B. UNE UTILISATION TOUJOURS PERFECTIBLE DES CRÉDITS EUROPÉENS
1. Des résultats toujours décevants sur le huitième PCRD, intitulé « Horizon 2020 »
Les programmes cadres européen de R&D (PCRD) constituent le principal instrument européen de financement de la recherche et de l'innovation en Europe. Avec l'ANR et le PIA, ils sont des éléments d'infusion de la culture de la recherche sur projets en France.
Entré en vigueur le 23 décembre 2013, le huitième programme, baptisé Horizon 2020 et s'étalant sur la période 2014-2020, est doté d'un budget de 79 milliards d'euros . Il constituait, en théorie, une opportunité pour les chercheurs français , car son budget est nettement plus élevé que celui du précédent programme (qui était de 53,2 milliards d'euros).
Néanmoins, la performance française est toujours en baisse par rapport au précédent PCRD : les équipes françaises ont obtenu, à fin 2016, un total de 2,7 milliards d'euros, soit 10,6 % des financements disponibles , alors qu'elles avaient reçu, lors du précédent programme, 11,3 % des financements disponibles. Annuellement, si la France a obtenu 11,4 % des financements engagés en 2014, elle n'en a obtenu que 9,6 % en 2015 et 10,4 % en 2016. De fait, la performance de la France n'a cessé de se dégrader depuis 1998.
Ce niveau de participation ne reflète pas le potentiel français relatif dans la recherche européenne , qu'il soit mesuré en termes de part des dépenses intérieures de recherche et développement européennes (16,3 %), d'effectifs de chercheurs (14,8 %), ou de brevets déposés (16,1 %).
Si la France reste le troisième bénéficiaire, après l'Allemagne et le Royaume-Uni, elle est aujourd'hui talonnée par l'Espagne (9,1 %).
ÉVOLUTION ANNUELLE DES PARTS DE FINANCEMENT
OBTENUS DANS LE CADRE DES PCRD
PAR SIX PAYS EUROPÉENS
Source : MESRI
Pis, le taux de retour de la France est particulièrement faible : les financements reçus par les équipes françaises représentent 68 % de la contribution française au programme. Parmi les dix premiers pays bénéficiaires, la France est le pays qui dispose du plus faible taux de retour. Si l'Italie (72 %) et l'Allemagne (76 %) apparaissent également comme des contributeurs nets, le reste des dix premiers pays sont en position de bénéficiaires nets : le taux de retour de l'Espagne est, par exemple, de 116 %.
Il convient néanmoins de distinguer selon les thématiques de recherche et selon les établissements. S'agissant des thématiques, on observe toujours une difficulté plus marquée sur le pilier 3 consacré aux défis sociétaux 42 ( * ) avec, dans certains cas, des parts de financements obtenus très basses (5,2 % pour le défi « sociétés inclusives, innovantes et réflexives », 7,8 % pour « environnement et climat » ou encore 7,8 % pour « sociétés sûres »), alors que l'on constate, dans d'autres domaines, des résultats plus proches des attentes (celui des transports, par exemple, à 12,5 %).
S'agissant des établissements, il est à noter que trois d'entre eux se situent dans les vingt-cinq premiers établissements bénéficiaires des appels à projets du programme. Le CNRS est le premier bénéficiaire du programme, avec 459 millions d'euros. Le CEA constitue le troisième bénéficiaire, et l'INSERM le quatorzième. Le CNRS et le CEA représentent ensemble 27 % des financements obtenus par la France (contre 25 % dans le cadre du précédent PCRD).
Les 30 principaux bénéficiaires français des appels à projets H2020
Par ailleurs, la France se distingue par une participation industrielle meilleure que la moyenne européenne (31 % des financements obtenus), qui tient en grande partie aux secteurs de l'aéronautique et de la microélectronique.
Comme le remarquait un rapport conjoint d'inspections publié en février 2016 43 ( * ) , les gains potentiels d'une meilleure participation au programme H2020 pour le financement de la recherche s'échelonnent entre 100 et 600 millions d'euros par an . Il est donc indispensable de relever le taux de retour de la France dans les années à venir.
2. Les négociations du neuvième PCRD constituent une opportunité pour améliorer le dispositif français
Les explications de nos faiblesses étaient déjà connues à la suite du septième PCRD, et Valérie Létard, précédente rapporteure pour les crédits de la recherche, avait eu l'occasion de les souligner dès son avis sur la loi de finances initiale pour 2013. Ainsi, comme lors du précédent PCRD, on observe une insuffisance relative de la part des propositions à participations françaises soumises en réponse aux appels (elle est de 17,9 %, contre 20,7 % sous le précédent PCRD), signe d'une démobilisation des équipes .
Trois explications à cette faible mobilisation sont généralement invoquées : la faiblesse des incitations à candidater , l'insuffisante articulation entre les programmes nationaux et européens et les lacunes de l'accompagnement proposé aux porteurs de projets .
Suite au rapport d'inspections précité, une démarche visant à en exploiter les conclusions en vue de produire un plan d'action pour renforcer la participation française a été menée par le ministère sous la forme de groupes de travail, qui ont rassemblé une centaine d'acteurs de tous horizons. Ce plan d'action viendra compléter les travaux de préparation du neuvième PCRD actuellement en cours. Les premiers résultats de ces travaux ont été présentés à un comité de pilotage le 20 avril dernier sous la présidence du DGRI.
Votre rapporteur appelle donc, comme l'année précédente, à poursuivre sur cette voie en mettant en place une politique ouvertement volontariste en la matière, sur le modèle de l'Espagne, afin d'obtenir un meilleur taux de retour. Les négociations en cours du prochain programme cadre 44 ( * ) sont l'occasion pour la France de revoir notre dispositif.
* 42 Les 1 et 2 sont dédiés respectivement à l'excellence scientifique et à la primauté industrielle.
* 43 Inspection générale des finances, Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et Conseil général de l'économie, « La participation française programme-cadre européen pour la recherche et l'innovation, février 2016.
* 44 La proposition formelle de la Commission européenne est attendue à l'été 2018, mais les premières étapes de sa préfiguration sont en cours. La France prévoit de faire connaître sa position à l'automne 2017.