Avis n° 141 (2016-2017) de Mme Dominique ESTROSI SASSONE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 24 novembre 2016

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N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VII

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT

Par Mme Dominique ESTROSI SASSONE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Après plusieurs années de crise, le secteur du bâtiment connaît un regain de dynamisme depuis 2015.

En effet, le nombre de permis de construire délivrés a augmenté en 2015 de 3,2 % et le nombre de logements mis en chantier de 1,2 %, notamment grâce aux logements collectifs. En juin 2016, le nombre de permis de construire avait augmenté de 8,9 %.

Fin septembre 2016, 432 300 logements ont été autorisés à la construction, soit une forte augmentation de 14,3 %. 367 000 logements ont été mis en chantier soit une augmentation de 8,1 % par rapport à la période août 2014- juillet 2015.

Les effectifs du secteur du bâtiment commencent à bénéficier de cette reprise. Après avoir diminué de façon quasi-continue jusqu'au troisième trimestre 2015, l'emploi salarié dans la construction a connu une phase de stabilisation, tandis que l'emploi intérimaire dans la construction après s'être fortement dégradé a retrouvé fin 2015 son niveau de fin 2012.

L'artisanat bénéficie de la croissance de la construction neuve, un peu moins de l'activité d'entretien-rénovation qui progresse moins vite. Selon la CAPEB, l'emploi salarié du BTP diminue moins vite au deuxième trimestre 2016 et s'établit à 1,3 million d'emplois, en revanche l'emploi intérimaire augmente de 9 %.

Les différents représentants du secteur du bâtiment ont indiqué à votre rapporteur leur satisfaction de voir maintenus des dispositifs tels que le prêt à taux zéro, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), le dispositif d'investissement locatif dit Pinel ou de voir adoptées des mesures en matière de contentieux de l'urbanisme dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Cependant, la Fédération française du bâtiment a alerté votre rapporteur sur les conséquences de la mise en oeuvre du prélèvement à la source qui pourrait avoir des conséquences importantes sur les montants et les volumes de travaux réalisés en 2017 et 2018. Votre rapporteur souhaite que le gouvernement soit extrêmement attentif à cette situation afin de ne pas « casser » la reprise de la croissance dans ce secteur.

S'agissant de la mission « Égalité des territoires et logement », les crédits sont stables pour 2017 , avec une augmentation de 0,03 % en autorisations d'engagement (18,3 milliards d'euros) et de 1,02 % en crédits de paiement (18,3 milliards d'euros). Cette stabilité masque cependant des évolutions différentes selon les programmes :

- une forte augmentation des crédits du programme 177 relatif à l'hébergement d'urgence notamment pour faire face à la pression migratoire que connaît la France. Si votre rapporteur se félicite de cette augmentation, elle s'interroge cependant pour savoir si elle sera suffisante aux regards de l'évolution de la demande. Elle note en outre que certains dispositifs qui doivent permettre une meilleure gestion de ces besoins ne sont pas pleinement opérationnels et elle estime qu'une réforme d'ensemble devient inéluctable ;

- une stabilisation des crédits du programme 109 dédiés aux aides personnelles au logement. Votre rapporteur constate que les conséquences des réformes engagées par le gouvernement en 2016 peuvent difficilement être évaluées quant aux économies effectivement générées et aux conséquences sur les personnes bénéficiaires des APL ;

- une forte baisse des crédits du programme 135 qui comprend notamment les aides à la pierre . Cette baisse résulte de la création du FNAP en 2016 qui conduit à ne prévoir sur ce programme que les fonds versés par l'État et non plus l'ensemble des ressources, y compris celles des bailleurs sociaux, dédiées aux aides à la pierre.

En outre, en matière de lutte contre l'habitat indigne et énergivore, votre rapporteur constate que les ressources de l'Anah sont plus que jamais incertaines alors même que les missions de l'agence sont reconnues de tous et que les objectifs du programme « Habiter mieux » sont doublés par rapport à 2015. Votre rapporteur considère qu'il y a urgence à donner à l'Anah des recettes pérennes et stables.

Enfin, les dépenses fiscales attachées à la mission demeurent importantes et s'élèvent à 12 777 millions d'euros pour 2017 répartis entre 53 mesures telles que l'application de taux de TVA réduit, des dispositifs d'investissement locatif ou encore le prêt à taux zéro.

Au regard de ces éléments, votre rapporteur a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « égalité des territoires et logement ».

ÉVOLUTION EN 2017 DES CRÉDITS DE LA MISSION « ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT »

programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 513 009 071

1 739 487 000

15,0%

1 513 009 071

1 739 487 000

15,0%

109 - Aide à l'accès au logement

15 438 286 265

15 439 300 000

0,01%

15 438 286 265

15 439 300 000

0,01%

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

646 160 473

408 740 771

-36,7%

436 160 473

377 140 771

-13,5%

337 - Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'habitat durable (libellé modifié)

765 547 578

781 397 590

2,1%

765 547 578

781 397 590

2,1%

TOTAL

18 363 003 387

18 368 925 361

0,03%

18 153 003 387

18 337 325 361

1,02%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017.

Lors d'une réunion tenue le mercredi 23 novembre 2016, la Commission des affaires économiques, sur la proposition de son rapporteur, a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » du projet de loi de finances pour 2017.

I. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS QUI POURRAIT S'AVÉRER INSUFFISANTE POUR RÉPONDRE À LA DEMANDE D'HÉBERGEMENT D'URGENCE (PROGRAMME 177)

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » regroupe les crédits de la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.

Pour 2017, les crédits consacrés dans le projet de loi de finances initial au programme 177 sont de nouveau en augmentation de 15 % en AE et en CP.

Cette évolution masque cependant des évolutions différenciées des crédits selon les actions. Ainsi, si les crédits de l'action n° 2 « hébergement et logement adapté », qui représentent 96 % des crédits du programme, augmentent de 16 %, ceux de l'action « Prévention de l'exclusion » diminuent de 4,8 % et ceux de l'action « conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » de 1,9 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 177

Actions

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Prévention de l'exclusion

63 045 224

60 045 224

-4,8%

63 045 224

60 045 224

-4,8%

Hébergement et logement adapté

1 439 605 700

1 669 283 119

16,0%

1 439 605 700

1 669 283 119

16,0%

Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

10 358 147

10 158 657

-1,9%

10 358 147

10 158 657

-1,9%

Total

1 513 009 071

1 739 487 000

15,0%

1 513 009 071

1 739 487 000

15,0%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017.

A. UN PARC D'HÉBERGEMENT GÉNÉRALISTE EN CONSTANTE AUGMENTATION POUR RÉPONDRE À LA DEMANDE D'HÉBERGEMENT D'URGENCE

Le parc d'hébergement connaît une demande importante en raison de l'augmentation de la précarité, de l'accroissement des besoins de prise en charge de familles avec des jeunes enfants et des flux migratoires qui se sont intensifiés depuis l'an dernier. Face à la pression migratoire, le parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile demeure insuffisant et a des conséquences sur le parc d'hébergement généraliste. Le recours aux nuitées hôtelières est souvent considéré comme une solution de facilité pour faire face aux demandes pressantes sur les structures d'hébergement d'urgence. Le gouvernement s'est cependant engagé dans un plan de réduction des nuitées hôtelières et de développement des places pérennes.

1. Une insuffisance du parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile qui a des conséquences sur l'hébergement d'urgence généraliste

Le parc d'hébergement doit faire face à une demande importante en raison du contexte économique et surtout migratoire. Selon le gouvernement depuis la fin 2015, chaque mois, environ 7 000 personnes doivent être prises en charge au titre de la demande d'asile.


• Les demandeurs d'asile bénéficient de places d'hébergement dédiés qui relèvent sur le plan budgétaire du programme 303 « immigration et asile ». Fin 2015, le dispositif spécifique aux demandeurs d'asile comprenait :

- 28 104 places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ;

- 12 246 places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA)

- 3 545 places dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence à gestion nationale (AT-SA).


• Le parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile demeure insuffisant malgré la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile adoptée par la loi du 29 juillet 2015 censée améliorer la situation en permettant l'ouverture de places supplémentaires en CADA et en accélérant la procédure d'examen de la demande d'asile.

Ainsi, l'arrêté du 21 décembre 2015 pris en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a fixé les objectifs de création de places dédiés aux demandeurs d'asile. Le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile doit permettre d'atteindre 60 864 places d'hébergement dédiées au 31 décembre 2017 dont 40 352 en CADA.

Cependant, dans une instruction du 19 septembre 2016 relative à la fluidité du parc d'hébergement des demandeurs d'asile, le gouvernement reconnaissait qu'au 31 août 2016, un cinquième du parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile ou aux réfugiés était occupé par des personnes qui ne sont plus demandeurs d'asile soit parce qu'elles ont la qualité de réfugié, soit parce qu'elles ont été déboutées de leur demande d'asile. En outre, si les moyens humains de l'OFPRA ont été renforcés pour accélérer le traitement des dossiers, la pression migratoire que connaît la France semble avoir réduit à néant ces efforts.

Votre rapporteur ne peut que constater que la réforme du droit d'asile ne produit pas complètement ses effets et que le nombre de places actuelles demeurent insuffisantes, nombre de demandeurs d'asile étant pris en charge dans le cadre de dispositifs généralistes financés par le programme 177.


• L'importance des migrants souhaitant gagner le Royaume-Uni et qui se sont installés à Calais ou à Paris dans des campements de fortune a conduit le gouvernement à créer fin 2015, des centres d'accueil et d'orientation (CAO) .

Ces centres doivent permettre de réorienter les migrants vers une solution d'hébergement adaptée à leur situation administrative. La durée de prise en charge dans ces centres est nécessairement limitée dans le temps.

Comme le souligne la charte de fonctionnement des CAO élaborée par le ministère de l'intérieur et le ministère du logement et de l'habitat durable, le CAO « n'a pas vocation à constituer une solution d'hébergement de substitution pour certaines catégories de publics pour lesquels il existe déjà des mécanismes ». Les places de CAO n'entrent pas dans le décompte des offres pérennes d'hébergement généraliste ou des places dédiées aux demandeurs d'asile.

Selon Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, 450 CAO ont été créés, pour parvenir à 9 000 places au total. La charte précitée précise les modalités de fonctionnement de ces centres : un veilleur de nuit pour 50 personnes doit être présent et une personne chargée de l'accompagnement social pour 30 personnes. Le coût de référence a été fixé à 25 euros par personne et par jour et comprend le logement et l'accompagnement social. Cependant, la direction générale de la cohésion sociale a indiqué à votre rapporteur qu'en pratique les coûts avoisinaient plutôt 30 euros par personne et par jour, les délais contraints de la mise en place de ces centres n'ayant pas permis de réduire ces coûts.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, a précisé aux députés que le coût des CAO représentait « 6 millions en 2015 et 23 millions en 2016. 48 millions sont programmés pour 2017 » sans cependant indiquer sur quel budget ce coût était imputé. Interrogée sur cette question, la direction générale de la cohésion sociale a indiqué à votre rapporteur que le programme 177 avait financé en 2015 et 2016 la totalité des CAO ouverts depuis leur création. Mme  Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, a fait état lors de son audition devant les députés d'un débat sur la prise en charge financière de ces places, le ministère de l'intérieur estimant que les CAO pouvaient rejoindre la mission « asile » dans la mesure où « 85 % à 90 % de ceux qui sont à Calais relèvent du statut de réfugié, et 90 % de ceux qui vont en CAO accèdent à l'asile », tandis qu'elle-même considérait qu'ils relevaient du programme d'hébergement d'urgence. Pour le moment, les CAO demeurent pris en charge par le programme 177.

2. Des nuitées hôtelières qui augmentent moins rapidement

Le plan triennal de réduction des nuitées hôtelières mis en oeuvre par le gouvernement pour la période 2015-2017 a pour objectif de réduire le nombre de nuitées de 10 000 et de créer 13 000 places : 9 000 places en intermédiation locative, 1 500 places en logement adapté, 2 500 places d'hébergement dans les centres ou des appartements dédiés aux familles.

Outre qu'il doit favoriser les conditions d'accueil, ce plan doit également permettre de générer des économies puisqu'une journée en intermédiation locative coûte en moyenne 6,65 euros tandis qu'une nuitée à l'hôtel coûte 17,08 euros.

Bien que le nombre de nuitées ne diminue pas et atteint 37 962 places en 2015, selon des chiffres provisoires leur progression ralentirait en 2016, + 8 % entre fin 2015 et juin 2016 contre 17,5 % entre 2014 et 2015.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE NUITÉES D'HÔTEL

Source : commission des affaires économiques d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

3. Des capacités d'accueil qui continuent de croître

Le nombre de places d'hébergement a poursuivi son augmentation passant de 103 527 places en 2014 à 112 552 en 2015 (soit + 8,7 %) en raison des différents plans précités. Depuis 2011, le nombre de places a presque doublé.

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 NB : pour 2013, le PAP ne mentionne pas le détail des places en centre d'hébergement d'urgence.

En mars dernier, Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable a annoncé que 2 300 places seraient pérennisées.

En outre, l'instruction ministérielle du 19 mai 2016 a préconisé que les efforts soient portés en matière de logement adapté sur la création de nouvelles places en résidences sociales et en intermédiation locative.

Pour 2017, les crédits dédiés aux résidences sociales qui ont pour objet d'offrir une solution temporaire à des ménages aux ressources limitées ou qui rencontrent des difficultés d'accès au logement sont stables. Au 31 décembre 2015, 102 résidences accueillaient 112 867 places.

Le gouvernement poursuit ses efforts pour développer le recours à l'intermédiation locative . Une troisième campagne de communication autour de ce dispositif a été lancée en début d'année 2016. Les crédits dédiés à ce dispositif augmentent de 13 % en 2017 afin de tenir compte de la montée en charge de ce dispositif (25 575 places en 2015, soit + 18 %). Cependant votre rapporteur considère que l'intermédiation locative qui est un dispositif intéressant ne peut être qu'une des réponses à apporter dans la mesure où ce dispositif suppose d'avoir des ressources et un statut administratif en conformité avec les règles en vigueur, il ne peut donc convenir à toutes les personnes hébergées dans les hôtels et notamment à celles ayant peu de ressources et/ou en situation précaire sur le plan administratif.

Le gouvernement s'est fixé un objectif de 15 000 places en maisons-relais et pensions de famille . Fin 2015, on dénombrait 772 pensions représentant 14 843 places soit une hausse de 6 %. Le plan de résorption des nuitées hôtelières ayant fixé pour objectif la création de 500 places supplémentaires d'ici fin 2017, les crédits dédiés augmentent en conséquence de 5 % pour atteindre 90 millions d'euros.

L'aide au logement temporaire (ALT1) est versée aux personnes « qui, logées à titre temporaire, soit n'ont pas accès aux aides personnelles au logement de droit commun, allocation logement ou aide personnalisée au logement, soit ne sont pas hébergées en CHRS ». Cette aide a pour objet de couvrir les coûts (loyer et charges) supportés par les organismes qui mettent des logements à la disposition de personnes sans domicile.

Les crédits dédiés à l'aide au logement temporaire (ALT1) augmentent fortement et sont doublés pour atteindre 79 millions d'euros . Toutefois, cette évolution est une augmentation en trompe l'oeil, le gouvernement ayant seulement décidé de financer sur le programme 177 la totalité de cette aide jusqu'à présent prise en partie en charge par la branche famille de la sécurité sociale. Le gouvernement en espère une simplification de la gestion, un meilleur suivi et une économie des frais de gestion.

S'agissant des places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), leur nombre continue d'augmenter pour atteindre 42 176 en 2015. 646,9 millions d'euros seront consacrés en 2017 à ce dispositif en augmentation de 1,7 % et doivent permettre de poursuivre le mouvement de transformation de places d'hébergement d'urgence.

B. DES EFFORTS DANS LA GESTION DE L'HÉBERGEMENT D'URGENCE QUI NE PARAISSENT PAS SUFFISANTS POUR RÉPONDRE À LA DEMANDE

1. Des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence qui pourraient se révéler insuffisants


• Depuis plusieurs années, votre rapporteur constate une sous-budgétisation systématique des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence. Les crédits budgétés pour 2016 n'ont pas échappé à la règle puisque le gouvernement a été conduit le 3 octobre dernier à prendre un décret d'avance pour augmenter les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence de 84 millions d'euros afin :

- de financer 3 000 places en CAO pour en porter le nombre total à 5 000 dès 2016, permettant ainsi de faciliter le démantèlement de la « jungle » de Calais et des campements parisiens, pour un montant de 18,8 millions d'euros ;

- de financer des places supplémentaires d'hébergement d'urgence, à hauteur de 50 millions d'euros, démontrant ainsi selon le rapporteur général de la commission des finances du Sénat que le programme 177 était sous-budgété ;

- de financer la pérennisation de 2 300 places créées pendant l'hiver 2015-2016, à hauteur de 15,2 millions d'euros.

Ces ouvertures de crédit sont cependant insuffisantes pour couvrir les besoins d'hébergement d'urgence de l'année 2016 et Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, a annoncé l'ouverture d'une enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros par décret d'avance.

En outre, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 a prévu une ouverture supplémentaire de crédits :

- d'un montant de 204 millions d'euros en autorisations de paiement portant ainsi les AE du programme 177 à 1 802 millions d'euros pour 2016 ;

- d'un montant de 55 millions en crédits de paiement portant ainsi ces crédits à 1654 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 100 millions qui seront ouverts par décret d'avance. Ainsi, ce sont 1 754 millions d'euros qui seront nécessaires pour les crédits de paiement en 2016.

Pour 2017, les crédits de l'action 2 « hébergement et logement adapté » qui représentent l'essentiel des crédits de ce programme (96 %) se répartissent de la manière suivante :

- 121,7 millions d'euros pour la veille sociale, en augmentation de 35 % ; ces crédits seront dédiés aux services d'accueil et d'orientation (SIAO) chargés de la coordination de l'action des structures contribuant à l'accueil, l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans domicile fixe, le numéro vert 115 et les SAMU sociaux ;

- 617,8 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence, en augmentation de 28 % ;

- 646,9 millions d'euros pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) en augmentation de 0,4 % ;

- 283 millions d'euros pour les dispositifs de logements adaptés, en augmentation de 23 % .

Votre rapporteur constate une augmentation des crédits de cette action de 16 %, ce dont elle se félicite. Cependant, elle note qu'une partie de cette hausse ne traduit en aucun cas l'intention du gouvernement d'y consacrer plus de moyens , mais vise à réévaluer certaines dépenses au vu des crédits consommés en 2015, tel est le cas des crédits de la veille sociale qui augmentent de 35%, ou à traduire une modification de périmètre , tel est le cas des crédits de l'allocation temporaire qui sont doublés pour atteindre 79 millions euros, l'État prenant désormais en charge la totalité de cette aide.

Malgré les efforts du gouvernement pour augmenter les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence, votre rapporteur estime que les crédits ne seront vraisemblablement pas suffisants pour couvrir des besoins qui continuent d'augmenter, le montant de crédits de paiement étant d'ores et déjà inférieur au montant des crédits consommés en 2016.


• S'agissant des ressources affectées au Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), chargé de financer les actions d'accompagnement personnalisé de personnes reconnues prioritaires pour accéder à un logement en urgence et les actions de gestion locative adaptée de logements destinées à ces personnes, votre rapporteur s'interroge pour savoir si les réformes engagées l'an dernier sont suffisantes pour donner au FNAVDL les moyens d'assurer correctement ses missions.

En effet, le Fonds qui ne bénéficie plus de financement budgétaire dispose seulement du produit des liquidations d'astreinte prononcées et liquidées à l'encontre de l'État dans le cadre de droit au logement opposable (DALO). L'an dernier, votre rapporteur avait constaté les difficultés rencontrées par le FNAVDL pour assumer ses missions en raison d'un décalage dans la liquidation des astreintes par les juridictions. En 2015, le Fonds avait reçu 12 millions au titre des astreintes contre 20 millions en 2014. Une réforme a ainsi été adoptée lors de la loi de finances pour 2016 afin de permettre une liquidation plus régulière des astreintes. Le montant prévisionnel des astreintes à encaisser par le fonds en 2016 a été estimé à 30 millions d'euros. Votre rapporteur n'a pas eu connaissance d'éléments suffisants permettant d'apprécier si les réformes engagées l'an dernier ont eu l'effet escompté .

2. Des dispositifs de gestion qui tardent à être pleinement opérationnels

Votre rapporteur constate de nouveau que les dispositifs censés améliorer la gestion de l'hébergement d'urgence ne sont pas pleinement opérationnels. La Cour des comptes a d'ailleurs souligné dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2015 de la mission « égalité des territoires et logement », des insuffisances dans les moyens mis en place pour gérer les dispositifs d'hébergement d'urgence.

S'agissant du service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) chargé au niveau départemental de gérer l'offre et la demande de places d'hébergement d'urgence, la haute juridiction financière a relevé que les SIAO sont « trop faiblement outillés ». La gestion du SIAO par une personne morale unique prévue par la loi ALUR est en cours de déploiement, les décrets d'application n'ayant été pris qu'en novembre 2015.

En outre, votre rapporteur constate que le gouvernement a mobilisé des places d'hébergement, notamment les CAO, pour répondre à la demande de logement des migrants sans passer par le SIAO . Or, le SIAO a été conçu comme un élément essentiel pour fluidifier les parcours des personnes sans abri ou mal logées. La Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) a redit à votre rapporteur les inconvénients d'un tel choix qui ne permet pas d'orienter les demandeurs vers les structures les mieux adaptées et ne permet pas d'anticiper la fermeture de CAO et donc les sorties de ces centres vers des dispositifs adaptés pour les personnes hébergées. Selon la FNARS, cette logique conduit à « des effets filière » et crée des tensions entre les personnes hébergées dans les CAO et celles hébergées en dehors de ces structures.

Par ailleurs, les fonctionnalités du système d'information pour les SIAO (SI-SIAO) ne sont pas encore toutes en oeuvre . Seul le volet insertion serait actif à ce stade. Le système ne permet pas donc pas aux services d'accueil téléphonique (le 115) d'orienter rapidement les personnes vers les structures les plus adaptées.

Votre rapporteur constate en outre que le gouvernement n'est pas en mesure de lui indiquer combien de demandeurs d'asile sont pris en charge dans le dispositif généraliste, l'utilisation de l'application informatique partagée par les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) n'étant pas encore généralisée.

De même, la Cour de comptes a souligné l'insuffisante prise en compte de l'étude nationale des coûts (ENC) , ne permettant pas de fait une « bonne maîtrise des coûts ». La Cour relève que les référentiels de coûts sont trop peu utilisés et n'ont aucune portée obligatoire . Les enquêtes 2014 et 2015 qui ont montré que la variation des coûts étaient liées à de multiples facteurs  (statut juridique de l'établissement CHRS/non CHRS ; statut spatial regroupé ou diffus, taille des établissements, typologies des publics accueillis, type d'accompagnement) auraient seulement vocation à contribuer au dialogue de gestion entre les établissements et l'État.

3. Une réflexion nécessaire sur la répartition des crédits au sein du programme 177

Alors que le gouvernement a fait de l'accompagnement social y compris pour les personnes hébergées à l'hôtel un des principes réaffirmés dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale pour 2015-2017, la répartition des crédits en fonction des dispositifs d'hébergement plutôt que des missions (abriter, accompagner...) ne permet pas d'évaluer précisément la part des crédits consacrée à cet accompagnement.

La FNARS a redit à votre rapporteur que la politique suivie en matière d'hébergement devrait évoluer afin de pouvoir distinguer les crédits consacrés à chaque mission plutôt que par dispositifs. Votre rapporteur estime qu'une telle évolution de la répartition des crédits mérite réflexion.

De même, lors de l'examen de la loi ALUR, le Parlement s'était interrogé sur la mise en oeuvre d'un statut unique pour les établissements et services de la veille sociale, de l'hébergement et de l'accompagnement et avait demandé que le gouvernement lui remette un rapport sur le sujet. Votre rapporteur s'étonne que le gouvernement n'ait toujours pas remis ce rapport au Parlement en application de l'article 32 de la loi ALUR.

II. AIDES À L'ACCÈS AU LOGEMENT : LES EFFETS DIFFICILES À APPRÉHENDER DES RÉFORMES DES APL ET UN ACCÈS FACILITÉ AU LOGEMENT GRÂCE À VISALE (PROGRAMME 109)

Le programme 109 « Aides à l'accès au logement » comporte les crédits destinés au financement des aides à la personne, à l'information relative au logement, à l'accompagnement des publics en difficulté et à la garantie des risques locatifs. Ces crédits sont stables pour 2017.

ÉVOLUTION EN 2017 DES CRÉDITS DU PROGRAMME

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Aides personnelles

15 421 967 265

15 422 000 000

0,0%

15 421 967 265

15 422 000 000

0,0%

Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

8 119 000

8 000 000

-1,5%

8 119 000

8 000 000

-1,5%

Sécurisation des risques locatifs

8 200 000

9 300 000

13,4%

8 200 000

9 300 000

13,4%

Aide à l'accès au logement

15 438 286 265

15 439 300 000

0,01%

15 438 286 265

15 439 300 000

0,01%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017.

A. LES EFFETS DIFFICILES À APPRÉHENDER DES RÉFORMES DES APL

1. Les aides personnelles au logement : une dépense de guichet qui continue d'augmenter

En 2015, 18 milliards d'euros d'aides au logement ont été versés à 6,5 millions de bénéficiaires.

Après une hausse significative entre 2007 et 2015, le nombre de bénéficiaires a diminué de 0,3 % entre 2014 et 2015. Toutefois, cette évolution masque des évolutions différenciées selon le type d'aide. Le nombre de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement (APL), versée aux occupants de logements conventionnés quelles que soient leurs caractéristiques familiales continue d'augmenter (+0,6 %), tandis que le nombre de bénéficiaires des allocations de logement à caractère familial (ALF) et des allocations de logement à caractère social (ALS) diminue.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DES AIDES AU LOGEMENT (en milliers)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution 2014/2015

ALF

1 244

1 263

1 351

1 356

1 335

1 332

1 323

1 317

1 319

1 299

- 1,5%

APL

2 482

2 496

2 620

2 619

2 621

2 681

2 724

2 773

2 803

2 819

+ 0,6%

ALS

2 198

2 216

2 345

2 364

2 353

2 388

2 374

2 405

2 416

2 402

- 0,6 %

Total

5 924

5 975

6 316

6 339

6 309

6 401

6 421

6 496

6 538

6 520

- 0,3%

Source : Estimation à partir des statistiques annuelles au 31 décembre de la CNAF et de la CCMSA. Nombres arrondis au millier de bénéficiaires. La répartition par parc est estimée pour la CCMSA.

Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires en logement-foyer et en accession a diminué. Selon la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), le nombre des bénéficiaires de l'APL-accession est tendanciellement à la baisse depuis plusieurs années. La DHUP a indiqué à votre rapporteur qu'elle se penchera attentivement sur la baisse des bénéficiaires en logements-foyers lorsqu'elle disposera des informations consolidées par les organismes payeurs.

Le montant global des prestations a de nouveau augmenté de 1,7 %. Cette différence d'évolution entre une diminution du nombre de bénéficiaires et une augmentation des prestations s'explique selon la DHUP par l'augmentation du nombre de ménages bénéficiaires dans le secteur locatif pour lesquels l'aide moyenne versée est en augmentation et par les effets de l'actualisation du barème.

ÉVOLUTION DU MONTANT TOTAL DES PRESTATIONS VERSÉES (en milliards d'euros)

2006

2007

2008

2008

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution

2014/2015

ALF

3,60

3,67

3,90

4,07

4,15

4,21

4,24

4,369

4,424

4,466

+ 0,94%

APL

6,23

6,20

6,57

6,72

6,86

7,14

7,41

7,767

7,988

8,220

+ 2,9%

ALS

4,30

4,36

4,71

4,82

4,90

5,00

5,07

5,254

5,296

5,327

+0,58%

Total

14,14

14,24

15,19

15,61

15,92

16,35

16,73

17,39

17,708

18,013

+1,7%

Source : Éléments statistiques et comptables (y compris 13 ème balance) émanant des caisses des régimes général et agricole. Comptabilité en décaissements. Chiffres arrondis au million le plus proche.

2. Les réformes de l'APL progressivement mises en oeuvre en 2016


• L'action 1 « Aides personnelles au logement » comporte les crédits dédiés à la contribution de l'État au financement des aides personnelles au logement. Cette contribution prend la forme d'une subvention d'équilibre au Fonds national d'aide au logement (FNAL).

Après deux années d'augmentation des crédits budgétaires en raison de modification de périmètre, l'État ayant décidé de budgétiser les aides personnelles au logement en 2015 et 2016, les crédits sont stables. L'État assure désormais la part la plus importante du financement des dépenses du FNAL : 84% en 2017 contre 34% en 2010.

ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DU FINANCEMENT DES DÉPENSES DU FNAL (en millions d'euros)

Source : Commission des affaires économiques.

Pour 2017, le FNAL bénéficiera des ressources suivantes :

- les cotisations employeurs à hauteur de 2 706 millions d'euros ;

- une contribution de l'État, qui tient compte de la perte d'une partie des recettes de cotisations employeurs résultant du pacte de responsabilité et de solidarité à hauteur de 15 422 millions d'euros ;

- dans la limite de 43 millions, le produit de la taxe sur les plus-values de cession d'immeuble autres que des terrains à bâtir.

En outre, le FNAL percevra en 2017 une nouvelle recette : une fraction du produit de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux, dans la limite de 146 millions d'euros. Cette recette supplémentaire devrait compenser l'absence de contribution d'Action logement au FNAL.

Votre rapporteur constate que si Action Logement n'est pas mis à contribution directement, il l'est en réalité de façon indirecte puisque l'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 supprime les dispositions prévoyant l'affectation de 80,25% de la part non affectée du produit de la taxe sur les bureaux vacants en compensation des pertes de recettes supportées par Action Logement pour les services apportés aux salariés des entreprises de 10 à 20 salariés qui ne sont plus assujetties à la PEEC depuis 2005, ce qui a représenté en 2015 133 millions d'euros. Il s'agit selon le gouvernement d'assurer l'équilibre du FNAL et de prendre en compte les « gains de fonctionnement permis à court terme par la réforme du réseau » d'Action Logement.

Outre que la méthode est discutable, la disposition étant contraire à la convention quinquennale entre l'État et Action logement laquelle prévoit cette compensation, votre rapporteur espère que cette initiative sera sans conséquences sur les engagements d'Action Logement quant au niveau des aides attribuées ou du financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).


• Au regard de la hausse continue des dépenses consacrées aux aides au logement, le gouvernement a engagé une réforme des modalités d'octroi de ces aides. Ainsi, plusieurs mesures destinées à contenir la hausse des dépenses liées aux aides personnelles au logement ont été adoptées lors de la loi de finances pour 2016. Ces mesures sont entrées progressivement en vigueur et venaient compléter la réforme du forfait R0 du barème locatif qui conduit depuis le 1 er janvier 2015 à calculer ce montant à partir du forfait R0 de l'année N-1 revalorisé en fonction de l'inflation de l'année N-2. Selon les informations transmises par le gouvernement, en l'absence de cette mesure, 78 millions auraient dû être versés en supplément. Ces sommes sont estimées à 298 millions d'euros en 2016, 525 millions d'euros en 2017 et 675 millions d'euros en 2018.

Une première mesure est entrée en vigueur le 1 er janvier 2016 afin d'arrondir par souci de simplification les allocations à l'euro inférieur . 40 millions d'euros d'économies sont attendues.

Une deuxième mesure, entrée en vigueur le 1 er juillet 2016, vise à limiter le montant des aides au logement afin selon le gouvernement « de ne pas subventionner des logements dont la taille serait trop grande par rapport aux besoins réels du ménage ou dont le loyer rapporté à la taille du ménage serait excessif » , cette mesure devant participer «  à la lutte contre les loyers élevés et à l'optimisation du parc de logement ».

Ainsi, les allocations diminuent progressivement au-delà d'un premier plafond de loyer et sont supprimées au-delà d'un second plafond de loyer . Ces plafonds sont déterminés par référence au plafond de loyer de base affecté d'un coefficient fonction de la zone géographique qui varie entre 2,5 et 4.

SEUILS DE DÉGRESSIVITÉ ET DE SUPPRESSION DU VERSEMENT DE L'APL (en euros)

Zone 1 (Paris et sa petite couronne)

Zone 2 (Région Île-de-France hors zone I et autres grandes agglomérations)

Zone 3 (reste du territoire)

Seuil de dégressivité

Seuil de suppression

Seuil de dégressivité

Seuil de suppression

Seuil de dégressivité

Seuil de suppression

Une personne seule

995,69

1 171,40

638,08

791,21

598,03

741,55

Couple sans personne à charge

1 200,88

1 412,80

781

968,44

724,98

898,97

Personne seule ou couple ayant une personne à charge

1 357,25

1 596,76

878,83

1 089,74

812,88

1 007,97

Par personne à charge supplémentaire

+ 196,89

+ 234,64

+ 127,90

+ 158,60

+ 116,50

+ 144,46

96 millions d'euros d'économie sont attendues de cette mesure en année pleine. 80 000 ménages devraient être concernés.

La troisième mesure vise à tenir compte du patrimoine des allocataires. Ainsi, depuis le 1 er octobre 2016, le patrimoine du demandeur est pris en compte dans les règles d'éligibilité aux APL lorsque celui-ci est supérieur à 30 000 euros. Cette mesure avait été préconisée par le groupe de travail sur les APL constitué à l'Assemblée nationale. L'article R. 351-5-1 du code de la construction et de l'habitation précise que le patrimoine est « considéré comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de sa valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ». Cette mesure s'appliquera aux nouveaux demandeurs avant de s'appliquer aux actuels bénéficiaires au fur et à mesure du renouvellement de leurs droits.

Cette mesure devrait permettre 63 millions d'euros d'économie en année pleine. Elle pourrait concerner un allocataire sur dix.

Enfin, depuis le 1 er octobre, sont également entrées en vigueur les dispositions de l'article 143 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 qui prévoient que ne peuvent bénéficier de l'APL les personnes rattachées au foyer fiscal de leurs parents, lorsque ces derniers sont redevables de l'impôt annuel de solidarité sur la fortune . Le gouvernement n'est pas en mesure de fournir une estimation du nombre de personnes concernées, cette mesure étant une mesure symbolique.

3. Les effets de ces réformes difficiles à appréhender

Votre rapporteur avait estimé l'an dernier que les conséquences sociales et financières des réformes proposées en matière d'APL ne semblaient pas complètement maîtrisées par le Gouvernement lequel n'était alors pas en mesure de préciser les différents critères qui seraient retenus.

Ces mesures ont été très critiquées par les associations dont la Fondation Abbé Pierre, CSF, l'Union nationale des associations familiales ou encore Familles de France, qui y voient une mesure injuste. La Fondation Abbé Pierre a dénoncé « une double peine : le Gouvernement fait payer aux locataires l'incapacité des pouvoirs publics à maîtriser et faire baisser les loyers du parc privé depuis la hausse des années 2000 ». La FNARS a souligné les contradictions du gouvernement qui diminue pour certains bénéficiaires leurs aides au logement et met en place dans le même temps des dispositifs de prévention des expulsions et de maintien du versement de l'allocation de logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas la part de la dépense de logement restant à sa charge.

Le conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a émis un avis défavorable au projet de décret sur la prise en compte du patrimoine.

Votre rapporteur regrette que le gouvernement ne soit pas en mesure de lui transmettre des données précises quant aux premiers effets de ces mesures. Selon les estimations de la Cnaf diffusées sur son site Internet ou dans la presse, 77 600 foyers seraient concernés par les nouvelles règles de dégressivité des APL, soit 1,2 % des allocataires. Pour ces allocataires, dans 78,3 % des cas, l'APL serait diminuée de 70 euros en moyenne et dans 21,7 % des cas, l'APL serait supprimée.

Selon Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, 666 dérogations auraient été accordées sur 1 590 réclamations . Elles concerneraient principalement des bénéficiaires du RSA mais aussi des « parents d'enfants en résidence alternée » ou encore des assistantes maternelles. Le Gouvernement a demandé aux caisses d'allocations familiales d'apprécier les situations « avec souplesse et au cas par cas ».

Votre rapporteur considère qu'à ce stade il est difficile d'apprécier pleinement les effets de ces réformes tant du point de vue des économies effectivement induites que des conséquences pour les bénéficiaires .

B. UN ACCÈS AU LOGEMENT FACILITÉ AVEC LE DÉPLOIEMENT DU DISPOSITIF DE GARANTIE LOCATIVE VISALE

L'État et Action Logement interviennent dans le financement du dispositif de garantie des risques locatifs (GRL). Les crédits de l'action « Sécurisation des risques locatifs » correspondent aux sommes nécessaires pour équilibrer le fonds de garantie universelle des risques locatifs (GURL) au titre du dispositif de garantie des risques locatifs (GRL). Ces crédits sont en augmentation de 13,4 %.

Cette augmentation résulte selon le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017 de plusieurs éléments :

- une diffusion importante du dispositif en 2015 ;

- l'extinction du dispositif en 2016 ;

- la possibilité pour les assureurs de renouveler les contrats en cours en 2016 pour une année supplémentaire.

Depuis le 1er janvier 2016, la GRL a été remplacée par le dispositif VISALE qui est entièrement géré et financé par Action Logement .

Peuvent bénéficier de cette garantie :

- les salariés du secteur privé de plus de 30 ans entrant dans le logement et dans un emploi (hors CDI confirmé) ;

- les ménages accompagnés dans le cadre de dispositifs d'intermédiation locative ;

- et depuis le 30 septembre 2016, les personnes de 30 ans au plus, à l'exclusion des étudiants non boursiers rattachés au foyer fiscal de leurs parents entrant dans un logement du parc privé locatif.

S'ajoute une condition liée au taux d'effort : le bénéficiaire est éligible dans la limite d'un taux d'effort de 50 % au maximum ; pour les salariés de moins de 30 ans, ce taux est compris entre 30 % et 50 % ; enfin pour les étudiants de moins de 30 ans, la garantie est accordée dans la limite de 425 euros, au-delà le taux d'effort est de 50 % maximum.

Le dispositif permet de garantir pendant les trois premières années du bail les impayés de loyers et charges locatives nettes d'aides au logement.

Depuis le début de l'année 2016, plus de 15 000 demandes ont été enregistrées et le dispositif pourrait atteindre 250 000 contrats fin 2017. Selon les informations transmises par Action logement, les premiers résultats montrent que le dispositif est tourné essentiellement vers les jeunes salariés (76 % des contrats) et notamment des jeunes en contrat précaire (42 % des salariés).

Le dispositif Visale se distingue du dispositif de caution locative étudiante (CLE) comme le montre le tableau ci-dessous même si sur le principe les étudiants peuvent être éligibles aux deux produits.

COMPARATIF DISPOSITIF CLE ET DISPOSITIF VISALE POUR PUBLIC ÉTUDIANTS

Critères d'éligibilité

CLE

Visale

Logement

Pour tous les logements :

• De tous bailleurs (CROUS, HLM, agences locatives, propriétaires particuliers)

• De tous types (chambre, studio, T1, T2, T3...)

• Quel que soit le mode d'occupation (seul, en couple, en colocation)

Logements appartenant à des bailleurs personnes physiques seules ou en indivision :

• Logements non conventionnés

• Logements conventionnés Anah ou PLS

Logements appartenant à des bailleurs personnes morales autres que HLM ou SEM :

• Logements ou résidences universitaires, non conventionnés

• Logement conventionnés PLS

Public

Le dispositif peut bénéficier à tous les étudiants :

• Disposant de revenus mais sans caution familiale, amicale ou bancaire

• Cherchant à se loger en France, pour y faire leurs études

• Âgés de moins de 28 ans au 1er septembre de l'année de signature du bail

• Âgés de plus de 28 ans au 1er septembre de l'année de signature du bail si doctorants ou post-doctorants de nationalité étrangère

Est éligible à Visale, outre les salariés de plus de 30 ans, tout jeune de 30 ans au plus, dont les étudiants à l'exception des étudiants non boursiers rattachés au foyer fiscal de leurs parents

Plafond de loyer

Personne seule :

Province : 500€

Ile-de-France : 600 €

Paris : 700 €

Pour les couples : plafond augmenté de 60%

Province : 1 300€ CC (Charges comprises)

Paris Intramuros : 1 500 € CC

Solvabilité

Analyse sur dossier

Taux d'effort (L+C/Ressources) : maximum 50%

Sans condition de ressources si Loyer brut maximum <= 425 € CC

Coût Bailleur

Gratuit

Gratuit

Coût Locataire

Cotisation = 1,5% du Loyer charges comprises

Gratuit

Garantie

Caution solidaire pendant la durée du bail (9 mois si résidence étudiante)

Caution simple pendant les 3 premières années du bail (9 mois si bail meublé étudiant)

Financement et gestion

Fond de garantie détenu et géré par le CNOUS

Alimenté par le CNOUS, la Région, la CDC et les étudiants.

Gestion (indemnisation et recouvrement) assurée par SOLIHA

Financement et gestion par Action Logement exclusivement

Pilotage APAGL

Procédure

Demande CLE par l'étudiant sur site Locaviz, réponse conditionnelle, convention de garantie signée entre CLE, bailleur et étudiant avec le bail

Dématérialisation totale, visa pour locataire et contrat de cautionnement obtenus sur le site visale.fr

Source : APAGL.

III. CONSTRUCTION LOCATIVE ET AMÉLIORATION DU PARC : ANNÉE DE TRANSITION POUR LES AIDES À LA PIERRE ET DES MESURES RELATIVES AUX PARC LOCATIF SOCIAL CRITIQUABLES (PROGRAMME 135)

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » regroupe les crédits consacrés au logement et à la construction et ceux relatifs à l'urbanisme et à l'aménagement.

Les crédits du programme baissent fortement de 36,7 % en AE et de 13,5 % en CP. Les crédits au sein des différentes actions évoluent cependant différemment comme le montre le tableau suivant.

ÉVOLUTION EN 2017 DES CRÉDITS DU PROGRAMME 135

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Construction locative et amélioration du parc

505 000 000

204 800 000

-59,4%

255 000 000

204 800 000

-19,7%

Soutien à l'accession à la propriété

3 705 000

3 700 000

-0,1%

3 705 000

3 700 000

-0,1%

Lutte contre l'habitat indigne

4 700 000

4 700 000

0,0%

4 700 000

4 700 000

0,0%

Réglementation, politique technique et qualité de la construction

53 698 665

53 375 000

-0,6%

53 698 665

53 375 000

-0,6%

Soutien

14 135 178

14 665 771

3,8%

14 135 178

14 665 771

3,8%

Urbanisme et aménagement

64 921 630

127 500 000

96,4%

104 921 630

95 900 000

-8,6%

Grand Paris

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

646 160 473

408 740 771

-36,7%

436 160 473

377 140 771

-13,5%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017.

Votre rapporteur a souhaité s'intéresser plus particulièrement dans cette partie aux aides à la pierre et à la construction de logements sociaux. Elle examinera la question de la lutte contre l'habitat indigne dans la section suivante (Cf. infra IV).

A. LES AIDES À LA PIERRE : 2016 ANNÉE DE TRANSITION

1. La création du FNAP

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2016, le gouvernement a souhaité réformer le financement des aides à la pierre. Il a, à cette fin, créé le Fonds national des aides à la pierre (FNAP).

En application de l'article L. 435-1 du code de la construction et de l'habitation, le FNAP, établissement public à caractère administratif, est chargé :

- à titre principal, de contribuer au financement des opérations de développement, d'amélioration et de démolition du parc de logements locatifs sociaux ;

- à titre accessoire, de financer d'autres opérations conduites par des personnes morales pouvant bénéficier de prêts et de subventions pour la construction, l'acquisition et l'amélioration des logements locatifs aidés, des actions d'ingénierie ayant pour objectif de promouvoir l'accès au logement des personnes et familles défavorisées, le développement et la gestion du système national d'enregistrement et les procédures applicables au dépôt et au renouvellement des demandes d'attribution de logements sociaux ou de financer des actions d'accompagnement visant à moderniser le secteur du logement social.

Le conseil d'administration du FNAP est composé :

- de cinq représentants de l'État (deux représentants du ministre chargé du logement ; un représentant du ministre chargé de l'économie, un représentant du ministre chargé du budget, un représentant du ministre chargé des collectivités territoriales) ;

- de cinq représentants des bailleurs sociaux ;

- d'un député et d'un sénateur ;

- de trois représentants des collectivités territoriales.

L'ensemble des membres du FNAP a été désigné le 27 juillet 2016 et M. Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole, représentant de France urbaine au sein du conseil d'administration, a été élu président du FNAP.

2. Les moyens du FNAP

Le FNAP n'ayant été créé qu'en milieu d'année, les crédits dédiés aux aides à la pierre ont été en début d'année gérés par l'État qui a engagé 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et 114 millions d'euros en crédits de paiement.

Pour 2016, le FNAP a bénéficié de 401,5 millions d'euros de recettes ainsi décomposés :

- une fraction des cotisations et cotisations additionnelles versées par les organismes HLM pour un montant de 270 millions d'euros ;

- le solde du fonds dit de péréquation pour un montant de 0,5 millions d'euros ;

- la majoration du prélèvement sur les communes carencées en logements sociaux en application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, soit 31 millions d'euros. Cependant cette recette est fléchée pour la réalisation de logements très sociaux et la mise en oeuvre de dispositifs d'intermédiation locative ;

- une contribution de l'État d'un montant de 100 millions d'euros.

Les dépenses pour 2016, d'un montant de 385 millions, sont réparties en deux catégories :

- des dépenses pour le financement des aides à la pierre, à hauteur de 370,5 millions d'euros ;

- des dépenses pour la réalisation de logements locatifs sociaux à destination des ménages mentionnés au II de l'article L. 301-1 du code de la construction et de l'habitation et de la mise en oeuvre de dispositifs d'intermédiation locative dans les communes carencées en application de la loi SRU ; à hauteur de 14,5 millions d'euros dont 3,5 millions d'euros pour l'intermédiation locative.

La diminution de 59,4 % en AE et de 19,7 % en CP de l'action 1 « construction locative et amélioration du parc » traduit sur le plan financier la réforme des aides à la pierre opérée l'an dernier . Les autorisations d'engagement sont désormais intégralement rattachées au programme 135 par voie de fonds de concours , seul le montant de la contribution de l'État au FNAP étant fixé par la loi de finances .

L'État devrait contribuer aux ressources du FNAP à hauteur de 200 millions d'euros en CP en 2017, soit une baisse de 50 millions. Votre rapporteur craint que cette baisse ne signe le début du désengagement de l'État en matière d'aides à la pierre.

Les bailleurs sociaux contribueront à hauteur de 270 millions d'euros. L'Union sociale pour l'habitat souhaiterait que la participation de l'État soit augmentée, ou que celle des organismes sociaux soit diminuée, afin que soit instaurée une véritable parité entre l'État et les bailleurs.

B. DES MESURES RELATIVES AU PARC LOCATIF SOCIAL CRITIQUABLES

1. Des objectifs de construction de logements sociaux inconnus

Jusqu'à l'an dernier, le gouvernement précisait chaque année lors du projet de loi de finances les objectifs de construction de logements sociaux à atteindre. Votre rapporteur avait regretté l'an dernier que le gouvernement maintienne des objectifs irréalistes en progression alors même que les objectifs des années précédentes n'étaient pas atteints.

Désormais, ces objectifs seront fixés par le FNAP, le Gouvernement précisant seulement dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017 que « dans le cadre des discussions au sein du FNAP, l'État veillera à ce que ces objectifs s'accompagnent d'un fléchage social fort ainsi que d'un fléchage territorial permettant de mieux adapter l'offre à la demande ».

En effet, c'est lors de la réunion du conseil d'administration le 1 er décembre prochain que seront définis le montant annuel des financements apportés par le FNAP, le montant des autorisations d'engagement, la programmation de la répartition territoriale et les objectifs associés. Votre rapporteur regrette de ne pouvoir prendre connaissance de ces objectifs à l'occasion de l'examen du présent budget . Elle espère que le FNAP déterminera des objectifs plus en prise avec la réalité. Elle prend cependant acte de l'engagement de la ministre du logement devant les députés de faire correspondre à l'avenir le calendrier de programmation du FNAP avec le calendrier budgétaire.

2. Un renforcement de l'obligation de construction de logements sociaux qui n'est pas réaliste

Votre rapporteur avait appelé de ses voeux l'an dernier une réforme de la loi SRU. Elle avait en effet constaté les difficultés des communes, mêmes volontaires, à tenir leurs objectifs de construction de logements sociaux.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, votre rapporteur avait alors proposé plusieurs réformes :

- une révision de la liste des logements décomptés afin de prendre en compte les aires permanentes d'accueil des gens du voyage, les places des résidences universitaires des CROUS, et plusieurs dispositifs en faveur de l'accession sociale à la propriété estimant que ces derniers participaient à la libération de logements sociaux et au parcours résidentiel ;

- la mise en place d'un dispositif de contractualisation entre le maire et le préfet déterminant le taux de construction de logements sociaux et l'échéance pour l'atteindre. Cette adaptation du dispositif de la loi SRU a vocation à permettre une meilleure adaptation aux réalités du terrain sans pour autant dédouaner les communes de leurs obligations de construction de logements sociaux ;

- la suppression du renforcement des sanctions en cas de non-respect des objectifs de construction estimant que ce renforcement des dispositifs n'était pas le bienvenu dans un contexte de baisse des dotations (ex suppression de la DSU pour les communes carencées).

Votre rapporteur regrette que les députés n'aient pas tenu compte de ces propositions et aient choisi de rétablir des mesures de renforcement des sanctions en cas de non-respect des objectifs de construction de logements sociaux.

3. Les conséquences des dispositions relatives aux exonérations de TFPB sur la construction de logements sociaux

Les bailleurs sociaux bénéficient de différents dispositifs fiscaux, parmi lesquels figurent des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Ainsi, les articles 1384 et 1384 A à D du code général des impôts prévoient diverses exonérations de TFPB d'une durée de 15 à 30 ans. L'article 1388 bis du même code prévoit en outre un abattement supplémentaire de 30 % sur la valeur locative des logements ayant bénéficié d'une exonération de longue durée situés dans les zones urbaines sensibles jusqu'en 2014 en cas de convention globale de patrimoine ou d'utilité sociale. L'article 62 de la loi de finances pour 2015 a étendu ce dispositif aux quartiers prioritaires de la ville à condition que le bénéficiaire soit signataire du contrat de ville.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, les députés ont adopté à l'article 28 quater A des dispositions renforçant les conditions d'octroi du bénéfice de l'abattement forfaitaire. Ils ont inscrit dans la loi l'obligation de conclure une convention précisant les moyens supplémentaires mis en oeuvre au bénéfice des habitants des quartiers prioritaires en contrepartie de l'abattement de TFPB. Votre rapporteur s'était montrée favorable à l'adoption de cette disposition, dans la mesure où les signatures des conventions étaient bien engagées et où le Commissariat général à l'égalité des territoires lui avait indiqué que le risque qu'une partie des communes « soient tentées de refuser de signer [ces conventions] et de bloquer ainsi la mise en place de l'abattement » était limité.

Cependant, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi de finances, les députés ont souhaité aller plus loin. À l'article 50 sexies , ils ont autorisé les communes ayant plus de 25% de logements sociaux à pouvoir s'opposer aux exonérations de TFPB accordées aux bailleurs sociaux. À l'article 50 septies , ils ont prévu que dans les communes de plus de 50 % de logements sociaux, les constructions neuves de logements sociaux dans le cadre d'un plan de rénovation urbaine ne pourront bénéficier des exonérations de TFPB lorsqu'elles remplacent des immeubles ayant déjà bénéficié de ces exonérations.

Votre rapporteur regrette que ces dispositions aient été adoptées sans aucune étude d'impact préalable .

Selon, l'Union sociale pour l'habitat, les dispositions de l'article 50 sexies font « peser une menace directe sur la construction de 50 000 logements sociaux ou en accession à la propriété par an, et donc sur 80 000 emplois dans le secteur du bâtiment. La suppression de l'abattement de TFPB dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) représente quant à elle plus de 200 millions d'euros par an, et mettra un terme aux actions des organismes Hlm en faveur des quartiers en difficulté (médiation et sécurisation des immeubles pour assurer la tranquillité résidentielle, renforcement de la présence humaine auprès des locataires, chantiers d'insertion par l'économique au bénéfice des jeunes, traitement en temps réel du vandalisme et des dysfonctionnements des équipements, accompagnement social des locataires en difficulté, sensibilisation des locataires à la maîtrise des charges et aux enjeux environnementaux). »

Les bailleurs sociaux déplorent que les locataires de logements sociaux soient ainsi victimes de la « relation financière conflictuelle entre l'État qui ne respecte pas ses engagements [en matière de compensation] et des collectivités locales qui subissent une charge financière qu'elles jugent aujourd'hui insupportable ». Ils appellent en conséquence les députés à mesurer pleinement les effets des dispositions adoptées dans le PLF et l'État à revenir sur ces positions.

Lors de son audition le 22 novembre 2016 devant les membres de la commission des affaires économiques, Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable a indiqué que le gouvernement n'était pas à l'origine de ces dispositions et a convenu que ces dernières auraient, si elles étaient maintenues, des conséquences sur le dynamisme de la construction de logements sociaux.

4. Une contribution de la CGLLS au budget de l'État qui pose des difficultés

La Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) est un établissement public administratif principalement chargé de :

- contribuer à la mise en oeuvre de la politique du logement en matière de développement de l'offre de logement locatif social et de rénovation urbaine ;

- contribuer à la prévention des difficultés financières et au redressement des bailleurs sociaux ;

- garantir les prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignations aux bailleurs sociaux, lorsque les collectivités locales ne souhaitent ou ne peuvent le faire.

Elle gère le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).

La Caisse bénéficie de deux ressources :

- une cotisation principale versée par les bailleurs sociaux, soit 102,9 millions d'euros en 2015 ;

- une cotisation additionnelle versée par les bailleurs sociaux composée d'une part égale au produit d'une somme forfaitaire par le nombre de logements à usage locatif et d'unités de logements-foyers ouvrant droit à redevance sur lesquels l'organisme est titulaire d'un droit réel et d'une part variable ayant pour assiette l'autofinancement net de l'organisme, soit 130,9 millions d'euros en 2015.

Depuis plusieurs années, le gouvernement opère un prélèvement sur la trésorerie de la CGLLS :

- 77,9 millions d'euros, en application de l'article 80 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 ;

- 15 millions d'euros, en application de l'article 13 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ;

- 100 millions d'euros, en application de l'article 41 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

Votre rapporteur constate que l'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de nouveau un prélèvement à hauteur de 50  millions avant le 31 janvier 2017.

Ces prélèvements sont la conséquence des conclusions d'un référé de la Cour des comptes rendu en juin 2013 qui avait critiqué l'accumulation de sommes « hors de proportion avec la sinistralité de cette activité », la Cour soulignant que la Caisse n'avait été appelée que trois fois en garantie en dix ans.

Votre rapporteur note que si les premiers prélèvements étaient reversés au fonds de péréquation chargé de contribuer au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux et à la rénovation urbaine, ce n'est plus le cas depuis deux ans, ce qu'elle regrette. En effet, elle estime qu'il serait plus légitime de reverser ce prélèvement au FNAP plutôt qu'au budget général de l'État.

Les représentants de l'Union sociale pour l'habitat ainsi que la CGLLS ont attiré l'attention de votre rapporteur sur les conséquences de ces prélèvements à répétition. Mme Catherine Aubey-Berthelot, directrice générale de la CGLLS a en effet indiqué que la Caisse est soumise à la règlementation bancaire et doit respecter des ratios prudentiels :

- le ratio de solvabilité impose à la Caisse de disposer d'au moins 8 % de fonds propres pour couvrir ses engagements. Ce ratio sera porté progressivement à 10,5 % en 2019. Il est aujourd'hui de plus de 20 % mais pourrait être compromis avec la montée des engagements sur les prêts de haut de bilan ;

- le ratio des grands risques impose de déclarer à l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution les engagements dépassant 10% de fonds propres et de ne pas s'engager à plus de 25 % sur un même organisme. Toutefois, la CGLLS a obtenu une dérogation relative à cette seconde exigence jusqu'en 2029. Cependant, ce seuil de 25 % sera dépassé dès 2017 sous l'effet de la réforme d'Action Logement.

Votre rapporteur estime qu'un nouveau prélèvement en 2018 poserait de réelles difficultés à la CGLLS pour assurer ses missions en raison de la mise en place des « prêts de haut bilan » par la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de trois milliards d'euros et de l'incertitude quant aux garanties qu'accepteront d'apporter les collectivités territoriales à ces prêts.

Les prêts de « haut de bilan »

Le prêt dit de « haut de bilan » a été lancé le 31 mai 2016.

Il s'agit de prêts sur fonds d'épargne à taux zéro, pouvant aller jusqu'à 40 ans, sans remboursement ni d'intérêt, ni de capital, avec un différé d'amortissement pendant 20 ans. Le taux zéro est obtenu par une bonification, financée à part égale par la Caisse des dépôts et consignations et Action Logement. Ces prêts pourront être prolongés à leur terme par des prêts amortissables sur fonds d'épargne, au taux du livret A + 60 pdb. Ces prêts s'apparentent à des quasi fonds propres. Une enveloppe de 2 milliards d'euros leur est consacrée. Pour être éligibles, les bailleurs sociaux doivent justifier de l'accélération des investissements en construction ou en réhabilitation.

Ce prêt a connu un grand succès, 440 organismes ayant déposé des demandes pour un montant total de 6,5 milliards d'euros .

Au regard des demandes, le comité de suivi a décidé d'attribuer prioritairement ces prêts pour promouvoir l'investissement dans la rénovation thermique des bâtiments. Le Premier Ministre a annoncé au Congrès de l'USH le 27 septembre 2016, une enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros, portant l'effort global à 3 milliards d'euros.

C. L'AUGMENTATION DES AIDES AUX MAIRES BÂTISSEURS

Les crédits de l'action 7 « urbanisme et aménagement » augmentent fortement en autorisation de paiement (+96,4 %) mais diminuent de 8,6 % en crédits de paiement. Ces évolutions résultent des efforts poursuivis par le gouvernement afin d'aider les maires bâtisseurs.

Le dispositif d'aides aux maires bâtisseurs est précisé par le décret n° 2015-734 du 24 juin 2015 portant création d'un dispositif d'aide aux communes participant à l'effort de construction de logements.

Peuvent bénéficier d'une aide forfaitaire de 2 000 euros par logement construit au-delà de 1 % du parc existant les communes réunissant plusieurs conditions : être situées en zones tendues, ne pas avoir fait l'objet d'un arrêté de carence en application de la loi SRU et respecter certaines conditions financières. L'aide est cependant modulée en fonction de l'enveloppe budgétaire annuelle allouée en loi de finances.

Afin de mettre en oeuvre le dispositif le plus tôt possible, le gouvernement a adopté des mesures transitoires pour les années 2015 et 2016. Ainsi, pour 2015, le montant de l'aide a été calculé sur la base des logements autorisés lors du premier semestre 2015. Une aide de 2 100 euros par logement a été versée à 472 communes, soit un montant global de 35,1 millions d'euros.

Pour 2016, le montant de l'aide a été calculé sur la base des logements autorisés lors du second semestre 2015. Une aide de 1 320 euros par logement a été versée à 532 communes, l'enveloppe globale atteignant 46,6 millions d'euros. En raison de l'augmentation du nombre de logements autorisés et du nombre de communes bénéficiaires, l'aide versée est moindre que celle annoncée par le Premier Ministre.

Pour 2017, le dispositif entrera pleinement en application et l'aide sera versée sur la base des permis de construire délivrés au cours de l'année 2016. Ainsi, 80 millions d'autorisations de paiement et 48,4 millions de crédits de paiement seront affectés à ce dispositif.

IV. LA LUTTE CONTRE L'HABITAT INDIGNE ET ÉNERGIVORE : DES MOYENS FINANCIERS INCERTAINS ET DES MESURES LÉGISLATIVES ET ADMINISTRATIVES QUI TARDENT À ÊTRE MISES EN oeUVRE (PROGRAMME 135)

A. L'ANAH : DES RESSOURCES TOUJOURS INCERTAINES ALORS QUE L'AGENCE EST DE PLUS EN PLUS SOLLICITÉE

1. Les ressources incertaines de l'Anah pour 2017

Le niveau des ressources de l'Anah est une question récurrente lors de l'examen du projet de loi de finances. Le projet de loi de finances pour 2017 n'échappe pas à la règle.

En 2016, l'Anah a bénéficié d'un budget composé des ressources suivantes :

- les ressources issues du produit des quotas carbone à hauteur de 343 millions ;

- une contribution des énergéticiens de 59 millions ;

- une contribution d'Action Logement de 50 millions d'euros ;

- une contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) de 20 millions d'euros ;

- une fraction du produit de la taxe sur les logements vacants à hauteur de 21 millions d'euros.

La ressource principale de l'Anah est constituée depuis 2013 des produits issus de la mise aux enchères des quotas carbone, dans la limite de 550 millions d'euros par an. Or, cette recette s'avère très fluctuante d'une année sur l'autre.

La politique adoptée par les institutions européennes approuvant un gel des quotas carbone puis diminuant temporairement l'offre de quotas disponibles sur le marché avait permis de faire remonter le cours des quotas carbone de 4,39 euros/tonne en 2013 à 5,91 euros/tonne en 2014 et même 7,60 euros/tonne en 2015. Au regard de ces éléments, l'agence avait retenu pour 2016 l'hypothèse d'un prix moyen à 7,7 euros/tonne et avait inscrit dans son budget une recette de 343,3 millions d'euros.

Or, le contexte s'est avéré défavorable en 2016 (cours de pétrole bas, hiver doux, Brexit...) et a entraîné une baisse importante du cours du quota carbone à 5,2 euros/tonne. La diminution des recettes espérées a été compensée en cours d'année par une contribution renforcée d'Action Logement à hauteur de 100 millions, avec la possibilité d'une avance de 50 millions sur les 100 millions de la contribution due au titre de l'année 2017, possibilité mise en oeuvre en octobre.

Pour 2017, l'Anah envisage un montant global des ressources issues des quotas carbone compris entre 240 et 340 millions selon que l'hypothèse retenue est basse (4,5 euros/tonne) ou haute (6,40 euros/tonne).

En outre, l'Anah a signé une nouvelle convention avec trois fournisseurs d'énergie (EDF, Engie, Total) en juillet 2016 afin de tenir compte de la création d'une nouvelle catégorie de certificat d'économie d'énergie par la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L'Anah pourra également céder une partie des certificats produits dans le cadre du programme « Habiter mieux » à d'autres fournisseurs que ceux précités. L'agence espère percevoir 55 millions d'euros de recettes en 2016 et 65 millions d'euros en 2017.

Enfin, le gouvernement s'est engagé en faveur de l'adaptation de la société aux conséquences du vieillissement et a souhaité que 80 000 logements soient adaptés au cours du quinquennat aux contraintes liés à l'âge ou au handicap. L'Anah est un acteur de cette politique d'adaptation des logements ; depuis 2012, ce sont plus de 54 602 logements qui ont bénéficié des financements de l'Anah. Mme Blanche Guillemot, directrice générale de l'Anah a indiqué à votre rapporteur rencontrer une demande croissante dans les territoires. L'agence a d'ailleurs signé avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) une convention financière, la caisse devant contribuer au financement de l'Anah à hauteur de 20 millions d'euros. Votre rapporteur regrette qu'il ait fallu attendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 pour que soit acté le versement à l'Anah de 20 millions d'euros au titre de l'année 2016. Mme Blanche Guillemot a fait part à votre rapporteur de ses incertitudes pour le versement de 20 millions supplémentaires de la part de la CNSA en 2017.

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, a indiqué lors de son audition devant les députés qu'un complément de financement de 50 millions d'euros serait apporté à l'Anah sur le Fonds de transition énergétique pour la croissance verte.

Votre rapporteur constate que les incertitudes quant aux ressources de l'agence sont telles que le gouvernement n'a pas été en mesure de lui transmettre un projet de budget prévisionnel des ressources de l'agence pour 2017. Le tableau reproduit ci-dessous mentionne donc les différentes hypothèses envisagées.

2014

2015

Budget initial 2016

Projection de réalisation

2016

Projection

Exercice 2017

Produit de la taxe sur les logements vacants

21 000 000 €

61 000 000 €

19 110 000 €

21 000 000 €

21 000 000 €

Contribution des fournisseurs d'énergie

47 852 250 €

41 715 570 €

59 400 000 €

55 700 000 €

65 000 000 €

Produits issus
de la mise aux enchères des quotas carbone

215 345 125 €

312 116 110 €

343 340 000 €

247 000 000 €

Entre

240 000 000 et 340 000 000 €

Contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

20 000 000 €

20 000 000 €

20 000 000 €

20 000 000 € ?

Contribution Action logement

50 000 000 €

50 000 000 €

150 000 000 €

50 000 000 €

Contribution Fonds de financement de la transition énergétique

20 000 000 €

50 000 000 € ?

Autre financement

166 560 €

Autres produits

6 489 606 €

8 646 007 €

3 752 990 €

3 900 000 €

Total

290 686 981 €

513 477 687 €

495 769 550 €

497 600 000 €

Entre

396 000 000 €

et

496 000 000 €

Source : réponse au questionnaire budgétaire pour les données 2014, 2015 et 2016 et réponse de l'Anah lors de son audition pour les prévisions pour 2017.

Votre rapporteur regrette vivement que le gouvernement persiste à ne pas donner à l'Anah des ressources stables et pérennes alors même que ses missions sont reconnues par tous, que de nouvelles missions lui sont confiées -l'Anah devant désormais gérer le registre des copropriétés- et que le programme « Habiter mieux » est un programme parmi les plus efficaces sur le plan de la rénovation énergétique.

2. Le renforcement du programme « Habiter mieux »

L'engouement pour le programme « Habiter mieux » ne se dément pas. En 2015, ce sont ainsi 49 706 logements qui ont bénéficié de ce programme pour un montant de 517 millions d'euros (392,4 millions de l'Anah et 124,5 millions d'euros du FART).

L'enveloppe consacrée par le Fonds d'aide à la rénovation thermique (FART), qui permet d'attribuer une aide complémentaire, a représenté 100 millions d'euros en 2016, 50 millions étant issus du programme d'investissements d'avenir (PIA) et 50 millions étant versés par le Fonds de financement de la transition énergétique. Cette enveloppe étant en diminution de 28 %, l'Anah a été contrainte de revoir les modalités d'attribution de cette aide complémentaire. Mme Blanche Guillemot a indiqué à votre rapporteur que les fonds du FART permettraient de couvrir les besoins pour 2016 et une partie de ceux de 2017. L'agence a fait des propositions afin de bénéficier de fonds dans le cadre du troisième programme d'investissement pour l'avenir (PIA 3)

L'Anah a adopté en mars dernier un objectif de 70 000 logements concernés pour le programme « Habiter mieux » et revu son budget en conséquence. Pour 2017, l'objectif sera porté à 100 000 logements dont 30 000 logements en copropriété fragile.

Bénéficiaires

Propriétaires occupants

Propriétaires bailleurs

Syndicat de copropriétaires

TOTAL

2010

22

-

-

22

2011

6 669

-

-

6 669

2012

12 738

-

-

12 738

2013

27 530

2 150

1 555

31 235

2014

44 055

3 579

2 197

49 831

2015

43 710

3 791

2 205

49 706

TOTAL

134 724

9 520

5957

150 201

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Le 5 octobre dernier, l'Anah a décidé d'étendre le programme « Habiter mieux » aux copropriétés fragiles à compter du 1 er janvier 2017. Il s'agit ainsi de favoriser l'extension du programme en zone urbaine afin de faciliter la rénovation énergétique des logements collectifs, de lutter contre la précarité énergétique dans l'habitat collectif source de déqualification du logement et d'améliorer la performance énergétique du parc collectif dans les quartiers anciens ou les quartiers périphériques des centres villes.

Cette nouvelle aide permettra de financer une assistance à maîtrise d'ouvrage et de financer des travaux de rénovation énergétique permettant un gain énergétique de 35 %. Pour être éligible, le bâtiment devra avoir une classification énergétique comprise entre D et G et le taux d'impayés des charges de copropriété devra être compris entre 8 et 15% du budget voté pour les copropriétés de plus de 200 lots et 25 % pour les autres copropriétés. L'Anah a également prévu d'autres critères de priorisation en tant que de besoin.

Si votre rapporteur ne peut que se féliciter du déploiement du programme « Habiter mieux », elle s'interroge en revanche sur la capacité financière de l'Anah à assumer un tel objectif.

Cette nouvelle aide en direction des copropriétés fragiles viendra en complément d'une autre aide mise en place par l'Anah à compter de janvier 2017 qui concerne l'ingénierie du portage ciblé dans les copropriétés en difficulté. L'Anah a constaté que peu d'opérateurs s'engageaient dans des opérations de rachat de logements situés dans des copropriétés en difficulté afin de faciliter la réalisation des travaux nécessaires, de redresser les comptes de la copropriété. En effet, l'opération comporte des risques et les aides actuelles ne permettent pas de couvrir l'ensemble des dépenses du portage. L'aide d'un montant maximum de 21 000 euros par logement sur six ans devrait inciter les opérateurs à s'engager dans ce type d'opération.

B. LA MISE EN oeUVRE DE MESURES POUR LUTTER CONTRE L'HABITAT INDIGNE

1. L'Anah, interlocuteur unique en matière de financement de la lutte contre l'habitat indigne

Malgré les efforts déployés par l'État et les collectivités territoriales pour lutter contre l'habitat indigne, 420 000 logements demeureraient indignes dont la moitié serait occupée par leur propriétaire.

L'Anah est l'interlocuteur unique pour les collectivités locales et les propriétaires en matière de financement de la lutte contre l'habitat indigne. L'Agence a mobilisé 40,15 millions d'euros en 2015 pour cette mission.

TRAITEMENT DE L'HABITAT INDIGNE PAR L'ANAH DE 2006 À 2015

Nombre de logements indignes propriétaires occupants traités (aides individuelles)

Nombre de logements indignes propriétaires bailleurs traités

(aides individuelles)

Nombre de logements indignes

(aides au syndicat de copropriétaires)

Nombre de logements

Travaux d'office ou substitution

Total

Montant des subventions Anah mobilisées

2006

930

4 923

NC*

10

5 863

56,3 M€

2007

1 077

6 104

NC*

96

7 277

78,2 M€

2008

1 073

9 296

NC*

138

10 507

119 M€

2009

1 290

5046

7 022

128

13 486

146 M€

2010

1 248

4 427

3 159

28

8 862

123 M€

2011

1379

2 481

4 284

46

8 190

80,07 M€

2012

1279

1 108

3 841

65

6293

42,29M€

2013

1 297

620

5 361

70

7 348

41,46 M€

2014

1 113

541

2 226

89

3 969

38,59 M€

2015

1 234

426

2 936

140

4 736

40,15 M€

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Outre, des aides incitatives pour les propriétaires de logements indignes, des financements sont accordés aux collectivités territoriales qui se substituent aux propriétaires défaillants pour réaliser les travaux ou qui portent des opérations de recyclage foncier (opérations de résorption de l'habitat insalubre irrémédiable ou dangereux sous interdiction définitive d'habiter «RHI» et traitements de l'habitat insalubre remédiable ou dangereux et des opérations de restauration immobilière «THIRORI»).

Ces aides de portage sont prises en charge par l'Anah depuis 2009. Ces moyens sont relativement stables comme le montre le tableau suivant :

CAPACITÉ D'ENGAGEMENT DE L'ANAH SUR LA RHI DEPUIS 2009

Année

Budget prévisionnel

Subventions engagées

2009

12 M€

0 €

2010

12 M€

9,9 M€

2011

15 M€

4,9M€

2012

12 M€

6,7 M€

2013

12 M€

12,0 M€

2014

10 M€

5,0 M€

2015

12 M€

11,2 M€

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Ces besoins de financement devraient augmenter à partir de 2016 avec la mise en oeuvre du programme expérimental de revitalisation des centres-bourgs et des quartiers anciens identifiés en politique de la ville. 12 millions ont été budgétés en 2016.

2. Des mesures législatives et administratives pour lutter contre l'habitat indigne qui tardent à être mises en oeuvre

L'action 3 du programme 135 prévoit les crédits nécessaires à la mise en oeuvre des pouvoirs de police du préfet contre le saturnisme et l'habitat insalubre. En 2016, 5,5 millions d'euros ont été consacrés aux actions nécessaires pour lutter contre l'habitat indigne (diagnostics, contrôles, travaux, relogement d'office). Les crédits budgétaires consacrés à cette action sont en diminution comme le montre le tableau suivant :

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

2006

6,6 M€

6,7 M€

2007

9,6 M€

8,2 M€

2008

8,2 M€

5,2 M€

2009

7 M€

5 M€

2010

5,8 M€

5,1 M€

2011

5,8 M€

5,1 M€

2012

5,65 M€

5,1 M€

2013

5,19 M€

4,76 M€

2014

5,77 M€

5,13 M€

2015

5,20 M€

5,52 M€

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Ils s'élèveront à 4,7 millions d'euros en 2017. Deux raisons expliquent cette baisse :

- d'une part, la baisse des cas de saturnisme ;

- d'autre part, la volonté de l'État de contraindre les propriétaires bailleurs de logements indignes à assumer leurs responsabilités. La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour un accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, a instauré la possibilité de prononcer une astreinte administrative à l'encontre des bailleurs pour les obliger à réaliser les travaux prescrits par les arrêtés de police non urgents. Son montant ne peut dépasser 1 000 euros par jour de retard.

Votre rapporteur note que cette disposition est entrée en vigueur en décembre 2015 mais qu'en raison de sa complexité des précisions ont dû être apportées aux services locaux. Le gouvernement a en conséquence publiée une instruction le 7 novembre dernier. Votre rapporteur regrette ces retards.

La loi Alur avait également permis l'émergence d'un acteur unique en matière de lutte contre l'habitat indigne en prévoyant le transfert au président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) des prérogatives du maire en la matière, sauf opposition de leur part. Elle avait également donné la possibilité au préfet de déléguer, après avis de l'agence régionale de santé, ses prérogatives en matière de police de l'insalubrité aux présidents d'EPCI délégataire des aides à la pierre qui ont déjà bénéficié du transfert des polices spéciales de lutte contre l'habitat indigne de la part des maires ou aux maires de communes disposant d'un service communal d'hygiène et de santé. Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et la citoyenneté, le Sénat a adopté plusieurs dispositions afin de procéder à des coordinations qui faciliteront la mise en oeuvre de ces dispositions et qui permettront au préfet de déléguer ses attributions en matière de danger sanitaire ponctuel urgent et en matière de lutte contre le saturnisme aux maires ou au président de l'EPCI.

En outre, les mesures d'application des dispositions de la loi Alur prévoyant la possibilité pour les collectivités de mettre en place un dispositif d'autorisation préalable à la mise en location d'un logement sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé et prévoyant l'autorisation préalable de division devraient être publiées d'ici la fin de l'année. Votre rapporteur ne peut que regretter que plus de deux ans après l'adoption de la loi Alur ces mesures n'aient toujours pas été mises en oeuvre.

Enfin, le gouvernement a annoncé le 26 octobre dernier la mise en oeuvre de nouvelles mesures pour lutter contre l'habitat indigne. La majorité d'entre elles visent à rendre effectives les dispositions de la loi Alur précitées, les mesures nouvelles consistant à mettre en place dans chaque département un sous-préfet référent en matière de lutte contre l'habitat indigne chargé d'accompagner les différents services de l'État et les acteurs locaux et à créer une société publique chargée à compter du 1 er janvier 2017 de contrôler la division pavillonnaire en Île-de-France.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Jeudi 27 octobre 2016 :

- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : MM. Laurent Girometti , directeur, et Nicolas Cherel , chef de bureau ;

- Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) : Mme Catherine Aubey-Berthelot , directrice générale, et M. Philippe Hourez , secrétaire général.

Jeudi 3 novembre 2016 :

- Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) : M. Olivier Petit , chef du bureau « urgence sociale et hébergement », Mmes Marie Nonorgue , cheffe du bureau « budgets et performance », et Martine Govart-Saliot , chargée de mission budgétaire ;

- Agence nationale de l'habitat (ANAH) : Mme Blanche Guillemot , directrice générale, et M. Christian Mourougane , directeur général adjoint.

- Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) : MM. Alain Chouguiat , directeur du pôle économique, Dominique Proux , directeur des relations institutionnelles et Sébastien Sauvageat , chargé de mission au pôle économique.

Mardi 8 novembre 2016 :

- Union sociale pour l'habitat (USH) MM. Frédéric Paul , délégué général, et Dominique Hoorens , directeur des études économiques et financières, et Mme Francine Albert , conseillère pour les relations avec le Parlement ;

- Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) : M. François Brégou , responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques ;

- Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) : M. Alexis Rouque , directeur général, Mmes Anne Peyricot , directrice de cabinet et des relations institutionnelles, et Bérengère Joly , directrice des affaires juridiques ;

- Fédération française du bâtiment (FFB) : MM. Jacques Chanut , président, Benoît Vanstavel , directeur des relations institutionnelles, et Loïc Chapeaux , chef du service des études économiques.

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