III. DES PERSPECTIVES PEU FAVORABLES POUR LES ANNÉES À VENIR

A. LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES : -7,3 % ENTRE 2014 ET 2017

Dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2014 à 2019 déposé à l'Assemblée nationale le 1 er octobre 2014 et transmis au Sénat le 22 octobre 9 ( * ) , les crédits de l'aide publique au développement passeraient de 2,87 milliards d'euros en 2014 à 2,66 milliards en 2017, soit une baisse de 7,3 % .

Parmi les trente missions budgétaires, qui sont d'importance inégale, cette baisse constitue la 9 ème plus importante.

B. LES ENSEIGNEMENTS DU DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE QUI CONSOLIDE L'EFFORT FRANÇAIS D'APD : UNE ÉROSION DES SUBVENTIONS ; DES PAYS PAUVRES PRIORITAIRES PEU PRIORITAIRES

Chaque année, un document de politique transversale annexé au projet de loi de finances présente, de manière consolidée, l'ensemble de la politique française en faveur du développement. La mission « Aide publique au développement » ne constitue en effet qu'une partie de l'effort global en la matière.

1. Une comparaison internationale délicate pour la France mais qui continue de devoir être relativisée

Si la France reste un acteur important de l'aide au développement, elle est passée en 2013 de la quatrième à la cinquième place des donateurs et se situe dorénavant, en volume d'aide, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon. L'APD nette française est passée de 9,36 milliards d'euros en 2012 à 8,54 milliards en 2013, soit une baisse de 8,8 % sur une année .

Parallèlement, selon les données provisoires publiées par l'OCDE en avril 2014, l'aide publique au développement a progressé au niveau mondial de 6,1 % en termes réels en 2013 pour atteindre 134,8 milliards de dollars américains.

Il faut notamment souligner que le Royaume-Uni, confronté aux mêmes déséquilibres budgétaires que la France, a accru son APD de 27,8 % , ce qui lui a permis d'atteindre pour la première fois l'objectif de 0,7 %.

Seuls cinq pays dépassent cet objectif international de consacrer au moins 0,7 % de son RNB à l'aide au développement : le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, la Suède et donc le Royaume-Uni.

La France , après avoir atteint un pic en 2010 avec 0,5 %, voit sa part de l'aide dans le RNB diminuer : 0,46 % en 2011, 0,45 % en 2012, 0,41 % en 2013. Pour 2014 , les perspectives sont encore plus inquiétantes puisque l'aide passerait à 0,37 % du RNB, soit un taux historiquement bas. Selon les documents budgétaires, l'effort d'APD devrait atteindre 0,42 % du RNB en raison du décaissement de prêts en faveur de l'AID et du futur Fonds vert pour le climat. D'ailleurs, cet effort devrait à nouveau chuter en 2016-2017 pour atteindre 0,39 %.

Pour autant, votre commission considère que cet objectif de 0,7 %, pour symbolique qu'il soit, ne doit pas être surexploité.

D'une part, utiliser un indicateur en pourcentage présente des limites évidentes : pour les Etats-Unis, premier donateur mondial en volume, consacrer 31,5 milliards de dollars en 2013 représente « seulement » 0,19 % du RNB.

D'autre part, ce chiffre rassemble des enveloppes et des crédits extrêmement disparates, qui peuvent aisément fluctuer d'une année sur l'autre, comme le montre l'exemple de l'année 2015 où le décaissement de prêts à deux organisations internationales pour un montant comptabilisé de 690 millions d'euros fait transitoirement remonter le taux d'effort de la France. Il ne faudrait donc pas ériger le chiffre de 0,7 % comme un absolu de l'aide au développement, au risque d'altérer la substance de l'aide et la nécessité d'en améliorer constamment la qualité et l'efficacité.

Enfin, les dépenses liées à la sécurité et à la stabilité ne sont pas comptabilisées alors que nul ne peut douter du lien puissant entre sécurité et développement. Or la France consacre un peu plus de un milliard d'euros aux Opex en 2014 et les opérations qu'elle a menées au Mali ou en République centrafricaine constituent un socle pour l'aide au développement de ces pays.

2. Que recouvre l'aide publique au développement au sens de l'OCDE ?

L'effort d'APD française s'élève à 8,5 milliards d'euros au sens du CAD de l'OCDE mais ce montant regroupe des dépenses de nature très variée :

- 20 % est destinée à l'Union européenne , dont 1 milliard représentant la participation de la France à la quote-part du budget européen consacré au développement et 0,6 milliard représentant la contribution de la France au Fonds européen de développement ;

- 27 % de l'effort est inscrit dans la mission « Aide publique au développement » (hors contribution au FED) ;

- 17 % représente la part des prêts que l'AFD octroie et qui peut être comptabilisée comme de l'APD (1,5 milliard) ;

- 12 % représente les dépenses comptabilisées en APD et liées à l'accueil et l'instruction d'étudiants étrangers en France ou dans leur pays (« écolage ») et à l'accueil des réfugiés.

Par ailleurs, en 2013, l'effort en termes d'annulations de dette et de refinancements nets s'élève à 385 millions, le produit des taxes sur les billets d'avion et sur les transactions financières affectées au développement à 245 millions, l'effort des collectivités territoriales à 60 millions et celui des autres organismes publics à 269 millions.

Aide publique au développement en 2013 :
8,5 milliards d'euros

Source : données issues du document de politique transversale.

Alors que, dans la seule mission APD, la majeure partie des crédits est destinée à des actions multilatérales (58 % en 2015), comptabiliser l'écolage et les autres crédits budgétaires des différents ministères inverse la statistique : au total, selon le document de politique transversale, l'aide bilatérale représente, en 2013, 60 % de l'APD française, la contribution à l'Union européenne 20 % et les autres aides multilatérales également 20 %.

3. Un montant de subventions qui s'érode au fil des années

L'aide bilatérale nette de la France s'est élevée à 5,1 milliards d'euros en 2013, dont seulement 535 millions peuvent être considérés comme des subventions de la mission APD. Alors que le montant de l'aide bilatérale peut fluctuer année après année en raison des prêts ou des annulations de dette, il existe une constante : la lente mais réelle dégradation du montant des subventions . Elles s'élevaient encore à 645 millions en 2008 , elles atteignent 508 millions en 2014 et devraient passer sous les 500 millions dès 2015 pour péniblement atteindre 489 millions en 2017, soit une baisse de 24 % en neuf ans .

Aide publique au développement nette totale de la France
au sens de l'OCDE

Source : données issues du document de politique transversale.

Ainsi, les subventions de la mission APD ne représentent qu'une portion congrue de l'effort français, 6,3 % . La présentation faite par les documents budgétaires tend à masquer ce phénomène en agrégeant, conformément aux règles de l'OCDE, des enveloppes considérées comme des « dons » mais qui représentent des réalités très variés : écolage, accueil des réfugiés,...

4. Les conséquences sur la répartition de l'aide : où est la priorité aux pays pauvres dits prioritaires ?

Selon le document de politique transversale, les seize pays pauvres prioritaires ont reçu, en 2013, 692 millions d'euros d'aide bilatérale, ce qui n'en représente que 13,5 % .

Au sein de l'APD bilatérale telle que comptabilisée par l'OCDE, les pays émergents reçoivent globalement le même montant de financements que les pays pauvres prioritaires, ce qui ne peut qu'étonner.

Répartition de l'APD bilatérale française
par zones d'intervention en 2013

Source : données issues du document de politique transversale.

Selon un tableau du document de politique transversale, les PPP ont bien reçu 39 % des subventions en 2013, ce qui est inférieur aux objectifs affichés, mais ils n'ont bénéficié que de 5,9 % des prêts nets. Il est donc bien évident que les prêts ne peuvent bénéficier qu'en petite partie aux pays pauvres.

Le résultat est conforté lorsqu'on analyse les engagements de l'AFD. En 2013, les engagements totaux de l'AFD se sont portés sur les pays pauvres prioritaires à hauteur de seulement 12 % .

Les PPP ont bien bénéficié des prêts, comme l'a indiqué Anne Paugam, directrice générale de l'AFD, lors de son audition devant la commission, mais à hauteur de 8,8 % des montants engagés ! Même en ne regardant que les prêts bonifiés (concessionnels), la part des PPP est très faible : 10 %. Qui plus est, les PPP n'ont représenté que 22 % du coût que représentent les prêts de l'AFD pour l'Etat, alors que les prêts destinés à l'Asie et au Pacifique en ont représenté 23 % .


* 9 Projet de loi n° 45 (2014-2015).

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