II. LES TROIS IDÉES-FORCES QUI GUIDENT LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
Face au « maquis » institutionnel, et à l'heure où les contraintes budgétaires se font toujours plus pressantes, il est temps de réaménager le droit des interventions économiques des collectivités territoriales afin de rendre celles-ci le plus efficace possible.
C'est ce souci d'efficacité qui a guidé votre rapporteure pour avis dans sa réflexion, qui s'ordonne autour de trois idées-forces.
La première est qu'il est indispensable de consacrer le rôle de chef de file des régions en matière de développement économique dans une logique de cohérence et de simplification, afin d'éviter les doublons.
Ce rôle de coordination doit cependant être spécifié car le développement économique est une très vaste politique publique, qui fait intervenir de très nombreuses dimensions. Les régions sont, par exemple, la bonne échelle pour organiser les plateformes de projection des PME et ETI à l'exportation, ou encore pour coordonner les stratégies d'attractivité. Dans un contexte mondialisé, ces actions doivent impérativement être coordonnées pour optimiser la visibilité de nos territoires.
La deuxième idée-force réside dans la nécessaire prise en compte des spécificités des territoires par une association forte de ceux-ci à l'élaboration des schémas régionaux et à leur mise en oeuvre.
D'une part, il s'agit d'encourager le dynamisme des collectivités, au moment où notre pays en a le plus fortement besoin.
D'autre part, au-delà des « coeurs de métier » des régions, le soutien du développement économique passe par de nombreux « vecteurs » sur lesquels les régions n'ont ni monopole, ni véritable capacité de maîtrise d'ouvrage. Il s'agit de l'animation de proximité de l'économie locale tels que réseaux d'affaires, interfaces avec l'université, de l'aménagement économique du territoire - immobilier, foncier, dépollution des sols, réseaux...- et des services supports nécessaires pour attirer des entreprises - logement, offre culturelle et sportive, crèches etc. On voit bien, dans ces conditions, que si le schéma de développement économique doit être réfléchi au niveau régional, il doit être aussi co-construit et co-produit avec les autres acteurs du territoire, en particulier le niveau des intercommunalités et des métropoles
La troisième idée-force est qu'il convient d'introduire dans la loi la souplesse nécessaire à l'élaboration de schémas qui soient vraiment du « cousu-main ». En matière de tourisme par exemple, on ne peut pas vouloir traiter de la même manière un territoire où rayonnent des stations touristiques classées, connues mondialement, et d'autres territoires dont les objectifs et le pouvoir d'attraction s'exerceront dans un registre différent - tourisme vert, tourisme industriel par exemple.
Comme l'a fait remarquer à juste titre M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, lors de son audition devant la commission des Lois, la carte territoriale ou la nouvelle répartition des compétences ne doivent pas être un objectif en soi ou une occasion d'appliquer des schémas de pensée verticaux hérités du passé mais un moyen d'améliorer la performance économique de l'offre territoriale et d'assurer la cohésion sociale. En particulier, dans les territoires de la « France périphérique » selon l'expression de Laurent Davezies où le sentiment d'abandon prédomine, les collectivités sont en première ligne pour la sauvegarde de l'emploi et de la cohésion sociale.
Votre rapporteure pour avis est, dans ce contexte, favorable à des métropoles dynamiques qui soient les locomotives d'un développement régional équilibré. Pour ce faire, il faut clarifier les registres d'intervention entre le bloc local et le niveau régional tout en respectant le principe de libre administration des collectivités locales et l'absence de tutelle de l'une sur l'autre.
Il convient ici de rappeler, en ce qui concerne les grands principes constitutionnels applicables aux interventions économiques décentralisées, les propos du Président de la section de l'intérieur du Conseil d'État, entendu par la commission des lois : « la prescriptibilité des schémas régionaux frise la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. Le Conseil d'État a donc, par précaution, demandé que soit substitué le terme de compatibilité à celui de conformité. »
Pour surmonter tout risque d'incertitude juridique tout en se conformant à la logique économique et sociale, votre rapporteure pour avis propose d'abord une solution simple et réaliste à l'article 2 du projet de loi : l'élaboration conjointe des schémas de développement économique. Bâtir une réforme durable en matière de développement économique implique nécessairement une vision stratégique partagée et une co-construction du schéma de développement économique. Car c'est en travaillant tous ensemble que les régions et leurs territoires infrarégionaux pourront construire des politiques qui allient à la fois l'aide au tissu économique existant et la préparation des activités du futur. C'est pourquoi les orientations du schéma doivent être mises en débat au sein des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) pour un avis global.
Il convient également d'appliquer le principe du mécanisme de contractualisation prévu dans le droit existant et issu de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM). A travers la signature de conventions territoriales d'exercice concerté, il s'agit de clarifier la mise en oeuvre des orientations du schéma et de définir l'implication des collectivités dans une territorialisation fine. Pour consolider les orientations régionales et leur donner une réelle cohérence, il faut les rendre consensuelles et prévoir leurs déclinaisons territoriales. Il ne s'agit en aucun cas d'opposer un niveau à un autre mais bien au contraire de mobiliser toutes les énergies, afin de construire un projet commun, cohérent et efficace, qui permette l'optimisation des ressources publiques et privées au service du développement des territoires
Compte tenu de la situation de notre pays, votre rapporteure pour avis a estimé que la présente réforme n'a guère droit à l'erreur. C'est pourquoi elle a suggéré à la commission des affaires économiques de ne pas abroger le mécanisme de sauvegarde, prévu par l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, permettant à une collectivité, en cas de carence de l'initiative régionale, d'intervenir en contractualisant avec l'État. Néanmoins, après un large débat, votre commission n'a pas retenu cette idée.
En matière de tourisme, le maintien de la compétence partagée lui semble opportun, et appelle la même logique de schéma co-élaboré. Par ailleurs, il apparaît souhaitable de ne pas contraindre les stations classées à transférer leur compétence tourisme aux intercommunalités. Un tel transfert risquerait de démotiver et de dénaturer les communes concernées alors que leur savoir-faire est un gisement précieux pour notre pays. Le texte adopté par la commission des lois préserve le libre choix des communes.