B. UN RÉSEAU EN PLEINE MUTATION QUI DOIT DÉVELOPPER L'ÉVALUATION DE SA PERFORMANCE
1. L'attente de l'évaluation des postes à présence simplifiée
a) La préservation du principe d'universalité
Le réseau diplomatique et consulaire connaît des évolutions qui visent à l'adapter, dans ses missions et dans ses composantes, aux enjeux de politique étrangère de la France afin de maintenir intacte l'influence de cette dernière sur la scène internationale. Ces évolutions se traduisent par un investissement sur les sujets prioritaires (diplomatie économique, enjeux de la mondialisation) et par un effort particulier au profit des pays émergents comme des pays en sortie de crise afin de redéployer la présence française à l'étranger là où le monde se construit demain. Elles doivent aussi, plus encore aujourd'hui, être mises au service du redressement économique du pays, comme à celui des nouvelles communautés expatriées qui l'accompagnent, dans un contexte d'intensité et de diffusion croissantes des menaces.
Cette exigence répond également à l'impératif d'une meilleure adéquation de nos ressources humaines et budgétaires à nos priorités, dans le contexte de maîtrise de la dépense publique. Les adaptations du réseau s'inscrivent ainsi dans le droit fil des mesures mises en oeuvre afin d'améliorer la cohérence, l'efficacité et le fonctionnement de l'outil diplomatique. Elles procèdent aussi de la démarche de revue des missions engagée par le Gouvernement au titre de la modernisation de l'action publique.
Toutes ces évolutions ne remettent pas en cause l'universalité du réseau, atout essentiel de la diplomatie française. Ce principe ne signifie toutefois ni exhaustivité des missions du réseau, ni uniformité de ses modes de présence, ni immuabilité de son dispositif. Notre présence et nos modes d'action sont désormais davantage différenciés c'est ce que l'on nomme la mue du réseau diplomatique. Cette mue consiste en un « recalibrage » des postes - désormais catégorisés, en postes « à missionS élargies », postes « à missions prioritaires » et postes « de présence diplomatique ». Tous évoluent dans le sens d'une plus grande modularité et d'un décloisonnement accru des missions.
b) Les postes de présence diplomatique
C'est le sens du recentrage des missions des postes de présence diplomatique . Appliquée à une première vague de 13 pays au cours du triennum 2013-2015 (Brunei, Cap-Vert, Erythrée, Guinée-Bissao, Honduras, Jamaïque, Kirghizstan, Liberia, Népal, Papouasie-Nouvelle Guinée, Tadjikistan, Trinité-et-Tobago et Zambie), cette réforme sera étendue à 12 nouveaux pays d'ici à la fin de l'année 2017 : Botswana, Fidji, Moldavie, Monténégro, Namibie, Nicaragua, Paraguay, Salvador, Seychelles, Soudan du Sud, Suriname, et Turkménistan.
Concrètement, la représentation française est recentrée dans ces pays autour de ses missions prioritaires que sont l'action politique et la diplomatie économique. S'agissant des compétences consulaires, seule la protection d'urgence de nos compatriotes demeure, qui concerne uniquement les cas liés à la mobilité des Français (délivrance de laissez-passer) et l'assistance aux ressortissants français détenus, dans la mesure des possibilités logistiques des postes. La délivrance des visas et l'administration des Français relèvent de postes de rattachement régionaux ou, pour le cas des visas de court séjour, peuvent faire l'objet d'un accord de représentation par un État Schengen tiers. La France avait cette mission de délivrance des visas pour la zone Schengen en Papouasie-Nouvelle-Guinée, avant la transformation de l'ambassade en poste de présence diplomatique.
Vos rapporteurs pour avis attendent de connaître le bilan sur les postes de présence diplomatique , qui doit être présenté à la fin de l'année au Parlement avant le déploiement des 12 prochains postes . Afin que la politique menée dans ces postes réduits ne se cantonne pas à une politique d'influence, il paraît souhaitable que ces postes travaillent systématiquement en s'appuyant sur les ressources des services extérieurs de l'Union européenne sur place. Une certaine mutualisation est possible sans remettre en cause l'indépendance de la politique diplomatique française.
La mutation que connaît le réseau diplomatique doit être appréciée et évaluée. Des efforts de formation à destination des personnels affectés dans ces nouveaux postes doivent être réalisés, tant il apparaît évident que la réussite de ces évolutions repose tout entière sur les qualités des personnels nommés.
Cette adaptation du réseau diplomatique aux nouvelles contraintes budgétaires doit aussi prévoir l'adaptation des emprises diplomatiques . Les auditions menées dans le cadre de la préparation du rapport budgétaire laissent entrevoir à vos rapporteurs pour avis un certain retard dans cette adaptation, qui peut nuire à l'image de la France. La persistance de locaux désormais vides est regrettable.
Cela laisse à penser que la programmation de la mutation du réseau diplomatique pourrait être accompagnée et améliorée .
2. Un réseau qui s'approprie sa mission en matière de diplomatie économique
La diplomatie économique consiste à mobiliser l'outil diplomatique dans le but de favoriser le développement des entreprises françaises à l'international et de promouvoir l'attractivité de notre pays pour les investisseurs et pour les touristes étrangers. Au cours des deux dernières années, les postes diplomatiques ont consacré, en moyenne, plus du tiers de leur temps aux enjeux économiques . Trois priorités leur ont plus particulièrement été assignées.
a) Le soutien des entreprises françaises dans leurs démarches d'implantation à l'étranger
En 2014, 86 % des 126 postes situés dans un pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises avaient formellement mis en place un conseil économique (soit une progression de près de 10 points par rapport à 2013). Plus de 90 % des postes ont comme interlocuteur un club d'affaires ou une chambre de commerce, qui animent des communautés d'affaires.
Les plans d'action des ambassades comprennent désormais systématiquement un volet économique précisant leurs objectifs dans ce domaine. Les conseils économiques permettent, désormais, de faire le lien entre les services de l'Etat, les autorités locales et les entreprises. Enfin une douzaine de volontaires internationaux en administration ont été placés dans des postes dits « orphelins » car ils ne disposent ni d'un service économique, ni d'une représentation locale de Business France.
Le soutien aux entreprises françaises passe également par une meilleure coordination des acteurs de l'export afin de rendre plus lisible la chaîne de l'export pour les entreprises françaises. Sous l'autorité de l'ambassadeur, les réseaux consulaires français à l'étranger, mais aussi les conseillers du commerce extérieur de la France, et les représentations de Business France, sont appelés à mieux se coordonner pour définir le rôle de chacun et assurer ainsi une plus grande efficacité du « parcours de l'export » . Des conventions en ce sens ont été signées le 11 mars 2015, entre les réseaux consulaires et Business France, d'une part, le MAEDI, les membres du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF) et Business France, d'autre part. Vos rapporteurs pour avis regrettent que les collectivités territoriales lorsqu'elles ont une représentation à l'étranger ne soient pas plus systématiquement associées à ce qui pourrait devenir un réseau de l'action publique à l'étranger.
L'initiative des « rencontres expresses » ou « speed dating » mise en place lors de la semaine des ambassadeurs afin de permettre à toute entreprise le demandant de rencontrer l'ambassadeur à Paris ou dans le cadre de rendez-vous réguliers par visioconférence doit être saluée.
Dans la même perspective, la nomination d'« ambassadeurs pour les régions », qui sont mis à la disposition des présidents de région le souhaitant, pour favoriser le rapprochement entre les régions françaises, leurs entreprises - en particulier les PME - et le réseau diplomatique paraît intéressante. Cette initiative va dans le bon sens, les régions doivent être plus amplement et plus systématiquement associées aux initiatives des services de l'État en faveur du développement économique national à l'étranger, notamment pour la préparation et dans la réalisation des déplacements officiels.
b) L'appui aux projets d'investissements étrangers en France
L'attractivité de notre territoire constitue un enjeu capital pour la France : les entreprises détenues majoritairement par des capitaux étrangers emploient plus de 2 millions de personnes, contribuent à un tiers des exportations françaises et représentent 19 % du chiffre d'affaires français.
Le réseau des ambassades ainsi que, depuis le 1 er janvier 2015, celui de l'opérateur Business France, sont mis à contribution pour prospecter des investisseurs internationaux tels que les fonds souverains, les fonds privés d'investissement, des grandes entreprises et accompagner leurs démarches en France. En 2014, plus de 7 000 actions ont ainsi été conduites par les postes en faveur de la promotion des exportations auprès des décideurs politiques, administratifs ou privés (entretiens officiels, courriers officiels, démarches effectuées pour le compte d'entreprises, etc.). Plus de 800 initiatives ont en outre été menées pour valoriser l'offre française dans le cadre des « familles » prioritaires à l'export.
c) La promotion de l'attractivité du territoire
Le conseil stratégique de l'attractivité se réunit deux fois par an pour définir les principales mesures à mettre en oeuvre afin de renforcer l'image et l'attractivité de la France . À son initiative, des mesures ont été prises pour faciliter l'accueil et l'installation des investisseurs :
- amélioration des conditions d'accueil et d'installation des talents étrangers, délivrance des visas accélérée à 48 heures avec de nombreux pays ;
- accueil privilégié des investisseurs étrangers, avec un point de contact unique au sein de l'administration pour gérer toutes les questions liées à l'impôt et signature d'une charte de non-rétroactivité fiscale le 1 er décembre 2014 ;
- simplification de la TVA à l'import, permettant l'allègement des charges financières, depuis le 30 décembre 2014 ;
- amélioration des infrastructures d'accueil dans les points d'entrée du territoire française tels que la gare du Nord, l'aéroport Charles de Gaulle avec la création du service CDG Express, etc.
La mise en place d'un opérateur unique, Business France , regroupant UbiFrance et l'agence française pour les investissements internationaux (AFII), chargé du soutien à l'export et de l'attractivité, participe également de cette volonté de renforcer la position de la France à l'international. Ce nouvel opérateur a également été mandaté pour mettre en oeuvre une stratégie de communication et d'influence visant à développer et renforcer l'image économique de la France au plan international.
En outre, les chefs de postes ont conduit des actions de communications ciblées dans la presse étrangère ou organisé des séminaires visant à promouvoir l'image de la France, comme au Royaume-Uni ou en Allemagne. Des visites d'investisseurs en France ont été organisées : 66 visites d'investisseurs étrangers ont été organisées par l'ambassade de Chine en France, permettant à 37 projets de se concrétiser. Plus de 3 500 investisseurs étrangers ont ainsi été accompagnés pour des visites de projet, en France. Une opération pilote de promotion de notre attractivité , « invest in France month » devrait être annualisée, avec le soutien de Business France.
d) Développer la culture de l'évaluation
Vos rapporteurs pour avis regrettent que malgré leurs recommandations de l'année dernière, aucun indicateur d'activité n'ait été associé au pan des compétences du MAEDI relatif à la diplomatie économique. Il ne s'agit plus d'une nouveauté, cette action est essentielle et doit être « stabilisée » , notamment en se traduisant par une modification de la maquette du projet annuel de performance . La définition d'un objectif de performance et des indicateurs associés reflétant cette part essentielle de l'action du réseau diplomatique devient nécessaire. Vos rapporteurs pour avis espèrent que cette évolution puisse être constatée lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2017.
Enfin, force est de constater que le traitement des opérateurs en charge de la diplomatie économique n'est pas encore pleinement satisfaisant. L 'opérateur Business France reste rattaché au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique. L'essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend donc de Bercy et non du Quai d'Orsay. La tutelle de Business France est partagée entre le MAEDI, la Direction générale du Trésor et le ministère chargé de l'aménagement du territoire. La définition des objectifs contenus dans le contrat d'objectif et de performance (COP) de l'opérateur fait l'objet d'un dialogue, par nature, interministériel, entre les tutelles dont vos rapporteurs pour avis se demandent s'il est pleinement efficace.
Pour ce qui est d'Atout France , la tutelle de l'Etat est assurée par le MAEDI à titre principal - les aspects budgétaires relevant désormais de son périmètre - et par le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique. Le MAEDI participe à la mise en oeuvre de la stratégie de promotion d'Atout France à l'international et se trouve en charge des modalités de gestion et de gouvernance. Pour sa part, le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique assure le suivi des sujets normatifs et réglementaires ainsi que des statistiques liées au tourisme.
Vos rapporteurs pour avis souhaitent pouvoir disposer, dans ces domaines, d'indicateurs de performance , afin d'évaluer l'efficience de cette organisation administrative.