C. ... QUI N'A PAS EMPÊCHÉ LA RÉFORME D'ATTEINDRE SES OBJECTIFS
1. Un taux élevé d'éloignements dans les 5 jours
S'il est trop tôt pour faire un véritable bilan de cette réforme, votre rapporteure a pu, lors de l'audition de la direction centrale de la police aux frontières, recueillir des éléments significatifs.
D'une part, les réadmissions de Tunisiens à la suite du « printemps arabe » ont permis d'augmenter les éloignements forcés
D'autre part, 65 % des étrangers seraient maintenant reconduits dans le délai de 5 jours, avant qu'il soit nécessaire de prolonger la décision de maintien en rétention . Ainsi, sur 2074 personnes arrivées en octobre dans les centres de rétention, 992 auraient été éloignées, dont 672 dans les 5 premiers jours.
Ceci signifie que 65 % des étrangers placés en rétention ne passent jamais devant le juge des libertés et de la détention , et que la légalité du contrôle de leur identité et de l'éventuelle garde à vue ainsi que le fait qu'ils aient pu exercer les droits garantis par la loi (assistance d'un interprète, d'un conseil, d'un médecin ; communication avec son consulat ou avec une personne de son choix) ne sont donc vérifiés par aucun juge.
En effet, si le nombre de saisine du juge administratif a nettement augmenté, celui-ci ne contrôle que la légalité de la décision administrative de placement en rétention et non les étapes de la procédure policière et judiciaire qui précèdent ce placement effectif.
2. Un nombre d'éloignements effectifs en hausse
Le nombre d'éloignements effectivement exécutés est donc en hausse en 2011.
Ainsi, 49 645 éloignements ont été exécutés sur les dix premiers mois de l'année 2011, dont 26 789 en métropole (soit une hausse de 14 % par rapport à la même période de l'année précédente) et 22 856 Outre-mer. L'objectif, fixé par le PAP, de 28 000 éloignements effectifs en métropole en 2011, sera ainsi largement atteint. Le ministre de l'Intérieur a même indiqué que le nombre de personnes éloignées serait sans doute supérieur à 30 000.
Toutefois, il convient de rappeler que ces chiffres comprennent les départs volontaires, dont ceux des migrants qui bénéficient d'une aide au retour. Un tiers environ des éloignements entrent ainsi dans cette catégorie.
En tout état de cause, votre rapporteure regrette que cette « politique du chiffre » en matière l'éloignement atteigne ses objectifs au prix d'une restriction toujours plus forte des droits des personnes concernées, restriction dont l'éviction du juge judiciaire d'une grande partie des procédures, est le symbole le plus fort.
Des coûts élevés
Votre rapporteure rappelle en outre que la politique d'éloignement des étrangers en situation administrative irrégulière est très coûteuse. Le rapport de l'inspection générale de l'administration publié en juillet 2009 a évalué à 232 millions d'euros le coût total de la politique d'éloignement , soit un montant par reconduite de l'ordre de 12.000 euros.
Toutefois, les ressortissants étrangers en situation irrégulière peuvent être interpellés, voire placés en rétention, sans être finalement reconduits. Il n'est donc pas exact de ramener le coût global aux seuls personnes effectivement reconduites.
Ce constat a conduit l'IGA à proposer deux autres méthodes de calcul d'un coût moyen :
- soit un coût moyen calculé par rapport au coût moyen des 3 principales phases du dispositif (interpellation, placement en centre de rétention administrative -CRA -et reconduite) qui s'élève alors à 6.300 euros ;
- soit un coût moyen de parcours types, qui ressort à 5.130 euros pour une reconduite sans escorte et 11.150 euros avec escorte.
L'IGA détaille également les trois types de coût constitutifs de la reconduite : des coûts fixes, correspondant principalement au coût d'infrastructures et de fonctionnement des CRA, évalués à 82 millions d'euros, des coûts semi-variables, constitués essentiellement des dépenses de rémunération des personnels se consacrant à cette politique, estimés à 90 millions d'euros, des coûts variables, notamment consacrés aux dépenses de billetterie aérienne pour les personnes reconduites et aux dépenses d'alimentation et de santé dans les CRA, estimés à 60 millions d'euros.