAN de Niergnies et du centre de sélection n° 2 à Cambrai). Certes, un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) a été signé, en février 2011 entre l'Etat et onze partenaires locaux porteurs d'actions, maîtres d'ouvrage et contributeurs financiers : malgré la solennité qui a entouré la signature de ce contrat, je peux témoigner que les 34 millions d'euros qui ont été prévus pour soutenir la reconversion ne sont pas, dans la réalité, à la hauteur des besoins de ce territoire qui se sent « blessé », selon le terme employé par notre collègue Jacques Legendre, sénateur du Nord. Les friches militaires succèdent donc aux friches industrielles avec pour seule perspective une hypothétique reconversion aidée par un État qui procède à des coupes budgétaires de plus en plus rigoureuses.
Je souhaite que le Sénat défende aussi bien la cause des personnels que celle des territoires. Les restructurations sont, en effet, porteuses de l'éclatement des communautés de travail de la Défense et du transfert au secteur privé d'un certain nombre de fonctions de soutien. Certes le Gouvernement semble aujourd'hui hésiter à intensifier une politique d'externalisation dont nous demandons un bilan précis, et ce dernier montrera vraisemblablement que les économies de fonctionnement ne sont pas systématiquement au rendez-vous. Des universitaires de renom font d'ailleurs observer que, dans les années 1960, par exemple, l'État assurait l'essentiel de ses missions de sécurité et de défense alors que les prélèvements publics étaient inférieurs à 30 % de la production intérieure brute alors qu'aujourd'hui, en dépit de délégations de plus en plus nombreuses, les prélèvements obligatoires sont supérieurs à 45 % et la multiplication rapide des partenariats public- privé depuis 2008 ne s'est manifestement pas traduite par une réduction sensible des déficits publics. En revanche, comme le soulignent les syndicats, la « réorganisation » semble véhiculer, pour les autorités, une image de progrès, alors qu'elle est un facteur d'épuisement et de stress pour les agents. Par dessus tout, la suppression des 54 000 emplois dans la Défense, s'accompagne, pour notre pays, d'une destruction de nos savoir-faire qui met en péril à la fois notre communauté de travail et notre indépendance nationale.
J'ajoute enfin que je suis très sensible au sort réservé aux personnels civils. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale indique (page 237) : « Les personnels militaires devront se concentrer sur les missions opérationnelles, les personnels civils sur les tâches administratives et de soutien. ». Or on constate, d'abord, que la proportion de personnels civils dans les effectifs du ministère baisse plus que prévu : ils en représentent encore un peu plus de 23 %. Je regrette surtout que leurs perspectives de carrières ne soient pas mieux préservées : comme nous l'ont rappelé les syndicats, on trouve des militaires à des postes ne présentant aucun caractère opérationnel et qui sont en charge de la gestion des personnels civils. Plus généralement, les postes d'encadrement sont peu occupés par des personnels civils, non pas parce qu'ils n'en ont pas la capacité, mais parce que la préférence est donnée à des personnels militaires. Je m'associe à ce combat des personnels civils pour l'équité et l'égalité des chances.
M. Jean-Louis Carrère, président - Mes chers collègues, après avoir entendu les rapporteurs pour avis sur les quatre programmes de la mission, je vous demande de vous prononcer sur l'ensemble de la mission.
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La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense dans le projet de loi de finances pour 2012, les membres du groupe socialiste s'abstenant et les membres du groupe communiste votant contre.